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04/07/2024 | FRANCE | N°24/03514

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 9, 04 juillet 2024, 24/03514


Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 9



ARRET DU 04 JUILLET 2024



(n° /2024, 7 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 24/03514 - N° Portalis 35L7-V-B7I-CI6P2



Décision déférée à la Cour : Jugement du 05 Février 2024 -Tribunal de Commerce de MEAUX - RG n° 2023008495





APPELANTE



S.A.R.L. RESTAURANT V-V

prise en la personne de se

s représentants légaux domiciliés audit siège en cette qualité,

Immatriculée au registre du commerce et des sociétés de MEAUX sous le numéro 822 713 848

Dont le siège social est s...

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 9

ARRET DU 04 JUILLET 2024

(n° /2024, 7 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 24/03514 - N° Portalis 35L7-V-B7I-CI6P2

Décision déférée à la Cour : Jugement du 05 Février 2024 -Tribunal de Commerce de MEAUX - RG n° 2023008495

APPELANTE

S.A.R.L. RESTAURANT V-V

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège en cette qualité,

Immatriculée au registre du commerce et des sociétés de MEAUX sous le numéro 822 713 848

Dont le siège social est situé [Adresse 1]

[Localité 6]

Représentée et assistée par Me Jean-Charles NEGREVERGNE de la SELAS NEGREVERGNE-FONTAINE-DESENLIS, avocat au barreau de MEAUX

INTIMES

S.E.L.A.R.L. GARNIER-[O]

ès qualités

Immatriculée au registre du commerce et des sociétés d'EVRY sous le numéro 478 547 243,

Dont le siège social est situé [Adresse 3]

[Localité 5]

Représentée par Me Carole BOUMAIZA de la SCP GOMME et BOUMAIZA, avocat au barreau de PARIS, toque : J094

LE PROCUREUR GENERAL - SERVICE FINANCIER ET COMMERCIAL

[Adresse 2]

[Localité 4]

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 905 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 26 Juin 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Alexandra PELIER-TRETEAU, conseillère, et Mme Isabelle ROHART, magistrate honoraire exerçant les fonctions juridictionnelles.

Ces magistrates ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Sophie MOLLAT, présidente de chambre

Mme Alexandra PELIER-TETREAU, conseillère

Mme Isabelle ROHART, magistrate honoraire exerçant les fonctions juridictionnelles.

Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions prévues à l'article 804 du Code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Mme Liselotte FENOUIL

ARRÊT :

- Contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Alexandra PELIER-TETREAU, conseillère pour la présidente empêchée, et par Damien GOVINDARETTY, greffier, présent lors de la mise à disposition.

La SARL Restaurant V-V, située au [Adresse 1] à [Localité 6], a été créée le 21 septembre 2016 et exploitait un fonds de commerce de restauration traditionnelle, plats à emporter, restauration rapide et étrangère, livraison de plats à domicile, rôtisserie grillade.

Par acte authentique en date du 28 avril 2021 passé par devant Me [F] [T], notaire à [Localité 6], la société Restaurant V-V a cédé son fonds de commerce à la société Marcelle, moyennant la somme de 200 000 euros.

Sur saisine du procureur de la République qui sollicitait l'ouverture d'une procédure collective à l'égard de la société Restaurant V-V, par jugement du 16 octobre 2023, le tribunal a ordonné une enquête, pour recueillir tous renseignements sur la situation financière, économique et sociale de l'entreprise, et a renvoyé l'affaire aux 13 novembre 2023 et 05 février 2024.

Par ordonnance en date du 16 octobre 2023 de M. [B] [U], la SELARL Garnier Philippe et [O] [K], mission conduite par Me [O], a été désignée en qualité d'expert.

Dans le cadre de l'enquête, il est apparu que la société Restaurant V-V n'avait plus d'activité depuis 2 ans, à la suite de la vente de son fonds de commerce.

Des informations ont également été recueillies auprès des services fiscaux et sociaux et il est apparu que la société Restaurant V-V avait un passif exigible au 18 octobre 2023, constitué d'une dette fiscale de 1 513,87 euros, due depuis 2022, et d'une dette sociale de 16 750,25 euros, au titre de la période de septembre 2018 à mars 2021.

Par jugement du 05 février 2024, le tribunal de commerce de Meaux a :

- Ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l'égard de la SARL Restaurant V-V ;

- Fixé provisoirement la date de cessation des paiements au 05/08/2022 ;

- Désigné en qualité de liquidateur: la SELARL Garnier Philippe et [O] [K], mission conduite par Me [O].

Par déclaration au greffe de la cour d'appel de Paris en date du 13 février 2024, la société Restaurant V-V a interjeté appel de ce jugement.

*****

Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 19 juin 2024, la société Restaurant V-V demande à la cour, de :

À titre principal,

- Infirmer le jugement déféré rendu le 5 février 2024 par le tribunal de commerce de Meaux, en ce qu'il a jugé que la société Restaurant V-V était en état de cessation de paiement et a ordonné la liquidation judiciaire ;

- Juger que la société Restaurant V-V n'est pas en état de cessation des paiements.

En conséquence,

- Infirmer le jugement et dire n'y avoir lieu à liquidation.

À titre subsidiaire,

Si la cour d'appel estime que la société Restaurant V-V est en état de cessation des paiements,

- Infirmer le prononcé de la liquidation judiciaire ;

- Ordonner le redressement judiciaire de la société Restaurant V-V ;

- Renvoyer la procédure devant le tribunal de commerce, afin que soient désignés les organes de la procédure.

À tout le moins,

- Désigner :

' la SELARL Garnier [O], ès qualités de mandataire ;

' [B] [U], en qualité de juge commissaire ;

' la société Emme Enchères, en qualité de commissaire-priseur.

- Laisser les dépens à la charge de chacune des parties.

Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 24 avril 2024, la SELARL Garnier [O] prise en la personne de Me [K] [O], ès qualités de liquidateur de la SARL Restaurant V-V, demande à la cour, au visa des pièces versées aux débats, de :

- Débouter la société Restaurant V-V de ses demandes fins et conclusions ;

- Confirmer le jugement du tribunal de commerce de Meaux du 5 février 2024 en toutes ses dispositions.

Subsidiairement,

- Confirmer le jugement du tribunal de commerce de Meaux du 5 février 2024, en ce qu'il a jugé que la société Restaurant V-V était en état de cessation des paiements et fixé la date de cessation des paiements au 5 août 2022 ;

- Ouvrir une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société Restaurant V-V et désigner la SELARL Garnier [O] en qualité de mandataire judiciaire.

En tout état de cause,

- Mettre à la charge de la société Restaurant V-V les frais de justice liés à la présente procédure et à la procédure de liquidation judiciaire résultant du jugement du 5 février 2024 (dont frais de greffe et émolument du mandataire judiciaire).

Dans son avis du 24 avril 2024, notifié par voie électronique le 25 avril 2024, le ministère public est d'avis que la cour infirme le jugement rendu le 5 février 2024 par le tribunal de commerce de Meaux qui avait ordonné la liquidation judiciaire de la société Restaurant V-V, juge que la société Restaurant V-V est en état de cessation des paiements, ouvre une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société Restaurant V-V et renvoie la procédure devant le tribunal de commerce de Meaux afin que soient désignées les organes de la procédure..

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 20 juin 2024.

*****

MOTIFS DE LA DECISION

Sur l'état de cessation des paiements de la société Restaurant V-V

La société Restaurant V-V soutient qu'elle n'était pas en état de cessation des paiements à la date à laquelle le tribunal a statué puisque le crédit consenti par le LCL n'était pas exigible, que la seule dette exigible était l'URSSAF pour un montant de 9 701 euros, laquelle a été réglée le 10 novembre 2023. Elle précise qu'au mois de mars 2024, elle allait encore percevoir 37 mensualités provenant du prix de la cession de fonds de commerce, tel qu'établi dans l'acte de cession de fonds de commerce, ce qui selon elle, constitue un actif disponible.

Elle fait alors valoir qu'elle bénéficie d'un actif disponible de 83 990 euros pour faire face à un passif exigible de 41 945,06 euros, si on intègre le prêt LCL.

La SELARL Garnier [O] prise en la personne de Me [K] [O], ès qualités, indique le passif exigible est constitué d'une dette fiscale de 1 513,87 euros, due depuis 2022, d'une dette à l'égard de l'Urssaf de 16 750,25 euros, au titre de la période de septembre 2018 à mars 2021 et d'une dette LCL exigible depuis la cession du fonds de commerce de 41 945,06 euros, devenu exigible le 21 janvier 2022 selon mise en demeure du créancier, à la suite de la cession de son fonds de commerce et qu'elle est également redevable d'une dette de 89 842,94 euros à l'égard de la Caisse d'Épargne, au titre d'un PGE souscrit le 10 avril 2020.

Elle indique alors que les déclarations de créance font état d'un passif de 131 788 euros, dont 41 945,06 euros exigible avant le prononcé de la liquidation judiciaire.

S'agissant de l'actif disponible, elle conteste le fait que les 37 mensualités de 2 270,80 euros, soit 83 990 euros, soient devenues exigibles en application de l'article L. 643-1 du code de commerce et que cette créance client soit assimilable à un actif disponible et que la créance de 83 990 euros, constituée du solde du prix de cession du fonds de commerce, ne peut, d'une part, être considérée comme exigible dans son intégralité du fait du prononcé de la liquidation judiciaire et ne peut d'autre part et en tout état de cause, constituer un actif disponible.

Elle fait valoir qu'à ce jour, les comptes de la société Restaurant V-V ne font état d'aucun actif disponible et conclut qu'il y a lieu de constater l'état de cessation des paiements de la société Restaurant V-V, son passif exigible étant supérieur à son actif disponible.

Le ministère public, dans son avis du 24 avril 2024, indique que la cour pourrait relever que le montant du passif exigible de le SARL Restaurant V-V s'élève à 41 945,06 euros, ainsi que cela résulte de l'état des créances antérieures au jugement d'ouverture à la date du 26 mars 2024, ce qui n'est pas contesté par l'appelante.

Il indique en revanche que les 37 mensualités de 2 270,80 chacune, soit la somme de 83 990 euros que l'appelant considère comme une créance client qui serait assimilable à de l'actif disponible, n'apparaissent pas juridiquement conformes à la position de la jurisprudence.

Le ministère public conclut que la cour pourra en déduire que la société Restaurant V-V est en état de cessation des paiements.

Sur ce,

Il résulte de l'article L. 631-1 du code de commerce que la cessation des paiements se définit comme étant l'impossibilité de faire face au passif exigible avec son actif disponible, mais que le débiteur qui établit que les réserves de crédit ou les moratoires dont il bénéficie de la part de ses créanciers lui permettent de faire face au passif exigible avec son actif disponible n'est pas en état de cessation des paiements.

En l'espèce, la société Restaurant V-V est débitrice d'un passif exigible de 41 945,06 euros, consécutif à la mise en demeure de la banque LCL et à l'application de la clause de déchéance du terme, la créance du prêt Caisse d'Epargne étant ,quant à elle, un passif devenu exigible du fait du prononcé de la liquidation judiciaire et ne pouvant donc être pris en considération au titre du passif exigible.

Face à ce passif exigible, la société débitrice fait état de sa créance au titre du crédit vendeur de son fonds de commerce, mais il ne s'agit pas d'un actif disponible puisque, contractuellement, il doit être réglé par mensualités et la survenance de la procédure collective n'a aucun effet sur l'exigibilité de cette créance. Il ne fait état d'aucun autre élément d'actif disponible.

Il s'ensuit, qu'étant dans l'impossibilité de faire face au passif exigible avec un quelconque actif disponible, elle se trouve en état de cessation des paiements.

Le jugement sera donc confirmé de ce chef.

Sur la possibilité d'un redressement

A titre subsidiaire, la société Restaurant V-V demande l'ouverture d'un redressement judiciaire en lieu et place d'une liquidation judiciaire en faisant valoir que son redressement n'est pas manifestement impossible

Elle fait valoir que le cessionnaire du fonds de commerce est quand lui à jour de ses règlements tels que fixés dans l'acte de cession et qu'elle continue à percevoir les mensualités lui permettant de régler le passif dans le cadre d'un plan.

Le liquidateur judiciaire, qui souligne que la société n'a plus d'activité depuis qu'elle a cédé son fonds de commerce, fait valoir que les seuls revenus de la société sont le paiement échelonné du solde du prix de cession de son fonds de commerce, constitué de mensualités de 2 083,30 euros, majoré de 1.5% soit 2 270,80 euros jusqu'en avril 2027, soit un montant disponible sur la période 2024 à avril 2027 de 83 990 euros, selon les déclarations du débiteur, ce qui selon elle est inférieur à la totalité du passif qu'elle évalue à 131 788 euros, soit un différentiel de 41 788 euros dont on ne connait pas le mode de règlement.

Le ministère public, dans son avis du 24 avril 2024, indique que la cour pourra relever que le cessionnaire du fonds de commerce est à jour de ses règlements, conformément à l'acte de cession qui générera une somme totale de 200 000 euros.

Il indique que la cour pourra noter, qu'en proposant un plan de 5 années, la créance sera réglée à concurrence de 8 389 euros par année (soit 41 945 euros).

Le ministère public conclut que la cour pourra juger que l'apurement du passif de la société Restaurant V-V n'est manifestement pas impossible.

Sur ce,

Selon l'article L.640-1 du code de commerce, il est institué une procédure de liquidation judiciaire ouverte à tout débiteur mentionné à l'article L. 640-2 en cessation des paiements et dont le redressement est manifestement impossible.

En l'espèce, la société débitrice, pourra, avec les échéances de son crédit vendeur régler les premières échéances du plan puis s'orienter vers une autre source de revenus, de sorte que son redressement n'apparaît manifestement pas impossible.

Il convient en conséquence, infirmant le jugement, d'ouvrir à l'égard de la société Restaurant V-V une procédure de redressement judiciaire en lieu et place de la procédure de liquidation judiciaire.

Sur les dépens

Les dépens seront employés en frais privilégiés de procédure collective.

PAR CES MOTIFS,

CONFIRME le jugement, en ce qu'il a constaté l'état de cessation des paiements de la société Restaurant V-V,

L'INFIRME pour le surplus,

Statuant à nouveau,

OUVRE à l'égard de la société Restaurant V-V une procédure de redressement judiciaire en lieu et place de la procédure de liquidation judiciaire.

RENVOIE les parties devant le tribunal de commerce de Meaux, pour les suites de la procédure et la désignation des organes,

ORDONNE l'emploi des dépens en frais privilégiés de procédure collective.

LE GREFFIER LA CONSEILLÈRE POUR

LA PRÉSIDENTE EMPÊCHÉE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 9
Numéro d'arrêt : 24/03514
Date de la décision : 04/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 13/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-04;24.03514 ?
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