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04/07/2024 | FRANCE | N°24/01074

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 2, 04 juillet 2024, 24/01074


Copies exécutoire RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 2



ARRÊT DU 04 JUILLET 2024

(n° , 9 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 24/01074 - N° Portalis 35L7-V-B7I-CI7GE



Décision déférée à la Cour : Jugement du 18 Janvier 2024 -Conseil de Prud'hommes de PARIS 10 - RG n° F 22/09039





APPELANTE



Madame [I] [C]

[Adresse 4]

[Localité 1]

Représentée par Me Au

drey HINOUX, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477



INTIMÉE



S.A. SPHERE, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège,

[...

Copies exécutoire RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 2

ARRÊT DU 04 JUILLET 2024

(n° , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 24/01074 - N° Portalis 35L7-V-B7I-CI7GE

Décision déférée à la Cour : Jugement du 18 Janvier 2024 -Conseil de Prud'hommes de PARIS 10 - RG n° F 22/09039

APPELANTE

Madame [I] [C]

[Adresse 4]

[Localité 1]

Représentée par Me Audrey HINOUX, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477

INTIMÉE

S.A. SPHERE, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège,

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représentée par Me Aurélie FOURNIER, avocat au barreau de PARIS, toque : L0099

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 84 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 07 Juin 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Marie-Paule ALZEARI, Présidente de chambre, chargée du rapport.

Madame Marie-Paule ALZEARI, Présidente de chambre,

Monsieur Eric LEGRIS, Président de chambre,

Madame Christine LAGARDE, Conseillère

Greffier, lors des débats : Madame Manon FONDRIESCHI

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Marie-Paule ALZEARI, Présidente de chambre, et par Madame Sophie CAPITAINE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE :

La société SP Metal a embauché Madame [C] en juin 1976. Elle avait la fonction de directrice des achats, sous contrat de travail verbal. Par la suite, la société a changé de nom et est devenue Sphere S.A., société mère du groupe Sphere.

La convention collective applicable à la relation de travail est la convention collective nationale de la métallurgie.

En 1980, Madame [C] est devenue mandataire social en cumul avec son poste, puis uniquement mandataire à partir de 1991, en tant que directrice générale adjointe.

En 2022, elle n'a pas été reconduite dans ses fonctions de mandataire social.

Dans ce contexte, Madame [C] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris à la date du 09 décembre 2022 aux fins de demander la reconnaissance de son contrat de travail et donc la nullité de la rupture ou de son licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Par jugement du 18 janvier 2024, le conseil de prud'hommes de Paris n'a pas fait droit aux prétentions de Madame [C] en :

' Ne reconnaissant pas l'existence d'un contrat de travail la liant à la société Sphere ;

' Se déclarant incompétent au profit du tribunal de commerce de Paris.

Le conseil de prud'hommes de Paris a également condamné Madame [C] aux dépens.

Par déclaration du 20 février 2024, Madame [C] a relevé appel du jugement du conseil de prud'hommes de Paris.

Le 20 février 2024, Madame [C] a également déposé une requête auprès du premier président de la cour d'appel de Paris afin d'être autorisée à assigner la société Sphere à jour fixe.

Par une ordonnance en date du 11 mars 2024, Mme [C] a été autorisée à assigner la société Sphere à jour fixe pour l'audience du 07 juin 2024 à 11 heures.

Le 29 mars 2024, Madame [C] a assigné la société Sphere à jour fixe devant la cour d'appel de Paris.

L'assignation a été déposée le 4 avril 2024.

PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Dans ses dernières conclusions, communiquées au greffe par voie électronique le 23 mai 2024, Madame [C] demande à la cour de :

' Déclarer Madame [C] recevable et bien fondée en son appel :

Y faisant droit,

' Infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Paris rendu le 18 janvier 2024 en ce qu'il:

§ Ne reconnaît pas l'existence d'un contrat de travail liant Mme [C] et la société Sphere ;

§ Se déclare incompétent au profit du tribunal de commerce de Paris ;

Et statuant à nouveau :

' Juger que le conseil de prud'hommes de Paris est la juridiction matériellement compétente pour connaître de l'entier litige opposant Madame [C] à la société Sphere ;

' Renvoyer l'affaire devant le conseil de prud'hommes de Paris ;

' Condamner la société Sphere au paiement d'une indemnité de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

' Statuer ce que de droit concernant les dépens.

Dans ses dernières conclusions, communiquées au greffe par voie électronique le 31 mai 2024, la société Sphere demande à la cour de :

' Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a reconnu l'absence d'existence d'un contrat de travail liant Madame [C] à la société Sphere et reconnu le tribunal de commerce de Paris compétent ;

Et,

En conséquence,

' Débouter Madame [C] de l'ensemble de ses demandes ;

En tout état de cause,

' Condamner Madame [C] à verser à Sphere la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

' Condamner Madame [C] aux entiers dépens de l'instance, et autres frais non inclus dans les dépens.

Pour un plus ample exposé des faits de la cause et des prétentions des parties, il est fait expressément référence aux pièces du dossier et aux écritures déposées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code procédure civile.

MOTIFS,

Sur la compétence du conseil de prud'hommes :

Madame [C] fait valoir que :

' Le juge prud'homal ne saurait se déclarer incompétent au seul motif que l'existence d'un contrat de travail est débattue entre les parties, puisqu'il est, précisément, le seul juge habilité à statuer sur l'existence d'un tel contrat. C'est à tort que la société Sphere a fait valoir en première instance que le conseil de prud'hommes de Paris devait se déclarer incompétent pour connaître du litige l'opposant à Mme [C]. Le juge prud'homal a bien entendu la faculté de ne pas faire droit aux demandes de Mme [C] au motif que l'existence d'un contrat de travail la liant à la société Sphere n'est pas établie ; mais seul le juge prud'homal est compétent pour connaître de cette demande.

' La cour ne pourra que réformer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Paris le 18 janvier 2024 en ce qu'il s'est déclaré incompétent au profit du tribunal de commerce de Paris. La cour d'appel réformera cette décision et déclarera que le juge prud'homal est compétent pour connaître du litige.

' Il existe un contrat de travail faisant peser la charge de la preuve contraire sur la société Sphere. La délivrance ininterrompue de bulletins de paie sur la période août 2014 - juin 2022, à laquelle s'ajoute l'identification explicite de Madame [C] en qualité de salariée via la référence à la convention collective des ingénieurs et cadres de la métallurgie, à une durée du travail, une classification conventionnelle, des congés payés, du salaire, un compte CPF, ou encore des arrêts de travail concernant une « salariée », permettent d'établir l'existence d'un contrat de travail apparent au sens de la jurisprudence. A contrario, les bulletins de paie édités par la société Sphere au profit des mandataires sociaux non salariés font clairement apparaître le statut de « Dirigeant » / Mandataire, ce qui n'est pas le cas des bulletins de paie concernant Madame [C]. La preuve de l'existence d'un contrat de travail apparent étant suffisamment rapportée par Madame [C], il incombait à la société Sphere de rapporter la preuve contraire du caractère fictif dudit contrat de travail. La cour constatera que la société Sphere s'est exonérée de cette charge probatoire et échoue à renverser la présomption de contrat de travail, tandis que le conseil de prud'hommes a dénaturé les pièces produites au débat par Madame [C] pour se déclarer incompétent. Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, la cour ne pourra qu'infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Paris du 18 janvier 2024 en ce qu'il s'est déclaré incompétent pour connaître du litige opposant Madame [C] à la société Sphere, au profit du tribunal de commerce de Paris.

' Son contrat de travail a été suspendu dans le cadre de son mandat social en 1980. Elle s'est donc trouvée dans une situation de cumul contrat de travail ' mandat social étant précisé que la prise de mandat est intervenue après le début du contrat de travail de sorte que la condition d'antériorité est établie et qu'il est établi que son contrat de travail s'est bien poursuivi dans le cadre de ses mandats successifs. Il est donc établi que Madame [C] a été en situation de cumul contrat de travail ' mandat social et que son contrat de travail de directeur général délégué a été suspendu pendant la durée de son mandat, à défaut pour la société Sphere d'avoir été à l'initiative de la moindre procédure de rupture de son contrat de travail. Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, la cour ne pourra qu'infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Paris du 18 janvier 2024 en ce qu'il s'est déclaré incompétent pour connaître du litige opposant Madame [C] à la société Sphere, au profit du tribunal de commerce de Paris.

' Son contrat de travail s'est poursuivi dans le cadre d'un cumul emploi-retraite à compter du 1er septembre 2014. D'une part, la circonstance que Madame [C] ait fait valoir ses droits à la retraite n'est pas incompatible avec une poursuite du contrat au sein de la société Sphere dans le cadre d'un cumul emploi-retraite, mais, surtout, ce cumul emploi-retraite a été entériné par la société elle-même. Il est donc établi que le contrat de travail de Madame [C] s'est poursuivi dans le cadre d'un cumul emploi-retraite après que la salariée ait fait valoir ses droits à la retraite en août 2014. D'autre part, la liquidation des droits à la retraite de Madame [C] en août 2014 n'a eu aucune incidence. La société Sphere a continué de lui appliquer jusqu'en juin 2022 un traitement propre aux salariés. Après avoir fait valoir ses droits à la retraite en août 2014, Madame [C] a continué d'être liée par un contrat de travail avec la société Sphere, dans le cadre d'un cumul emploi-retraite adossé sur la mise en place d'un « nouvel emploi » à compter du 1er septembre 2014, ce qui est confirmé par la délivrance de bulletins de paie jusque juin 2022, l'identification explicite de Madame [C] en qualité de salariée via la référence à la convention collective des ingénieurs et cadres de la métallurgie, à une durée du travail, une classification conventionnelle, des congés payés, du salaire, un compte CPF, ou encore des arrêts de travail concernant une « salariée ». A contrario, les bulletins de paie édités par la société Sphere au profit des mandataires sociaux font clairement apparaître leur statut de « Dirigeant » / Mandataire. La preuve de l'existence d'un contrat de travail apparent étant suffisamment rapportée par Madame [C], il incombait à la société Sphere de rapporter la preuve contraire du caractère fictif dudit contrat de travail. La société Sphere reconnaît elle-même que la « suspension du contrat de travail de Madame [C] s'est ensuite poursuivie du 1er novembre 1988 au 30 juin 2022 ». La cour constatera que la société Sphere s'est pourtant exonérée de cette charge probatoire et échoue à renverser la présomption de contrat de travail la liant à Madame [C] et, par ailleurs, que le conseil de prud'hommes a dénaturé les pièces produites au débat pour se déclarer incompétent.

' Il est constant qu'à la suite du non-renouvellement du mandat de directeur général délégué de Madame [C] lors de l'assemblée générale du 02 juin 2022, son contrat de travail, qui était simplement suspendu, a repris ses effets. La société Sphere était donc tenue de reprendre l'exécution de ses obligations d'employeur à son égard, consistant en la fourniture d'un travail et le paiement d'un salaire. Or, force est de constater que la société Sphere n'a pris aucune mesure en ce sens : aucune rémunération n'a été versée à Madame [C] à compter du mois de juin 2022, aucun bulletin de paie ne lui a été remis et aucun travail ne lui a été fourni. Il sera donc jugé qu'à la suite du non-renouvellement de son mandat de directeur général délégué lors de l'assemblée générale du 02 juin 2022, Madame [C] est bien fondée à solliciter la reprise de l'exécution de son contrat de travail et, notamment, le paiement des salaires dus depuis juin 2022 et la délivrance des bulletins de paie. Il sera également jugé que la société Sphere, ayant omis de reprendre spontanément l'exécution du contrat puis de déférer aux demandes formulées en ce sens par la salariée, a dès lors manqué à ses obligations contractuelles d'employeur.

La société Sphere oppose que :

' Elle a conclu un contrat de travail à compter de son embauche, le 1er juin 1976, lequel a été suspendu à compter de 1991 du fait de ses mandats sociaux. Il n'a jamais été contesté que Madame [C] a été embauchée à compter du 1er juin 1976, par contrat de travail à durée indéterminée oral. De plus, ce contrat de travail a été suspendu à compter de 1991, du fait de ses fonctions de directeur général délégué. A compter de cette date, Madame [C] n'a plus jamais exercé de fonction salariée. La suspension du contrat de travail de Madame [C] s'est ensuite poursuivie du 1er décembre 1991 au 31 août 2014, période durant laquelle elle occupait les fonctions de directeur général délégué mais aussi de vice-président du conseil d'administration. Il ne fait par conséquent aucun doute sur le fait que Madame [C] exerçait uniquement des fonctions de mandataire social de 1991 jusqu'au 31 août 2014 du fait de la suspension de son contrat de travail.

' Le contrat de travail la liant à la société a été définitivement rompu le 31 août 2014, date à laquelle celle-ci a fait valoir ses droits à la retraite. En effet, faute pour Madame [C] d'apporter la preuve de l'existence d'un contrat de travail, la Société ne manque pas d'apporter la preuve de sa rupture intervenue le 31 août 2014, lors de son départ à la retraite. Le 30 octobre 2014, la Caisse Nationale d'Assurance Vieillesse faisait droit à sa demande de liquidation de ses droits à la retraite et lui a notifié l'attribution d'une retraite personnelle à compter du 1er septembre 2014. La société a versé à Madame [C] à la fin du mois d'août 2014 une indemnité de départ à la retraite, à hauteur de 318.750 euros. L'existence d'un contrat de travail à compter de septembre 2014 n'étant pas démontrée, Madame [C] ne saurait prétendre justifier d'une ancienneté de 9 années au 1er septembre 2023. Il est par conséquent demandé à la cour de confirmer le jugement rendu par le Conseil de prud'hommes de Paris en ce qu'il a reconnu que le contrat de travail de Madame [C] a été rompu le 31 août 2014.

' A compter du 1er septembre 2014, elle a repris l'exercice de ses fonctions de mandataire social, en qualité de directeur général délégué de la société, dans le cadre d'un cumul « mandat social-retraite ». A titre liminaire, il convient de rappeler qu'il n'est possible de cumuler un mandat social avec un contrat de travail que si celui-ci correspond à un emploi effectif c'est-à-dire s'il est démontré le cumul de trois critères à savoir le versement d'une rémunération pour ces fonctions, l'exercice de fonctions techniques distinctes du mandat social et l'existence d'un lien de subordination avec la société. Madame [C] n'apporte pas la preuve de l'existence d'un emploi effectif, et pour cause, celle-ci n'a jamais cumulé, après le 1er septembre 2014, de contrat de travail et de mandat social. L'absence de cumul « emploi-retraite » a d'ailleurs été constaté à plusieurs reprises par le conseil de prud'hommes dans son jugement rendu le 18 janvier 2024. La cour constatera par conséquent que Madame [C] n'apporte aucunement la preuve de l'existence d'un nouveau contrat de travail ayant pris effet postérieurement au 1er septembre 2014, date à laquelle elle est partie à la retraite.

Conformément aux règles de preuve issues du code civil, c'est à celui qui se prévaut de

l'existence d'un contrat de travail d'en rapporter la preuve et c'est à celui qui se prévaut du caractère fictif d'un contrat de travail de le prouver .

La preuve du contrat de travail peut être rapportée par tous moyens. Elle peut ainsi résulter d'un écrit mais également de témoignages ou de présomptions qui viennent alors compléter des commencements de preuve par écrit.

En l'absence de convention contraire, le contrat de travail d'un salarié devenu mandataire social et qui a cessé d'être uni à la société par un lien de subordination est suspendu pendant le temps où il est mandataire.

Ainsi, le contrat de travail est suspendu pendant la durée du mandat seulement si, enraison de ce mandat, le travailleur cesse d'exercer des fonctions techniques distinctes de celles du mandat dans un état de subordination à l'égard de son employeur.

En cas de cumul d'un contrat de travail et d'un mandat social, l'objet de la preuve de l'existence du contrat de travail porte sur l'exercice de fonctions techniques distinctes de celles du mandat social dans un rapport de subordination à l'égard de l'employeur.

Sauf convention contraire, le contrat de travail d'un salarié qui devient mandataire social et qui cesse d'être lié à la société par un lien de subordination est suspendu pendant la durée du mandat social.

En l'espèce, il est constant que Madame [C] a été embauchée le 1er juin 1976 par la Société en qualité de cadre commercial selon contrat de travail oral à durée indéterminée.

Le 1er novembre 1988, elle a été nommée Directrice générale adjointe.

À compter du 1er décembre 1991, elle a occupé les fonctions de Directeur général adjoint puis, de Directeur général délégué.

Ainsi à compter de l'année 1991, son contrat de travail a été suspendu afin qu'elle se consacre exclusivement à ses fonctions de mandataire social.

Au début du mois de mars 2014, Madame [C], alors âgée de 72 ans, a émis le souhait de faire valoir ses droits à la retraite ainsi que cela résulte d'un courriel de la société produit du 25 avril 2014.

Plus précisément, par différents courriers du mois de mai 2014, elle a demandé à faire valoir ses droits à la retraite à partir du 1er septembre 2014.

Par courrier du 30 octobre 2014, la Caisse nationale d'assurance vieillesse lui a notifié l'attribution d'une retraite personnelle à compter du 1er septembre 2014.

Il est établi qu'elle est donc sortie des effectifs de la Société le 31 août 2014 et a perçu une indemnité de départ à la retraite à hauteur de 318.750,00 € bruts.

Il en résulte donc que le contrat de travail qui liait Madame [C] à la Société, nécessairement suspendu pendant l'exercice de son mandat social, a pris fin le 31 août 2014.

Il résulte du procès-verbal du conseil d'administration de la société du 1er septembre 2014, en la présence de Madame [C], les dispositions suivantes :

« Le Président prend la parole et informe les membres du Conseil de la décision de Madame [C] de faire valoir ses droits à la retraite auprès des caisses auxquelles elle cotise depuis le début de sa vie professionnelle. En conséquence elle souhaite mettre un terme à son mandat de Directeur général délégué à compter de ce jour. Le Président donne alors la parole à Madame [C] qui indique qu'elle est disposée à assurer, comme cela est prévu par la législation, un nouveau mandat de directeur général délégué de la société Sphere, si toutefois le Conseil veut bien lui accorder une nouvelle fois sa confiance.

Après un bref échange sur cette question, les membres du Conseil décident de prendre acte de la décision de Madame [C] de faire valoir ses droits à la retraite de Directeur général délégué. Ils lui demandent par ailleurs de bien vouloir accepter un nouveau mandat de Directeur général délégué et cela au moins jusqu'à la prochaine Assemblée générale prévue en 2015, sa rémunération n'étant pas modifiée par rapport à ce qui avait été approuvé par le Conseil du 9 janvier 2014.

Remerciant le Conseil de la confiance qu'il continue à lui témoigner, Madame [C] indique qu'elle accepte ce nouveau mandat ainsi que les fonctions qui y sont liées et aux conditions proposées. »

Il se déduit des mentions figurant à ce procès-verbal qu'après avoir renoncé à ses précédents mandats dans le cadre de son départ à la retraite, Madame [C] a , à nouveau , exercé des fonctions de mandataire social à compter du 1er septembre 2014.

À l'opposé, force est de constater qu'il n'est nullement fait état de la conclusion d'un nouveau contrat de travail, verbal ou écrit, postérieurement à son départ à la retraite.

Il doit être rappelé qu'en application de l'article L. 1237-9 du code du travail, le départ à la retraite du salarié est un acte unilatéral par lequel le salarié manifeste de façon claire et non équivoque sa volonté de mettre fin au contrat de travail.

En outre, s'agissant du versement d'une indemnité de départ à la retraite, il résulte du procès-verbal du conseil d'administration de la société du 18 décembre 2002 qu'il a été décidé que les mandataires sociaux non salariés bénéficient, comme les mandataires sociaux salariés, d'une indemnité de départ à la retraite.

C'est donc dans ce cadre, et dans l'intérêt évident de Madame [C], que la Société a accepté de lui verser la somme de 318.750 € au moment de son départ à la retraite.

Il doit être précisé que Mme [C] était bien présente au moment de cette réunion du Conseil d'administration.

Il appartient donc à Madame [C] , qui se prévaut de l'existence d'un contrat de travail postérieurement au 31 août 2014 , d'en rapporter la preuve.

Sur ce point, il doit être considéré que l'appelante n'invoque nullement la possibilité d'un cumul mandat social/contrat de travail puisqu'elle prétend que celui-ci aurait été suspendu pendant l'effectivité de l'exercice de son mandat social.

Ainsi, elle allègue nullement de l'exercice de fonctions techniques distinctes du mandat social.

Sur l'existence d'un lien de subordination, elle n'allègue et ne justifie pas plus qu'elle a exercé des fonctions sous le contrôle d'un représentant de la Société :

Sur la rémunération, la totalité des bulletins de salaire produits à compter du mois de septembre 2014 permet de constater qu'il n'est mentionné aucune cotisation au titre des ASSEDIC.

Il s'en déduit qu'en l'absence de cotisation auprès de l'assurance chômage, Madame [C] ne peut être assimilée à une salariée.

D'autre part, il doit être considéré qu'à compter du mois d'avril 2017, les bulletins de paie de Madame [C] comportaient la mention expresse de la qualité de dirigeant, ces derniers étant établis au titre de son mandat social de Directeur général délégué.

Quant à la mention de la convention collective applicable, force est de constater que cette indication figure également sur les bulletins de paie des autres mandataires et notamment, de M.[C], en sa qualité de Directeur général.

Plus précisément, les bulletins de paie de ces deux mandataires sociaux sont exactement identiques.

De ce chef, la mention de la convention collective applicable est donc inopérant pour démontrer l'existence d'un contrat de travail.

Sur ce point, la Société justifie d'une pratique interne de l'édition d'un bulletin de paie afin d'acter le versement d'une rémunération aux mandataires sociaux.

De plus, les documents concernant la mutuelle font bien état de la qualité de retraitée de Madame [C] et non de salariée.

Enfin, s'agissant d'une note manuscrite datée du 29 avril 2021 sur laquelle il est fait état de la qualité de salariée de Madame [C], l'intimée fait utilement valoir que ce document est non signé et ne mentionne nullement l'identité de son rédacteur.

Au demeurant, ce document est invalidé par la production d'une autre note manuscrite, également avec l'en-tête de la Société, qui fait état d'un arrêt maladie concernant la Présidente, Madame [C].

La note manuscrite du 29 avril 2021 ne peut donc, à elle seule, attester de la qualité de salariée de Madame [C].

Il doit y être ajouté qu'en réponse à sa demande du 9 juin 2022, la Société précise qu'elle n'a pas retrouvé l'existence d'un contrat de travail alors qu'il est rappelé qu'elle a fait valoir en 2014 ses droits à la retraite qui ont été liquidée et que depuis le 1er septembre 2014, elle a été rémunérée en qualité de Directeur général délégué, rémunération qui ne comporte pas de cotisations chômage.

Cette réponse faite par la société n'est donc pas de nature, au cas particulier, à démontrer une quelconque volonté de Madame [C] de reprendre une fonction salariée.

En outre, dans une attestation, l'ancien directeur des ressources humaines ayant exercé entre le 28 juin 2010 et le 30 juin 2023 indique :

« En premier lieu, parce que dès le début des formalités accompagnant le départ volontaire à la retraite de Madame [C], il a toujours été clair qu'une reprise d'activité de sa part se ferait dans des conditions strictement identiques à celles de Monsieur [C], et, de fait, les bulletins de paie établis depuis septembre 2014 le sont, y compris en l'absence de cotisations d'assurance chômage;

En second lieu, la référence faite dans mon e-mail à mon besoin de me rapprocher du secrétaire général était la conséquence logique de notre choix d'inscrire l'activité future de Mme [C] dans le cadre juridique d'un mandat social. »

Au cas d'espèce, le terme d'emploi fait nécessairement référence à l'emploi de mandataire social et non à un emploi salarié.

D'autre part, par courrier du 16 juillet 2014, Madame [C] a déclaré cesser toute activité salariée à compter du 31 août 2014, ce qui invalide nécessairement ses allégations d'avoir cumulé un emploi salarié avec sa retraite.

À cet égard, s'agissant de la production d'un courriel relatif au Compte personnel de formation, il est précisé que la Société n'a pu procéder à sa création dans la mesure où ces comptes sont fermés automatiquement à 65 ans et lorsque le salarié ouvre ses droits à la retraite ce qui était évidemment le cas de Madame [C].

La Société explique que c'est Madame [C] qui avait interrogé les équipes en charge des ressources humaines sur l'existence d'un Compte personnel de formation afin qu'elle puisse obtenir le versement des sommes éventuellement épargnées dessus lorsqu'elle exercait des fonctions salariées.

Ce courriel n'est donc pas plus de nature à démontrer l'existence d'une relation de travail effective.

Ainsi, le jugement doit être confirmé en ce qu'il a considéré que Madame [C] n'était plus salarié de la société Sphere en 2022, la cour n'étant pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation ni de répondre à des conclusions que les constatations précédentes rendent inopérantes.

Sur la compétence du tribunal de commerce :

La société Sphere fait valoir que :

' Le tribunal de commerce est compétent pour connaître des litiges nés à l'occasion d'un mandat social. En l'espèce, il résulte de l'ensemble des éléments développés ci-avant que Madame [C], en qualité de directeur général déléguée de la société, était liée à celle-ci par un lien direct de gestion. Il ne fait par conséquent aucun doute sur la compétence du tribunal de commerce comme l'a jugé le conseil de prud'hommes de Paris.

' Le siège social de la société étant établi à Paris, il convient de renvoyer l'affaire devant le tribunal de commerce de Paris. La société Sphere est domiciliée au [Adresse 3], dans le [Localité 2]. Par conséquent, le tribunal de commerce territorialement compétent est celui de Paris.

De fait, en application de l'article L. 721-3 du code de commerce, le tribunal de commerce est compétent en matière de contestation relative aux sociétés commerciales.

En l'espèce, en l'absence de preuve d'une relation de travail, il résulte des observations précédentes que Madame [C], en sa qualité de Directeur général délégué de la Société était effectivement liée à cette dernière dans le cadre d'un lien de gestion.

Ainsi, au regard du domicile de la partie défenderesse, le jugement est également confirmé en ce qu'il s'est déclaré incompétent au profit du tribunal de commerce de Paris.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :

Madame [I] [C], qui succombe sur le mérite de son appel, doit être condamnée aux dépens et déboutée en sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.

À l'opposé, il sera fait application de cet article au profit de la partie intimée qui en fait la demande.

PAR CES MOTIFS,

Statuant publiquement, par décision contradictoire et en dernier ressort,

CONFIRME le jugement déféré,

Y ajoutant,

CONDAMNE Madame [I] [C] aux dépens d'appel et la déboute en sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE Madame [I] [C] à payer à La société Sphere la somme de 4.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

La Greffière La Présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 24/01074
Date de la décision : 04/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 13/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-04;24.01074 ?
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