Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 1 - Chambre 2
ARRÊT DU 04 JUILLET 2024
(n° , 7 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/19807 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CIU6S
Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 15 Septembre 2023 -Président du TJ de PARIS - RG n° 23/54375
APPELANT
M. [F] [V]
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représenté par Me Michel GUIZARD de la SELARL GUIZARD ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0020
Ayant pour avocat plaidant Me Georges LACOEUILHE, avocat au barreau de PARIS, toque : A105
INTIMÉES
Mme [G] [Y]
[Adresse 6]
[Localité 8]
Représentée par Me Noémie KLEIN, avocat au barreau de PARIS, toque : E2339
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 75056 2024 003631 du 13/02/2024 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de PARIS)
LA CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE [Localité 9]
[Adresse 1]
[Localité 5]
Défaillante, déclaration d'appel signifiée le 05.01.2024 à personne morale
Mutuelle CNM PRÉVOYANCE SANTÉ, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 7]
[Localité 4]
Défaillante, déclaration d'appel signifiée le 05.01.2024 à étude
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 30 Mai 2024, en audience publique, Laurent NAJEM, Conseiller, ayant été entendu en son rapport dans les conditions prévues par l'article 804, 805 et 905 du code de procédure civile, devant la cour composée de :
Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre,
Michèle CHOPIN, Conseillère,
Laurent NAJEM, Conseiller,
Qui en ont délibéré,
Greffier, lors des débats : Saveria MAUREL
ARRÊT :
- PAR DÉFAUT
- rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre et par Saveria MAUREL, Greffière, présente lors de la mise à disposition.
****
EXPOSE DU LITIGE
Courant 2020, Mme [Y] se plaignait de douleurs aux orteils lors de la marche.
Après consultation de trois chirurgiens orthopédistes, le 30 septembre 2020, Mme [Y] a consulté le Dr. [V] recommandant une opération chirurgicale.
L'intervention a été réalisée en ambulatoire le 28 octobre 2020.
A la suite de cette intervention, Mme [Y] a constaté des douleurs et des difficultés à la marche plus importantes qu'en pré-opératoire. Elle expose ne plus pouvoir marcher, courir, nager, danser sans douleur ou se chausser normalement.
Par actes des 25 et 30 mai 2023, Mme [Y] a assigné le Dr [V], la mutuelle CNM Prévoyance santé et la CPAM de Seine-Saint-Denis devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris aux fins d'obtenir la désignation d'un expert sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile et déclarer l'ordonnance à intervenir commune à l'égard des organismes sociaux.
Par ordonnance réputée contradictoire du 15 septembre 2023, le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris, a :
donné acte des protestations et réserves formulées en défense ;
ordonné une expertise ;
commis pour y procéder M. [L] lequel pourra s'adjoindre, si nécessaire, tout sapiteur de son choix d'une spécialité distincte de la sienne, après avoir avisé les conseils des parties avec la mission suivante :
I. Sur les responsabilités éventuellement encourues :
interroger la partie demanderesse et recueillir les observations du ou des défendeur(s) ;
reconstituer l'ensemble des faits ayant conduit à la présente procédure ;
procéder, dans le respect de l'intimité de la vie privée, à l'examen clinique de la partie demanderesse ;
établir l'état médical de la partie demanderesse avant et après les actes critiqués et consigner ses doléances ;
donner tous éléments sur la forme et le contenu de l'information donnée au patient, notamment quant aux risques courus, en précisant, en cas de survenue de tels risques, quelles auraient été les possibilités et les conséquences pour le patient de se soustraire à l'acte effectué ;
décrire tous les soins dispensés, investigations et actes annexes qui ont été réalisés et préciser dans quelles structures et, dans la mesure du possible, par qui ils ont été pratiqués ;
dire si les actes, soins et traitements ont été attentifs, diligents et conformes à l'état des connaissances médicales à l'époque où ils ont été pratiqués :
o lors de l'établissement du diagnostic ;
o dans le choix du traitement et sa réalisation ;
o au cours de la surveillance du patient et de son suivi ;
dans la négative, analyser, de façon motivée, la nature des erreurs, imprudence, manque de précautions, négligences (pré, per ou post opératoires), maladresses ou autres défaillances relevées et le cas échéant, préciser à quel(s) intervenant(s) elles sont imputables ;
dire si les lésions et/ou séquelles constatées sont directement imputables aux soins et traitements critiqués et aux éventuels manquements relevés, en précisant l'incidence éventuelle de l'état antérieur ; le cas échéant, dire si ces manquements ont été à l'origine d'une perte de chance et en ce cas la chiffrer (en pourcentage) ;
dire si les dommages survenus et leurs conséquences étaient probables, au regard de l'état de santé du patient comme de l'évolution prévisible de cet état ; évaluer le cas échéant le taux de risque opératoire en tenant compte de l'état de santé du patient à la date de l'acte en cause et des circonstances ;
dire ce qu'aurait été de manière probable, à court et moyen terme, l'état du patient en cas d'abstention thérapeutique et si l'état de santé du patient à la suite du dommage survenu est notablement plus grave que l'état ainsi reconstitué ;
dire si l'état de la partie demanderesse est susceptible de modification, en aggravation ou en amélioration ; dans l'affirmative, fournir tous éléments sur les soins et traitements qui seront nécessaires ; en chiffrer le coût et préciser les délais dans lesquels ils devront être exécutés, en indiquant, dans la mesure du possible la part non susceptible d'être pris en charge par les organismes sociaux ;
en cas d'infection présentée par le patient :
dire à quelle date ont été constatés les premiers signes, dans quel lieu et conditions, à quelle période a été porté le diagnostic et en préciser les signes cliniques ; préciser les moyens du diagnostic (éléments cliniques, para-cliniques, biologiques) ; dire quels sont les types de germes identifiés et à quelle date ont été mises en 'uvre les thérapies ;
rechercher l'origine de l'infection, si elle a pour origine une cause extérieure et étrangère au(x) lieu(x) où a (ont) été dispensés les soins, quelles sont les autres causes possibles de cette infection et s'il s'agit de l'aggravation d'une infection en cours ou ayant existé ;
préciser :
o si toutes les précautions ont été prises en ce qui concerne les mesures d'hygiène prescrites par la réglementation en matière de lutte contre les infections nosocomiales ; dans la négative dire quelle norme n'a pas été appliquée ;
o si le patient présentait des facteurs de vulnérabilité susceptibles de contribuer à la survenue et au développement de cette infection ;
o si cette infection aurait pu survenir de toute façon en dehors de tout séjour dans une structure réalisant des actes de soins, de diagnostic ou de prévention ;
o si la pathologie, ayant justifié l'hospitalisation initiale ou les thérapeutiques mises en 'uvre, est susceptible de complications infectieuses, dans l'affirmative, en préciser la nature, la fréquence et les conséquences ;
o si le diagnostic et le traitement de cette infection ont été conduits conformément à l'état des connaissances médicales à l'époque où ils ont été dispensés ;
en cas de réponse négative à cette dernière question, faire la part entre les conséquences de l'infection stricto sensu et les conséquences du retard de diagnostic et de traitement ;
II. Sur les préjudices :
même en l'absence de toute faute du défendeur et en ne retenant pas les éléments du préjudice corporel se rattachant soit aux suites normales des soins, soit à l'état antérieur, l'expert devra déterminer les différents postes du préjudice corporel comme suit :
a-avant consolidation ;
les dépenses de santé actuelles ;
les pertes de gains professionnels actuels : indiquer les périodes pendant lesquelles la partie demanderesse a été, du fait de son déficit fonctionnel temporaire, dans l'incapacité d'exercer totalement ou partiellement son activité professionnelle, et en cas d'incapacité partielle, préciser le taux et la durée, préciser la durée des arrêts de travail retenus par l'organisme social au vu des justificatifs produits (ex : décomptes de l'organisme de sécurité sociale), et dire si ces arrêts de travail sont liés au fait dommageable ;
le déficit fonctionnel temporaire : indiquer les périodes pendant lesquelles la partie demanderesse a été, du fait de son déficit fonctionnel temporaire, dans l'incapacité totale ou partielle de poursuivre ses activités personnelles habituelles et en cas d'incapacité partielle, préciser le taux et la durée ;
les souffrances endurées physiques ou psychiques (les évaluer sur une échelle de 1 à 7) ;
le préjudice esthétique temporaire (l'évaluer sur une échelle de 1 à 7) ;
le besoin en tierce personne temporaire : se prononcer sur la nécessité pour Mme [Y] d'être assistée par une tierce personne avant la consolidation (cette assistance ne devant pas être réduite en cas d'assistance familiale) ; dans l'affirmative, préciser si cette tierce personne a dû ou non être spécialisée, ses attributions exactes ainsi que les durées respectives d'intervention de l'assistant spécialisé et de l'assistant non spécialisé ; donner à cet égard toutes précisions utiles ;
b-consolidation :
fixer la date de consolidation et, en l'absence de consolidation, dire à quelle date il conviendra de revoir la partie demanderesse ;
c-après consolidation :
le déficit fonctionnel permanent, en précisant le barème de référence, en évaluer l'importance et en chiffrer le taux, lequel doit prendre en compte non seulement les atteintes aux fonctions physiologiques, mais aussi les douleurs physiques et morales permanentes ressenties par l'intéressé et les troubles dans les conditions d'existence qu'il rencontre au quotidien après consolidation ;
les pertes de gains professionnels futurs : indiquer, notamment au vu des justificatifs produits, si le déficit fonctionnel permanent en particulier psychologique entraîne l'obligation pour la partie demanderesse de cesser totalement ou partiellement son activité professionnelle ou de changer d'activité professionnelle ;
l'incidence professionnelle : indiquer, notamment au vu des justificatifs produits, si le déficit fonctionnel permanent en particulier psychologique entraîne d'autres répercussions sur son activité professionnelle actuelle ou future (obligation de formation pour un reclassement professionnelle, pénibilité accrue dans son activité') ;
le préjudice scolaire, universitaire ou de formation : préciser si Mme [Y] est scolarisée ou en cours d'études, dire si, en raison des lésions consécutives au fait traumatique, elle a subi une perte d'une ou plusieurs année(s) scolaire(s), universitaire(s) ou de formation, et/ou si elle est obligée le cas échéant de se réorienter ou de renoncer à certaines formations : préciser si elle n'a jamais pu être scolarisée ou si elle l'a été en milieu adapté ou de façon partielle ; préciser si elle a subi une gêne, des absences, des aménagements, un surcroît de travail, ayant perturbé le cours normal de sa scolarité (accompagnement par auxiliaire de vie scolaire avs), tiers temps, baisse de ses résultats, pénibilité etc.) ;
le préjudice d'établissement : dire si elle subit une perte d'espoir ou de chance de normalement réaliser ou poursuivre un projet de vie familiale ;
le préjudice esthétique permanent (l'évaluer sur une échelle de 1 à 7) ;
le préjudice d'agrément ;
le préjudice sexuel ;
les dépenses de santé futures ;
les frais de logement ou de véhicule adapté ;
l'inaptitude totale ou partielle à l'exercice professionnelle antérieure ;
la nécessité de recourir à l'aide d'une tierce personne à titre pérenne et en fixer la durée journalière, hebdomadaire ou mensuelle ;
préjudices permanents exceptionnelles : dire si Mme [Y] subit des préjudices permanents exceptionnelles correspondant à des préjudices atypiques directement liés à des handicaps permanents ;
III. Organisation de l'expertise :
(')
a) Les pièces
Enjoint aux parties de remettre à l'expert :
- s'agissant de la partie demanderesse, immédiatement toutes pièces médicales ou para-médicales utiles à l'accomplissement de la mission, en particulier les certificats médicaux, certificats de consolidation, documents d'imagerie médicale, compte-rendus opératoires et d'examen, expertises amiable ou judiciaires précédentes,
- s'agissant de la partie défenderesse, aussitôt que possible et au plus tard 15 jours avant la première réunion, les documents, renseignements, réclamations indispensables au bon déroulement des opérations, y compris les documents médicaux protégés par le secret professionnel et relatifs à la partie demanderesse, sauf opposition expresse de la partie demanderesse sur leur divulgation :
dit qu'à défaut d'obtenir la remise des pièces qui lui sont nécessaires, l'expert pourra être autorisé par le juge chargé du contrôle des expertises à déposer son rapport en l'état ;
(')
laissé les dépens à la charge du trésor public ;
déclaré la présente ordonnance opposable à la CPAM de Seine-Saint-Denis et à la mutuelle CNM prévoyance santé.
Par déclaration du 8 décembre 2023, le Dr [V] a interjeté appel de cette décision en ce qu'elle a :
- enjoint aux parties de remettre à l'expert :
o s'agissant de la partie défenderesse, aussitôt que possible et au plus tard 1 jour avant la première réunion, les documents, renseignements, réclamations indispensables au bon déroulement des opérations, y compris les documents médicaux protégés par le secret professionnel et relatifs à la partie demanderesse, sauf opposition expresse de la partie demanderesse sur leur divulgation.
Dans ses dernières conclusions déposées et notifiées le 3 mai 2024, M. [V] demande à la cour de :
- le recevoir en ses écritures, les disant bien fondées ;
- infirmer la décision attaquée en ce qu'elle l'a enjoint de produire tous documents utiles au bon déroulement des opérations d'expertise demandées par Mme [Y] « (') sauf opposition expresse de la partie demanderesse sur leur divulgation.(') »
- rejeter l'intégralité des demandes de Mme [Y] ;
Et statuant à nouveau :
- dire qu'il pourra produire les éléments et pièces, y compris médicales, nécessaires sa défense dans le cadre de toute opération d'expertise à intervenir, sans que les règles du secret médical ne puissent leur être opposées ;
- laisser à chaque partie la charge de ses propres dépens.
Dans ses dernières conclusions déposées et notifiées le 16 avril 2024, Mme [Y] demande à la cour, au visa des articles 122 et suivants, 30 et suivants, 546 du code de procédure civile, L. 1110-4, R. 4127-4 du code de la santé publique, 226-13 du code pénal et 37 de la loi du 10 juillet 1991, de :
la recevoir en ses écritures, les disant bien fondées ;
A titre principal :
déclarer irrecevable l'appel interjeté par M. [V] faute d'intérêt à agir ;
A titre subsidiaire :
confirmer l'ordonnance de référé du tribunal judiciaire de Paris en date du 15 septembre 2023 en ce qu'elle a statué de la façon suivante :
« III. a) Les pièces :
Enjoignons aux parties de remettre à l'expert :
[...]
S'agissant de la partie défenderesse, aussitôt que possible et au plus tard 15 jours avant la première réunion, les documents, renseignements, réclamations indispensables au bon déroulement des opérations, y compris les documents médicaux protégés par le secret professionnel et relatifs à la partie demanderesse, sauf opposition expresse de la partie demanderesse sur leur divulgation.
[...] ».
débouter M. [V] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
En tout état de cause :
condamner M. [V] à payer à Me Klein la somme de 2.000 euros en application de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 ;
condamner M. [V] aux entiers dépens de l'instance.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties susvisées pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 14 mai 2024.
A l'audience de plaidoirie du 30 mai 2024, la cour a invité les parties à adresser leurs observations sur l'actualité de l'objet de l'appel dans la mesure où elles indiquent que le rapport d'expertise judiciaire a été déposé.
Par note en délibéré du même jour, Mme [Y] confirme que le rapport d'expertise judiciaire a été déposé mais elle précise qu'elle ne s'est pas opposée à la communication de son dossier médical à l'expert, de sorte que l'appel est dépourvu d'objet.
SUR CE, LA COUR
Aux termes de l'article 145 du code de procédure civile, s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé sur requête ou en référé.
Il résulte des explications des parties et de la note adressée par Mme [Y] que l'expert judiciaire désigné par l'ordonnance de référé entreprise a déposé son rapport et ce, le 7 mars 2024.
Si la recevabilité de l'appel de M. [V] n'est pas contestable, il est toutefois indiscutable que cet appel est devenu sans objet suite au dépôt dudit rapport. L'expert judiciaire se trouve en effet dessaisi et ne peut donc plus prendre en compte une éventuelle modification de sa mission.
La cour dira par conséquent l'appel sans objet, sans avoir à vérifier si l'appelant justifiait bien d'un motif légitime à voir modifier un des chefs de la mission d'expertise judiciaire.
Au vu des circonstances de l'espèce, chacune des parties conservera la charge de ses dépens d'appel et l'équité ne commande pas de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Constate que toutes les demandes sont devenues sans objet vu le dépôt du rapport d'expertise,
Constate, en conséquence, le dessaisissement de la cour,
Rejette les autres demandes,
Dit que chacune des parties conservera la charge de ses dépens d'appel,
Dit n'y avoir lieu à faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE