COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 11
N° RG 23/18872 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CISNG
Nature de l'acte de saisine : Déclaration d'appel valant inscription au rôle
Date de l'acte de saisine : 24 Novembre 2023
Date de saisine : 11 Décembre 2023
Nature de l'affaire : Demande en paiement du prix, ou des honoraires formée contre le client et/ou tendant à faire sanctionner le non-paiement du prix, ou des honoraires
Décision attaquée : n° 2022024440 rendue par le Tribunal de Commerce de Paris le 03 Novembre 2023
Appelante :
S.A.S. MGF Agissant en la personne de ses représentants légaux en exercice, domiciliés audit siège en cette qualité, représentée par Me Audrey SCHWAB de la SELARL SELARL 2H Avocats à la cour, avocat au barreau de PARIS, toque : L0056 - N° du dossier 20230701
Intimée :
S.A.S.U. ACTING EXECUTIVE prise en la personne de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège, représentée par Me Anne ROULLIER de la SELEURL ROULLIER JEANCOURT-GALIGNANI AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : W05
ORDONNANCE SUR INCIDENT
DEVANT LE MAGISTRAT CHARGÉ DE LA MISE EN ÉTAT
(n° , 3 pages)
Nous, Caroline GUILLEMAIN, magistrat en charge de la mise en état,
Assistée de Sonia JHALLI, Greffier,
FAITS ET PROCEDURE
Par jugement du 3 novembre 2023, le tribunal de commerce de Paris a :
- Condamné la SAS MGF à payer à la SAS Acting Finances la somme de 76.476 € avec intérêts au taux légal à compter du 26 avril 2022, outre la somme de 40 € au titre de l'indemnité forfaitaire de recouvrement ;
- Débouté la SAS MGF de l'ensemble de ses demandes ;
- Dit n'y avoir lieu à suspendre l'exécution provisoire ;
- Condamné la SAS MGF à payer à la SAS Acting Finances la somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi que les dépens.
Par déclaration du 24 novembre 2023, la SAS MGF a interjeté appel de cette décision.
Suivant conclusions transmises par voie électronique, le 29 mars 2024, la SAS Acting Executive a sollicité la radiation de l'affaire du rôle.
Dans ses dernières conclusions, communiquées par voie électronique, le 30 mai 2024, elle demande au conseiller de la mise en état, sur le fondement de l'article 524 du code de procédure civile, de :
« PRONONCER la radiation de la présente affaire enrôlée sous le numéro 23 / 18872
CONDAMNER la société MGF au paiement de la somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du CPC ainsi qu'aux entiers dépens. »
La SAS Acting Exécutive fait valoir que l'appelante n'a pas exécuté les termes du jugement querellé, assorti de l'exécution provisoire, qui lui a été régulièrement signifié, ce qui justifie la radiation de l'affaire du rôle. Elle prétend que les comptes annuels produits par la SAS MGF, pour les années 2021 et 2022, sont à la fois trop anciens et trop sommaires pour permettre de justifier de l'état de sa situation financière actuelle et qu'ils présentent, de surcroît, des incohérences. Elle ajoute que l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire au cours de l'année 2019, ne peut être prise en compte dès lors que la SAS MGF a reconnu qu'elle avait retrouvé une croissance financière, non plus que la résolution prétendue du plan de redressement, intervenue en 2022, dont elle ne justifie pas. Elle prétend, enfin, que les propos tenus par le président de la société, dans la presse, en mars 2023, démentent une quelconque impossibilité financière d'exécuter le jugement.
Dans ses conclusions, transmises par voie électronique, le 29 mai 2024, la SAS MGF demande au conseiller de la mise en état, au visa de l'article 524 du code de procédure civile, de :
« - DECLARER recevable et bien-fondée la société MGF en toutes ses demandes, fins, moyens et prétentions.
Y faisant droit,
- JUGER que la société MGF connait d'importantes difficultés de trésorerie.
- JUGER que la société MGF est, à ce jour, dans l'incapacité d'exécuter la décision rendue par le Tribunal de Commerce dont il est fait appel, au risque de se voir en état de cessation des paiements et donc de voir ouverte une procédure de redressement judiciaire.
En conséquence,
- JUGER que la société MGF ne peut exécuter le jugement rendu par le Tribunal de Commerce de Paris dont il est présentement fait appel sous peine de conséquence manifestement excessives à son encontre.
- JUGER l'appel formé par la société MGF recevable.
- DEBOUTER la société ACTING EXECUTIVE de sa demande de radiation de l'appel formé par la société MGF.
- DEBOUTER la société ACTING EXECUTIVE de l'ensemble de ses demandes, fins, moyens et prétentions.
- CONDAMNER la société ACTING FINANCES au paiement de la somme de 10.000 € au profit de MGF au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
- CONDAMNER la société ACTING FINANCES aux entiers dépens dont le recouvrement sera poursuivi par la SELARL 2H AVOCATS, en la personne de Maître Audrey SCHWAB, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de Procédure Civile. »
Pour s'opposer à la demande de radiation, la SAS MGF fait valoir que l'exécution du jugement entraînerait des conséquences manifestement excessives, au regard de ses difficultés financières. Elle expose qu'elle a fait l'objet d'une procédure de redressement judiciaire, ouverte le 13 septembre 2019, ayant abouti à l'adoption d'un plan de redressement, le 18 juin 2021. Elle poursuit en expliquant que la SAS Acting Finance, à laquelle elle avait confié l'ensemble de sa direction financière, administrative et comptable, n'a pas respecté ses obligations contractuelles, ce qui a entraîné la résolution du plan, le 12 juillet 2022, sans ouverture d'une nouvelle procédure collective. Elle souligne que l'ensemble de ses dettes est ainsi redevenu exigible. Elle invoque, pour preuve de ses difficultés financières, ses bilans des années 2021 et 2022, et le risque d'un nouvel état de cessation de paiement, eu égard notamment à une dette importante contractée auprès d'une URSSAF.
MOTIFS
L'article 524, alinéa 1er, du code de procédure civile dispose : « Lorsque l'exécution provisoire est de droit ou a été ordonnée, le premier président ou, dès qu'il est saisi, le conseiller de la mise en état peut, en cas d'appel, décider, à la demande de l'intimé et après avoir recueilli les observations des parties, la radiation du rôle de l'affaire lorsque l'appelant ne justifie pas avoir exécuté la décision frappée d'appel ou avoir procédé à la consignation autorisée dans les conditions prévues à l'article 521, à moins qu'il lui apparaisse que l'exécution serait de nature à entraîner des conséquences manifestement excessives ou que l'appelant est dans l'impossibilité d'exécuter la décision. »
La possibilité d'écarter la radiation, prévue par l'article 524 susvisé, implique d'apprécier les conséquences immédiates qu'entraînerait l'exécution à l'égard de la situation de l'appelant.
L'exécution est de nature à entraîner des conséquences manifestement excessives pour l'appelant dès lors que celui-ci se trouve dans une situation trop contraignante qui lui interdit, malgré sa bonne foi, d'exécuter la décision, de sorte
que la radiation le priverait tant de son droit d'accès au juge que du double degré de juridiction.
En l'espèce, il n'est pas contesté que la SAS MGF n'a pas réglé le montant des condamnations prononcées aux termes du jugement, frappé d'appel, lequel est revêtu de l'exécution provisoire et lui a été régulièrement signifié, le 18 décembre 2023.
La SAS MGF justifie qu'elle a fait l'objet d'une procédure de redressement judiciaire ouverte le 13 septembre 2019, par le tribunal de commerce de Coutances, qui a arrêté un plan de redressement judiciaire, le 18 juin 2021, pour une durée de dix ans. Néanmoins, en dépit de ce que l'appelante affirme, elle ne démontre pas que ce plan aurait l'objet d'une résiliation : si elle verse aux débats une requête en résolution du commissaire à l'exécution du plan, datée du 7 février 2022, elle ne produit, pour autant, aucune pièce justifiant de l'issue de la procédure. La délivrance de l'assignation par l'URSSAF d'Ile-de-France, datée du 18 avril 2024, visant à voir prononcer l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire, au titre de l'apparition de nouvelles dettes, ne permet pas non plus de préjuger de l'aboutissement de la demande du créancier, faute d'autre élément.
Force est, en effet, de constater que la SAS MGF ne produit aucune pièce comptable attestant de sa situation financière actuelle. Elle verse uniquement aux débats ses comptes annuels pour l'exercice clos au 31 décembre 2021, qui font, au demeurant, apparaître un résultat bénéficiaire net comptable de 853.276 €. Et, comme le souligne l'intimée, le document supposé justifier de ses comptes annuels pour l'année 2022 correspond uniquement à un projet, sans valeur probante. Aucune pièce comptable récente n'est, de toute façon, produite.
Dans ses conditions, il y a lieu d'estimer que la SAS MGF ne démontre pas être dans l'impossibilité d'exécuter intégralement le jugement ni que cette exécution aurait, le cas échéant, des conséquences manifestement excessives.
Il convient par conséquent de prononcer la radiation de la présente instance enregistrée sous le numéro de RG 23/18872 du rôle. La réinscription de l'affaire au rôle de la cour pourra être sollicitée sur justification de l'exécution de la décision attaquée.
L'appelante succombant en cet incident, il convient de la condamner aux dépens.
Il apparaît équitable de ne pas faire application de l'article 700 du code de procédure civile. Les parties seront donc déboutées de leur demande à cette fin.
PAR CES MOTIFS
Le magistrat en charge de la mise en état,
PRONONCE la radiation de la présente instance enregistrée sous le numéro RG 23/18872 du rôle,
DIT que la réinscription de l'affaire au rôle de la cour pourra être sollicitée sur justification de l'exécution de la décision attaquée,
CONDAMNE la SAS MGF aux dépens de l'incident,
DIT n'y avoir lieu à l'application l'article 700 du code de procédure civile.
Ordonnance rendue par Caroline GUILLEMAIN, magistrat en charge de la mise en état assisté de Sonia JHALLI, greffière présente lors du prononcé de l'ordonnance au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Paris, le 04 Juillet 2024
La greffière Le magistrat en charge de la mise en état