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04/07/2024 | FRANCE | N°23/17505

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 10, 04 juillet 2024, 23/17505


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 10



ARRET DU 04 JUILLET 2024



(n°345)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/17505 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CIN54



Décision déférée à la Cour : Jugement du 24 Octobre 2023 -Juge de l'exécution de FONTAINEBLEAU RG n° 22/00018



APPELANTE



S.C.I. EKZR

[Adresse 8]

[Localité 3]



Représentée par Me David BOUAZIZ, avocat au barreau de FONTAINE

BLEAU



INTIMEES



S.A. SOCIETE GENERALE

[Adresse 1]

[Localité 2]



Représentée par Me Guillaume MEAR de la SCP MALPEL & ASSOCIES, avocat au barreau de MELUN



TRESOR PUBLIC

Re...

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 10

ARRET DU 04 JUILLET 2024

(n°345)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/17505 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CIN54

Décision déférée à la Cour : Jugement du 24 Octobre 2023 -Juge de l'exécution de FONTAINEBLEAU RG n° 22/00018

APPELANTE

S.C.I. EKZR

[Adresse 8]

[Localité 3]

Représentée par Me David BOUAZIZ, avocat au barreau de FONTAINEBLEAU

INTIMEES

S.A. SOCIETE GENERALE

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Guillaume MEAR de la SCP MALPEL & ASSOCIES, avocat au barreau de MELUN

TRESOR PUBLIC

Représenté par Madame le comptable des Finances Publiques, responsable du Service des Impôts des Particuliers de [Localité 6] agissant poursuites et diligences du Pôle de recouvrement de [Localité 5] [Adresse 4], créancier inscrit

n'a pas constitué avocat

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 05 Juin 2024, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Bénédicte PRUVOST, Présidente de chambre

Madame Catherine LEFORT, Conseillère

Madame Valérie DISTINGUIN, Conseiller

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Madame Catherine LEFORT, Conseillère dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : M. Grégoire GROSPELLIER

ARRET :

- REPUTE CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Bénédicte PRUVOST, Présidente de chambre et par Grégoire GROSPELLIER, Greffier, présent lors de la mise à disposition.

PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Selon commandement de payer valant saisie immobilière en date du 15 mars 2022, publié le 28 avril 2022 au service de la publicité foncière de Melun 1, la Société Générale a entrepris une saisie immobilière portant sur un bien situé à [Localité 7] (77), [Adresse 9], appartenant à la SCI EKZR, pour avoir paiement d'une somme totale de 419.969,09 euros, et ce en vertu d'un acte notarié de prêt en date du 5 novembre 2009.

Par acte d'huissier du 27 juin 2022, la Société Générale a fait assigner la SCI EKZR à l'audience d'orientation du juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Fontainebleau.

Le commandement a été dénoncé, avec assignation à comparaître à l'audience d'orientation, au Trésor public, créancier inscrit, lequel a déclaré sa créance.

Par jugement d'orientation en date du 24 octobre 2023, le juge de l'exécution a notamment :

constaté que la Société Générale, créancier poursuivant, titulaire d'une créance liquide et exigible, agissait en vertu d'un titre exécutoire, et que la saisie pratiquée portait sur des droits saisissables,

mentionné que la créance dont le recouvrement est poursuivi par la Société Générale à l'encontre de la SCI EKZR s'élève à la somme de 291.506,20 euros arrêtée au 15 mars 2022, outre intérêts postérieurs au taux conventionnel de 5,25% sur la somme de 266.900,83 euros,

rejeté la demande de délais de paiement de la SCI EKZR,

ordonné la vente forcée du bien saisi, sur la mise à prix de 85.000 euros telle que fixée par le cahier des conditions de vente,

fixé la date et le lieu de l'audience d'adjudication,

autorisé et organisé les visites des biens saisis,

aménagé la publicité de la vente,

dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,

dit que les dépens seront compris dans les frais de vente soumis à taxe.

Le premier juge a rejeté la contestation de la SCI EKZR en retenant que malgré l'accord entre l'huissier et la débitrice sur le paiement échelonné de la dette à la suite de la délivrance d'un commandement de payer aux fins de saisie-vente, la SCI EKZR ne justifiait pas de ce que la Société Générale aurait renoncé aux poursuites. Il a également considéré que l'indemnité d'exigibilité n'était pas manifestement excessive, sauf pour ce qui concerne le taux d'intérêt conventionnel majoré, qu'il a réduit au taux conventionnel non majoré, et a déduit les versements. Il a rejeté la demande de délais de paiement en l'absence de production de justificatifs sur la situation financière de la SCI EKZR.

La SCI EKZR a formé appel de cette décision par déclaration du 9 novembre 2023. Puis, par actes de commissaire de justice des 8 et 11 décembre 2023, déposés au greffe par le Rpva le 21 décembre 2023, elle a fait assigner à jour fixe respectivement le Trésor public (service des impôts des particuliers de [Localité 6]) et la Société Générale devant la cour d'appel de Paris, après y avoir été autorisée par ordonnance sur requête en date du 16 novembre 2023.

Par conclusions du 4 juin 2024, la SCI EKZR demande à la cour d'appel de :

- infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a retenu le taux conventionnel non majoré,

Statuant à nouveau,

- constater la réalité de l'accord intervenu avec la Société Générale pour le règlement de la créance moyennant le versement de mensualités de 2.700 euros et ce jusqu'à apurement de la dette,

- la déclarer en conséquence recevable en sa demande tendant à voir la Société Générale déboutée de toutes ses demandes tendant à obtenir la vente du bien lui appartenant par voie de saisie immobilière, étant précisé que sa demande n'est pas nouvelle puisqu'elle tend aux mêmes fins que celles soumises au premier juge conformément à l'article 565 du code de procédure civile,

- ordonner la mainlevée du commandement de payer valant saisie immobilière du 15 mars 2022 et sa radiation aux frais de la Société Générale,

- à titre subsidiaire, fixer la créance de la Société Générale à la somme de 266.900,83 euros en principal et à la somme de 83.557,53 euros en intérêts, soit la somme totale de 350.457,53 euros, dont à déduire les acomptes pour 114.645,78 euros, sous réserve des intérêts au taux de 5,25% sur la créance en principal pour la période postérieure au 30 mars 2023,

- confirmer le jugement en ce qu'il a jugé que seul sera exigible l'intérêt conventionnel de 5,25% à l'exclusion des intérêts majorés prévus dans la convention de prêt en cas d'exigibilité anticipée,

- rejeter la demande formée du chef de l'indemnité forfaitaire,

- l'autoriser à s'acquitter de la dette moyennant 23 mensualités successives d'un montant de 2.700 euros chacune, le solde devenant exigible au 24ème mois, mais le taux d'intérêt applicable ne pouvant excéder 5,25%, toute demande d'intérêts majorés et indemnité de résiliation étant rejetée par application de l'article 1343-5 du code civil,

- ordonner en tant que de besoin la suspension de la procédure tant que les délais seront respectés,

- condamner la Société Générale au paiement de la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de la procédure de saisie immobilière.

L'appelante soutient qu'elle a versé à la Société Générale une somme totale de 114.645,78 euros au 1er mai 2024 pour une créance qui s'élevait, à la date du commandement de payer aux fins de saisie-vente du 26 mars 2021, à la somme de 266.900,83 euros ; que la Société Générale n'est pas de bonne foi lorsqu'elle affirme, après avoir perçu 38 mensualités successives de 2.700 euros, que l'accord sur les modalités d'apurement de la dette n'entraînerait pas renonciation à une procédure de saisie immobilière ; qu'il est abusif de prétendre que cet accord, non assorti de réserves, et exécuté, ne constituerait pas une renonciation à l'exigibilité de la créance, alors qu'il modifie nécessairement les obligations respectives conformément à l'article 1100 du code civil.

Elle reproche à la Société Générale d'avoir notifié ses conclusions moins de 48 heures avant l'audience pour soulever une irrecevabilité et souligne que l'accord intervenu entre les parties a pour conséquence le mal fondé de la procédure d'exécution.

Par ailleurs, elle explique que la majoration des intérêts constitue une clause pénale, qui peut être diminuée par le juge lorsque l'engagement a été exécuté.

Par conclusions du 5 juin 2024, la Société Générale demande à la cour de :

- écarter des débats les pièces n°15, 16 et 17 de la SCI EKZR,

- débouter la société EKZR de toutes ses demandes, qui seront jugées irrecevables et mal fondées,

- confirmer le jugement d'orientation en toutes ses dispositions,

- condamner la SCI EKZR au paiement d'une somme de 3.600 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et aux dépens d'appel, dont distraction au profit de Me Méar, en application de l'article 699 du même code.

Elle fait valoir que le créancier poursuivant peut parfaitement accepter des paiements partiels sans pour autant renoncer à l'exigibilité de sa créance, et que précisément en l'espèce, l'huissier ayant délivré le commandement de payer aux fins de saisie-vente du 26 mars 2021 a accepté le paiement mensuel proposé par la débitrice à hauteur de 2.700 euros, sans pour autant renoncer à l'exigibilité de la créance, aucun accord n'étant intervenu en ce sens, de sorte qu'il n'y a pas lieu de constater l'accord.

Elle soutient en outre que les demandes de débouté, mainlevée et radiation du commandement n'ont pas été formées en première instance, de sorte qu'en application de l'article R.311-5 du code des procédures civiles d'exécution, elles sont irrecevables et devront être rejetées.

Elle ajoute que les parties sont d'accord sur le montant de la créance en principal et intérêts, que l'indemnité forfaitaire et la majoration d'intérêts de quatre points, prévues au contrat, ne présentent pas un caractère manifestement excessif, de sorte que le jugement doit être confirmé en ce qu'il a rejeté la demande relative à l'indemnité forfaitaire. Elle fait valoir en outre qu'en application de l'article 919 du code de procédure civile, les pièces complémentaires non visées dans la requête en assignation à jour fixe et non produites en réplique à celles de l'intimé doivent être écartées des débats.

Elle s'oppose à la demande de délai, en ce que la débitrice ne fournit aucun justificatif, notamment sur la manière dont la dette pourra être soldée avec la dernière mensualité, et a déjà bénéficié de délais supérieurs à ceux prévus par l'article 1343-5 du code civil. Elle estime enfin que la demande de suspension de la procédure de saisie immobilière est nouvelle en appel donc irrecevable en application de l'article R.311-5 du code des procédures civiles d'exécution.

Le Trésor public, bien que cité à personne morale, n'a pas constitué avocat.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la constatation d'un accord

Il résulte des pièces produites par l'appelante que suite à la délivrance d'un commandement de payer aux fins de saisie-vente en date du 26 mars 2021, la s'ur du gérant de la SCI EKZR a contacté immédiatement l'huissier de justice pour lui proposer des versements mensuels de 2.700 euros. Par courrier du 1er avril 2021, l'huissier a répondu à la SCI EKZR que sa cliente acceptait sa proposition de règlement mensuel et lui a demandé de préciser la date des échéances et le mode de paiement. Puis par courrier du 22 mars 2022, il l'a informée de ce que sa cliente avait mis en place une procédure de saisie immobilière en parallèle de ses paiements. L'appelante produit un décompte de l'huissier daté du 6 avril 2023 établissant que des versements de 2.700 euros ont été effectués mensuellement du 30 avril 2021 au 27 mars 2023.

Pour autant, la SCI EKZR ne justifie pas de ce que la Société Générale aurait renoncé à la déchéance du terme prononcée depuis 2015 et aux poursuites. L'accord des parties sur les modalités de règlement de la dette à la suite du commandement de payer aux fins de saisie-vente n'emporte pas en soi une renonciation du créancier à l'exécution forcée, étant rappelé que la renonciation à un droit ne peut résulter que d'actes manifestant, sans équivoque, la volonté de renoncer.

C'est donc à juste que le premier juge a rejeté la contestation de la SCI EKZR. Le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur le montant de la créance

L'article 1231-5 alinéas 1 et 2 du code civil dispose :

« Lorsque le contrat stipule que celui qui manquera de l'exécuter paiera une certaine somme à titre de dommages et intérêts, il ne peut être alloué à l'autre partie une somme plus forte ni moindre.

Néanmoins, le juge peut, même d'office, modérer ou augmenter la pénalité ainsi convenue si elle est manifestement excessive ou dérisoire. »

La SCI EKZR demande la confirmation du jugement en ce qu'il a réduit le taux d'intérêt en estimant que la majoration d'intérêts était une clause pénale manifestement excessive. La Société Générale ne conteste pas ce point et demande également la confirmation du jugement.

La SCI EKZR fait valoir en outre à juste titre que l'indemnité forfaitaire, d'un montant de 5.847,84 euros, constitue également une clause pénale. Elle n'invoque aucun fondement juridique à l'appui de sa demande de suppression, l'article 1231-5 précité ne permettant que la modération de l'indemnité. Dès lors, il convient de réduire d'office cette indemnité à un montant symbolique de 1 euro au motif qu'elle est manifestement excessive par rapport au préjudice réellement subi par la banque, lequel est atténué par le respect des délais de paiement convenus, à hauteur de 2.700 euros par mois pendant au moins 24 mois. Le jugement sera donc infirmé sur l'indemnité forfaitaire.

Par ailleurs, la SCI EKZR demande d'actualiser la créance de la Société Générale, mais le décompte de ses versements produit n'était pas visé dans sa requête ni communiqué lors de la délivrance de l'assignation à jour fixe. C'est à juste titre que la Société Générale soutient qu'en application de l'article 919 du code de procédure civile, les pièces communiquées ultérieurement sont irrecevables.

La créance du créancier poursuivant sera donc fixée, après réduction de l'indemnité forfaitaire à 1 euro, à la somme de 285.659,36 euros arrêtée au 15 mars 2022, outre intérêts postérieurs au taux conventionnel de 5,25% sur la somme de 266.900,83 euros. Le jugement sera donc infirmé sur le montant de la créance.

Sur la demande de délais de paiement

Il résulte de l'article R.121-1 alinéa 2 du code des procédures civiles d'exécution que le juge de l'exécution peut accorder un délai de grâce au débiteur, après la signification du commandement ou de l'acte de saisie ou à compter de l'audience prévue par l'article R.3252-17 du code du travail, selon le cas.

Aux termes de l'article 1343-5 du code civil, le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner le paiement des sommes dues, dans la limite de deux années.

Au regard du montant de la dette, la SCI EKZR n'établit pas qu'elle est en capacité de la régler dans le délai de deux ans. En outre, la dette est ancienne et la débitrice a déjà bénéficié de larges délais de fait.

Il convient donc de confirmer le jugement en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de délais de paiement.

Sur les demandes accessoires

La SCI EKZR, qui succombe en grande partie en son appel, sera condamnée aux dépens d'appel, dont distraction au profit de l'avocat de la Société Générale, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

L'équité justifie que chaque partie garde la charge de ses frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS,

DECLARE irrecevables les pièces n°15, 16 et 17 de la SCI EKZR,

INFIRME le jugement d'orientation rendu le 24 octobre 2023 par le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Fontainebleau, mais seulement en ce qu'il a mentionné que la créance s'élève à la somme de 291.506,20 euros arrêtée au 15 mars 2022, outre intérêts postérieurs au taux conventionnel de 5,25% sur la somme de 266.900,83 euros,

Statuant à nouveau sur ce seul chef,

FIXE la créance de la SA Société Générale à l'égard de la SCI EKZR à la somme de 285.659,36 euros arrêtée au 15 mars 2022, outre intérêts postérieurs au taux conventionnel de 5,25% sur la somme de 266.900,83 euros,

CONFIRME le jugement déféré pour le surplus,

Y ajoutant,

REJETTE les demandes respectives des parties au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la SCI EKZR aux dépens d'appel, dont distraction au profit de Me Guillaume Méar, avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 1 - chambre 10
Numéro d'arrêt : 23/17505
Date de la décision : 04/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 13/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-04;23.17505 ?
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