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04/07/2024 | FRANCE | N°23/11786

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 10, 04 juillet 2024, 23/11786


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 1 - Chambre 10



ARRET DU 04 JUILLET 2024



(n°342)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/11786 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CH5CK



Décision déférée à la Cour : Jugement du 12 Avril 2023 -Tribunal de proximité d'AULNAY SOUS BOIS RG n° 11-21-3708



APPELANTE



S.A. LE CREDIT LYONNAIS-LCL

[Adresse 1]

[Localité 3]



Représentée par Me Françoise COHEN

, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, toque : 25



INTIME



Monsieur [Z] [K]

[Adresse 2]

[Localité 4]



Représenté par Me Bernard BENAIEM de la SELEURL CABINET D'AVOCAT DU PARC MONCE...

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 10

ARRET DU 04 JUILLET 2024

(n°342)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/11786 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CH5CK

Décision déférée à la Cour : Jugement du 12 Avril 2023 -Tribunal de proximité d'AULNAY SOUS BOIS RG n° 11-21-3708

APPELANTE

S.A. LE CREDIT LYONNAIS-LCL

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Françoise COHEN, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, toque : 25

INTIME

Monsieur [Z] [K]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représenté par Me Bernard BENAIEM de la SELEURL CABINET D'AVOCAT DU PARC MONCEAU, avocat au barreau de PARIS Palais G500

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 05 Juin 2024, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Bénédicte PRUVOST, Présidente de chambre

Madame Catherine LEFORT, Conseillère

Madame Valérie DISTINGUIN, Conseiller

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Mme Bénédicte PRUVOST, Présidente de chambre dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : M. Grégoire GROSPELLIER

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Bénédicte PRUVOST, Présidente de chambre et par Grégoire GROSPELLIER, Greffier, présent lors de la mise à disposition.

Par acte notarié du 13 décembre 2013, M. et Mme [Z] [K] se sont portés cautions solidaires à hauteur de 41.036 euros couvrant le paiement du principal, des intérêts et pénalités ou intérêts de retard des sommes dues à concurrence de 50% de l'encours du prêt d'un montant en capital de 82.072 euros, remboursable en 84 mensualités de 1122,96 euros, consenti par la SA Le Crédit Lyonnais à la société AMD3, dont M. [K] était gérant.

A la suite d'impayés par la société AMD3, la société Le Crédit Lyonnais a mis en demeure M. [K] en sa qualité de caution selon lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 23 novembre 2017.

Par acte du 1er août 2018, la société Le Crédit Lyonnais a fait procéder, à l'encontre de M. [K] et entre les mains de la Société Générale, à une saisie-attribution, qui ne s'est révélée fructueuse qu'à hauteur de 340,80 euros après déduction du solde bancaire insaisissable.

Selon jugement du 17 octobre 2018, la société AMD3 a été placée en liquidation judiciaire. La créance de la société Le Crédit Lyonnais, déclarée entre les mains du mandataire liquidateur, a été admise le 30 octobre 2018 pour la somme de 44.649,91 euros puis a fait l'objet d'un certificat d'irrécouvrabilité établi par le mandataire liquidateur le 18 août 2021.

Par requête reçue au greffe du tribunal de proximité d'Aulnay-sous-Bois le 18 mai 2021, la société Le Crédit Lyonnais a sollicité l'autorisation de pratiquer une saisie des rémunérations à l'encontre de M. [K] pour obtenir paiement de la somme totale de 19.895,64 euros.

Par jugement du 12 avril 2023, le juge de l'exécution du tribunal de proximité d'Aulnay-sous-Bois a :

dit que le contrat de cautionnement résultant de l'acte notarié du 13 décembre 2013 ne peut être opposé par la société Le Crédit Lyonnais à M. [K] ;

débouté la société Le Crédit Lyonnais de l'ensemble de ses demandes, y compris de celle formulée au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

condamné la société Le Crédit Lyonnais à payer à M. [K] la somme de 1000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

condamné la société Le Crédit Lyonnais aux dépens.

Pour statuer ainsi, le juge de l'exécution a retenu que la proportionnalité du cautionnement s'apprécie nécessairement au regard de la capacité de la caution à faire face à son propre engagement et à l'obligation garantie, soit au montant total que la caution devra supporter en cas de défaillance du débiteur principal et non aux échéances mensuelles que devait verser ce dernier ; que le montant total de la dette auquel le couple s'était engagé à faire face en cas de défaillance de la société AMD3 représentait près de la totalité de ses ressources annuelles, couple qui avait alors un enfant à charge et ne disposait d'aucun patrimoine. Ensuite, il a constaté qu'au moment où il appelait la caution, soit en 2017, le créancier n'établissait pas que le patrimoine de la caution lui permettait de faire face à son obligation, ne fournissant aucun élément sur la valeur des parts détenues par les époux [K] dans la SCI MIR, et alors que M. [K] démontrait au contraire que les revenus de son couple s'étaient détériorés tandis que les charges s'en étaient accru, ayant aujourd'hui deux enfants.

Par déclarations du 30 juin 2023 puis du 25 juillet 2023, la société Le Crédit Lyonnais a fait appel de ce jugement.

Par ordonnance du 9 novembre 2023, le conseiller désigné par le premier président a ordonné la jonction du dossier n°RG 23/13348 au dossier n°RG 23/11786.

Par conclusions notifiées le 19 septembre 2023, la société Le Crédit Lyonnais demande à la cour de :

ordonner la jonction des procédures enregistrées sous les n°23/11786 et 23/13348,

infirmer le jugement dont appel ;

en conséquence,

autoriser la saisie des rémunérations de M. [K] à hauteur de 19.895,64 euros ;

débouter la société Le Crédit Lyonnais de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

condamner M. [K] à lui payer la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

condamner M. [K] aux entiers dépens, comprenant le coût de la requête en saisie des rémunérations d'un montant de 71,50 euros, dont distraction au profit de Me Françoise Cohen, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

L'appelante fait valoir en premier lieu que ce n'est pas le montant de l'engagement de la caution qu'il convient de prendre en considération pour apprécier la proportionnalité du cautionnement, mais la capacité de remboursement de celui qui s'engage, sauf à vider de son sens tout acte de cautionnement, un crédit et un acte de cautionnement étant souscrits dès lors que le débiteur ne dispose pas des fonds suffisants ; que les revenus du couple [K] s'élevaient à 4409,41 euros par mois en 2013 alors que l'engagement de la caution portait sur la moitié des échéances dues par le débiteur principal, soit 561,48 euros par mois, ce qui ne révélait aucune disproportion.

En second lieu, elle relève que le premier juge a inversé la charge de la preuve en lui reprochant de n'avoir pas communiqué d'éléments concernant les ressources de M. [K] en 2017/2018, au moment où elle l'a appelé en qualité de caution ; qu'en tout état de cause, le couple justifie lui-même de ressources mensuelles de 2450 euros par mois et dispose d'un bien immobilier acquis via une SCI MIR, pour lequel il parvient à rembourser des échéances mensuelles de 1200 euros.

Par conclusions notifiées le 12 octobre 2023, M. [K] conclut à voir :

confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

débouter la société Le Crédit Lyonnais de l'ensemble de ses demandes ;

En toute hypothèse,

condamner la société Le Crédit Lyonnais à lui payer la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

A cet effet, il s'approprie les motifs du premier juge, rappelant que lors de la signature du cautionnement il déclarait des revenus annuels de 30.600 euros et l'ensemble de son couple des revenus annuels 47.622 euros, tandis qu'il avait un enfant à charge, ce qui caractérise une disproportion incontestable par rapport à un engagement s'élevant à 41.036 euros, de très peu inférieur aux revenus annuels.

De même, il entend justifier de sa situation actuelle, qui s'est dégradée par rapport à ce qu'elle était lors de la souscription du cautionnement, ce que manifeste le caractère très peu fructueux de la saisie-attribution pratiquée par le Crédit Lyonnais en 2018. Il souligne que le bien immobilier qui constitue le logement familial appartient à une SCI dont le patrimoine est distinct du sien.

MOTIFS

Sur la disproportion de l'engagement souscrit par M. [K]

Aux termes de l'article L. 213-6 alinéa 1er du code de l'organisation judiciaire, le juge de l'exécution connaît, de manière exclusive, des difficultés relatives aux titres exécutoires et des contestations qui s'élèvent à l'occasion de l'exécution forcée, même si elles portent sur le fond du droit, notamment la validité du cautionnement résultant d'un acte notarié exécutoire. (Civ. 2ème,18 juin 2009, n°08-10.843)

Selon les dispositions de l'article L. 341-4 du code de la consommation, dans sa rédaction applicable aux faits de l'espèce, un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.

C'est seulement si l'engagement était manifestement disproportionné aux biens et aux revenus de la caution lors de la conclusion du contrat qu'il y a lieu d'examiner si le patrimoine de la caution peut lui permettre de faire face à son obligation au moment où elle est appelée.

Cependant en vertu de l'article 1353 du code civil, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver ; réciproquement, celui qui se prétend libéré, doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de l'obligation.

Il résulte de la combinaison des textes précités qu'il incombe à la caution de prouver la disproportion du cautionnement lorsqu'elle s'est engagée, mais qu'il appartient au créancier professionnel, dans un second temps à supposer la disproportion établie lors de la souscription, d'établir qu'au moment où il appelle la caution, le patrimoine de cette dernière lui permet de faire face à son obligation. (Com., 1er avr. 2014, n°13-11.313)

En retenant que la banque ne justifiait pas, au jour où était appelé M. [K], de l'absence de disproportion, le premier juge n'a donc nullement inversé la charge de la preuve, contrairement à ce que soutient l'appelante.

Lors de l'engagement des cautions en décembre 2013, étant souligné que l'examen de l'acte notarié de prêt fait apparaître que les époux [K] se sont engagés tous deux en cette qualité, M. [K] justifie de ce que le couple percevait un revenu net annuel imposable de 47.622 euros, soit 3968,50 euros par mois, assumait la charge d'un enfant en bas âge et ne disposait alors d'aucun patrimoine. Par ailleurs, les époux [K] s'étaient engagés à hauteur de moitié de l'engagement de la société AMD3, laquelle devait rembourser des échéances mensuelles de 1122,96 euros.

Le premier juge a exactement retenu, par des motifs pertinents que la cour adopte, qu'il ressortait des pièces produites que le montant exigible de la dette auquel le couple s'était engagé à faire face en cas de défaillance de la société AMD3 représentait près de la totalité des ressources annuelles du couple d'un montant de 47.622 euros, de sorte que le cautionnement conclu à hauteur de 41.036 euros était manifestement disproportionné par rapport aux biens et revenus de M. [K].

M. [K] a été appelé par la société Le Crédit Lyonnais en sa qualité de caution selon mise en demeure du 23 novembre 2017. Il y a donc lieu d'examiner si, à cette époque, son patrimoine lui permettait de faire face à son obligation.

L'appelante, à qui incombe la charge de la preuve d'une amélioration éventuelle de la situation de l'intimé lui permettant de faire face à son engagement en 2017/2018, justifie de ce que M. [K] est gérant, depuis le 6 juillet 2015, de la SCI Mir, dont le capital social est de 1500 euros et qui rembourse un crédit immobilier souscrit le 14 octobre 2015, aux échéances mensuelles de 1206 euros. C'est à juste titre que le premier juge a retenu que le prêteur ne justifiait pas de la valeur des parts sociales détenues par les époux [K] dans cette SCI.

Par ailleurs M. [K] produit : trois bulletins de salaire de juillet à septembre 2022 (salaire net mensuel moyen : 1321 euros), faisant apparaître qu'il est employé comme moniteur d'auto-école depuis le 1er juillet 2020, donc impropres à justifier de sa situation en 2017 ; une attestation de la Caf attestant de la perception par les époux [K] de prestations familiales d'un montant mensuel de 601 euros, un deuxième enfant étant né ; une attestation de l'URSSAF contenant un échéancier de remboursement d'une dette à raison de 125,66 euros par mois ; une attestation Pôle Emploi concernant Mme [K], dont il résulte que celle-ci a perçu entre les 1er octobre 2021 et 14 mars 2022 une allocation de 15,86 euros par jour ; enfin un procès-verbal de conciliation dressé à l'audience des saisies des rémunérations du tribunal de proximité d'Aulnay-sous-Bois dont il ressort que M. [K] verse au Trésor Public des mensualités de 175 euros pour rembourser une dette d'un montant total de 11.139,49 euros.

L'ensemble de ces éléments permet de constater qu'à la suite de liquidation judiciaire de la société dont il était gérant, la situation matérielle de M. [K] ne s'est pas améliorée, bien au contraire, en tout cas que son patrimoine ne lui permettrait pas de faire face à la dette que lui réclame la société Le Crédit Lyonnais, d'un montant de 19.895,64 euros.

Par conséquent, il y a lieu, en application des dispositions de l'article L. 341-4 du code de la consommation, de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a retenu que la banque ne pouvait pas se prévaloir du cautionnement délivré par M. [K].

Sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

L'issue du litige commande la condamnation de l'appelante aux dépens d'appel, ainsi que sa condamnation au paiement à l'intimé d'une indemnité de 1000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Condamne la SA Le Crédit Lyonnais à payer à M. [Z] [K] une somme de 1000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur d'appel,

Condamne la SA Le Crédit Lyonnais aux dépens d'appel,

Dit que les parties devront remettre au greffe du juge de l'exécution du tribunal de proximité d'Aulnay-sous-Bois une copie du présent arrêt et de son acte de signification.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 1 - chambre 10
Numéro d'arrêt : 23/11786
Date de la décision : 04/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 13/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-04;23.11786 ?
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