Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées le :
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 2
ARRET DU 04 JUILLET 2024
(n° , 14 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/07654 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CISCB
Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 19 Octobre 2023 -Président du Conseil de Prud'hommes de CRETEIL - RG n° 23/00063
APPELANTE :
S.A.S.U. PROSERVE DASRI agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège,
N° SIRET : 832 336 077
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me Audrey HINOUX, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477, avocat postulant et par Me Christine ARANDA, avocat au barreau de PARIS, toque : P0107, avocat plaidant
INTIMÉE :
Monsieur [L] [Z]
Né le 26/03/1976, à [Localité 5]
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représenté par Me Rudy OUAKRAT, avocat au barreau de PARIS, toque : C2445
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 06 Juin 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Eric LEGRIS, Magistrat, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
Eric LEGRIS, président
Marie-Paule ALZEARI, conseillère
Christine LAGARDE, conseillère
Greffier, lors des débats : Madame Laetitia PRADIGNAC
ARRET :
- Contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Eric LEGRIS, Magistrat et par Sophie CAPITAINE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE :
M. [Z] a été engagé à compter du 19 octobre 2009 par la société SITA Ile-de-France devenue la société SUEZ RV Ile-de-France selon contrat de travail à durée indéterminée à temps complet en qualité de conducteur poids lourds. Le 1er août 2010, la relation contractuelle s'est poursuivie selon contrat à durée indéterminée à temps complet.
À compter du 1er mars 2018, le contrat de travail de M. [Z] a été transféré à la société Proserve Dasri par application des dispositions de l'article L. 1224-1 du code du travail.
La convention collective applicable est celle des activités du déchet.
Par arrêt définitif du 09 juillet 2020, la cour d'appel de Versailles a notamment :
- Dit que les sociétés SUEZ RV Ile-de-France et Proserve Dasri étaient redevables à l'égard de M. [Z] du règlement de la majoration de salaire prévue par l'article 3.14 de la convention collective nationale des activités du déchet, pour la période allant du 09 septembre 2013 jusqu'au 28 février 2018 pour la première, et à compter du 1er mars 2018 jusqu'à la date de l'arrêt de l'exercice de cette activité pour le salarié pour la seconde ;
- Condamné la société SUEZ RV Ile-de-France à régler à M. [Z] une majoration de salaire d'un montant mensuel de 70 euros outre les congés payés (7 euros) du 09 septembre 2013 jusqu'au 28 février 2018 ;
- Condamné la Proserve Dasri à régler à M. [Z] une majoration de salaire d'un montant mensuel de 70 euros outre les congés payés (7 euros) du 1er mars 2018 jusqu'à la date de l'arrêt de l'exercice de cette activité par le salarié.
Par courrier du 27 septembre 2022, la société Proserve Dasri a rappelé à M. [Z] qu'une nouvelle majoration de salaire en application de l'article 3.14 de la convention collective avait été mise en place par décision unilatérale et l'a informé de ce qu'elle se substituait depuis le 1er août 2022 à celle résultant de la décision de justice le concernant.
Par requête adressée au greffe le 02 mars 2023, M. [Z] a fait appeler devant la formation de référé du conseil de prud'hommes de Créteil la société Proserve Dasri aux fins d'obtenir des rappels de salaire au titre de la majoration de salaire non versé depuis le mois d'août 2022, les congés payés afférents, des dommages et intérêts à titre provisionnel en réparation du préjudice subi. Il demandait également d'enjoindre la société Proserve Dasri à lui verser la prime de 70 euros chaque mois jusqu'à la date de l'arrêt de l'exercice de cette activité et ce, sous astreinte.
Par ordonnance du 19 octobre 2023, notifiée aux parties le 09 novembre 2023, le juge départiteur, statuant seul en référé, a fait partiellement droit aux demandes de M. [Z] en :
- Condamnant par provision la société Proserve Dasri à payer à M. [Z] les sommes de :
708,84 euros de rappel de salaire au titre de la majoration ;
70,88 euros à titre de congés payés afférents ;
- Disant n'y avoir lieu a référé sur le surplus des demandes formulées par M. [Z] ;
- Rappelant que les créances salariales portent intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de sa convocation devant le conseil de prud'hommes tandis que les créances indemnitaires portent intérêts au taux légal à compter de la décision en fixant tout à la fois le principe et le montant ;
Le conseil de prud'hommes de Créteil a également condamné la société Proserve Dasri à verser à M. [Z] une indemnité de 200 euros dans le cadre de l'article 700 du code de procédure civile, a rappelé que l'exécution provisoire est de droit et a condamné la société aux dépens.
Par déclaration du 24 novembre 2023, la société Proserve Dasri a relevé appel de l'ordonnance.
PRÉTENTION DES PARTIES :
Dans ses dernières conclusions, communiquées au greffe par voie électronique le 25 avril 2024, la société Proserve Dasri demande à la cour de :
Vu les articles visés,
Vu l'article 700 du code de procédure civile,
Vu la jurisprudence visée,
- Recevoir la société Proserve Dasri en son appel, la dire bien fondé et y faisant droit ;
- Infirmer l'ordonnance du conseil de prud'hommes de Créteil en ce qu'il a, retenant la compétence du juge des référés :
o Condamné par provision la société Proserve Dasri à payer à M. [Z] les sommes de :
708,84 euros (sept cent huit euros et quatre-vingt-quatre centimes) de rappel de salaire au titre de la majoration ;
70,88 euros (soixante-dix euros et quatre-vingt-huit centimes) à titre de congés payés afférents ;
o Rappelé que les créances salariales portent intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de sa convocation devant le conseil de prud'hommes tandis que les créances indemnitaires portent intérêts au taux légal à compter de la décision en fixant tout à la fois le principe et le montant ;
o Condamné la société Proserve Dasri à verser à M. [Z] une indemnité de 200 euros (deux cents euros) dans le cadre de l'article 700 du code de procédure civile ;
o Rappelé que l'exécution provisoire est de droit ;
o Condamné la société Proserve Dasri aux dépens ;
- Ordonner le remboursement des sommes perçues par M. [Z] au titre de l'exécution provisoire ;
Et, statuant à nouveau :
In limine litis et à titre principal :
- Déclarer que la décision unilatérale de l'employeur de faire application de l'article 3.14 est un fait nouveau ;
- Déclarer que la décision unilatérale, fait nouveau intervenu le 1er août 2022, rend inopposable depuis cette date la décision de la cour d'appel de Versailles du 09 juillet 2020 ;
- Déclarer que les demandes formulées en première instance par M. [Z] excèdent, par leur nature, à la compétence du juge des référés ;
En conséquence,
- Juger qu'il n'y a manifestement pas lieu à référé ;
- Inviter M. [Z] à mieux se pourvoir ;
- Déclarer irrecevable M. [Z] dans ses demandes en première instance ;
- Ordonner le remboursement des sommes perçues par M. [Z] au titre de l'exécution provisoire ;
À titre subsidiaire,
- Juger que par conclusions notifiées le 23 avril 2024, M. [Z] a présenté une nouvelle prétention, en méconnaissance du principe de concentration des prétentions prévu par l'article 910-4 du code de procédure civile ;
En conséquence,
- Déclarer irrecevables les prétentions de M. [Z] aux fins de voir " CONDAMNER la Société PROSERVE DASRI à verser à Monsieur [Z] la somme de 708,84 € bruts de rappel de salaire au titre de la majoration de salaire non versée du 1er août 2023 au 31 juillet 2024 " et " CONDAMNER la Société PROSERVE DASRI à verser à Monsieur [Z] la somme de 70,88 € de congés payés afférents " et à titre subsidiaire l'en débouter ;
- Juger que la décision unilatérale de l'employeur de faire application de l'article 3.14 doit être considérée comme un fait nouveau ;
- Juger que la décision unilatérale, fait nouveau intervenu le 1er août 2022, rend inopposable depuis cette date la décision de la cour d'appel de Versailles du 09 juillet 2020 ;
En conséquence,
- Débouter M. [Z] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;
- Ordonner le remboursement des sommes perçues par M. [Z] au titre de l'exécution provisoire ;
À titre infiniment subsidiaire,
- Juger excessives les demandes de rappel de salaire formulées par M. [Z];
- Juger que doit venir en réduction des sommes demandées la majoration versée par la société Proserve Dasri depuis le 1er août 2022 ;
- Juger que les nouvelles prétentions jusqu'au 31 juillet 2024 portent sur une créance qui n'est pas certaine ;
En conséquence, déduire 193,51 euros brut de toutes sommes allouées par la cour à ce titre (montant à parfaire selon les sommes versées au titre de la majoration 3.14 par la société Proserve Dasri) ;
- Juger excessive la demande de dommages et intérêts de 5.000 euros sollicités ;
- Juger qu'aucun préjudice n'est établi, ni même allégué, au-delà de la seule absence de versement de la majoration demandée ;
En conséquence,
- Débouter M. [Z] de l'ensemble de sa demande de dommages et intérêt ;
- Juger non fondée la demande de condamnation sous astreinte pour l'avenir ;
En conséquence,
- Le débouter de sa demande à ce titre ;
En tout état de cause :
- Condamner M. [Z] au paiement d'une somme de 2.500 euros à la société Proserve Dasri en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamner M. [Z] aux entiers dépens ;
- Débouter M. [Z] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions d'incident notifiées par RPVA le 5 juin 2024, la société Proserve Dasri demande par ailleurs à la cour de :
- Déclarer irrecevables les conclusions n°3 déposées le 13 mai 2024, les conclusions n°4 déposées le 17 mai 2024 ainsi que la pièce n°7 déposée le 17 mai 2024 après la clôture.
Dans ses conclusions, communiquées au greffe par voie électronique le 23 avril 2024, l'intimé demande à la cour de :
Vu l'ordonnance du conseil de prud'hommes de Créteil en sa formation de départage de la section référé du 19 octobre 2023 (N°RG 23/00063),
- Confirmer l'ordonnance de première instance en ce qu'elle a :
Condamné la société Proserve Dasri à verser à M. [Z] la somme de 708,84 euros bruts de rappel de salaire au titre de la majoration de salaire non versée du 1er août 2022 au 31 juillet 2023 ;
Condamné la société Proserve Dasri à verser à M. [Z] la somme de 70,88 euros de congés payés afférents ;
Condamné la société Proserve Dasri à verser à M. [Z] la somme de 200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamné la société Proserve Dasri aux dépens de première instance ;
Rappelé que les créances salariales portent intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de sa convocation devant le conseil de prud'hommes tandis que les créances indemnitaires portent intérêts au taux légal à compter de la décision en fixant tout à la fois le principe et le montant ;
Y ajoutant,
Condamner la société Proserve Dasri à verser à M. [Z] la somme de 708,84 euros bruts de rappel de salaire au titre de la majoration de salaire non versée du 1er août 2023 au 31 juillet 2024 ;
Condamner la société Proserve Dasri à verser à M. [Z] la somme de 70,88 euros de congés payés afférents ;
- Infirmer l'ordonnance de première instance en ce qu'elle a :
Débouté M. [Z] de sa demande d'enjoindre à la société Proserve Dasri de lui verser la prime de 70 euros chaque mois jusqu'à la date de l'arrêt de l'exercice de cette activité par M. [Z], et ce sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et de sa demande de dommages et intérêts provisionnels ;
Et, statuant à nouveau,
Condamner la société Proserve Dasri à verser à M. [Z] la prime de 70 euros chaque mois jusqu'à la date de l'arrêt de l'exercice de cette activité par M. [Z], et ce sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
Condamner la société Proserve Dasri à verser à M. [Z] la somme de 5.000 euros de dommages et intérêts à titre provisionnel en réparation du préjudice subi ;
En tout état de cause,
- Condamner la société Proserve Dasri à verser à M. [Z] la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamner la société Proserve Dasri aux dépens d'appel ;
- Débouter la société Proserve Dasri de l'intégralité de ses demandes reconventionnelles.
La clôture a été prononcée 26 avril 2024.
Les 13 et 27 mai 2024, l'intimé a communiqué de nouvelles conclusions via le RPVA.
Pour un plus ample exposé des faits de la cause et des prétentions des parties, il est fait expressément référence aux pièces du dossier et aux écritures déposées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code procédure civile.
MOTIFS,
Sur l'irrecevabilité des prétentions nouvelles sur le fond et des conclusions tardives :
La société Proserve Dasri fait valoir que :
- l'intimé a présenté une nouvelle prétention sur le fond visant la période du 1er août 2023 au 31 juillet 2024 au sein de son deuxième jeu de conclusions notifié le 23 avril 2024.
- Or, en application du principe de concentration des prétentions, l'intimé devait formuler l'ensemble de ses prétentions sur le fond au sein de ses premières conclusions déposées le 12 février 2024.
- Une telle prétention aurait dû être formulée au sein des premières conclusions déposées le 12 février 2024 pour être recevable. Au surplus, aucune évolution du litige ne justifiait cette nouvelle prétention de demande courant jusqu'au 31 juillet 2024, la date d'audience du 06 juin 2024 étant déjà connue de l'intimé lors du dépôt de ses premières conclusions.
- Partant, la demande de condamnation formulée par l'intimé dans ses dernières conclusions, en violation avec le principe de concentration des prétentions au sein des premières conclusions échangées par les parties, doit être déclarée irrecevable, sanction prévue par l'article 910-4 du code de procédure civile susvisé.
Il ressort cependant des premières conclusions de l'intimée, notifiées par RPVA le 12 février 2024, que le salarié y sollicitait déjà la condamnation de la société Proserve Dasri à lui verser la somme de 354,42 euros bruts de rappel de salaire au titre de la majoration de salaire non versée sur la période du 1er août 2023 au 31 janvier 2024, et celle de 35,44 euros de congés payés afférents, de sorte qu'il n'est pas justifié du caractère nouveau de cette prétention au sein de son deuxième jeu de conclusions notifié le 23 avril 2024 ni par suite d'atteinte du principe de concentration des prétentions.
En tout état de cause, cette demande ne fait qu'actualiser la demande initiale de rappel de prime conventionnelle.
La demande est donc recevable.
Il y a lieu en revanche de faire droit à la demande de voir déclarer irrecevables les conclusions n°3 et n°4 de l'intimé et sa pièces n°7, remises et notifiées postérieurement à l'ordonnance de clôture, soit respectivement le 13 mai 2024 et le 27 mai 2024.
Sur la compétence et les pouvoirs de la formation de référés et le bien fondé des demandes :
La société Proserve Dasri fait valoir que :
- Le trouble manifestement illicite n'est pas caractérisé par le fait qu'elle ait cessé d'exécuter l'arrêt définitif du 09 juillet 2020.
- Elle peut se prévaloir du moyen selon lequel toute condamnation judiciaire devait être limitée dans le temps à l'appui d'une nouvelle demande portant sur l'existence d'un fait nouveau.
- La décision de justice rendue à l'égard de M. [Z] ne prive pas la société Proserve Dasri de sa prérogative de fixer la majoration en application de l'article 3.14 de la convention collective.
- La décision unilatérale de l'employeur postérieure au jugement est un fait nouveau.
- Elle estime qu'en conséquence, l'ordonnance du conseil de prud'hommes devra être infirmée, en ce qu'elle a, par une appréciation erronée en fait et en droit :
Considéré qu'il existait un trouble manifestement illicite, sans le caractériser, et alors même qu'il existait un doute sérieux ;
Ecarté l'existence d'un fait nouveau en restreignant la définition du fait nouveau à la seule modification des conditions de travail, sans justifier d'une telle limitation ; alors même que la décision unilatérale du 1er août 2022 répond bien à la définition jurisprudentielle du fait nouveau, puisqu'il s'agit d'un acte postérieur à l'arrêt du 09 juillet 2020 de nature à créer un droit postérieurement à l'issue de l'instance initiale.
Elle fait aussi valoir :
- Sur l'absence d'urgence : que M. [Z] ne prend même pas la peine de caractériser une quelconque urgence à voir la juridiction statuer en référé au sein de sa requête. Il sollicite en réalité non pas une provision mais la totalité des sommes auxquelles il pense avoir droit, ce qui est une demande au fond nécessitant d'apprécier la réalité du droit qui fonde sa demande. Il convient de rappeler que la nouvelle majoration est en vigueur depuis le 1er août 2022 et que ce n'est que le 06 mars 2023, soit près de 8 mois plus tard que les demandeurs ont saisi le juge des référés. La tardiveté de leur action démontre l'absence d'urgence et l'absence de compétence du juge des référés.
- Sur l'absence de trouble manifestement illicite et l'existence d'une contestation sérieuse : que la majoration de 3% de la valeur du point résultant d'une décision unilatérale de l'employeur de faire application de l'article 3.14 doit être considérée comme un fait nouveau survenu le 1er août 2022, postérieurement à la décision de la cour d'appel de Versailles du 09 juillet 2020. En effet, lorsque la décision de justice a été rendue par la cour d'appel le 9 juillet 2020, les 17 salariés n'avaient pas de droit au versement d'une majoration en application de l'article 3.14 de la convention collective nationale des déchets. Aucune décision unilatérale de l'employeur ne fixait alors une telle majoration. Or, depuis le 1er août 2022, il n'y a plus de carence de l'employeur dans la fixation d'une majoration. Après avoir consulté le CSE qui a rendu son avis en juin 2022, et informé l'ensemble des salariés le 21 juillet 2022, suite à cet avis, la décision unilatérale est entrée en vigueur au 1er août 2022. Aussi, depuis le 1er août 2022, en application de l'article 3.14 de la convention collective nationale des déchets, une majoration journalière équivalant à 3% de la valeur du point, par nombre de jours de présence effective est versée à l'ensemble des salariés chauffeurs-collecteurs de manière équitable. En conséquence, la décision unilatérale doit être considérée comme un fait nouveau ayant pour effet de rendre inopposable l'arrêt de la cour d'appel de Versailles à la société Proserve Dasri depuis le 1er août 2022. Aucun trouble manifestement illicite n'est donc caractérisé, la société Proserve Dasri ayant appliqué à bon droit la décision unilatérale fixant la majoration de 3% à compter du 1er août 2022. Il existe également une contestation sérieuse, puisque la décision unilatérale est un fait nouveau rendant inopposable la décision de la cour d'appel de Versailles à la société Proserve Dasri depuis le 1er août 2022. Ainsi, à titre principal, il est demandé à la cour en sa formation de référé de se déclarer incompétent et renvoyer les parties à mieux se pourvoir.
Elle ajoute que :
- Depuis le 1er août 2022, postérieurement à la décision de justice, il existe un fait nouveau : la société a pris la décision de fixer une majoration au titre de l'article 3.14 de la convention collective nationale des déchets. Cette décision constitue un fait nouveau qui doit avoir un impact sur les créances à venir des salariés et non pas sur les créances antérieures.
- Elle n'est pas en train de demander de revenir sur les condamnations pour les majorations allouées chaque mois antérieurement à la décision des juges. Elle demande que soit jugé différemment ce qui n'est pas jugé. Elle met en évidence que ce n'est pas parce que le juge a décidé pour le passé, que cela signifie qu'elle perd totalement la main pour la fixation de cette majoration pour l'avenir.
- la situation de la société Proserve Dasri a évolué : l'entreprise a soumis en NAO un montant et un champ d'application en fonction de ses particularités, la NAO n'a pas permis de parvenir à un accord, une décision unilatérale à été prise, les circonstances ont ainsi évolué. En conséquence, le juge des référés ne pourra pas retenir cet argumentaire complément inopérant pour faire droit à la demande des salariés.
Elle fait encore valoir que :
- Aucune décision de justice n'est irrévocable et définitive si un fait nouveau est établi.
- Aujourd'hui, la société Proserve Dasri a fixé une majoration en application de l'article 3.14, après une tentative de négociation avec les partenaires sociaux, ce qui constitue un fait nouveau ayant pour effet d'écarter l'autorité de la chose jugée des décisions.
- À tout le moins, ce débat démontre, si besoin en était, qu'il existe une contestation sérieuse, que tout ceci est loin d'être évident et que les demandes ne peuvent être tranchées devant une formation de référé.
Elle estime que :
- En tout état de cause, et comme développé supra, les demandes en première instance de M. [Z] sont infondées, puisque la décision de la cour d'appel de Versailles du 09 juillet 2020 est inopposable depuis le 1er août 2022.
- Ainsi, et si par exceptionnel, la cour venait à confirmer la compétence du conseil en référé, elle ne pourrait que débouter M. [Z] de l'intégralité de ses demandes.
M. [Z] oppose que :
- Il a été privé d'une partie de son salaire du fait de l'absence d'application d'une décision de justice définitive et irrévocable. Ainsi, alors qu'il bénéficie d'un titre exécutoire condamnant l'employeur à lui verser une prime à hauteur de 70 euros jusqu'à la date de l'arrêt de l'exercice de cette activité par le salarié, l'employeur refuse de s'exécuter au prétexte de considérations à propos de dossiers qui ne concernent pas le salarié. Cette résistance totalement abusive et portant atteinte à l'autorité de la chose jugée prive le salarié d'une partie de sa rémunération. Cela caractérise sans aucun doute un trouble manifestement illicite qu'il convient immédiatement de faire cesser. C'est exactement ce qu'a retenu le conseil de prud'hommes de Créteil dans son ordonnance de référé du 19 octobre 2023 : " Le litige porte donc sur l'exécution de l'arrêt définitif du 9 juillet 2020 dont les termes ne sont plus respectés depuis le 1er août 2022, ce qui est de nature à caractériser un trouble manifestement illicite justifiant l'intervention du juge des référés ".
- De surcroît, aucune contestation sérieuse n'est opposable au litige et l'urgence à bénéficier pour les salariés d'une rémunération intégrale est également indiscutable. Les arguments de la société Proserve Dasri sont donc selon lui inopérants.
- Il estime que la cour, confirmant l'ordonnance du 19 octobre 2023, ne pourra que constater que le juge des référés est parfaitement compétent.
Il fait aussi valoir que :
- Dans son arrêt du 09 juillet 2020, la cour d'appel de Versailles a jugé que l'employeur était redevable du règlement de la majoration de salaire prévue par l'article 3.14 de la convention collective nationale des activités du déchet " et fixée à 70 euros mensuels bruts, à compter du 09 septembre 2013 et " jusqu'à la date de l'arrêt de l'exercice de cette activité par le salarié ". La société Proserve Dasri, a introduit un pourvoi en cassation qui a été rejeté par la cour de cassation, le 30 mars 2022.
- La décision de la cour d'appel est, dès lors, devenue définitive et irrévocable et a autorité de chose jugée. La prime est donc désormais définitivement et irrévocablement fixée à hauteur de 70 euros bruts mensuels.
- Aucune décision unilatérale individuelle portant sur cette majoration de salaire n'a ensuite été notifiée au mois de juillet 2022. L'entreprise ne l'a notifié aux salariés que le 03 août 2022. Ainsi, et au plus tôt, les salariés n'ont pris connaissance de cette DUE que le 04 août 2022, soit une semaine après la saisine du conseil par les 104 salariés.
- Le salarié, bénéficiant de l'autorité de la chose jugée et de l'immutabilité de la décision de la cour d'appel de Versailles du 09 juillet 2020, ne peut se voir unilatéralement refuser le paiement de la majoration de salaire de 70 euros bruts mensuels.
- La cour confirmera cette condamnation et, y ajoutant, condamnera la société Proserve Dasri à verser au salarié la somme de 708,84 euros bruts de rappels de prime pour la période allant du 1er août 2023 au 31 juillet 2024, outre 70,88 euros de congés payés afférents. En revanche, la cour infirmera l'ordonnance de première instance en ce qu'elle a dit n'y avoir pas lieu à référé sur la demande du salarié d'enjoindre de poursuivre ce versement pour l'avenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard.
- L'obligation de la société pour le futur n'est pas sérieusement contestable en l'état de la décision de la cour d'appel de Versailles qui précise expressément que la société est redevable du règlement de la majoration " jusqu'à la date de l'arrêt de l'exercice de cette activité par le salarié ".
- Si l'autorité de la chose jugée peut être écartée lorsque des événements postérieurs sont venus modifier la situation antérieurement reconnue en, cette limite suppose néanmoins de caractériser la nouveauté du fait justifiant d'écarter l'autorité de la chose jugée. Or, dans un évident souci de sécurité juridique, les faits nouveaux sont appréciés très strictement par la Haute juridiction qui a, à ce titre, précisé que le caractère nouveau du fait invoqué ne peut résulter de ce que la partie qui l'invoque a négligé d'accomplir une diligence en temps utile.
- La société ne saurait utilement soutenir que les décisions de la cour d'appel de Versailles et de la cour de cassation aurait un caractère provisoire s'agissant du quantum de la prime et ne vaudrait ainsi que tant que l'employeur n'a pas fixé le montant de la prime. Ainsi, en aucun cas, l'employeur ne pouvait à nouveau, et en dépit de l'autorité de la chose jugée, décider de revenir sur ce quantum fixé judiciairement pour réparer ou régulariser une carence qui n'existait plus à l'égard des salariés ayant obtenu sa condamnation.
- Dès lors que la cour d'appel de Versailles, confirmée par la cour de cassation, a précisé que le paiement de la prime à hauteur de 70 euros par mois est dû " jusqu'à la date de l'arrêt de l'exercice de cette activité par le salarié " , si la société Proserve Dasri souhaitait être déliée de cette obligation, ou si elle estimait que le juge ne pouvait prononcer une telle condamnation dans le temps (ce qui n'est pas le cas), elle aurait dû soulever un moyen et un argumentaire en ce sens, a minima, devant la Haute juridiction. Elle ne peut dès lors pallier sa potentielle carence aujourd'hui via une décision unilatérale, c'est-à-dire par la force et une politique du fait accompli. La cour notera, en outre et avec intérêt, que la société Proserve Dasri a déjà tenté de prendre un tel engagement unilatéral à l'égard du salarié requérant pour minimiser la portée de son indemnisation. En vain, puisque la cour d'appel a rejeté sa proposition d'engagement. Dès lors, il vient d'être démontré qu'en aucun cas la mise en place de cette décision unilatérale ne saurait remettre en cause l'autorité de la chose jugée des décisions définitives et irrévocables de la cour d'appel de Versailles et de la cour de cassation. Il estime qu'en conséquence, la cour ne pourra que rejeter les arguments de la société visant à remettre en cause indûment l'autorité de la chose jugée des décisions de la cour d'appel de Versailles et de la cour de cassation.
Sur ce,
A titre liminaire, il n'y a pas lieu de répondre aux demandes tendant voir " juger " qui ne constituent pas, hors les cas prévus par la loi, des prétentions au sens des articles 4 et 768 du code de procédure civile.
L'article R.1455-5 du code du travail dispose que :
" Dans tous les cas d'urgence, la formation de référé peut, dans la limite de la compétence des conseils de prud'hommes, ordonner toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend. "
L'article R.1455-6 de ce code prévoit que :
" La formation de référé peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent pour prévenir un dommage imminent ou pour faire cesser un trouble manifestement illicite. "
Aux termes de l'article R1455-7 du même code, " dans le cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, la formation de référé peut accorder une provision au créancier ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire. "
Il résulte de l'article 3.14 de la convention collective nationale des activités du déchet du 11 mai 2000, que conformément aux dispositions légales, les entreprises définiront, en tenant compte le cas échéant de leurs particularités, des majorations de salaire pour les travaux pénibles ou dangereux. Ces majorations s'ajouteront, le cas échéant, à celles prévues par la présente convention collective.
Si l'autorité de la chose jugée ne peut être opposée lorsque des événements postérieurs sont venus modifier la situation antérieurement reconnue en justice, le refus d'exécuter un jugement devenu irrévocable ne peut constituer un fait nouveau privant cette décision de l'autorité de la chose jugée.
Le caractère nouveau de l'événement permettant d'écarter la fin de non-recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée ne peut résulter de ce que la partie qui l'invoque avait négligé d'accomplir une diligence en temps utile.
En l'espèce, selon arrêt du 09 juillet 2020, la cour d'appel de Versailles a notamment :
- Dit que les sociétés Suez RV Ile-de-France et Proserve Dasri étaient redevables à l'égard du salarié du règlement de la majoration de salaire prévue par l'article 3.14 de la convention collective nationale des activités du déchet, pour la période allant du 09 septembre 2013 jusqu'au 28 février 2018 pour la première, et à compter du 1er mars 2018 jusqu'à la date de l'arrêt de l'exercice de cette activité pour le salarié pour la seconde ;
- Condamné la société Suez RV Ile-de-France à régler à M. [Z] une majoration de salaire d'un montant mensuel de 70 euros outre les congés payés (7 euros) du 09 septembre 2013 jusqu'au 28 février 2018 ;
- Condamné la Proserve Dasri à régler à M. [Z] une majoration de salaire d'un montant mensuel de 70 euros outre les congés payés (7 euros) du 1er mars 2018 jusqu'à la date de l'arrêt de l'exercice de cette activité par le salarié.
La société Proserve Dasri a formé un pourvoi contre cet arrêt, qui a été rejeté par la Cour de cassation par un arrêt du 30 mars 2022.
La Haute juridiction a notamment relevé qu' " après avoir relevé que le caractère dangereux des produits collectés - aiguilles, seringues, lancettes, cathéters, pansements, gants souillés, poches de sang vides, déchets anatomiques humains, déchets présentant un risque infectieux -n'était pas contesté, la cour d'appel, qui a constaté que les mesures de prévention mises en place par l'employeur ne supprimaient pas le danger, a, hors toute dénaturation, sans être tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation ni de procéder à des recherches inopérantes, pu décider que l'activité de collecte, de manipulation et de transport des contenants de ces produits était une activité à risque spécifique, et que les salariés qui y étaient affectés effectuaient un travail dangereux leur ouvrant droit à la majoration de salaire prévue par la convention collective en contrepartie du travail effectué, majoration, dont elle a, après avoir constaté la carence de l'employeur, et exerçant son office, fixé le montant au vu des éléments fournis par les parties. ".
La décision de la cour d'appel est ainsi devenue définitive et irrévocable.
La société Proserve Dasri indique dans ses écritures qu'elle ne demande pas de revenir sur les condamnations pour les majorations allouées chaque mois antérieurement à la décision des juges mais demande " que soit jugé différemment ce qui n'est pas jugé ".
Il résulte cependant clairement du dispositif susvisé de l'arrêt de la cour d'appel rendu en date du 09 juillet 2020 que la Proserve Dasri a été condamnée à régler à M. [Z] une majoration de salaire d'un montant mensuel de 70 euros outre les congés payés (7 euros) " du 1er mars 2018 jusqu'à la date de l'arrêt de l'exercice de cette activité par le salarié ".
L'intimé fait ainsi justement valoir qu'il bénéficie d'un titre exécutoire ayant condamné l'employeur à lui verser une prime à hauteur de 70 euros jusqu'à la date de l'arrêt de l'exercice de cette activité par le salarié.
Ainsi, la société Proserve Dasri, après avoir d'abord versé mensuellement ce montant, en faisant expressément référence dans les bulletins de paie à cette décision de justice (" Maj. Salaire décision justice 09/07/20 "), a ensuite réduit ce montant à compter du mois d'août 2022, en contradiction manifeste avec ce qui a été jugé par l'arrêt devenu définitif de la cour d'appel qui n'est plus appliqué depuis cette date.
Il est constant que l'entreprise a soumis lors des NAO de l'année 2022, soit postérieurement à la décision de justice considérée, le montant inférieur qu'elle a proposé, équivalent à 3% de la valeur du point, que la NAO n'a pas permis de parvenir à un accord, et qu'elle se réfère à une décision unilatérale prise par elle-même, dont elle a informé par courrier le salarié qu'elle se " substitu[ait] " à celle résultant de la décision de justice [le] concernant ".
L'appelante soutient dans ce courrier et dans le cadre de la présente procédure que la décision unilatérale à laquelle elle se réfère constitue un fait nouveau faisant exception au principe de l'autorité de la chose jugée.
Il est observé que la société Proserve Dasri n'invoque pas une modification des conditions de travail des conducteurs, ni une modification des dispositions de la convention collective, mais sa propre fixation unilatérale du montant de la majoration.
Par ailleurs, si l'appelante indique que sa décision unilatérale avait pour objet de fixer la majoration pour l'ensemble des conducteurs et non les seuls conducteurs ayant bénéficié de l'arrêt, elle a elle-même utilisé, s'agissant de ces derniers, le terme de " substitution " et il demeure en effet que le salarié invoque un trouble manifeste fondé sur la violation de la décision de justice rendue dans le litige qu'il a initié.
Si la cour d'appel et la Cour de cassation ont constaté la carence initiale de l'employeur, la décision devenue définitive après avoir été validée dans son ensemble par la Haute juridiction a retenu que les salariés affectés à l'activité de collecte, de manipulation et de transport des contenants effectuaient un travail dangereux leur ouvrant droit à la majoration de salaire conventionnelle et a fixé son montant jusqu'à la date de l'arrêt de l'exercice de cette activité par le salarié.
Il est rappelé que la société Proserve Dasri avait déjà tenté de voir minimiser l'indemnisation du salarié en sollicitant à titre infiniment subsidiaire lors de l'instance devant la cour d'appel que le montant de la prime DASRI soit fixée à la somme de 2 euros bruts par jour effectivement travaillé, demande qui avait été rejetée par la cour, dont les motifs font ressortir qu'elle a estimé qu'il n'était pas justifié de faire droit à la diminution de montant demandée par l'employeur et le dispositif que les parties ont été déboutée du surplus de leurs demandes comprenant donc cette dernière.
Il est aussi relevé et souligné que dans le cadre du pourvoi qu'elle avait introduit, le moyen principal de la société Proserve Dasri avait également déjà soutenu que l'employeur a seul le pouvoir de définir, pour le passé et à plus forte raison pour l'avenir, les activités dangereuses et le cas échéant les majorations de salaire pour les travaux pénibles et dangereux et reproché à la cour d'appel de s'être substituée à l'employeur, tant pour le passé que pour l'avenir, pour définir tant l'activité dangereuse que chiffrer le complément de salaire au profit des intéressés jusqu'à la fin de la relation contractuelle. Ce moyen a cependant été écarté par la Cour de cassation.
Dans ces conditions, la cour estime que le juge départiteur a justement retenu que la fixation unilatérale du montant de la majoration ne s'analyse pas en un fait nouveau remettant en cause l'autorité de la chose jugée mais en une décision intervenant en lieu et place de l'arrêt rendu dont bénéficie le salarié, et qu'une telle modification du dispositif de la décision définitive du 9 juillet 2020 porte à l'évidence atteinte à l'autorité de la chose jugée qui y est attachée.
Compte tenu de ces éléments, la décision unilatérale à laquelle se réfère la société Proserve Dasri ne rend pas inopposable l'arrêt de la cour d'appel de Versailles depuis le 1er août 2022 et le trouble manifestement illicite est au contraire caractérisé postérieurement à cette date.
L'urgence pour le salarié à bénéficier d'une rémunération intégrale est aussi établie.
Par suite, le juge des référés est compétent et il convient d'allouer au salarié des provisions sur rappels au titre de la majoration de salaire sur la base des montants fixés par la cour d'appel dans son arrêt devenu définitif.
Sur les sommes et mesures demandées par le salarié :
La société Proserve Dasri fait valoir :
- le caractère excessif de la demande au titre du rappel de salaire et l'absence de créance certaine des nouvelles prétentions : le salarié oublie qu'en référé, il ne peut prétendre qu'à une somme à titre de provision et il ne peut pas prétendre à la totalité des sommes qu'il demande.
La nouvelle demande porte jusqu'au 31 juillet 2024, soit plus de 3 mois après les conclusions adverses, pour une période de travail que le salarié n'a même pas encore exécuté. Il n'y a donc aucune créance certaine, la majoration 3.14 étant journalière. Elle est donc calculée selon le nombre de jours travaillés et qu'il n'est pas possible de déterminer au 31 juillet 2024 combien de jours le salarié aura travaillé. Ainsi, cela démontre que la demande chiffrée de condamnation du 1er août 2023 au 31 juillet 2024 sollicitée par la partie adverse n'est pas exacte, et que cette demande porte sur une créance qui n'est certaine, puisqu'elle porte sur une période future non encore travaillée. Pour cette seule raison, la demande devra être rejetée. En tout état de cause, si par extraordinaire, la Cour devait confirmer une condamnation à des rappels de salaire, elle devra réduire la somme en tenant compte du montant versé au titre de 3.14 jusqu'au 31 juillet et compenser les montants.
- le caractère excessif de la demande de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts : le salarié croit pouvoir solliciter 5.000 euros à titre de dommages et intérêts sans justifier du moindre préjudice et alors même qu'au total pour les 16 dossiers cela représente une somme de 80.000 euros. Aucun préjudice ne peut justifier une condamnation à ce montant dans ces circonstances. De même, il est particulièrement malvenu de mettre en avant l'inflation et la crise du pouvoir d'achat, alors que la société Proserve a fait des efforts très significatifs en 2023, comme en 2022, afin de revaloriser les salaires et tenter, malgré des résultats économiques en régression, de répondre à la problématique du pouvoir d'achat, qui frappe toutes les entreprises et tous les salariés. Au surplus, il sera relevé que le même montant de dommages et intérêts est sollicité par chaque demandeur dans les 16 dossiers portés devant la cour de céans, ce qui démontre l'absence de préjudice établi et individualisé. Aussi, en tout état de cause, à défaut de préjudice établi par le demandeur, conformément au principe jurisprudentiel selon lequel lorsqu'un salarié ne rapporte pas la preuve de l'existence d'un préjudice, il ne peut prétendre à l'attribution de dommages et intérêts, les demandes de dommages et intérêts du demandeur devront être rejetées.
- le caractère excessif de la demande de condamnation pour l'avenir : le demandeur ne justifie pas de sa demande d'application d'une exception au principe énoncé à l'article 1217 du code civil. Ce n'est que dans le cas où la société aurait refusé pour le passé, avant le fait nouveau, d'exécuter la décision de justice qu'elle devrait être considérée comme récalcitrante. Or, il a été démontré que la société Proserve Dasri est de bonne foi puisqu'elle a exécuté la décision de la cour d'appel de Versailles durant la période où elle y était tenue, avant le 1er août 2022. A compter du 1er août 2022, du fait de la décision unilatérale, fait nouveau, la société Proserve Dasri a donc à bon droit cessé d'appliquer la décision de justice qui n'avait plus d'effet De la même manière, les salariés ne peuvent exiger, sous astreinte de la société Proserve Dasri, qu'elle leur verse un montant fixe à 70 euros, déterminé en tenant compte de circonstances qui ont depuis le 1er août 2022 évolué et ce pour un avenir sans limite, sans lui laisser la possibilité de revoir ce montant alors même que cela être expressément prévu par l'article 3.14 lui-même.
M. [Z] oppose que :
- Sur la demande de dommages et intérêts : il est incontestable que le salarié subi un préjudice tant financier que psychologique à se voir priver d'une part de sa rémunération par la direction qui fait preuve d'une résistance abusive et de la plus grande mauvaise foi en n'hésitant pas à mentir et tordre les pièces pour échapper à ses responsabilités. La cour infirmera donc l'ordonnance sur ce point et, statuant à nouveau, condamnera la société Proserve Dasri à verser au salarié la somme de 5.000 € de dommages et intérêts à titre provisionnel en réparation du préjudice subi. La société prétend que la formation de référé ne pourrait pas octroyer des dommages et intérêts à titre provisionnel. Or rien ne l'en empêche, dès lors que ces dommages et intérêts sont versés seulement à titre provisionnel, ce qui est le cas en l'espèce.
- Sur la provision de rappel de prime : dès lors que la créance n'est pas sérieusement contestable le juge des référés peut octroyer une provision (article R. 1455-7 du Code du travail) et il est de jurisprudence constante que " le juge des référés peut accorder des provisions correspondant au montant total de la dette si ce montant n'est pas sérieusement contestable ". La société prétend ensuite que le montant demandé devrait être réduit au motif qu'il ne tiendrait pas compte du montant déjà versé au titre de la prime fixé par DUE. Pourtant, il suffit de se rapporter au tableau de calcul du montant demandé par le salarié pour constater que ce versement a bien été pris en compte et que seul le reliquat de prime est demandé. Ainsi, le montant demandé à titre provisionnel est parfaitement justifié.
- Sur la demande de dommages et intérêts à titre provisionnel : comme le juge départiteur du conseil de prud'hommes l'a pertinemment souligné, c'est bien pour se soustraire à l'arrêt rendu par la cour d'appel de Versailles que la société a pris cette décision. Le juge a ainsi constaté que la société a voulu prendre " une décision intervenant en lieu et place de l'arrêt rendu par la cour d'appel de Versailles " et qu'" une telle modification du dispositif de la décision définitive du 09 juillet 2020 porte de toute évidence atteinte à l'autorité de la chose jugée qui y est attachée ". Cette stratégie est non seulement illégale mais irrespectueuse pour le Salarié qui avait enfin pu faire valoir ses droits. Ensuite, il n'est pas contestable que cette décision est intervenue dans une période économique difficile de crise du pouvoir d'achat et d'inflation grandissante particulièrement préjudiciable pour le salarié.
- Sur la demande de condamnation pour l'avenir sous astreinte : aucun élément objectif, si ce n'est la décision unilatérale de l'employeur, ne justifie d'évolution de la situation de l'entreprise qui a été correctement appréciée par la cour d'appel de Versailles. Si la convention de branche permettait à la société de fixer cette prime, celle-ci ne l'a pas saisie, prétendant abusivement qu'elle n'était pas due. Elle ne peut que le regretter. La décision de la cour d'appel est claire sur ce point : aucune régularisation n'est possible de sorte que la condamnation pour l'avenir sous astreinte est justifiée.
Sur ce,
En l'absence de contestation sérieuse sur l'obligation de la Société de rémunérer son salarié en y intégrant le montant de la prime conventionnelle, de sorte que l'ordonnance du juge départiteur sera confirmée en ce qu'elle a condamné par provision la société Proserve Dasri à payer à au salarié les sommes de 708,84 euros de rappel de salaire au titre de la majoration et 70,88 euros à titre de congés payés afférents, correspondant à la période du 1er août 2022 au 31 juillet 2023.
L'obligation n'est pas non plus sérieusement contestable s'agissant du rappel de la prime conventionnelle à titre provisionnel pour la période travaillée d'août 2023 à juin 2024, et étant observé que le décompte produit par l'intimé intègre en déduction le montant de prime déjà versé par l'employeur, de sorte qu'il sera fait droit à la demande à hauteur de 649,77 euros, outre 64,97 euros au titre des congés payés afférents.
Il est également justifié d'enjoindre à la société Proserve Dasri, qui n'a pas intégralement exécuté la décision de justice à compter d'août 2022, de verser au salarié la prime de 70 euros chaque mois jusqu'à la date de l'arrêt de l'exercice de cette activité par le salarié.
Le prononcé d'une astreinte ne savère pas nécessaire.
Le salarié forme par ailleurs une demande de dommages et intérêts en invoquant des circonstances générales et non personnalisées et selon un quantum identique à celui d'autres salariés et non individualisé.
Il ne rapporte pas la preuve d'un préjudice financier distinct du rappel de prime accordé ni d'un préjudice psychologique.
Le rejet de sa demande de dommages et intérêts en référé sera donc confirmé.
Sur les intérêts
Il est rappelé que les créances salariales portent intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de sa convocation devant le conseil de prud'hommes et que les créances indemnitaires portent intérêts au taux légal à compter de la décision qui les fixe.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile
Compte tenu de la solution du litige, la décision entreprise sera confirmée de ces deux chefs et par application de l'article 696 du code de procédure civile, les dépens d'appel seront mis à la charge de la société Proserve Dasri.
La demande formée par le salarié au titre des frais irrépétibles en cause d'appel sera accueillie, à hauteur de 500 euros.
PAR CES MOTIFS,
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,
DÉCLARE recevables les prétentions de l'intimé aux fins de voir " condamner la société Proserve Dasri à lui verser la somme de 708,84 euros bruts de rappel de salaire au titre de la majoration de salaire non versée du 1er août 2023 au 31 juillet 2024 " et celle de 70,88 euros de congés payés afférents,
DÉCLARE irrecevables les conclusions n°3 déposées le 13 mai 2024, les conclusions n°4 et sa pièce n°7 déposées le 27 mai 2024 par l'intimé,
CONFIRME l'ordonnance entreprise, sauf en ce qu'elle a débouté le salarié de sa demande d'enjoindre à la société Proserve Dasri de lui verser la prime de 70 euros chaque mois jusqu'à la date de l'arrêt de l'exercice de cette activité par le salarié,
Y ajoutant,
CONDAMNE par provision la société Proserve Dasri à payer à M. [L] [Z] les sommes de 649,77 euros de rappel de salaire au titre de la majoration non versée pour la période d'août 2023 à juin 2024, outre 64,97 euros au titre des congés payés afférents,
ENJOINT à la société Proserve Dasri de verser à M. [Z] la prime de 70 euros chaque mois jusqu'à la date de l'arrêt de l'exercice de cette activité par M. [Z],
RAPPELLE que les créances salariales portent intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de sa convocation devant le conseil de prud'hommes et que les créances indemnitaires portent intérêts au taux légal à compter de la décision qui les fixe,
DÉBOUTE les parties du surplus de leurs demandes,
CONDAMNE la société Proserve Dasri aux dépens de la procédure d'appel,
CONDAMNE la société Proserve Dasri à payer à M. [L] [Z] la somme de 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.
La Greffière Le Président