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04/07/2024 | FRANCE | N°22/19415

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 3, 04 juillet 2024, 22/19415


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 3



ARRET DU 04 JUILLET 2024



(n° 195/2024, 9 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 22/19415 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGWWZ



Décision déférée à la Cour : Jugement du 26 septembre 2022 -Tribunal de commerce de Paris (15ème chambre) RG n° 2021023292





APPELANT



M. [I] [Z]

né le 19 octobre 1961 à [Localité 7] (Algerie)

[Adres

se 2]

[Localité 6]



Représenté et assisté par Me Jallal HAMANI, avocat au barreau de Paris, toque : C1570





INTIMEE



S.A.R.L. TAPAS

Immatriculée au R.C.S. de Paris sous le n° 490 939 956
...

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 3

ARRET DU 04 JUILLET 2024

(n° 195/2024, 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 22/19415 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGWWZ

Décision déférée à la Cour : Jugement du 26 septembre 2022 -Tribunal de commerce de Paris (15ème chambre) RG n° 2021023292

APPELANT

M. [I] [Z]

né le 19 octobre 1961 à [Localité 7] (Algerie)

[Adresse 2]

[Localité 6]

Représenté et assisté par Me Jallal HAMANI, avocat au barreau de Paris, toque : C1570

INTIMEE

S.A.R.L. TAPAS

Immatriculée au R.C.S. de Paris sous le n° 490 939 956

Prise en la personne de son gérant domiciliée audit siège en cette qualité

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représentée et assistée par Me Christel BRANJONNEAU, avocat au barreau de Paris, toque : E1252

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 22 mai 2024, en audience publique, rapport ayant été fait par Mme Sandra Leroy, conseillère, conformément aux articles 804, 805 et 907 du code de procédure civile, les avocats ne s'y étant pas opposés.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Nathalie Recoules, présidente de chambre

Mme Sandra Leroy, conseillère

Mme Emmanuelle Lebée, magistrate honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles

Greffier, lors des débats : Mme Sandrine Stassi-Buscqua

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Nathalie Recoules, présidente de chambre et par Mme Sandrine Stassi-Buscqua, greffière, présente lors de la mise à disposition.

FAITS ET PROCEDURE

La SARL Tapas est propriétaire d'un fonds de commerce de « sandwicherie, saladerie, restauration rapide, vente de croissanterie et viennoiserie sans fabrication, vente sur place et à emporter, vente de boissons non alcoolisées » sis [Adresse 1], à [Localité 6].

Depuis 2012, M. [I] [Z] s'est vu consentir la location gérance du fonds pour l'exercice d'une activité de crêperie, par l'intermédiaire, successivement, de ses trois sociétés, la société Crêpes de Zak, puis la société Crêperie [Adresse 8] et finalement, depuis le 1er septembre 2018, la SAS Chez Zak.

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 15 mai 2020, présentée le 27 mai 2020, puis notifiée par huissier de justice le 22 juin 2020, la SARL Tapas a notifié à la SAS Chez Zak la rupture du contrat de location gérance, avec effet au 31 août 2020, et ce conformément à l'article 3 de la convention de location gérance. Le contrat de location gérance du 1er septembre 2018 prévoit une obligation de non-concurrence à expiration de la location -gérance.

Aux termes d'un contrat de location-gérance en date du 21 juillet 2020, la SARL Tapas a donné à bail à titre de location-gérance à la société SAS Asam du Moulin pour une durée de trente mois, non renouvelable, à compter du 1er septembre 2020, le fonds de commerce exploité [Adresse 1] [Localité 6].

La SARL Tapas s'est présentée le 1er septembre 2020 afin de procéder à un état des lieux et se voir remettre les clés du local.

La SAS Chez Zak par l'intermédiaire de son Président M. [I] [Z] a refusé de remettre les clés.

Le 04 septembre 2020, les parties ont signé un protocole d'accord transactionnel aux termes duquel la SARL Tapas a accepté de verser la somme de 15.000 € pour solde de tout compte, obtenir la restitution des locaux et ainsi éviter d'engager une procédure judiciaire à l'encontre de la SAS Chez Zak.

Par acte signifié à la personne, en date du 05 mai 2021, la SARL Tapas a assigné la SAS Chez Zak et M. [I] [Z] devant le tribunal de commerce de Paris aux fins essentiellement de les voir condamnés au paiement d'une indemnité pour violation de la clause de non concurrence les liant à la SARL Tapas.

Par jugement du 26 septembre 2022, le tribunal de commerce de Paris a :

- débouté la SARL Tapas de son action envers la SAS Chez Zak ;

- jugé que M. [I] [Z] a violé la clause de non-concurrence du protocole d'accord transactionnel du 04 septembre 2020 ;

- condamné M. [I] [Z] à payer à la SARL Tapas la somme de 18.000 € selon les modalités suivantes : 12 versements mensuels successifs, le premier d'un montant de 1.500 € ayant lieu dans les trente jours de la signification du présent jugement, les 10 versements mensuels suivants au jour anniversaire du premier versement seront d'un montant de 1.500 € et le 12ème versement sera égal au solde de la dette augmenté des intérêts au taux légal ; mais que, faute de payer à bonne date une seule des mensualités ainsi prévues, la déchéance du terme sera acquise, la totalité des sommes restant dues devenant alors immédiatement exigible ;

- ordonné à M. [I] [Z] de cesser toute activité liée ou assimilable au commerce de crêpes, directement ou indirectement, sous quelque forme que ce soit, y compris toute fourniture de produits ou services à des tiers commerces de crêpes, jusqu'au 31 août 2023, sous une astreinte de 200 € par infraction constatée à compter d'un mois après la signification du présent jugement ;

- débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires ;

- condamné M. [I] [Z] à verser à la SARL Tapas la somme de 1.000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- rappelé l'exécution provisoire de droit ;

- condamné M. [I] [Z] aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 90,93 € dont 14,94 € de TVA.

Par déclaration d'appel du 18 novembre 2022, M. [I] [Z] a interjeté appel partiel du jugement en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a débouté la SARL Tapas de son action envers la SAS Chez Zak et de ses demandes autres, plus amples ou contraires.

Par conclusions déposées le 28 avril 2023, la SARL Tapas a soulevé un incident aux fins de radiation de l'affaire pour défaut d'exécution.

Par conclusions déposées le 28 avril 2023, la SARL Tapas a formé un appel incident.

Par ordonnance sur incident du 16 novembre 2023, le conseiller de la mise en état a rejeté la demande de radiation de l'affaire.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 03 avril 2024.

MOYENS ET PRETENTIONS

Vu les conclusions déposées le 10 mars 2023, par lesquelles M. [I] [Z], appelant, demande à la Cour de :

A titre principal,

- infirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris le 26 septembre 2022 en ce qu'il a :

- jugé que M. [I] [Z] a violé la clause de non-concurrence du protocole d'accord transactionnel du 04 septembre 2020 ;

- condamné M. [I] [Z] à payer à la SARL Tapas la somme de 18.000 € selon les modalités suivantes : 12 versements mensuels successifs, le premier d'un montant de 1500 € ayant lieu dans les trente jours de la signification du jugement, les 10 versements mensuels suivants au jour anniversaire du premier versement seront d'un montant de 1500 € et le 12e sera égal au solde de la dette augmenté des intérêts au taux légal ; mais que faute de payer à bonne date une seule des mensualités ainsi prévues, la déchéance du terme sera acquise, la totalité des sommes restant dues devenant alors immédiatement exigible ;

- ordonné à M. [I] [Z] de cesser toute activité liée ou assimilable au commerce de crêpes, directement ou indirectement, sous quelque forme que ce soit, y compris toute fourniture de produits ou services à des tiers commerces de crêpes, jusqu'au 31 août 2023, sous une astreinte de 200 € par infraction constatée à compter d'un mois après la signification du présent jugement ;

- débouté M. [I] [Z] de ses demandes ;

- condamné M. [I] [Z] à verser à la SARL Tapas la somme de 1000 € au titre des dispositions de l'article 700 ;

- rappelé l'exécution provisoire de droit ;

- condamné M. [I] [Z] aux dépens dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 90,93 € dont 14,94 € de TVA ;

En conséquence,

- constater l'absence d'actes de concurrence déloyale de la part de M. [I] [Z] ;

- dire que M. [I] [Z] pourra poursuivre son activité au sein de la société Kais ;

- débouter la SARL Tapas de l'ensemble de ses demandes ;

Si par extraordinaire, la Cour estimait la clause de non concurrence applicable en l'espèce,

- constater que le montant de l'indemnité s'analyse en une clause pénale et le réviser ;

En tout état de cause,

- accorder des délais de paiement sur une période de 24 mois à M. [I] [Z] en cas de condamnation afin de lui permettre d'honorer le paiement ;

- condamner la société Tapas à payer à M. [I] [Z] la somme de 3.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner le défendeur aux dépens.

Vu les conclusions déposées le 28 avril 2023, par lesquelles la SARL Tapas, intimée, demande à la Cour de :

- dire et juger M. [I] [Z] en son appel mal fondé ;

Par voie de conséquence,

- confirmer le jugement du 26 septembre 2022 rendu par le tribunal de commerce de Paris en ce qu'il a :

- jugé que M. [I] [Z] a violé la clause de non-concurrence du protocole d'accord transactionnel du 04 septembre 2020 ;

- ordonné à M. [I] [Z] de cesser toute activité liée ou assimilable au commerce de crêpes, directement ou indirectement, sous quelque forme que ce soit, y compris toute fourniture de produits ou services à des tiers commerces de crêpes, jusqu'au 31 août 2023, sous une astreinte de 200 € par infraction constatée à compter d'un mois après la signification du présent jugement ;

- débouté M. [I] [Z] de ses demandes ;

- condamné M. [I] [Z] à verser à la SARL Tapas la somme de 1000 € au titre des dispositions de l'article 700 ;

- rappelé l'exécution provisoire de droit ;

- condamné Monsieur [I] [Z] aux dépens dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 90,93 € dont 14,94 € de TVA ;

- recevoir la société Tapas en son appel incident ;

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné M. [I] [Z] à payer à la SARL Tapas la somme de 18.000 € selon les modalités suivantes : 12 versements mensuels successifs, le premier d'un montant de 1500 € ayant lieu dans les trente jours de la signification du jugement, les 10 versements mensuels suivants au jour anniversaire du premier versement seront d'un montant de 1500 € et le 12e sera égal au solde de la dette augmenté des intérêts au taux légal ; mais que faute de payer à bonne date une seule des mensualités ainsi prévues, la déchéance du terme sera acquise, la totalité des sommes restant dues devenant alors immédiatement exigible ;

Par voie de conséquence,

- condamner M. [I] [Z] à verser à la société Tapas la somme arrêtée au 15 avril 2022 de 276.500 €, somme à parfaire et par jour supplémentaire de retard tant que M. [I] [Z] n'aura pas cessé d'exploiter directement ou indirectement le fonds de commerce de crêperie situé juste en face du fonds sis [Adresse 1] [Localité 6] ;

- débouter M. [I] [Z] de sa demande de délai de paiement ;

Y faisant droit :

- condamner M. [I] [Z] a payé la somme de 5.000 € à la société Tapas au titre de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la présente instance ;

- condamner M. [I] [Z] aux entiers dépens.

Pour un exposé plus détaillé des moyens et prétentions des parties, la cour renvoie à leurs conclusions, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

SUR CE,

1. Sur la responsabilité de M. [I] [Z]

Aux termes des articles 1103 et 1104 du code civil, le contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits et doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi.

En vertu de l'article 1231-1 du code civil, le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, s'il ne justifie pas que l'exécution a été empêchée par la force majeure.

Aux termes du jugement querellé, le premier juge a jugé que M. [I] [Z] a violé la clause de non concurrence le liant à la SARL Tapas, après avoir considéré que :

- M. [I] [Z] est directement concerné par la clause de non concurrence/non-rétablissement figurant au protocole d'accord du 4 septembre 2020, comme gérant unique de Chez Zak, partie à l'accord, et comme parapheur et signataire du protocole ;Or, cette clause lui interdit « de s'intéresser directement ou indirectement, en quelque qualité que ce soit, à l'exploitation d'un fonds de commerce de même nature ou susceptible de faire concurrence au fonds, pour une durée de 3 ans et dans un rayon de 300 m à vol d'oiseau » ;

- Le protocole prévoit néanmoins une exception : « Les parties conviennent que l'établissement sis [Adresse 9] exploité par la société Kais, n'est pas concerné par cette obligation de non- concurrence. La société SAS Kais pourra poursuivre son exploitation sans être inquiétée » ;

- cette clause d'exception est claire, ne concerne que l'établissement [Adresse 9], et ne saurait être étendue ;

- Or, M. [I] [Z] reconnaît que la société Kais preste des services au kiosque situé à proximité directe du [Adresse 1], et fournit de la pâte à crêpe et de l'eau potable, lui permettant d'exercer son activité principale de crêperie à emporter, alors que le repreneur de la location-gerance de la SARL Tapas exerce une activité de crêperie, à l'instar des activités du fonds depuis 2012, et par ailleurs, le constat d'huissier atteste de la présence de M. [I] [Z] au kiosque, en blouse, servant des clients, matérialisant ainsi une violation par lui de la clause de non-concurrence.

M. [I] [Z], lequel sollicite l'infirmation du jugement querellé de ce chef et le débouté de la SARL Tapas en ses demandes, conteste tout acte de concurrence déloyale de sa part, en arguant pour l'essentiel que lui seul a effectivement exploité depuis 2012 le fonds de commerce dont la SARL Tapas prétend être titulaire et que la SAS Asam du Moulin exerce une activité de vente de sandwich, viennoiseries et salades alors que M. [I] [Z] exploite un restaurant spécialisé dans la vente et la fabrication de crêpes ou de galettes de sorte que les activités des deux fonds ne sont pas similaires et que l'activité de M. [I] [Z] n'entre pas dans le champ d'application de la clause de non concurrence litigieuse.

Il ajoute que la clause insérée dans le protocole d'accord prévoit que la société Kais, également gérée par lui, pourrait poursuivre son exploitation sans être inquiétée ; or, la seule présence de M. [I] [Z] dans le kiosque situé en face du local exploité par la SAS Asam du Moulin ne prouve pas qu'il exploite ledit kiosque et ne suffit donc pas à caractériser un acte de concurrence déloyale de sa part, pas plus que le fait que la société Kais réalise des prestations de services au profit du kiosque situé en face du local exploité par la SAS Asam du Moulin ne saurait être considéré comme un acte de concurrence déloyale dans la mesure où la SARL Tapas a autorisé l'exercice de son activité par la société Kais.

M. [I] [Z] souligne enfin que, depuis la résiliation du contrat de location gérance, il se consacre pleinement à l'exploitation du fonds sis [Adresse 9] [Localité 4], ce qui explique qu'il ait sollicité la non-application de la clause de non-concurrence à la société Kais, la reconnaissance des manquements de Monsieur [Z] étant ainsi de nature à priver de sa substance la clause de non concurrence et ainsi l'accord trouvé par les parties.

La SARL Tapas sollicite quant à elle la confirmation du jugement de ce chef, en faisant valoir pour l'essentiel qu'en exploitant le kiosque en face de l'ancien local où il a exploité le fonds en location gérance situé à moins de 50 mètres, M. [I] [Z], en tant que gérant de la SAS Chez Zak, a violé la clause de non concurrence à laquelle il était tenu alors que la SARL Tapas est bien propriétaire du fonds de commerce litigieux qu'elle a exploité pendant deux ans avant de le confier en location gérance, de sorte que la clientèle du fonds appartient à la SARL Tapas.

Or, M. [I] [Z] exerce dans le kiosque litigieux une vente de crêpes et de boissons à emporter, de même nature que celle du fonds exploité par la SAS Asam du Moulin, le locataire gérant de la SARL Tapas, de sorte qu'il est susceptible de lui faire concurrence, la présence d'un salarié de la SAS Chez Zak qui travaille également dans le kiosque mettant en évidence la poursuite de l'exploitation d'une activité de crêperie dans le kiosque.

Elle souligne que Monsieur [Z] a prétendu que les personnes avec lesquelles il travaillait dans le kiosque était des auto-entrepreneurs alors qu'ils n'étaient aucunement immatriculés comme tels.

Au cas d'espèce, il est constant que la SARL Tapas est propriétaire d'un fonds de commerce de « sandwicherie, saladerie, restauration rapide, vente de croissanterie et viennoiserie sans fabrication, vente sur place et à emporter, vente de boissons non alcoolisées » au [Adresse 1] et que M. [I] [Z], depuis le 20 août 2012, s'est vu consentir la location-gérance dudit fonds via l'intermédiaire de la SARL Crêpe de Zak du 20 août 2012 au 20 août 2016, puis de la SARL Crêperie [Adresse 8] du 1er septembre 2016 au 31 août 2018 puis enfin de la société Chez Zak depuis le 1er septembre 2018.

Il est tout aussi constant que, par courrier recommandé du 15 mai 2020, la SARL Tapas a notifié à la SAS Chez Zak la rupture du contrat de location-gérance à effet au 31 août 2020, et que par acte sous seing privé du 04 septembre 2020, la SARL Tapas et la SAS Chez Zak, représentée par M. [I] [Z], ont conclu un protocole d'accord transactionnel aux termes duquel les parties ont convenu que l'obligation de non-concurrence prévue à l'article 12.2 du contrat de location gérance continuera à produire ses effets, les parties convenant cependant que « l'établissement sis [Adresse 9] [Localité 4] exploité par la société Kais n'est pas concerné par cette obligation de non-concurrence, la société Kais [pouvant] poursuivre son activité sans être inquiétée ».

Or, l'article 12.2 du contrat de location-gérance est libellé en ces termes : « A l'expiration du contrat, le gérant s'interdit de s'intéresser directement ou indirectement, en quelque qualité que ce soit, à l'exploitation d'un fonds de commerce de même nature ou susceptible de lui faire concurrence et ce pendant une durée de 3 ans à compter de la fin de la gérance et sur un rayon de 300 mètres à vol d'oiseau où est exploité le fonds, sauf évidemment acquisition par ce dernier du fonds de commerce objet des présentes. »

Il s'infère des termes dénués d'ambiguïté de cette clause que M. [I] [Z] était tenu d'une obligation contractuelle de non-concurrence au fonds de commerce de la SARL Tapas, dans un rayon de 300 mètres à vol d'oiseau du [Adresse 1], à l'exclusion du fonds exploité par la société Kais au [Adresse 9].

Or, il résulte du constat d'huissier établi le 29 septembre 2020 que M. [I] [Z] a été vu par l'huissier instrumentaire au sein du kiosque [Adresse 8], situé en face du fonds de commerce litigieux, en blouse blanche « pour servir les clients » et a reconnu devant l'huissier bien « travailler dans le kiosque de restauration rapide mais en tant que salarié » avant de se rétracter et de dire qu'il venait « donner un coup de main », ce qui caractérise avec suffisance un acte de concurrence déloyale de la part de M. [I] [Z], alors même que ce kiosque vend des crêpes comme le fonds de commerce de la SARL Tapas.

De même, il n'est pas contesté par M. [I] [Z] que la société Kais, dont il est le gérant, et située au [Adresse 9], livre de la pâte à crêpe et de l'eau à la société exploitant le kiosque situé sur la [Adresse 8], à 50 mètres en face du fonds litigieux.

Or, cette fourniture de prestations par la société Kais, gérée par M. [I] [Z], caractérise également un acte de concurrence déloyale de ce dernier envers la SARL Tapas, dès lors que la dérogation à l'obligation de non concurrence visant la société Kais dans le protocole d'accord du 04 septembre 2020, était attachée à l'adresse de son fonds de commerce, située au [Adresse 9], et ne l'autorisait pas à fournir des prestations pour un fonds de commerce situé en face de celui de la SARL Tapas, qui exploite une activité de restauration similaire au fonds de commerce de la SARL Tapas.

En conséquence, M. [I] [Z] a bien violé la clause de non concurrence incluse au contrat de location gérance, et a engagé sa responsabilité.

2. Sur la demande indemnitaire de la SARL Tapas

Aux termes de l'article 1231-5 du code civil, lorsque le contrat stipule que celui qui manquera de l'exécuter paiera une certaine somme à titre de dommages et intérêts, il ne peut être alloué à l'autre partie une somme plus forte ni moindre.

Néanmoins, le juge peut, même d'office, modérer ou augmenter la pénalité ainsi convenue si elle est manifestement excessive ou dérisoire.

Lorsque l'engagement a été exécuté en partie, la pénalité convenue peut être diminuée par le juge, même d'office, à proportion de l'intérêt que l'exécution partielle a procuré au créancier, sans préjudice de l'application de l'alinéa précédent.

Toute stipulation contraire aux deux alinéas précédents est réputée non écrite.

Sauf inexécution définitive, la pénalité n'est encourue que lorsque le débiteur est mis en demeure.

Aux termes du jugement entrepris, le premier juge a condamné M. [I] [Z] à indemniser la SARL Tapas de son préjudice tiré d'une perte de contribution consécutive à un détournement de clientèle, à la somme de 18.000 €, et débouté la SARL Tapas du surplus de ses demandes indemnitaires, après avoir considéré que :

- la clause de non-concurrence s'analyse en une clause pénale,

- en l'absence de meilleure information, le tribunal constate que le fonds de commerce du [Adresse 1], dans sa dernière année pleine d'activité de crêperie, générait un chiffre d'affaires de 166.000 €, une contribution de 75.000 € et un bénéfice après impôts de 14.000 €,

- le préjudice ne saurait en aucun cas excéder 112.000 €, qui correspondrait à une interruption totale de l'activité du [Adresse 1] ; or, le demandeur ne fournit pas d'information suffisante sur la marche du fonds de commerce depuis octobre 2020 et le tribunal relève que le kiosque incriminé ne peut accueillir du public et ne dispose pas des facilités du local initial,

- Par ailleurs, la demande de parfaire formulée par la SARL Tapas pour la période postérieure au 15 avril 2022 n'est pas compréhensible.

M. [I] [Z] sollicite l'infirmation du jugement de ce chef à titre principal, et la SARL Tapas également, en arguant pour cette dernière qu'en s'installant juste devant le fonds qu'il exploitait auparavant, M. [I] [Z] en détourne la clientèle.

Or, les parties ont prévu des dommages et intérêts à hauteur de 500 € par jour de violation de la présente clause de non concurrence sans que l'application de la clause pénale puisse faire l'objet d'une révision par le juge, alors qu'elle permet de compenser au mieux la diminution de la valeur du fonds de commerce de la SARL Tapas.

Au cas d'espèce, il est constant qu'en participant personnellement mais également par le biais de la société Kais à l'activité de restauration et crêperie concurrente développée par le kiosque situé en face du fonds de commerce de la SARL Tapas, exploitant une activité de même nature, M. [I] [Z] a nécessairement occasionné à la SARL Tapas un détournement de sa clientèle, dont M. [I] [Z] était connu depuis 2012 en qualité de locataire-gérant du fonds de commerce de la SARL Tapas.

Néanmoins, si une indemnisation à hauteur de 500 € par jour de concurrence est stipulée entre les parties à l'article 12.2 du contrat de location gérance, cette clause prévoyant une indemnisation forfaitaire s'analyse en une clause pénale que le juge peut modérer si elle est manifestement excessive.

Or, la cour observe que la SARL Tapas ne verse aux débats aucune pièce justifiant du quantum de la perte de contribution consécutive pour elle au détournement de clientèle.

Dès lors, l'indemnisation sollicitée à hauteur de 500 € par jour jusqu'au 15 avril 2022 apparaît excessive et sera modérée, dans les termes fixés par le premier juge, qui a réduit le préjudice à la somme globale de 18.000 €.

Enfin, si la SARL Tapas sollicite que l'indemnisation soit ordonnée jusqu'à la cessation de la concurrence, la somme allouée par le premier juge à la SARL Tapas est de nature à l'indemniser de l'intégralité de son préjudice, et ce, jusqu'à l'expiration du délai posé à l'obligation de non-concurrence, soit jusqu'au 31 août 2023 inclus.

Le jugement sera par conséquent confirmé.

3. Sur l'interdiction de toute concurrence jusqu'au 31 août 2023

Aux termes des articles 1103 et 1104 du code civil, le contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits et doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi.

L'article 12-2 du contrat de location-gérance liant la SARL Tapas et la SAS Chez Zak, dont M. [I] [Z] était le gérant, ayant prévu une obligation de non-concurrence pesant sur M. [I] [Z] sur une durée de trois ans, soit jusqu'au 31 août 2023, le premier juge doit être approuvé d'avoir ordonné à M. [I] [Z] de cesser toute activité liée au commerce de crêpes, directement ou indirectement, sous quelque forme que ce soit, y compris toute fourniture de produits ou services a des commerces de crêpes, jusqu'au 31 août 2023, sous une astreinte de 200 € par infraction constatée à compter d'un mois après la signification du jugement.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

4. Sur l'octroi de délais de paiement de M. [I] [Z]

Aux termes de l'article 1343-5 du code civil, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, le juge peut, dans la limite de deux années, reporter ou échelonner le paiement des sommes dues. Par décision spéciale et motivée, le juge peut prescrire que les sommes correspondant aux échéances reportées porteront intérêt à un taux réduit qui ne peut être inférieur au taux légal ou que les paiements s'imputeront d'abord sur le capital.

Aux termes du jugement querellé, le premier juge a octroyé à M. [I] [Z] un délai de 12 mois pour s'acquitter du montant des dommages-intérêts pour lesquels il a été condamné à indemniser la SARL Tapas.

La SARL Tapas sollicite l'infirmation du jugement entrepris de ce chef, faute pour Monsieur [Z] de produire un quelconque document justifiant de ses ressources financières et de ses difficultés pour régler ladite somme de sorte qu'il n'y a pas lieu de lui accorder un échéancier.

En ce qui concerne la demande de délai de paiement présentée par M. [I] [Z], qui avait déjà été demandée en première instance, l'appelant ne produit pas d'élément de nature à démontrer la réalité de sa situation financière et ses difficultés pour régler la somme de 18.000 €.

La demande de délai de paiement apparaît donc infondée et sera rejetée, le jugement étant infirmé en ce qu'il a octroyé à M. [I] [Z] des délais de paiement.

5. Sur les demandes accessoires

Les entiers dépens seront mis à la charge de la partie perdante, à savoir M. [I] [Z].

L'équité et la situation des parties commandent de débouter M. [I] [Z] de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et de le condamner sur ce fondement à payer à la SARL Tapas une somme qu'il paraît équitable de fixer à 5.000 €.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire rendu en dernier ressort ;

Infirme le jugement rendu le 26 septembre 2022 par le tribunal de commerce de Paris sous le n° RG 2021023292 sur l'octroi de délais de paiement ;

Confirme pour le surplus la décision en toutes ses dispositions non contraires au présent arrêt ;

Statuant à nouveau,

Déboute M. [I] [Z] de sa demande de délais de paiement ;

Y ajoutant,

Déboute les parties de leurs autres demandes ;

Déboute M. [I] [Z] de sa demande sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne M. [I] [Z] à verser à la SARL Tapas la somme de 5.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne M. [I] [Z] aux entiers dépens d'appel.

La greffière, La présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 3
Numéro d'arrêt : 22/19415
Date de la décision : 04/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 13/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-04;22.19415 ?
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