Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 3
ARRET DU 04 JUILLET 2024
(n° , 2 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/06683 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CFSME
Décision déférée à la Cour : Jugement du 03 Mars 2022 -Juge des contentieux de la protection de Paris - RG n° 1121012020
APPELANTE
Madame [V] [I] épouse [J]
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Marie JACQUIER, avocat au barreau de PARIS, toque : A0628
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2022/008644 du 21/03/2022 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de PARIS)
INTIMEE
S.D.C. SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES DE L'IMMEUBLE SIS [Adresse 1] représenté par son syndic JFT GESTION
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentée par Me Amandine NAUD de la SELARL DERBY AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : A0729
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 07 Juin 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Aurore DOCQUINCOURT, Conseillère, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
Mme Anne-Laure MEANO, Présidente de Chambre
Mme Muriel PAGE, Conseillère
Mme Aurore DOCQUINCOURT, Conseillère
Greffier, lors des débats : Mme Joëlle COULMANCE
ARRET :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Anne-Laure MEANO, Présidente de Chambre et par Joëlle COULMANCE, Greffière, présente lors de la mise à disposition.
*****
EXPOSÉ DU LITIGE :
Suivant contrat à durée indéterminée du 16 novembre 2017 à effet au 5 décembre 2017, Mme [V] [I] épouse [J] a été embauchée en qualité de gardienne d'immeuble à service permanent par le syndicat des copropriétaires de la Résidence [7], [Localité 5], avec mise à disposition d'un logement de fonction de 33 m² et d'une cave.
Le 9 novembre 2018, Mme [J] a été victime d'une chute sur le sol mouillé des escaliers principaux de l'immeuble, reconnue comme accident du travail.
Le 10 octobre 2019, elle a été déclarée travailleur handicapé en raison de douleurs persistantes. Elle a été déclarée apte à reprendre son poste le 14 mai 2020 sous réserve de ne pas sortir les poubelles.
Dans l'intervalle, la prestation de sortie des poubelles a été confiée à une société extérieure.
Par courrier du 15 juin 2020, signifié par huissier, le syndicat des copropriétaires a notifié à Mme [J] son licenciement pour nécessité de pourvoir à son remplacement complet et a fixé la date de l'état des lieux de sortie de la loge à l'issue de son préavis de 3 mois.
Le licenciement a été contesté par Mme [J] devant le conseil de Prud'hommes de Paris.
Le 20 juin 2020, Mme [J] a été victime d'une nouvelle chute sur le sol mouillé du local poubelle. Elle a été placée en arrêt de travail du 20 juin 2020 au 30 décembre 2020.
La décision de la CPAM ayant reconnu cette chute comme accident du travail le 25 septembre 2020 a fait l'objet d'un recours de l'employeur le 23 novembre 2020 devant la commission de recours amiable de la CPAM.
Par exploit du 9 juin 2021, le Syndicat des copropriétaires a fait citer Mme [J] devant le juge des contentieux de la protection statuant en référé, aux fins de voir ordonner son expulsion, sa condamnation au paiement d'une indemnité d'occupation de 1.700 euros par mois à compter du 16 septembre 2020 et d'une provision de 16.150 euros au titre de son occupation pour la période du 16 septembre 2020 au 30 juin 2021. Le juge des référés a dit n'y avoir lieu à référé et a renvoyé les parties à mieux se pourvoir s'agissant de l'intégralité de leurs demandes.
Par acte d'huissier du 18 novembre 2021, le Syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 1], a fait citer Mme [V] [J] devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Paris aux fins de :
- constater que Mme [V] [J] est occupante sans droit ni titre depuis le 16 septembre 2020 du logement de fonction situé au rez-de-chaussée et de la cave dénommée 'cave n°26" située au 2ème sous-sol de l'immeuble [Adresse 1],
- ordonner l'expulsion de Mme [V] [J], ainsi que celle de tous occupants de son chef, avec si besoin est, l'assistance de la force publique, sous astreinte de 15 euros par jour de retard à compter de la signification du jugement à intervenir, et ce jusqu'à la complète libération des lieux et la remise des clés,
- fixer l'indemnité mensuelle d'occupation due au montant du loyer contractuel charges et taxes en sus, à 1.700 euros par mois à compter du 16 septembre 2020 jusqu'à la libération effective des lieux par tout bien et toute personne de son chef et la remise des clés, indemnité qui sera indexée chaque année en fonction de l'évolution de l'indice de révision des loyers,
- condamner Mme [V] [J] au paiement de la somme de 24.682,55 euros au titre de son occupation pour la période du 16 septembre 2020 au 30 novembre 2021,
- condamner Mme [V] [J] à payer la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'au paiement des entiers dépens, en ce compris les frais d'exécution de la décision à intervenir,
- ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir.
Par jugement contradictoire du 3 mars 2022, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Paris a ainsi statué :
CONSTATE que Mme [V] [I] épouse [J] est occupante sans droit ni titre des lieux situés [Adresse 1], constitués de la loge de gardien d'immeuble située au rez-de-chaussée et de la cave n°26 attribuée à la loge, depuis le 31 décembre 2020,
DIT qu'à défaut par Mme [V] [I] épouse [J] d'avoir libéré les lieux deux mois après la signification du commandement de quitter les lieux prévu par l'article L. 412-1 du code des procédures civiles d'exécution, le syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 1] pourra procéder à son expulsion et à celle de tous occupants de son chef avec l'assistance de la force publique si besoin est, et à la séquestration de ses meubles dans tel garde meuble qu'il plaira au bailleur,
DIT que Mme [V] [I] épouse [J] ne pourra cependant être expulsée avant un délai de six mois à compter de ce jour sur le fondement des articles L. 412-3 et L.412-4 du code des procédures civiles d'exécution,
DIT n'y avoir lieu à astreinte,
CONDAMNE Mme [V] [I] épouse [J] à payer au syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 1] la somme de 14.160 euros, au titre des indemnités d'occupation dues pour la période du 31 décembre 2020 au 31 décembre 2021,
AUTORISE Mme [V] [I] épouse [J] à s'acquitter de la dette par 24 versements mensuels d'au moins 260 euros, la dernière couvrant le solde de la dette,
DIT que les échéances seront payées le 10 de chaque mois, et qu'à défaut de paiement d'une seule échéance à la date exacte et après une mise en demeure restée sans effet pendant quinze jours, l'échelonnement qui précède sera caduc et l'intégralité de la dette sera immédiatement exigible,
DIT que les procédures d'exécution qui auraient été engagées par le créancier sont suspendues pendant un délai de 24 mois et que les majorations d'intérêts ou les pénalités prévues en cas de retard ne sont pas encourues pendant ce délai,
CONDAMNE Mme [V] [I] épouse [J] à payer au syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 1] une indemnité d'occupation de 1.180 euros par mois à compter du 1er janvier 2022 jusqu'au départ effectif des lieux,
DÉBOUTE les parties du surplus de leurs demandes,
DIT n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE Mme [V] [I] épouse [J] aux dépens.
RAPPELLE que la présente décision bénéficie de l'exécution provisoire de droit.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Vu l'appel interjeté le 31 mars 2022 par Mme [V] [I] épouse [J],
Vu les dernières conclusions remises au greffe le 26 avril 2024 par lesquelles Mme [V] [I] épouse [J] demande à la cour de :
Confirmer le jugement rendu le 3 mars 2022 par le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Paris en ce qu'il :
autorise Mme [I], épouse [J], à s'acquitter de sa dette en 24 mensualités,
dit que les procédures d'exécution qui auraient été engagées par le créancier sont suspendues pendant un délai de 24 mois et que les majorations d'intérêts ou les pénalités prévues en cas de retard ne sont pas encourues pendant ce délai,
déboute le Syndicat de copropriétaires de l'immeuble sis à [Adresse 6] de certaines de ces demandes,
dit n'y avoir lieu à astreinte,
dit n'y avoir lieu à article 700 du code de procédure civile.
Infirmer le jugement pour le surplus,
Et statuant à nouveau,
Fixer le point de départ de l'indemnité d'occupation au 27 mars 2021,
Fixer le montant de l'indemnité d'occupation à une somme ne pouvant excéder la somme mensuelle de 663,30 euros,
Débouter le Syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis à [Adresse 6], de l'ensemble de ses demandes.
Condamner le Syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis à [Adresse 6], aux entiers dépens.
Vu les dernières conclusions remises au greffe le 26 avril 2024 aux termes desquelles le Syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 1] représenté par son syndic la SARL JFT Gestion demande à la cour de :
Confirmer le jugement en ce qu'il a :
- Constaté que Mme [J] est occupante sans droit ni titre des lieux situés [Adresse 1] à [Localité 5] constitués de la loge de gardien située au rez-de-chaussée et de la cave n°26 ;
- Dit qu'à défaut par Mme [J] d'avoir libéré les lieux deux mois après la signification du commandement de quitter les lieux prévus par l'article L 412-1 du code des procédures civiles d'exécution, le syndicat des copropriétaires pourra procéder à son expulsion, et celle de tous occupants de son fait, avec l'assistance de la force publique si besoin est, et à la séquestration de ses meubles dans tel garde meuble qu'il plaira au bailleur.
- Dit que Mme [J] ne pourra cependant être expulsée avant un délai de six mois à compter du prononcé du jugement sur le fondement des articles L.412-3 et L.412-4 du code des procédures civiles d'exécution,
- Dit n'y avoir lieu à astreinte,
- Condamné Mme [J] aux dépens.
Infirmer le jugement le surplus,
Statuant à nouveau et y ajoutant :
Prendre acte de ce que Mme [J] a libéré les lieux le 4 août 2023.
Fixer au 16 septembre 2020 la date à laquelle Mme [J] est devenue occupante sans droit ni titre et le point de départ des indemnités d'occupation.
Condamner Mme [V] [J] à verser au syndicat des copropriétaires [Adresse 1] une indemnité d'occupation de 1 700 euros par mois à compter du 16.09.2020 jusqu'au 4 août 2023, date de libération effective des lieux.
En conséquence,
Condamner Mme [V] [J] à verser au syndicat des copropriétaires [Adresse 1] une somme de 56 789,35 euros au titre de la période du 16.09.2020 au 04.08.2023, et ce avec intérêts au taux légal à compter du 9 juin 2021.
Débouter Mme [V] [J] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions.
Condamner Mme [V] [J] à verser au syndicat des copropriétaires [Adresse 1] une indemnité de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Condamner Mme [V] [J] aux entiers dépens, en ce compris les frais d'exécution.
Pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, la cour, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions remises au greffe et au jugement déféré.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur les demandes principales du syndicat des copropriétaires représenté par son syndic
* Sur la date à laquelle Mme [J] est devenue occupante sans droit ni titre
Mme [J] fait grief au jugement entrepris d'avoir considéré qu'elle était occupante sans droit ni titre depuis le 31 décembre 2020, soit à l'expiration de son arrêt maladie ayant suspendu son contrat de travail, alors qu'elle soutient qu'en raison de son arrêt maladie consécutif à son accident du travail du 20 juin au 30 décembre 2020, ayant suspendu le délai de préavis, ce dernier a recommencé à courir le 1er janvier 2021 et expiré le 27 mars 2021, date à laquelle a commencé à courir le délai de trois mois prévu aux articles L. 7212-1 et R. 7212-1 du code du travail, de sorte qu'elle est occupante sans droit ni titre depuis le 27 juin 2021. Elle ne conteste toutefois pas devoir une indemnité d'occupation depuis le 27 mars 2021, en indiquant que 'le délai légal de trois mois pour quitter les lieux n'a pas vocation à permettre une occupation gratuite du logement'.
Le syndicat des copropriétaires forme appel incident sur ce point, et sollicite que la date à laquelle Mme [J] est devenue occupante sans droit ni titre soit fixée au 16 septembre 2020, soit à l'expiration du délai de préavis de trois mois suivant la notification de son licenciement. Il fait valoir que l'arrêt maladie de Mme [J] à compter du 20 juin 2020, dont il a contesté le caractère professionnel, ne suspend pas le délai de trois mois prévu par l'article L.7212-1 du code du travail, souligne que Mme [J] ne conteste pas la date de cessation de son contrat de travail dans le cadre de la procédure prud'homale, et relève que le conseil de prud'hommes a jugé que la preuve du caractère professionnel de l'accident du 20 juin 2020 n'était pas rapportée, même si Mme [J] a interjeté appel de cette décision. Il ajoute que, 'même en suspendant le délai de 3 mois imparti par les articles L.7212-1 et R. 7212-1 du Code du travail du fait de l'accident du travail contesté, Mme [J] serait devenue occupante sans droit ni titre au plus tard le 31 mars 2021, en rajoutant au 27 mars 2021 les quelques jours travaillés avant sa chute du 20 juin 2020".
Dans le dispositif de ses écritures, qui seul saisit la cour en application de l'article 954 du code de procédure civile, Mme [J] ne sollicite pas de voir constater qu'elle est devenue occupante sans droit ni titre le 27 juin 2021.
Or, une demande d'infirmation ne suffit pas à émettre une prétention sur le fond des demandes qui ont été tranchées ; les moyens développés à l'appui des demandes d'infirmation ne tiennent pas lieu de prétentions.
En conséquence, en application de l'article 954 précité et d'une jurisprudence constante (2ème Civ., 5 décembre 2013, n° 12-23.611, bull n°230, 2e civ., 23 février 2017, pourvoi n° 16-12.288, 1re Civ., 17 mars 2016, pourvoi n° 14-27.168, Bull. n° 64, 2ème civ 10 décembre 2020, n°1921187, 2ème Civ., 4 février 2021, n°19-23.615), en l'absence de prétention sur la demande tranchée dans le jugement ayant constaté que Mme [J] est occupante sans droit ni titre depuis le 31 décembre 2020, la cour ne peut que constater qu'elle n'est pas saisie d'une prétention relative à cette demande et ne peut que confirmer le jugement sur le chef de dispositif concerné.
*Sur l'expulsion
Il résulte des pièces produites que Mme [J] a été expulsée le 7 juillet 2023, de sorte que cette demande est devenue sans objet.
Sur l'indemnité d'occupation et la demande en paiement
¿ Le montant de l'indemnité d'occupation
Mme [J] fait grief au jugement entrepris d'avoir fixé le montant de l'indemnité d'occupation à la somme de 1180 euros par mois, alors qu'elle fait valoir que le logement est une loge de gardien de 33 m² située au rez-de-chaussée, bruyante et exposée au va-et-vient des résidents de l'immeuble. Elle souligne que l'arrêté préfectoral fixe le loyer de référence minoré à 20,1 euros le m², et demande que le montant de l'indemnité d'occupation soit fixé à une somme ne pouvant excéder 663,30 euros par mois.
Le syndicat des copropriétaires forme appel incident sur ce point, et sollicite que l'indemnité d'occupation soit fixée à la somme de 1700 euros par mois, en faisant valoir que la loge avait été intégralement refaite juste avant l'embauche de Mme [J], que l'arrêté préfectoral fixant les loyers minoré, de référence et majoré est applicable pour la fixation des baux d'habitation et non pour la détermination de l'indemnité d'occupation, et soutient que la loge bénéficie aussi d'une cave de sorte qu'il conviendrait au demeurant d'appliquer le loyer de référence majoré.
L'indemnité d'occupation trouve son fondement dans la protection des droits du propriétaire et dans l'article 1240 du code civil, en raison de la faute délictuelle commise par celui qui se maintient sans droit dans les lieux.
Ayant pour objet de réparer l'entier préjudice qui résulte pour le propriétaire de la privation de son bien, elle a une double nature, compensatoire et indemnitaire et peut être destinée non seulement à compenser les pertes de loyers subies par le propriétaire mais également à l'indemniser du préjudice subi du fait que le logement est indisponible.
Elle suit ainsi le régime des principes fondamentaux de la responsabilité civile et de la réparation intégrale des préjudices et doit rétablir aussi exactement que possible l'équilibre détruit par le dommage et de replacer la victime, aux dépens du responsable, dans la situation où elle se serait trouvée si l'acte dommageable ne s'était pas produit , sans qu'il en résulte pour elle ni perte ni profit.
Devant la cour, le syndicat des copropriétaires réitère sa demande de fixation de l'indemnité d'occupation à la somme mensuelle de 1700 euros, mais ne se réfère plus dans ses écritures aux extraits du site 'se loger.com' produits pour la location de deux pièces avec cave à [Localité 5] de 1650 euros, 1600 et 1520 euros. Il justifie en revanche que la loge a été rénovée le 21 octobre 2017, soit juste avant l'embauche de Mme [J].
Mme [J] fait valoir à juste titre que la loge, d'une superficie de 33 m², composée selon le contrat de travail 'd'un séjour d'une chambre, d'un WC intérieur et d'une salle de douche privative' ainsi que d'une cave, est située au rez-de-chaussée, et que la porte d'entrée située dans le séjour donne directement sur le couloir d'accès de l'immeuble, de sorte que les estimations produites par le syndicat des copropriétaires ne sont pas pertinentes car elles ne correspondent pas à un logement similaire.
Il convient de juger que le loyer de référence, fixé à la somme de 28,7 euros par m², constitue un élément pertinent de fixation de la valeur locative du bien, l'état du bien, refait à neuf en 2017, ne justifiant pas de se référer au loyer de référence minoré.
En conséquence, il y a lieu de fixer à la somme de 950 euros le montant de l'indemnité d'occupation mensuelle due par Mme [J], infirmant le jugement entrepris sur ce point.
¿ La demande en paiement
Mme [J] sollicite que le point de départ de l'indemnité d'occupation soit fixé au 27 mars 2021 pour les motifs rappelés plus haut.
Le syndicat des copropriétaires sollicite que Mme [J] soit condamnée au paiement de la somme de 56.789,35 euros au titre de la période du 16 septembre 2020 au 4 août 2023, avec intérêts au taux légal à compter du 9 juin 2021, pour les motifs rappelés plus haut.
Selon l'article L. 7212-1 du code du travail, 'le salarié dont le contrat de travail est rompu à l'initiative de l'employeur ne peut être obligé à quitter son logement avant un délai minimum déterminé par décret en Conseil d'Etat ou sans le paiement d'une indemnité (...)'.
L'article R. 7212-1 dispose que 'le délai minimum avant lequel, en application de l'article L. 7212-1, le salarié dont le contrat de travail est rompu à l'initiative de l'employeur ne peut être obligé à quitter son logement est de trois mois'.
En vertu de l'article L. 1226-7, 'le contrat de travail du salarié victime d'un accident du travail, autre qu'un accident de trajet, ou d'une maladie professionnelle est suspendu pendant la durée de l'arrêt de travail provoqué par l'accident ou la maladie (...)'.
Il en résulte que le préavis est suspendu pendant la durée de l'arrêt de travail provoqué par l'accident du travail (Soc., 15 février 2006, n°04-42.822).
En l'espèce, le contrat de travail à durée indéterminée conclu entre les parties le 16 novembre 2017 stipule que 'l'employeur met à la disposition de Mme [J] [V] un logement pendant la durée du contrat de travail en raison de ses fonctions et pour en faciliter l'exercice ; cette occupation précaire est la conséquence de l'emploi exercé et constitue un avantage accessoire au contrat de travail. En conséquence, l'occupation des locaux doit cesser en même temps que le contrat de travail (...)'.
Par courrier signifié par huissier le 15 juin 2020, le syndicat des copropriétaires représenté par son syndic a notifié son licenciement à Mme [J], en précisant que 'la présente décision prendra effet au terme d'un préavis de 3 mois conformément à la convention collective applicable', soit au 15 septembre 2020, ajoutant 'nous conviendrons d'un rendez-vous à cette date pour établir un état des lieux contradictoire de la loge qui devra être libre de vos effets'.
Mme [J] a été placée en arrêt maladie du 20 juin au 30 décembre 2020, et a déclaré sa chute en accident du travail le 20 juin 2020. La CPAM a reconnu le caractère professionnel de cet accident suivant notification du 25 septembre 2020. L'employeur a effectué un recours contre cette décision auprès du secrétariat de la commission de recours amiable de la CPAM le 23 novembre 2020. Les suites réservées à ce recours ne sont pas produites, et il n'est pas justifié d'un éventuel recours contentieux.
Il résulte de l'ensemble de ces éléments que le délai de préavis de 3 mois ayant commencé à courir le 15 juin 2020 a été suspendu pendant la durée de l'arrêt de travail provoqué par l'accident du travail, soit du 20 juin au 30 décembre 2020 conformément à l'article L. 1226-7 précité. En conséquence, le délai de préavis a recommencé à courir à l'issue de cette date, pour expirer le 27 mars 2021. Il en résulte que Mme [J] est redevable d'une indemnité d'occupation à compter du 27 mars 2021.
Si l'expulsion a eu lieu le 7 juillet 2023, il résulte du procès-verbal dressé par commissaire de justice que Mme [J] avait laissé ses meubles dans les lieux, lesquels n'ont été récupérés que le 4 août 2023, de sorte que l'indemnité d'occupation est due jusqu'à cette date.
En conséquence, le montant total dû au titre des indemnités d'occupation s'élève à la somme de :
- 153,22 euros au titre de l'indemnité d'occupation du 27 au 31 mars 2021,
- (950 x 28) = 26600 euros au titre de l'indemnité d'occupation du 1er avril 2021 au 31 juillet 2023,
- 122,58 euros au titre de l'indemnité d'occupation du 1er au 4 août 2023,
soit la somme totale de 26.875,80 euros, dont il convient de déduire les versements effectués par Mme [J] à hauteur de la somme de 2080 euros.
Si Mme [J] fait valoir qu'elle a bénéficié le 31 août 2022 d'une décision de rétablissement personnel sans liquidation judiciaire décidée par la commission de surendettement, le syndicat des copropriétaires produit le jugement rendu le 7 juillet 2023 par le juge des contentieux de la protection de Paris saisi du recours formé contre cette décision par le syndicat des copropriétaires, lequel a constaté la mauvaise foi de Mme [J] et partant, son irrecevabilité à bénéficier d'une procédure de surendettement des particuliers. Mme [J] ayant interjeté appel de cette décision, l'affaire est fixée à plaider devant la chambre 4-9 de la cour d'appel de Paris le 4 juin 2024.
Il convient de rappeler qu'un créancier peut toujours, pendant le cours d'une procédure de surendettement, saisir le juge du fond pour obtenir un titre exécutoire (Civ.2ème , 22 mars 2006, n°04-15.814 ; Civ.2ème,1er mars 2018, n°17-16.293 ; Civ. 2ème, 5 février 2009, n°07-21.306).
Il convient dès lors de condamner Mme [J] à payer au syndicat des copropriétaires la somme de 24.795,80 euros au titre du solde des indemnités d'occupation pour la période du 27 mars 2021 au 4 août 2023, somme qui portera intérêts au taux légal à compter du présent arrêt en application de l'article 1231-7 du code civil.
Il sera rappelé que la présente condamnation s'exécutera conformément aux décisions qui seront prises dans le cadre de la procédure de surendettement.
Sur les demandes reconventionnelles de Mme [J]
* Les délais supplémentaires pour quitter les lieux
Il résulte des pièces produites que Mme [J] a été expulsée le 7 juillet 2023, de sorte que cette demande est devenue sans objet.
*Les délais de paiement
Mme [J] sollicite la confirmation du jugement entrepris qui l'a autorisée à s'acquitter de la dette par versements mensuels d'au moins 260 euros, la dernière échéance couvrant le solde de la dette. Elle fait valoir qu'elle a désormais le statut de travailleur handicapé, avec un taux d'incapacité de 50% à 79%, qu'elle ne parvient pas à retrouver un emploi compte tenu de sa situation de santé, ce dont attestent ses médecins, et que ses revenus sont d'environ 900 euros par mois.
Le syndicat des copropriétaires forme un appel incident sur ce point, sollicitant qu'elle soit déboutée de sa demande. Il fait valoir que les délais de paiement accordés par le premier juge n'ont pas été respectés.
Selon l'article 1343-5, 'le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues'.
En l'espèce, la situation personnelle et financière précaire de Mme [J], dont elle justifie par les pièces produites, et le fait qu'elle ait réglé 8 mensualités en dépit de la modicité de ses revenus, justifie que le jugement entrepris soit confirmé en ce qu'il lui a octroyé des délais de paiement de 260 euros pendant 24 mois, la dernière échéance couvrant le solde de la dette. Il sera également confirmé en ce qu'il a dit qu'à défaut de paiement d'une seule échéance à la date exacte, et après mise en demeure restée sans effet pendant 15 jours, l'échelonnement sera caduc et l'intégralité de la dette sera immédiatement exigible.
Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens
Le sens de la présente décision commande de confirmer le jugement entrepris s'agissant des dépens et de l'article 700 du code de procédure civile.
Mme [J], partie perdante à titre principal, sera condamnée aux dépens d'appel.
L'équité commande de ne pas prononcer de condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile en appel.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire,
Infirme, en ses dispositions frappées d'appel, le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a :
- constaté que Mme [V] [I] épouse [J] est occupante sans droit ni titre des lieux situés [Adresse 1], constitués de la loge de gardien d'immeuble située au rez-de-chaussée et de la cave n°26 attribuée à la loge, depuis le 31 décembre 2020,
- autorisé Mme [V] [I] épouse [J] à s'acquitter de la dette par 24 versements mensuels d'au moins 260 euros, la dernière couvrant le solde de la dette,
- dit que les échéances seront payées le 10 de chaque mois, et qu'à défaut de paiement d'une seule échéance à la date exacte et après une mise en demeure restée sans effet pendant quinze jours, l'échelonnement qui précède sera caduc et l'intégralité de la dette sera immédiatement exigible,
- dit que les procédures d'exécution qui auraient été engagées par le créancier sont suspendues pendant un délai de 24 mois et que les majorations d'intérêts ou les pénalités prévues en cas de retard ne sont pas encourues pendant ce délai,
- dit n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné Mme [V] [I] épouse [J] aux dépens,
Constate que les demandes d'expulsion et de délais supplémentaires pour quitter les lieux sont devenues sans objet,
Et statuant à nouveau sur les chefs de dispositif infirmés,
Condamne Mme [V] [I] épouse [J] à payer au syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 1] représenté par son syndic, la SARL JFT Gestion, une indemnité d'occupation mensuelle de 950 euros à compter du 27 mars 2021 jusqu'au 4 août 2023,
Condamne en conséquence Mme [V] [I] épouse [J] à payer au syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 1] représenté par son syndic, la SARL JFT Gestion, la somme de 24.795,80 euros au titre du solde des indemnités d'occupation pour la période du 27 mars 2021 au 4 août 2023, somme qui portera intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,
Rappelle que la présente condamnation s'exécutera conformément aux décisions qui seront prises dans le cadre de la procédure de surendettement.
Et y ajoutant,
Condamne Mme [V] [I] épouse [J] aux dépens d'appel,
Rejette toutes autres demandes.
La greffière Le président