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04/07/2024 | FRANCE | N°22/05789

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 3, 04 juillet 2024, 22/05789


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 3



ARRET DU 04 JUILLET 2024



(n° , 8 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/05789 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CFPWO



Décision déférée à la Cour : Jugement du 08 Février 2022 -Tribunal de Commerce de Créteil - RG n° 2021F00857





APPELANTE



S.A.R.L. SPORTS ETUDES DE PARIS - SEDP

RCS 530

055 953

[Adresse 4]

[Localité 3]



Représentée par Me Delphine MENGEOT, avocat au barreau de PARIS, toque : D1878

Assistée par Me Paul ZEITOUN de la SELARL PZA PAUL ZEITOUN, avocat ...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 3

ARRET DU 04 JUILLET 2024

(n° , 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/05789 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CFPWO

Décision déférée à la Cour : Jugement du 08 Février 2022 -Tribunal de Commerce de Créteil - RG n° 2021F00857

APPELANTE

S.A.R.L. SPORTS ETUDES DE PARIS - SEDP

RCS 530 055 953

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représentée par Me Delphine MENGEOT, avocat au barreau de PARIS, toque : D1878

Assistée par Me Paul ZEITOUN de la SELARL PZA PAUL ZEITOUN, avocat au barreau de PARIS, toque : D1878 substitué à l'audience par Me Hugo GATTERRE

INTIMEE

S.A.R.L. SCIEL (HOTEL VILLA DES IMPRESSIONISTES)

RCS 440274 066

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Lisa PASQUIER, avocat au barreau de PARIS, toque : C0813

Assistée par Me Edith COGNY de la SCP BERTHAULT-COGNY, avocat au barreau de VERSAILLES substituée à l'audience par Me Elisabeth GOELEN

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 31 Mai 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Aurore DOCQUINCOURT, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Mme Anne-Laure MEANO, Présidente

Mme Muriel PAGE, Conseillère

Mme Aurore DOCQUINCOURT, Conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Joëlle COULMANCE

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Anne-Laure MEANO, Présidente de Chambre et par Joëlle COULMANCE, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

*****

EXPOSÉ DU LITIGE

La SARL SCIEL et la SARL Sports études de Paris (ci après la société SEDP) ont conclu le 1er juillet 2018 une convention d'hébergement portant sur la mise à disposition pour la SARL SEDP de 50 chambres, classes comprises, pour 90 personnes, et tous les équipements nécessaires à la vie courante au sein de l'Hôtel [5] à [Localité 2], pour une 'période scolaire ferme de 12 mois commençant à courir le 1er juillet 2018 pour finir le 30 juin 2019, renouvelable une fois par tacite reconduction pour un délai de 12 mois', moyennant un loyer de 20.000 euros HT par mois pour 90 élèves, outre des charges faisant l'objet d'une facturation mensuelle sur justificatifs, estimées à 85.000 euros TTC annuel.

Par acte d'huissier en date du 29 juillet 2021, déposé en l'étude, la société SCIEL a assigné à la société Sports études de Paris, demandant au tribunal de commerce de Créteil de :

-condamner la société Sports études de Paris à payer à la société Sciel la somme de 116.794,50€ avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 31 mars 2021 au titre des loyers et des charges impayés,

- condamner la société Sports études de Paris à payer à la société Sciel la somme de 5.000€ en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, outre les dépens de l'instance.

Par jugement réputé contradictoire entrepris du 8 février 2022, le tribunal de commerce de Créteil a ainsi statué :

Condamne la société SPORTS ETUDES DE PARIS - SEDP à payer à la société SCIEL la somme de 116.794,50 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 31 mars 2021,

Condamne la société SPORTS ETUDES DE PARIS- SEDP à payer à la société SCIEL la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du CPC et déboute la société SCIEL du surplus de sa demande formée de ce chef,

Rappelle que l'exécution provisoire est de droit,

Condamne la société SPORTS ETUDES DE PARIS - SEDP aux dépens,

Liquide les dépens à recouvrer par le greffe à la somme de 69.59 euros TTC (dont TVA: 20,00%).

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Vu l'appel interjeté le 17 mars 2022 par la SARL Sports études de Paris - SEDP,

Vu les dernières conclusions remises au greffe le 24 avril 2024 par lesquelles la SARL Sports études de Paris - SEDP demande à la cour de :

DECLARER recevable et bien fondée la Société SPORT ETUDE DE PARIS en son appel ;

Y faisant droit,

JUGER que l'huissier de justice chargé de délivrer l'assignation de la Société SCIEL à la Société SPORT ETUDE DE PARIS n'a pas accompli l'ensemble des diligences nécessaires afin de rechercher le destinataire de l'acte ;

En conséquence,

ANNULER l'assignation délivrée en date du 29 juillet 2021 en ce qu'elle n'a pas été valablement délivrée à la Société SPORT ETUDE DE PARIS ;

ANNULER le jugement en date du 8 février 2022 rendu par le Tribunal de Commerce de

Créteil ;

A titre subsidiaire, et si par extraordinaire la Cour ne faisait pas droit à la demande de nullité de la Société SPORT ETUDES DE PARIS,

INFIRMER le jugement rendu par le Tribunal de commerce de Créteil en date du 8 février 2022 en toutes ses dispositions ;

Et statuant à nouveau,

JUGER que la Société SPORT ETUDE DE PARIS n'est pas débitrice de la somme de 116.794,50 € réclamée par la Société SCIEL ;

ANNULER la sommation de payer délivrée à la Société SPORT ETUDE DE PARIS en date du 7 mai 2021 ; et à tout le moins DECLARER qu'elle est dépourvue de tout effet ;

ORDONNER au bénéfice de la société SPORT ETUDE DE PARIS l'exonération des loyers, charges et accessoires pendant toute la durée des fermetures administratives et d'interdiction d'accueillir du public soit du 15 mars 2020 au 30 juin 2020 ;

En conséquence,

DEBOUTER la Société SCIEL de l'ensemble de ses demandes à l'encontre de la Société SPORT ETUDE DE PARIS ;

ORDONNER à la Société SCIEL de restituer à la société SPORT ETUDE DE PARIS toutes les sommes qui auraient été perçues en exécution du jugement déféré et/ ou portant sur les périodes exonérées, et l'y CONDAMNER au besoin ;

CONDAMNER la Société SCIEL à payer à la Société SPORT ETUDE DE PARIS la somme de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens d'instance ;

Vu les dernières conclusions remises au greffe le 30 septembre 2022 au terme desquelles la SARL Sciel demande à la cour de :

Confirmer le jugement rendu par le Tribunal de commerce de CRETEIL en date du 8 février '2020", dans l'ensemble de ses dispositions ;

Et y ajoutant :

Débouter la société SPORTS ETUDES DE PARIS de l'ensemble de ses demandes :

Condamner la société SPORTS ETUDES DE PARIS à payer à la société SCIEL la somme de 5.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamner la société SPORTS ETUDES DE PARIS aux entiers dépens de la présente instance.

Pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, la cour, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions remises au greffe et au jugement déféré.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur les exceptions de nullité de l'assignation et du jugement entrepris soulevées par la SARL SEDP

La SARL SEDP fait valoir que l'huissier mandaté par la SARL SCIEL n'a pas accompli l'ensemble des diligences nécessaires pour rechercher le destinataire de l'acte, dès lors qu'il 'savait que l'école était fermée en raison des vacances scolaires', ce que confirme le procès-verbal de signification qui précise que 'la société est fermée'.

Elle soutient qu'il est impossible que l'adresse ait été confirmée par le voisinage, dans la mesure où son siège situé [Adresse 4] à [Localité 3] (94) est au milieu d'une forêt, sans voisinage. Elle affirme qu'aucun avis de passage n'a été laissé par l'huissier. Elle conclut que l'huissier pouvait facilement obtenir les coordonnées des responsables de l'école par sa mandante qui entretenait des relations téléphoniques et par mail avec la SARL SEDP, et sollicite dès lors la nullité de la signification de l'assignation, et par voie de conséquence, celle du jugement entrepris.

La SARL SCIEL conclut au débouté de l'appelante de sa demande de nullité, en faisant valoir que l'adresse de signification est bien celle du siège social, de sorte que la SARL SEDP ne saurait invoquer des jurisprudences relatives à des significations par procès-verbal de recherches infructueuses. Elle souligne que les indications portées dans l'acte par l'huissier valent jusqu'à inscription de faux, de sorte que la SARL SEDP ne saurait se contenter d'affirmer qu'aucun avis de passage n'a été laissé. Elle conclut que seul le défaut de diligence de l'appelante l'a empêchée d'être représentée devant le tribunal de commerce, et que l'assignation n'est pas nulle, pas plus que le jugement critiqué.

Selon l'article 654 du code de procédure civile, 'la signification doit être faite à personne'.

L'article 655 dispose que, 'si la signification à personne s'avère impossible, l'acte peut être délivré soit à domicile, soit, à défaut de domicile connu, à résidence.

L'huissier de justice doit relater dans l'acte les diligences qu'il a accomplies pour effectuer la signification à la personne de son destinataire et les circonstances caractérisant l'impossibilité d'une telle signification (...)'.

En vertu de l'article 656, 'si personne ne peut ou ne veut recevoir la copie de l'acte et s'il résulte des vérifications faites par l'huissier de justice, dont il sera fait mention dans l'acte de signification, que le destinataire demeure bien à l'adresse indiquée, la signification est faite à domicile. Dans ce cas, l'huissier de justice laisse au domicile ou à la résidence de celui-ci un avis de passage conforme aux prescriptions du dernier alinéa de l'article 655. Cet avis mentionne, en outre, que la copie de l'acte doit être retirée dans le plus bref délai à l'étude de l'huissier de justice, contre récépissé ou émargement, par l'intéressé ou par toute personne spécialement mandatée (...)'.

L'article 693 dispose que 'ce qui est prescrit par les articles 654 à 659 (...) est observé à peine de nullité'.

En l'espèce, l'acte de signification à étude d'huissier de l'assignation du 29 juillet 2021 comporte les mentions suivantes :

'Le domicile est certain ainsi qu'il résulte des vérifications suivantes :

- le nom est inscrit sur la boîte aux lettres,

- l'adresse nous a été confirmée par le voisinage,

- un avis de passage a été laissé dans la boîte aux lettres.

Circonstances rendant impossible la signification à personne :

- la société est fermée'.

Il n'est pas contesté que la SARL SCIEL a bien pour siège social [Adresse 4] à [Localité 3] (94).

Or, s'agissant d'une personne morale, la signification est faite au lieu de son établissement; l'huissier n'a l'obligation de tenter la signification qu'au lieu du siège social dont l'existence n'est pas contestée (Civ. 2ème, 21 février 1990, n°88-17.230).

Il en résulte que la circonstance que la société soit fermée n'oblige pas l'huissier à effectuer d'autres diligences pour signifier l'acte.

C'est vainement que la SARL SEDP prétend qu'il n'y aurait pas de voisinage immédiat, ou qu'aucun avis de passage n'aurait été laissé par l'huissier, dès lors que les mentions des diligences accomplies par un huissier de justice dans un acte de signification valent jusqu'à inscription de faux (Civ. 1re, 18 mars 2020, n°19-15.045), procédure qui n'a pas été initiée en l'espèce.

Il en résulte que l'huissier a valablement signifié l'acte au siège social de l'appelante, et mentionné les circonstances caractérisant l'impossibilité de la signification à personne, de sorte qu'aucune nullité n'est encourue.

Il convient dès lors de débouter la SARL SEDP de ses exceptions de nullité de l'assignation du 29 juillet 2021 et du jugement du 8 février 2022.

Sur la demande principale en paiement de la SARL SCIEL

La SARL SEDP fait grief au jugement entrepris de l'avoir condamnée au paiement de la somme de 116.794,50 euros avec intérêts au taux légal à compter du 31 mars 2021 au titre des loyers et charges impayés, alors qu'elle se prévaut d'un accord conclu avec la SARL SCIEL selon lequel aucun loyer ne serait dû s'agissant de la période de fermeture de l'établissement du fait du confinement, seules les charges des mois de février et mars 2020 restant dues.

Elle invoque successivement :

- le principe de bonne foi contractuelle de l'article 1104 du code civil, en soutenant que la mauvaise foi de la SARL SCIEL, prétendant accorder une exonération de loyer alors qu'elle en a poursuivi le paiement, justifie que la SARL SEDP soit exonérée de l'esnemble des loyers afférents aux périodes de fermeture administrative ;

- l'exception d'inexécution en application des articles 1719, 1218 et suivants du code civil pour manquement du bailleur à son obligation de délivrance en raison d'un cas de force majeur du fait de la fermeture administrative des locaux objet de la convention d'hébergement induite par la pandémie de covid-19, justifiant l'exonération totale de son obligation de paiement des loyers et des charges ;

- la perte de la chose louée en application de l'article 1722 du code civil du fait d'une impossibilité de jouissance pendant toute la période de fermeture administrative, justifiant l'exonération totale de son obligation de paiement des loyers et des charges ;

- la révision du contrat pour imprévision en application de l'article 1195 du code civil pour les périodes de fermeture administrative, justifiant de réviser les termes de la convention d'hébergement pour les périodes de fermeture administrative en exonérant le preneur des loyers.

Elle sollicite que la sommation de payer délivrée le 7 mai 2021 à hauteur de la somme totale de 116.794,50 euros soit annulée, qu'il soit ordonné au bénéfice de la SARL SEDP l'exonération des loyers, charges et accessoires pendant toute la durée des fermetures administratives et d'interdiction d'accueillir du public, soit du 15 mars au 30 juin 2020, et qu'il soit ordonné à la SARL SCIEL de restituer à la SARL SEDP toutes les sommes qui auraient été perçues en exécution du jugement déféré et/ ou portant sur les périodes exonérées, et l'y condamner au besoin.

La SARL SCIEL conclut à la confirmation du jugement entrepris, en faisant valoir que l'activité de la SARL SEDP n'a jamais été interdite ou suspendue, et qu'à supposer qu'elle l'ait été, elle a continué à exploiter les locaux par le biais de cours à distance et n'a pas restitué les clés jusqu'à la fin du contrat. Elle affirme ne pas avoir reçu le courrier de la SARL SEDP du 15 avril 2020, et indique qu'elle était prête à renoncer au règlement des loyers et charges à condition que les lieux soient restitués, alors que la SARL SEDP a continué à exploiter les locaux sans payer de loyers ou de charges.

Elle souligne que la SARL SEDP ne saurait se prévaloir de la force majeure compte tenu du fait que sa défaillance était bien antérieure à la pandémie, et que la cour de cassation a confirmé par des arrêts du 30 juin 2022 que l'obligation de paiement des loyers n'était pas anéantie du fait du confinement, dès lors que l'interdiction temporaire de recevoir du public n'entraîne pas la perte de la chose louée et n'est pas constitutive d'une inexécution par le bailleur de son obligation de délivrance.

La SARL SEDP produit un document intitulé 'courriel avec accusé de réception' daté du 15 avril 2020, par lequel elle indique à la SARL SCIEL que 'les autorités gouvernementales nous imposent l'arrêt de notre activité scolaire et sportive à compter du 15 mars 2020 (...). Cette situation exceptionnelle et indépendante de notre volonté rend en effet impossible l'exercice de notre activité, nous vous notifions par la présente que les effets de la convention signée le 1er juillet 2018 et les avenants qui s'en sont suivis se trouvent par conséquents suspendus'.

La SARL SEDP ne justifie pas par les pièces produites de l'envoi de ce courriel, ni a fortiori de sa réception par la SARL SCIEL.

La SARL SEDP communique un courriel de la gérante de la SARL SCIEL adressé le 9 juin 2020, rédigé dans les termes suivants :

'Je n'ai jamais reçu ce courrier et vous ne devez pas avoir de signature de retour.

Là n'est pas la question car nous étions informés de l'arrêt des loyers pour les locaux non utilisés, il fallait par conséquent nous rendre les clefs et quitter nos locaux. Vous n'avez rien fait: les professeurs, vos employés sont restés pour organiser les cours à distance et les élèves ont défilé pour prendre leurs affaires jusqu'à la fin du mois, et je vous signale que nous en avons encore.

Je ne vous réclame pas les loyers d'avril, mai, juin. Je veux seulement celui de mars (en conformité avec ce que vous m'écrivez car vous occupiez toujours les locaux) et les charges de mars car ce sont les factures que nous avons payées en février. Les charges des autres mois sont dues, car vous êtes toujours dans nos murs et je n'ai rien pu arrêter. Vous semblez ignorer que du personnel de chez vous vient régulièrement démonter et emporter du mobilier à vous, qu'ils utilisent tout : électricité, ascenseurs... que nous avons depuis tous les véhicules dans notre parking, que tous les réfrigérateurs et la chambre froide étaient encore en fonctionnement et remplis début juin (...)'.

La SARL SCIEL produit plusieurs échanges de courriels postérieurs, notamment :

- un courriel du 11 juin 2020 par lequel la SARL SCIEL réclame à la SARL SEDP le loyer de mars à hauteur de 50% du loyer total, outre les charges de mars et d'avril 2020, pour un montant total de 30.056,71 euros ;

- un courriel du 1er septembre 2020 par lequel la SARL SCIEL sollicite que la SARL SEDP 'déménage tout ce qui reste à elle dans la villa' et réclame un solde de charges de 21.471,79 euros ;

- un courriel de relance du 15 février 2021 réclamant le paiement de ladite somme, auquel la SARL SEDP répond le même jour : 'nous ne pouvons rien faire pour le moment'.

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 31 mars 2021, la SARL SCIEL a mis en demeure la SARL SEDP de régler la totalité des sommes dues en vertu de la convention d'hébergement, incluant les loyers de mars à juin 2020, outre les charges, soit la somme totale de 116.794,50 euros.

Par acte d'huissier du 7 mai 2021, la SARL SCIEL a délivré une sommation de payer à la SARL SEDP pour la somme en principal de 116.794,50 euros au titre des loyers et charges impayés en vertu de la convention d'hébergement du 1er juillet 2018.

L'effet de la mesure générale et temporaire d'interdiction de recevoir du public sur la période du 17 mars au 10 mai 2020, prévue par les arrêtés des 14 et 16 mars 2020 du ministre des solidarités et de la santé, ainsi que par les décrets n° 2020-293 du 23 mars 2020 et n° 2020-423 du 14 avril 2020, sans lien direct avec la destination contractuelle du local loué, ne peut être assimilé à la perte de la chose, au sens de l'article 1722 du code civil.

Cette mesure générale de police administrative portant interdiction de recevoir du public n'est pas constitutive d'une inexécution, par le bailleur, de son obligation de délivrance.

Pour échapper au paiement de ses loyers, un locataire n'est pas fondé à invoquer à son profit la force majeure résultant de cette mesure (Civ. 3ème, 30 juin 2022, n°21-20.190).

En l'espèce, la SARL SEDP, si elle peut se prévaloir du fait que les écoles étaient fermées pendant la période allant du 15 mars 2020 à la fin juin 2020 du fait de la pandémie de covid-19,ne conteste pas ne pas avoir restitué les clés des locaux loués à la SARL SCIEL, et avoir continué de les occuper aux fins, notamment, d'assurer des cours à distance.

Contrairement à ce qu'allègue la SARL SEDP, aucun accord n'a été conclu aux fins de suspendre les effets de la convention entre les parties, la SARL SEDP ne justifiant pas de l'envoi ni a fortiori de la réception du courriel du 15 avril 2020.

S'il résulte des échanges de courriels précités que la SARL SCIEL avait accepté de ne pas réclamer les loyers d'avril à juin 2020, mais uniquement les charges, la SARL SEDP n'a pas donné de suite à cette proposition, dès lors qu'elle n'a ni restitué les lieux, ni réglé les charges.

C'est donc légitimement que la SARL SCIEL a réclamé paiement de la somme totale de 116.794,50 euros représentant les loyers et charges dus au 30 juin 2020 en vertu de la convention d'hébergement liant les parties, puis a fait délivrer une sommation de payer le 7 mai 2021 à hauteur de ce montant.

Il en résulte que la SARL SCIEL n'a fait preuve d'aucune mauvaise foi dans l'exécution du contrat, de sorte que la SARL SEDP ne saurait être exonérée du paiement des loyers afin de 'sanctionner la SARL SCIEL de son comportement déloyal'.

Ainsi qu'il a été rappelé plus haut, les mesures générales de police administrative prises pour lutter contre la propagation du virus covid-19 ne sont pas constitutives d'une inexécution, par le bailleur, de son obligation de délivrance, et le locataire n'est pas fondé à invoquer à son profit la force majeure résultant de ces mesures, de sorte que la SARL SEDP ne saurait être exonérée du paiement des loyers sur ce fondement.

De même, l'effet desdites mesures, sans lien direct avec la destination contractuelle du local loué, ne peut être assimilé à la perte de la chose au sens de l'article 1722 du code civil, de sorte que la SARL SEDP ne saurait davantage être exonérée du paiement des loyers sur ce fondement.

Enfin, la révision du contrat sur le fondement de l'imprévision ne saurait davantage être ordonnée et conduire à exonérer la SARL SEDP du paiement des loyers, dès lors qu'elle ne conteste pas avoir continué d'occuper les locaux durant la période de suspension administrative des activités d'enseignement en présentiel et d'interdiction d'accueillir du public, notamment pour y assurer des cours à distance, et qu'elle n'a pas donné suite à la proposition de la SARL SCIEL de régler uniquement les charges pour la période de mars à juin 2020.

En conséquence, il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la SARL SEDP à payer à la SARL SCIEL la somme de 116.794,50 euros au titre des loyers et charges échus et impayés en vertu de la convention d'hébergement du 1er juillet 2018, avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 31 mars 2021.

Il y a lieu en outre, ajoutant au jugement, de débouter la SARL SEDP de ses demandes tendant à annuler la sommation de payer du 7 mai 2021, à ordonner l'exonération des loyers, charges et accessoires pendant toute la durée des fermetures administratives et d'interdiction d'accueillir du public, soit du 15 mars au 30 juin 2020, et à ordonner à la SARL SCIEL de restituer à la SARL SEDP toutes les sommes qui auraient été perçues en exécution du jugement déféré et/ ou portant sur les périodes exonérées, et l'y condamner au besoin.

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

Le sens de la présente décision commande de confirmer le jugement entrepris s'agissant des dépens et de l'article 700 du code de procédure civile.

La SARL SEDP, partie perdante, sera condamnée aux dépens d'appel.

L'équité commande de la condamner au paiement de la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire,

Déboute la SARL SEDP de ses exceptions de nullité de l'assignation du 29 juillet 2021 et du jugement entrepris,

Confirme, en ses dispositions frappées d'appel, le jugement entrepris,

Et y ajoutant,

Déboute la SARL SEDP de ses demandes tendant à annuler la sommation de payer du 7 mai 2021, à ordonner l'exonération des loyers, charges et accessoires pendant toute la durée des fermetures administratives et d'interdiction d'accueillir du public, soit du 15 mars au 30 juin 2020, et à ordonner à la SARL SCIEL de restituer à la SARL SEDP toutes les sommes qui auraient été perçues en exécution du jugement déféré et/ ou portant sur les périodes exonérées, et l'y condamner au besoin,

Condamne la SARL SEDP à payer à la SARL SCIEL la somme de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la SARL SEDP aux dépens d'appel,

Rejette toutes autres demandes.

La Greffière Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 3
Numéro d'arrêt : 22/05789
Date de la décision : 04/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 13/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-04;22.05789 ?
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