Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 5
ARRET DU 04 JUILLET 2024
(n° , 1 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 21/18886 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CESQH
Décision déférée à la Cour : Jugement du 30 Septembre 2021 - Tribunal de Commerce de Paris, 4ème chambre - RG n° 2019047681
APPELANTE
S.A.S. LOGANA agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice, domiciliés en cette qualité audit siège
immatriculée au RCS de Agen sous le numéro 403 168 339
[Adresse 6]
[Localité 3]
représentée par Me Olivier Tabone, avocat au barreau de Paris, toque : P0205
INTIMEES
S.A.S.U. DOCAPOSTE BPO agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège
immatriculée au RCS de Créteil sous le numéro 320 217 144
[Adresse 2]
[Localité 5]
représentée par Me Matthieu Boccon Gibod de la SELARL LX PARIS-VERSAILLES-REIMS, avocat au barreau de Paris, toque : C2477
S.A.S. BRINK'S EVOLUTION prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
immatriculée au RCS de Paris sous le numéro 324 613 678
[Adresse 1]
[Localité 4]
représentée par Me Audrey Schwab de la SELARL 2H Avocats à la cour, avocat au barreau de Paris, toque : L0056
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 03 Avril 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Mme Marilyn Ranoux-Julien, conseillère, chargée du rapport, et Mme Marie-Annick Prigent, magistrat à titre honotaire exerçant des fonctions juridictionnelles.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Nathalie Renard, présidente de la chambre 5.5
Mme Marilyn Ranoux-Julien, conseillère
Mme Marie-Annick Prigent, magistrat à titre honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles
Greffier, lors des débats : M. Maxime Martinez
ARRÊT :
- contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Mme Nathalie Renard, présidente de la chambre 5.5 et par M. Maxime Martinez, Greffier, présent lors de la mise à disposition.
FAITS ET PROCÉDURE
La société Brink's Evolution (ci-après « Brink's ») exerce une activité de transport de fonds, de valeurs, métaux et objets précieux, moyens de paiement de toute nature, entreposage, conditionnement de fonds et de gestion des automates bancaires.
La société Logana exploite un supermarché sous l'enseigne Intermarché.
La société Docaposte BPO (ci-après Docaposte) est spécialisée dans le domaine de l'externalisation des processus métiers et notamment du traitement de chèques.
Le 1er août 2016, la société Logana a conclu avec la société Brink's un contrat de transport de fonds (billets, monnaie et chèques). Un avenant était conclu entre les deux sociétés le 29 mai 2018, prévoyant une collecte supplémentaire, par véhicule léger, le samedi.
Le 22 décembre 2018, la société Logana a remis au transporteur de fonds une pochette n° 02167183, contenant selon sa déclaration des chèques d'un montant total de 16 788,14 euros, à destination de la société Tessi, prestataire en charge du traitement des chèques de sa banque, le Crédit Agricole Aquitaine.
Suite à une erreur d'aiguillage, la société Brink's a livré la pochette entre les mains d'un autre prestataire en charge du traitement des chèques, la société Docaposte, qui a lui délivré un bordereau de réception édité à son entête en date du 24 décembre 2018.
Le 21 janvier 2019, la société Logana informait la société Brink's que les chèques n'étaient pas parvenus à leur destinataire.
La société Brink's sollicitait de la société Docaposte la restitution de la pochette par courrier de mise en demeure du 13 mars 2019, en vain, sa trace ayant été perdue.
Par acte du 12 août 2019, la société Logona a assigné les sociétés Brink's et Docapost aux fins de voir engager leur responsabilité et les voir condamner à indemniser son préjudice.
Suivant jugement rendu le 30 septembre 2021, le tribunal de commerce de Paris a :
- débouté la société Logana de sa demande à l'encontre de la société Brink's ;
- débouté la société Logana de ses demandes à l'encontre de la société Docaposte ;
- condamné la société Logana à payer aux sociétés Brink's et Docaposte, la somme de 3 000 euros, chacune, au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné la société Logana aux dépens.
Par déclaration en date du 28 octobre 2021, la société Logana a formé appel à l'encontre du jugement en ce qu'il a :
- débouté la société Logana de sa demande à l'encontre de la société Brink's ;
- débouté la société Logana de ses demandes à l'encontre de la société Docaposte ;
- condamné la société Logana à payer aux sociétés Brink's et Docaposte, chacune, la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné la société Logana aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme
de 116,25 euros dont 19, 16 euros de TVA.
Aux termes de ses conclusions notifiées par RPVA le 27 avril 2022, auxquelles il convient de se rapporter pour plus ample exposé des motifs au soutien de ses prétentions, la société Logana demande, au visa des articles 1170, 1231-1, 1240 du code civil, et 855 du code de procédure civile, de :
- Déclarer la société Logana recevable et bien fondée en son appel,
- Infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau :
A titre principal :
- Constater la défaillance de la société Brink's dans l'exécution de ses obligations contractuelles,
- Constater la rétention fautive par la société Docaposte de la pochette de chèques n°02767183,
- Condamner la société Brink's et la société Docaposte in solidum à payer à la société Logana la somme de 16 107,06 euros.
A titre subsidiaire :
- Constater la défaillance de la société Brink's dans l'exécution de ses obligations contractuelles,
- Constater la rétention fautive par la société Docapost de la pochette de chèques n°02767183,
- Admettre le préjudice subi par la société Logana à hauteur de 16 107,06 euros.
- Condamner les sociétés Brink's et Docaposte in solidum à indemniser la société Logana à hauteur de 80 % de son préjudice.
En tout état de cause :
- Condamner la société Brink's et la société Docaposte in solidum à payer à la société Logana la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- Les condamner aux entiers dépens.
Aux termes de ses conclusions notifiées par RPVA le 27 avril 2022, la société Docaposte demande, au visa des articles 1353, 1240, 1302-1 du code civil, de :
' Sur les demandes formulées au titre des dispositions de l'article 1240 du code civil :
- Constater que les sociétés Logana et Brink's ne rapportent pas la preuve de l'existence d'une faute imputable à la société Docaposte ;
- Constater que la société Logana échoue à rapporter la preuve de la formation d'un contrat de dépôt entre les sociétés Docaposte et Brink's ;
- Constater que la société Logana ne justifie ni l'existence, ni du quantum du préjudice allégué, lequel lui serait, en tout état de cause, intégralement imputable dès lors qu'elle n'a pas procédé aux opérations de reconstitution des chèques et/ou ne s'est pas ménagée les moyens d'y procéder ;
En conséquence :
- Confirmer le jugement en toutes ses dispositions ;
- Débouter les sociétés Logana et Brink's de l'intégralité de leurs demandes à ce titre ;
' Sur les demandes formulées au titre des dispositions de l'article 1302-1 du code civil :
- Dire et juger que la remise d'une sacoche au mauvais destinataire ne saurait justifier de l'existence d'une créance d'indu ;
- Dire et juger, en tout état de cause, qu'il n'est jamais rapporté la preuve de ce que la sacoche
n°02167183 contenait effectivement des chèques pour une valeur faciale d'un montant de 16.788,14 euros ;
En conséquence :
- Confirmer le jugement en toutes ses dispositions ;
- Débouter la société Brink's de l'intégralité de ses demandes à ce titre ;
En tout état de cause :
- Confirmer le jugement en toutes ses dispositions ;
- Débouter la société Brink's de sa demande de garantie au titre de la « responsabilité du fait de ses préposés » ;
- Débouter les sociétés Logana et Brink's de leurs plus amples demandes ;
- Condamner les sociétés Logana et Brink's à verser, chacune, à la société Docaposte la somme de 5.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamner les sociétés Logana et Brink's aux entiers dépens.
Aux termes de ses conclusions notifiées par RPVA le 8 mars 2022, la société Brink's demande, au visa des articles 1302-1 et 1352 du code civil, de :
A titre principal
- Juger que les dispositions contractuelles applicables entre les sociétés Brink's et Logana posent le principe, en cas de sinistre affectant les chèques, que l'indemnité à la charge du transporteur sera limitée, sur justificatif, aux seuls frais de reconstitution, et ce dans la limite de 2.000 euros par sinistre.
- Juger que cette disposition ne s'analyse pas en une clause exclusive de responsabilité prohibée par l'article L.133-1 du code de commerce, dès lors que le principe de responsabilité de la société Brink's en cas de perte ou avarie portant sur des chèques reste intact, les parties étant simplement convenues des modalités de fixation de l'indemnité due en cas de sinistre.
- Juger que les chèques sont des documents reconstituables par nature de sorte que l'indemnité due par la société Brink's ne saurait être supérieure aux frais de reconstitution.
En conséquence,
- Confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions, et notamment en ce qu'il a débouté la société Logana de sa demande à l'encontre de la société Brink's.
A titre subsidiaire, dans le cas où la cour viendrait à considérer que la clause limitative de responsabilité devrait s'analyser en une clause exclusive de responsabilité,
- Juger que les chèques sont des documents reconstituables par nature, tant et si bien que s'ils ne sont en définitive pas reconstitués en cas de sinistre, ce ne peut être qu'en raison d'une défaillance de l'expéditeur, en amont du transport, dans les mesures préventives et la sauvegarde des éléments d'informations nécessaires à la reconstitution.
- Juger que la société Logana a nécessairement elle-même concouru à la réalisation du préjudice qu'elle invoque, en s'abstenant de conserver en amont du transport les éléments d'information utiles et nécessaires à la reconstitution des chèques non reconstitués, et en s'abstenant également d'alerter la société Brink's dans les délais contractuellement convenus, faisant ainsi perdre une chance à l'ensemble des parties en présence de remettre la main sur les chèques égarés.
- Juger que la société Logana ne s'est ménagée la possibilité d'une reconstitution des chèques égarés que pour la somme de 681,08 euros, sans d'ailleurs verser aux débats le moindre justificatif de frais exposés pour cette reconstitution.
- Juger que, s'agissant des chèques n'ayant pu être reconstitués, la société Brink's ne saurait être tenue d'indemniser une situation relevant exclusivement de la défaillance de la société Logana, qui explique ne conserver copie que des seuls chèques remplis manuscritement par ses clients à l'exclusion de ceux remplis en caisse.
- Juger que la société Logana ne justifie ni même n'allègue avoir déboursé de frais de reconstitution.
En conséquence,
- Confirmer le jugement déféré en ce qu'il a retenu la faute contractuelle de la société Logana du fait de la remise de chèques non reconstituables à la société Brink's et qu'il l'a déboutée de sa demande à l'encontre de la société Brink's.
A titre encore plus subsidiaire
- Juger que la société Brink's justifie de la remise effective du colis litigieux à la société Docaposte qui d'ailleurs ne le conteste pas.
- Juger que la société Docaposte qui a accepté de recevoir un colis qu'elle savait ne pas lui être destiné engage par ailleurs sa responsabilité civile à l'égard de la société Brink's aussi bien du fait de ses préposés qu'à raison de son dispositif de contrôle et de traçabilité interne manifestement défaillant.
En conséquence,
- Condamner la société Docaposte à relever et garantir la société Brink's de toute éventuelle condamnation qui viendrait à être prononcée à son encontre.
- Condamner la société Logana à payer à la société Brink's la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
- Condamner la société Logana aux entiers dépens dont le recouvrement sera poursuivi par la Selarl 2H Avocats, par application des dispositions de l'article 699 du Code de Procédure Civile.
L'ordonnance de clôture est en date du 7 mars 2024.
La cour renvoie pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
SUR CE LA COUR :
A titre liminaire, la cour rappelle qu'en application des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile, elle ne statue que sur les prétentions exposées au dispositif et que les «dire et juger » et les « constater » ne sont pas des prétentions en ce que ces demandes ne confèrent pas de droits à la partie qui les requiert hors les cas prévus par la loi, en conséquence la cour ne statuera pas sur celles-ci, qui ne sont en réalité que le rappel des moyens évoqués.
1°) Sur la responsabilité contractuelle de la société Brink's à l'égard de la société Logona :
La société Brink's fait valoir que le contrat liant les parties contient une clause contractuelle de limitation de responsabilité. Il en résulte que l'indemnisation des « sinistres chèques » est limitée contractuellement aux seuls frais de reconstitution et ce, dans la limite de 2 000 euros par sinistre. Elle affirme que la société Logana a elle-même concouru à la réalisation du préjudice en ne prenant pas en amont du transport les dispositions préventives de conservation qui s'imposaient pour garantir la reconstitution de chèques, par nature reconstituables, et en tardant à l'alerter.
La société Logana réplique que les clauses contractuelles excluant son indemnisation sont « invalides ». La clause de l'article 14.2 des CGV doit selon elle être réputée non écrite car elle vide de sa substance l'obligation essentielle de la société Brink's. L'exclusion de garantie pour les chèques non reconstituables caractérise une clause de non responsabilité, prohibée et réputée non écrite par l'article L. 133-1 alinéa 3 du code de commerce. Elle affirme qu'en tout état de cause, ces dispositions sont « inapplicables » dès lors que l'erreur d'aiguillage à l'origine du sinistre est une faute lourde. La mise en demeure du 13 mars 2019 adressée par la société Brink's à la société Docaposte pour lui réclamer, à défaut de restitution de la pochette égarée, une indemnité d'un montant de 16 788,14 euros, démontre qu'elle a reconnu sa responsabilité.
L'article 1170 du code civil dispose que « toute clause qui prive de sa substance l'obligation essentielle du débiteur est réputée non écrite ».
L'article L 133-1 du code de commerce dispose que « le voiturier est garant de la perte des objets à transporter, hors les cas de force majeure. Il est garant des avaries autres que celles qui proviennent du vice propre de la chose ou de la force majeure. Toute clause contraire insérée dans toute lettre de voiture, tarif ou pièce quelconque est nulle ».
En l'espèce, il est constant que la société Brink's n'a pas rempli son obligation contractuelle en ne livrant pas la pochette litigieuse remis par la société Logana au destinataire qu'elle lui avait désigné.
La société Logana n'a pas été en mesure de reconstituer l'ensemble des chèques perdus, son protocole interne consistant à n'effectuer la copie que des chèques remplis manuscritement par le client, à l'exclusion de ceux remplis automatiquement en caisse.
Pour les chèques dont elle avait conservé une copie, la société Logana a été en mesure d'obtenir de ses clients la somme de 681,08 euros. N'ayant pas conservé le nom et l'adresse des autres émetteurs, elle indique avoir subi un préjudice s'élevant à la somme de 16 107,06 euros.
L'article 6 « Responsabilité » des conditions générales de vente (CGV) du contrat stipule que : « Brink's a la garde exclusive des fonds qui lui sont confiés et en est responsable depuis leur prise en charge jusque leur livraison ('). Brink's est seule responsable, sauf dans les cas prévus à l'article 8 de toute perte ou avarie survenue pour quelque cause que ce soit (vol simple ou à main armée, détournement ou abus de confiance, détérioration ou destruction, incendie, explosion, etc.) et, sera alors tenue d'indemniser le client pour la réparation de tous dommages justifiés, survenus durant la période précitée ».
S'agissant des chèques, l'article 1 des modalités d'exécution actualisées du contrat dispose expressément : « En cas de sinistre concernant les chèques, seuls les frais de reconstitution sont pris en charge conformément à l'article 14.2 des CGV. Il est convenu qu'en cas de sinistre les chèques non-reconstituables remis par le client à Brink's, ne donneront lieu à aucune Indemnisation et par conséquent à aucune prise en charge ».
Par ailleurs, l'article 15.2 du contrat stipule : « Pour les chèques ' documents reconstituables par nature, l'indemnité due par Brink's est fixée au montant des frais engagés par le client pour leur reconstitution, sur production des justificatifs, dans la limite de 2.000 euros par sinistre ».
Ces dispositions, qui définissent en cas de sinistre les modalités d'évaluation de l'indemnité à la charge du transporteur et les moyens de preuve du préjudice, stipulent que les chèques non reconstituables, c'est-à-dire ceux n'ayant pas été scannés ou photocopiés avant remise au transporteur, ne donnent lieu à aucune indemnisation.
L'hypothèse de transport de chèques non reconstituables a été exclue par l'avenant n°1 du contrat, qui mentionne que les chèques transportés sont des chèques « reconstituables en euros exclusivement ».
La société Logana n'ignorait pas les modalités lui permettant de faire face au risque de perte, puisqu'une partie des chèques remis à la société Brink's le 22 décembre 2018 ont été reconstituables, celle-ci ayant pris la précaution de les photocopier, rendant possible le paiement des achats par ses clients.
Elle n'établit donc pas que les stipulations contractuelles visées ci-dessus videraient de sa substance l'obligation du contrat, ou qu'elle exonèrerait la société Brink's de toute responsabilité, puisque les chèques sont des documents reconstituables, et qu'il lui appartenait de prendre en amont du transport les mesures préventives lui permettant de disposer des moyens de les remplacer en cas de perte, tout en étant indemnisée des frais induits.
La société Logana fait d'autre part valoir que la clause limitant l'indemnisation doit être écartée compte tenu de la gravité de la faute commise par la société Brink's, qui a livré la pochette au mauvais destinataire, sans qu'une force majeure ne soit invoquée.
L'article L133-8 du code de commerce dispose que « seule est équipollente au dol la faute inexcusable du voiturier ou du commissionnaire de transport. Est inexcusable la faute délibérée qui implique la conscience de la probabilité du dommage et son acceptation sans raison valable. Toute clause contraire est réputée non écrite.
Le fait de ne pas avoir accompli la livraison au destinataire indiqué par la société Logana ne démontre pas à lui seul l'existence d'une faute inexcusable.
En l'espèce, si l'erreur de destinataire est acquise, les circonstances ayant conduit la société Brink's à remettre la pochette litigieuse à un tiers non habilité ne sont pas connues.
La société Logana ne démontre pas une faute délibérée commise par la société Brink's.
Il en résulte que la société Logana ne rapporte pas la preuve que la société Brink's se soit rendue l'auteur d'une faute de nature à écarter l'application des clauses limitant son indemnisation.
Enfin, la mise en demeure adressée par la société Brink's à la société Docaposte le 13 mars 2019 lui réclamant, à défaut de restitution de la pochette égarée, une indemnité d'un montant de 16.788,14 euros ne suffit pas à caractériser le renoncement non équivoque de la société Brink's à se prévaloir des clauses contractuelles limitant les indemnités dues en cas de sinistre.
Il convient en conséquence de rejeter la demande de la société Logana tendant à voir déclarer « invalides » ou « inapplicables » les clauses limitant la responsabilité de la société Brink's, et le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté la société Logana de sa demande de dommages et intérêts formée à l'encontre de la société Brink's.
2°) Sur la responsabilité délictuelle de la société Docaposte à l'égard de la société Logona :
La société Logana soutient qu'un contrat de dépôt se serait formé entre la société Docaposte et la société Brink's dont l'inexécution lui permet d'engager la responsabilité délictuelle de la société Docaposte. Elle affirme que celle-ci a commis une faute en acceptant la remise d'une sacoche de chèques qui ne lui était pas destinée et en ne la restituant pas, par la suite, à la société Brink's.
La société Docaposte soutient ne pas avoir consenti au contrat de dépôt. Elle ajoute que la société Logana ne rapporte pas la preuve que la sacoche remise à la société Brink's le 22 décembre 2018 contenait effectivement les chèques non reçus par son établissement bancaire et qu'aucune faute ne peut lui être reprochée. Le contrat conclu entre la demanderesse et son transporteur la société Brink's stipule que c'est le client qui place les chèques remis au transporteur dans des sacs scellés et qui effectue une « déclaration de valeur ». Cette simple "déclaration" ne saurait être opposable à la société Docaposte, qui est un tiers au contrat de transport conclu entre les sociétés Brink's et Logana.
L'article 1240 du code civil dispose que « tout fait quelconque de l'homme qui cause dommage à autrui oblige celui par la faute duquel le dommage est arrivé à le réparer ».
Il est de principe que le tiers à un contrat peut invoquer, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, un manquement contractuel dès lors que ce manquement lui a causé un dommage.
Le contrat de dépôt est un acte par lequel une personne reçoit la chose d'autrui, à charge de la garder ou de la restituer. L'article 1921 du code civil dispose que « le dépôt volontaire se forme par le consentement réciproque de la personne qui fait le dépôt et de celle qui le reçoit ». La simple remise de la chose est insuffisante à faire présumer une telle volonté.
En l'espèce, la société Docaposte ne conteste pas s'être fait remettre par la société Brink's la pochette n° 02167183, et, bien qu'elle l'ait « invalidée » en mentionnant sur le bordereau : « Decaposte BPO bordereau invalide refus de contrôle contradictoire du bordereau », elle en a accepté la prise en charge.
Il n'est cependant pas établi que la société Docaposte, qui n'a pas conclu de contrat avec la société Brink's, se soit engagée à restituer à la société Brink's la chose remise, élément essentiel du contrat de dépôt.
Il convient au demeurant de relever que la société Decaposte s'est fait remettre la pochette sans que son contenu ne fasse l'objet d'un inventaire contradictoire. Il est justifié que l'outil « tracelia » utilisé par la plateforme de tri ne permet aucune vérification des plis livrés, comme en atteste le bordereau de livraison versée aux débats qui mentionne : « le présent bordereau est une réception contradictoire réalisée en présence du transporteur du seul nombre de contenants vérifié via l'outil tracelia qui capture les codes à barres présents sur le contenant. Toutes les autres mentions sur le contenant, et en particulier les montants annoncés et la nature des flux n'ont pas été vérifiés, et ne sont pas opposables à Docaposte BPO. »
A cet égard, le contrat conclu entre la société Brink's et la société Logana stipule que c'est le client qui effectue la déclaration de valeur et place les chèques dans les sacs remis au transporteur. Cette « déclaration » n'est pas opposable à la société Docaposte, qui n'est pas partie au contrat.
La société Logana ne rapporte donc pas la preuve du montant des chèques remis à la société Docaposte.
Il convient en conséquence de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société Logana de sa demande de dommages et intérêts à l'encontre de la société Docaposte.
3°) Sur les demandes accessoires :
Les dispositions relatives aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile, seront confirmées.
La société Logana, qui succcombe, sera condamnée aux dépens d'appel et sa demande formulée au titre de l'article 700 du code de procédure civile, sera rejetée.
L'équité commande de condamner la société Logana à verser la somme de 2000 euros à la société Brink's et celle de 2000 euros à la société Docaposte sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Confirme le jugement du tribunal de commerce de Paris du 30 septembre 2021 en toutes ses dispositions,
Condamne la société Logana aux dépens ;
Rejette la demande de la société Logana formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la société Logana à verser à la société Docaposte et à la société Brink's la somme de 2 000 euros chacune au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE