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04/07/2024 | FRANCE | N°21/16567

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 10, 04 juillet 2024, 21/16567


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 4 - Chambre 10



ARRÊT DU 04 JUILLET 2024



(n° , 10 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/16567 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CELH7



Décision déférée à la Cour : Jugement du 06 Juillet 2021 - Tribunal judiciaire de BOBIGNY RG n° 15/01975





APPELANT



Monsieur [Z] [G]

né le [Date naissance 2] 1965 à [Localité 12]

[Adresse 4]

[Lo

calité 3]



Représenté par Me Jean-Claude CHEVILLER, avocat au barreau de PARIS, toque : D0945

Assisté de Me Lynda LETTAT-OUATAH de la SELARL CABINET CLAPOT - LETTAT, avocat au barreau de LYON, toqu...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 10

ARRÊT DU 04 JUILLET 2024

(n° , 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/16567 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CELH7

Décision déférée à la Cour : Jugement du 06 Juillet 2021 - Tribunal judiciaire de BOBIGNY RG n° 15/01975

APPELANT

Monsieur [Z] [G]

né le [Date naissance 2] 1965 à [Localité 12]

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représenté par Me Jean-Claude CHEVILLER, avocat au barreau de PARIS, toque : D0945

Assisté de Me Lynda LETTAT-OUATAH de la SELARL CABINET CLAPOT - LETTAT, avocat au barreau de LYON, toque : 189, substitué à l'audience par Me Marion Pontille,avocat au barreau de LYON,

INTIMÉS

Monsieur [Y] [N]

né le [Date naissance 1] 1952 à [Localité 13]

La Clinique [15]

[Adresse 6]

[Localité 8]

Représenté par Me Anne GRAPPOTTE-BENETREAU de la SCP GRAPPOTTE BENETREAU, avocats associés, avocat au barreau de PARIS, toque : K0111

Assisté par Me Christine LIMONTA, avocat au barreau de PARIS, toque : E0026, substituée à l'audience par Me Zainab ELINANI, avocat au barreau de PARIS, toque : E0026

ONIAM - OFFICE NATIONAL D'INDEMNISATION DES ACCIDENTS MEDICAUX DES AFFECTIONS IATROGENES ET DES INFECTIONS NOSOCOMIALES , pris en la personne de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège

[Adresse 14]

[Adresse 14]

[Localité 11]

Représenté par Me Nathalie LESENECHAL, avocat au barreau de PARIS, toque : D2090

Assisté par Me Olivier SAUMON de l'AARPI JASPER AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : P0082, substitué à l'audience par Me Théo BOULBES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0082

S.A. CLINIQUE TRENEL, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège

[Adresse 6]

[Localité 8]

Représentée par Me Bruno REGNIER de la SCP CAROLINE REGNIER AUBERT - BRUNO REGNIER, AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0050

Assistée par Me Soledad RICOUARD, avocat au barreau de PARIS, toque : C0536,

SWISS LIFE, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège

[Adresse 9]

[Localité 10]

Défaillante, régulièrement avisée le 17 décembre 2021 par procès-verbal de remise à personne habilitée

CPAM DU PUY DE DOME venant aux droits du RÉGIME SOCIAL DES INDÉPENDANTS (RSI) RÉGION RHÔNE prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège

[Adresse 5]

[Localité 7]

Défaillante, régulièrement avisée le 20 décmbre 2021 par procès-verbal de remise à personne habilitée

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été plaidée le 16 Mai 2024, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Florence PAPIN, Présidente

Mme Valérie MORLET, Conseillère

Mme Anne ZYSMAN, Conseillère

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Madame Anne ZYSMAN dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Mme Ekaterina RAZMAKHNINA

ARRÊT :

- réputé contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Florence PAPIN, Présidente et par Ekaterina RAZMAKHNINA, greffier, présent lors de la mise à disposition.

***

Rappel des faits et de la procédure

M. [Z] [G], né le [Date naissance 2] 1965, a présenté en 2008 des douleurs au niveau des hanches, persistantes et invalidantes depuis plusieurs mois.

Une IRM réalisée le 21 août 2008 a mis en évidence une ostéonécrose bilatérale des hanches de stade III à droite et de stade II à gauche.

Sur les conseils de son médecin traitant, il a consulté le docteur [Y] [N], chirurgien orthopédiste à la clinique Trénel, le 7 octobre 2008 puis le 27 novembre 2008.

En raison d'une majoration des douleurs du côté droit, l'indication chirurgicale de mise en place d'une prothèse totale de hanche droite a été retenue.

L'intervention a eu lieu le 19 janvier 2009.

M. [G] a regagné son domicile le 24 janvier 2009. Le compte rendu de consultation du 24 février 2009 mentionne une mobilité satisfaisante et une quasi-absence de douleurs.

Cependant, M. [G] a progressivement développé un tableau algique avec douleurs antérieures dans le psoas invalidantes.

M. [G] a ensuite consulté le professeur [T] au CHU de [Localité 13], lequel, après la réalisation d'un scanner le 16 juin 2011, a indiqué aux termes d'un certificat établi le 30 juin 2011 que l'examen clinique était en faveur d'un conflit avec le psoas et un débord de la cupule de 14 mm dans le psoas.

M. [G] n'a pas été réopéré et suit actuellement un traitement à base d'antalgique pour sa hanche. Il n'a pas repris son activité professionnelle.

Saisie par M. [G] en vue de son indemnisation, la commission régionale de conciliation et d'indemnisation (CRCI) du Rhône-Alpes a désigné le docteur [M] [S] en qualité d'expert.

Dans son rapport d'expertise en date du 20 décembre 2011, le docteur [S] indique que M. [G] a bénéficié de la mise en place d'une prothèse totale de hanche droite pour ostéonécrose bilatérale de hanche et a présenté des suites douloureuses avec un syndrome de conflit du psoas avec le bord antérieur de la cupule. Il estime que les soins prodigués par le docteur [N] et la clinique Trénel ont été attentifs, consciencieux et conformes aux données acquises de la science.

Par avis du 15 février 2011, la CRCI a rejeté la demande indemnitaire de M. [G], considérant que la responsabilité de la clinique Trénel et du professeur [N] n'était pas engagée et que le dommage n'était pas en lien de causalité avec le conflit psoas/bord intérieur de la cupule mais avec l'évolution de la pathologie initiale.

M. [G] a alors saisi le juge des référés du tribunal de grande instance de Lyon aux fins de voir ordonner une nouvelle expertise médicale au contradictoire du docteur [N] et son assureur, la société AXA France, de la clinique Trénel et son assureur, la SHAM.

Par ordonnance du 19 juin 2012, le président du tribunal a dit n'y avoir lieu à référé sur la demande de M. [G], considérant que celle-ci devait s'analyser comme une demande de contre-expertise relevant de la compétence du juge du fond.

C'est dans ces conditions que, par actes d'huissier en date des 8,10 et 12 décembre 2014, M. [G] a fait assigner M. [Y] [N], la clinique Trénel, l'Oniam, le RSI et la société Swiss Life devant le tribunal de grande instance de Bobigny aux fins d'obtenir une contre-expertise réalisée par un collège d'experts spécialisés en chirurgie orthopédique du membre inférieur et radiologie, avec la mission habituelle en matière de responsabilité médicale.

Par jugement avant dire droit rendu le 9 mai 2017, le tribunal a ordonné une expertise médicale confiée aux docteurs [C] [D] et [J] [E].

Les experts ont déposé leur rapport le 20 mai 2019 aux termes duquel ils relèvent qu'un « conflit du psoas est bien présent mais survient probablement sur une paroi antérieure hypoplasique ». Ils estiment qu'il s'agit d'un simple accident médical non fautif. Ils concluent que les séquelles constatées sont la conséquence certaine et exclusive de l'arthroplastie, que la pathologie initiale en elle-même n'a pas de rôle dans la réalisation du dommage, que les actes effectués par le docteur [N] ont été attentifs, diligents et conformes aux données acquises de la science médicale, tant dans l'indication, la réalisation du geste chirurgical et le suivi du patient et que les séquelles constatées sont liées à un aléa thérapeutique.

Par jugement du 6 juillet 2021, le tribunal devenu tribunal judiciaire de Bobigny a :

- débouté M. [Z] [G] de l'ensemble des demandes à l'encontre de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales,

- condamné le docteur [Y] [N] à payer à M. [Z] [G] la somme de 5.000 euros en réparation du préjudice d'impréparation,

- condamné M. [Z] [G] aux dépens de l'instance,

- débouté les parties de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Le tribunal a retenu que le docteur [N] n'avait commis aucune faute lors de l'intervention et que les séquelles dont se plaignait M. [G] avaient pour origine un accident médical non fautif. Il a toutefois considéré que l'acte médical n'avait pas entraîné des conséquences notablement plus graves que celles auxquelles M. [G] était exposé de manière suffisamment probable en l'absence de prothèse et qu'en conséquence, les conditions pour une prise en charge du dommage au titre de la solidarité nationale n'étaient pas remplies.

Il a en revanche retenu un défaut d'information imputable au docteur [N] et l'a condamné à verser à M. [G], en réparation du préjudice d'impréparation, une somme de 5.000 euros.

Par déclaration du 16 septembre 2021, M. [Z] [G] a interjeté appel de ce jugement, intimant l'Oniam, M. [Y] [N], la clinique Trénel, la société Swiss Life et la CPAM du Puy de Dôme, venant aux droits du RSI région Rhône, devant la cour.

Par dernières conclusions notifiées par voie électronique le 17 avril 2024, M. [Z] [G] demande à la cour de :

Vu les articles L 1142-1 et suivants du code de la santé publique,

Vu le rapport d'expertise des Docteurs [D] et [E],

Vu le jugement rendu le 6 juillet 2021 par le tribunal judiciaire de Bobigny,

Vu les pièces versées aux débats,

- Déclarer l'appel de M. [Z] [G] recevable et bien fondé,

- Infirmer dans toutes ses dispositions le jugement rendu le 6 juillet 2021 par le tribunal judiciaire de Bobigny,

- Débouter le Docteur [N] de l'ensemble de ses demandes présentées par voie d'appel incident,

- Juger que M. [Z] [G] a été victime d'un accident médical non fautif, présentant les critères de gravité et d'anormalité justifiant une indemnisation par la solidarité nationale,

En conséquence :

- Condamner l'Oniam à verser à M. [Z] [G] les sommes indemnitaires suivantes :

Préjudices patrimoniaux temporaires :

- Frais médicaux : 478,20 euros

- Frais divers : 1.462,87 euros

- Assistance tierce-personne temporaire : 1.250 euros

Préjudices patrimoniaux permanents :

- Perte de gains de professionnels futurs : 380.815,32 euros

- Incidence professionnelle : 100.000 euros

- Frais de logement adapté : 8.451,51 euros

Préjudices extrapatrimoniaux temporaires :

- Déficit fonctionnel temporaire : 986,70 euros

- Souffrances endurées : 10.000 euros

Préjudices extrapatrimoniaux permanents :

- Déficit fonctionnel permanent : 32.575 euros

- Préjudice esthétique permanent : 3.000 euros

- Préjudice d'agrément : 10.000 euros

- Condamner le Docteur [Y] [N] à verser à M. [Z] [G] la somme de 10.000 euros au titre de son préjudice d'impréparation,

- Déclarer l'arrêt à intervenir commun et opposable aux organismes sociaux appelés en la cause,

- Condamner l'Oniam à verser à M. [Z] [G] la somme de 6.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles qu'il serait inéquitable de laisser à sa charge,

- Condamner l'Oniam aux dépens de la présente instance, en ce compris les frais d'expertise, au profit de Maître Jean-Claude Cheviller en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Par dernières conclusions notifiées par voie électronique le 8 mars 2022, l'Oniam demande à la cour de :

Vu les dispositions des articles L. 1142-1 II et suivants du code de la santé publique ;

Vu le rapport d'expertise CCI et le rapport d'expertise judiciaire ;

Vu le jugement du tribunal judiciaire du 6 juillet 2021 ;

- Confirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. [G] de l'intégralité de ses demandes à l'encontre de l'Oniam,

- Confirmer le jugement en ce qu'il a condamné M. [G] aux dépens de l'instance,

- Débouter M. [G] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- Statuer ce que de droit sur les dépens.

Par dernières conclusions notifiées par voie électronique le 11 mars 2022, le docteur [Y] [N] demande à la cour de :

Vu l'article L.1142-1 du code de la santé publique,

Vu l'article L. 1111-2 du code de la santé publique,

A titre principal :

- Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné le Docteur [N] à verser à M. [G] une somme de 5.000 euros au titre du préjudice d'impréparation,

Statuant de nouveau :

- Juger que le Docteur [N] n'a commis aucun manquement au titre de son devoir d'information,

- Débouter M. [G] de toutes ses demandes fins et conclusions en tant que dirigées contre le Docteur [N],

- Prononcer la mise hors de cause du Docteur [N],

A titre subsidiaire :

- Confirmer le jugement rendu le 6 juin 2021 par le tribunal judiciaire de Bobigny fixant l'indemnité due au titre du préjudice d'impréparation de M. [G] à 5.000 euros,

En tout état de cause :

- Condamner M. [G] ou tout succombant à verser au Docteur [N] une indemnité de 1.500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens, dont distraction au profit de la SCP Grappotte-Benetreau en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Par dernières conclusions notifiées par voie électronique le 21 février 2022, la clinique Trénel demande à la cour de :

Vu le rapport d'expertise judiciaire,

Vu l'absence de demande dirigée à l'encontre de la clinique Trénel,

- Déclarer M. [G] non fondé en son appel,

- Confirmer dans toutes ses dispositions le jugement entrepris,

- Ordonner la mise hors de cause pure et simple de la clinique Trénel,

- Recevoir la clinique Trénel en sa demande et la déclarer bien fondée,

- Condamner M. [G] à payer à la clinique Trénel les sommes suivantes :

' une indemnité d'un montant de 2.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure d'appel abusive,

' une indemnité d'un montant de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamner tout succombant aux entiers dépens, qui seront recouvrés par la SCP Regnier Bequet Moisan, avocat à la cour, pour ceux dont elle aura fait l'avance sans en avoir reçu provision.

La cour renvoie aux conclusions précitées des parties pour ce qui concerne l'exposé détaillé de leurs moyens et prétentions conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

La société Swiss Life et la CPAM du Puy de Dôme n'ont pas constitué avocat. M. [G] leur a fait signifier la déclaration d'appel et ses conclusions par actes des 17 et 20 décembre 2021, remis à personne habilitée pour le recevoir. Le présent arrêt sera réputé contradictoire conformément aux dispositions de l'article 474 du code de procédure civile.

La clôture a été prononcée le 24 avril 2024.

Motifs de la décision

Sur la demande de mise hors de cause de la clinique Trénel

La « mise hors de cause » ne correspond en soi juridiquement ni à une prétention ni à un moyen de défense. Dépourvue de portée juridique en elle-même, elle ne peut être que la conséquence d'un rejet des demandes au fond ou de leur irrecevabilité.

Dès lors, même en l'absence de demande formée par M. [G] à l'encontre de la clinique Trénel, il n'y a pas lieu de prononcer sa mise hors de cause.

Sur la prise en charge du dommage par la solidarité nationale

M. [G] soutient que le dommage qu'il présente remplit les critères de gravité et d'anormalité de prise en charge par l'Oniam.

L'Oniam fait valoir que le dommage dont se plaint M. [G] n'est pas anormal et ne saurait donc être indemnisé au titre de la solidarité nationale et qu'en outre, les seuils de gravité requis par la loi ne sont pas réunis.

Il ressort de l'article L. 1142-1 II du code de la santé publique que lorsque la responsabilité d'un professionnel, d'un établissement, service ou organisme mentionné au I ou d'un producteur de produits n'est pas engagée, un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ouvre droit à la réparation des préjudices du patient, et, en cas de décès, de ses ayants droit au titre de la solidarité nationale, lorsqu'ils sont directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins et qu'ils ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci et présentent un caractère de gravité, fixé par décret, apprécié au regard de la perte de capacités fonctionnelles et des conséquences sur la vie privée et professionnelle mesurées en tenant notamment compte du taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique, de la durée de l'arrêt temporaire des activités professionnelles ou de celle du déficit fonctionnel temporaire. Il est ajouté qu'ouvre droit à réparation des préjudices au titre de la solidarité nationale un taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique supérieur à un pourcentage d'un barème spécifique fixé par décret ; ce pourcentage, au plus égal à 25 %, est déterminé par ledit décret.

L'article D. 1142 du même code énonce que le pourcentage mentionné au dernier alinéa de l'article L. 1142-1 est fixé à 24% et ajoute que présente également le caractère de gravité mentionné au II de l'article L. 1142-1 un accident médical ayant entraîné, pendant une durée au moins égale à six mois consécutifs ou à six mois non consécutifs sur une période de douze mois, un arrêt temporaire des activités professionnelles ou des gênes temporaires constitutives d'un déficit fonctionnel temporaire supérieur ou égal à un taux de 50 %.

Ainsi, plusieurs conditions doivent être réunies pour obtenir la réparation par la solidarité nationale de préjudices résultant d'un accident médical : l'absence de faute médicale, l'imputabilité de l'accident à un acte de prévention, de diagnostic ou de soins, l'anormalité des conséquences et leur gravité.

En l'espèce, aucune faute médicale n'est reprochée au docteur [N], seul un manquement de celui-ci à son devoir d'information au profit de M. [G] ayant été retenu. Cette absence de faute n'est contestée d'aucune part.

Sur l'imputabilité de l'accident médical à des actes de soins, les experts judiciaires, dans leur rapport du 20 mai 2019, indiquent que les séquelles constatées, à savoir le conflit psoas/cupule cotyloïdienne, sont directement imputables à l'arthroplastie totale de hanche droite réalisée par le docteur [N] le 19 janvier 2009.

Les débats portent principalement sur le caractère anormal du dommage.

Le caractère anormal des complications médicales est défini par deux critères non cumulatifs, l'un principal et l'autre secondaire, qui ne doit être recherché que si le premier n'est pas rempli.

- Sur la gravité des conséquences dommageables

Le critère principal de l'anormalité des conséquences dommageables d'un accident médical est rempli lorsque les complications observées apparaissent notablement plus graves que celles auxquelles le patient était exposé de manière suffisamment probable en l'absence de traitement.

En l'espèce, M. [G] présentait, avant l'intervention du 19 janvier 2009, une ostéonécrose de la tête fémorale droite invalidante

L'évolution de cette pathologie, en l'absence d'intervention, conduit à l'effondrement de la tête fémorale et aboutit à une perte fonctionnelle empêchant la mobilisation des membres inférieurs.

M. [G] souffre aujourd'hui de douleurs provoquées à la flexion contrariée de la cuisse droite avec une légère boiterie. Le déficit fonctionnel permanent est de 5% et le déficit fonctionnel temporaire a été total pendant 5 jours et partiel à 50 % pendant un mois.

C'est donc à bon droit que les premiers juges ont considéré que le dommage dont se plaint M. [G] ne peut pas être considéré comme étant notablement plus grave que celui auquel pouvait conduire l'évolution spontanée de l'ostéonécrose bilatérale dont il souffrait avant l'intervention chirurgicale.

Ainsi, le critère principal de l'anormalité des conséquences dommageables de l'accident médical dont a été victime M. [G] n'est pas rempli.

- Sur la probabilité des dommages

Le critère secondaire d'anormalité doit être examiné. Il est rempli lorsque la survenance du dommage présentait une probabilité faible.

En l'espèce, selon le docteur [S] désigné par la CCI, les douleurs invalidantes se rencontrent dans les suites d'une arthroplastie dans 4,3 à 5 % des cas.

Les experts judiciaires, s'ils relèvent que « le type de complication survenu au patient est très rare », indiquent que les douleurs disparaissent, suite à ce type d'intervention, dans 92 % des cas, ce qui signifie, a contrario, qu'elles persistent dans 8% des cas. Ils font état d'un taux de complication de 3,2 %.

Même en retenant que le conflit entre la prothèse et le psoas n'est responsable que de 4,3 % des douleurs sur prothèse totale de hanche, comme le demande M. [G], cette complication ne revêt pas le caractère de probabilité faible exigé par le texte susvisé.

La complication médicale survenue ne présentait donc pas un caractère anormal, aucun des critères susmentionnés n'étant réunis.

La condition d'anormalité du dommage requise pour une prise en charge au titre de la solidarité nationale n'étant pas remplie, il n'y a pas lieu d'examiner si les seuils de gravité exigés par les textes précités sont atteints.

Le jugement déféré, qui a débouté M. [G] de ses demandes formées à l'encontre de l'Oniam sera, en conséquence, confirmé.

Sur le défaut d'information

L'article L. 1111-2 du code de la santé publique dispose que « toute personne a le droit d'être informée sur son état de santé. Cette information porte sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu'ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus.

Cette information incombe à tout professionnel de santé dans le cadre de ses compétences et dans le respect des règles professionnelles qui lui sont applicables. Seules l'urgence ou l'impossibilité d'informer peuvent l'en dispenser.

Cette information est délivrée au cours d'un entretien individuel.

En cas de litige, il appartient au professionnel ou à l'établissement de santé d'apporter la preuve que l'information a été délivrée à l'intéressé dans les conditions prévues au présent article ».

L'article R. 4127-35 du code de la santé publique dispose, par ailleurs, que « le médecin doit à la personne qu'il examine, qu'il soigne ou qu'il conseille une information loyale, claire et appropriée sur son état, les investigations et les soins qu'il lui propose. Tout au long de la maladie, il tient compte de la personnalité du patient dans ses explications et veille à leur compréhension ».

Cette information doit être précise et adaptée à la personnalité du patient. En effet, il incombe au médecin d'être aussi précis que possible sur le contenu des risques effectivement encourus, faute de quoi le consentement du patient à l'acte médical pourrait ne pas être donné de manière suffisamment éclairée.

En l'espèce, les experts judiciaires, dans leur rapport en date du 20 mai 2019, indiquent que « le type de complication survenu au patient est très rare. M [G] n'a pas été informé de cette complication très rare ».

L'existence de plusieurs consultations préopératoires et la signature par M. [G], le 25 décembre 2008, d'un formulaire de consentement éclairé, qui ne mentionne pas le risque de complication survenu, sont insuffisants à rapporter la preuve d'une information loyale, claire et appropriée sur les risques de l'intervention que le docteur [N] a proposé à son patient.

Dès lors, en l'absence de tout autre élément démontrant qu'il y a été satisfait par le chirurgien, il y a lieu de considérer qu'il y a eu un manquement du docteur [N] à son devoir d'information.

En outre, comme l'ont justement retenu les premiers juges, le docteur [N] ne peut soutenir que M. [G] n'aurait subi aucun préjudice résultant de l'absence d'information sur la possible survenue d'une complication au motif que sa pathologie très grave rendait la pose d'une prothèse inévitable et qu'il n'aurait donc perdu aucune chance d'éviter l'intervention alors que l'information n'a pas pour seule visée de permettre une renonciation éclairée à un acte de soin mais a aussi pour objectif de permettre au patient de consentir à l'opération de manière tout aussi éclairée et en toute lucidité des risques encourus et de se préparer à toutes ses conséquences physiologiques.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a retenu que le préjudice d'impréparation était réel et l'a justement indemnisé par l'allocation d'une somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts.

Sur les dommages et intérêts pour procédure abusive

Le fait que M. [G] ne forme aucune demande à l'encontre de la clinique Trénel en cause d'appel ne suffit pas à caractériser une faute de celui-ci dans l'exercice de son droit d'appel.

Par suite, la demande de dommages et intérêts présentée par la clinique Trénel sera rejetée.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Les dispositions du jugement relatives aux dépens et aux frais irrépétibles de première instance seront confirmées.

Ajoutant au jugement, il y a lieu de condamner M. [G], qui succombe en son recours, aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés directement par la SCP Grappotte-Benetreau et la SCP Regnier Bequet Moisan conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Tenu aux dépens, M. [G] sera condamné à payer à la clinique Trénel la somme de 1.000 euros au titre des frais irrépétibles engagés en appel en application de l'article 700 du même code et ne peut lui-même prétendre à l'application de ce texte à son profit.

L'équité ne commande pas de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit du docteur [N] qui sera, en conséquence, débouté de la demande qu'il forme à ce titre.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Rejette la demande de mise hors de cause de la clinique Trénel,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Y ajoutant

Déboute la clinique Trénel de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive d'appel,

Déboute le docteur [Y] [N] de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne M. [Z] [G] à payer à la clinique Trénel la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne M. [Z] [G] aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés directement par la SCP Grappotte-Benetreau et la SCP Regnier Bequet Moisan conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,

Déboute les parties de leurs demandes plus amples et contraires.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 10
Numéro d'arrêt : 21/16567
Date de la décision : 04/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 13/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-04;21.16567 ?
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