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04/07/2024 | FRANCE | N°21/13572

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 3, 04 juillet 2024, 21/13572


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 3



ARRET DU 04 JUILLET 2024



(n° 187/2024, 9 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 21/13572 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEC2Z



Décision déférée à la Cour : Jugement du 11 mai 2021 -Tribunal de commerce de Bobigny (7ème chambre) RG n° 2019F00941





APPELANTE



S.C.P. SCP [W] (enseigne MJFR Mandataires judiciaires franciliens)

ImmatriculÃ

©e au R.C.S. de Pontoise sous le n° 798 818 118

Agissant poursuites et diligences de Maître [Y] [W], ès-qualités de liquidateur de la société LA TOUR D'ASIE (R.C.S. de Paris n° 801 339 06...

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 3

ARRET DU 04 JUILLET 2024

(n° 187/2024, 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 21/13572 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEC2Z

Décision déférée à la Cour : Jugement du 11 mai 2021 -Tribunal de commerce de Bobigny (7ème chambre) RG n° 2019F00941

APPELANTE

S.C.P. SCP [W] (enseigne MJFR Mandataires judiciaires franciliens)

Immatriculée au R.C.S. de Pontoise sous le n° 798 818 118

Agissant poursuites et diligences de Maître [Y] [W], ès-qualités de liquidateur de la société LA TOUR D'ASIE (R.C.S. de Paris n° 801 339 060, située [Adresse 3]) désigné à cette fonction par jugement du tribunal de commerce de Paris en date du 20 mai 2021.

[Adresse 1]

[Localité 5]

Représentée par Me Jean-Didier MEYNARD de la SCP BRODU - CICUREL - MEYNARD - GAUTHIER - MARIE, avocat au barreau de Paris, toque : P0240

Assistée de Me Marc DESHAYES substituant Me Frédéric DEMARIGNY de la Selarl A.M.E., avocat au barreau de Paris, toque : E0087

INTIMEE

S.A.R.L. JENNY

Immatriculée au R.C.S. de Bobigny sous le numéro 398 206 433

Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Sandra OHANA de l'AARPI OHANA ZERHAT CABINET D'AVOCATS, avocat au barreau de Paris, toque : C1050

Assistée de Me Philippe ARLAUD, avocat au barreau de Seine-Saint-Denis, toque : 158

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 22 mai 2024, en audience publique, rapport ayant été fait par Mme Sandra Leroy, conseillère, conformément aux articles 804, 805 et 907 du code de procédure civile, les avocats ne s'y étant pas opposés.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Nathalie Recoules, présidente de chambre

Mme Sandra Leroy, conseillère

Mme Emmanuelle Lebée, magistrate honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles

Greffier, lors des débats : Mme Sandrine Stassi-Buscqua

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Nathalie Recoules, présidente de chambre et par Mme Sandrine Stassi-Buscqua, greffière, présente lors de la mise à disposition.

FAITS ET PROCEDURE

Par acte sous seing privé du 11 octobre 2013, la SARL Jenny et la SARL La Tour Asie, aux droits de laquelle se trouve la SCP [W], se sont respectivement engagées à vendre et à acheter un fonds de commerce de café-bar-brasserie sous le nom commercial « Le Bistro de Noisy » et sous l'enseigne « Le Bol d'Or » situé à Noisy-le-Grand (93160), moyennant le prix de 240.000 €. La SARL Jenny est également la bailleresse des locaux d'exploitation du fonds de commerce.

Par acte sous seing privé du 20 mai 2014, la cession du fonds de commerce était régularisée entre les parties.

Par acte d'huissier du 17 mai 2019, la SARL La Tour Asie a assigné la SARL Jenny devant le tribunal de commerce de Bobigny aux fins essentiellement que soit prononcée la nullité de la cession du fonds de commerce en raison de l'absence de clientèle attachée au fonds.

Par jugement du 11 mai 2021, le tribunal de commerce de Bobigny a :

- débouté la SARL La Tour Asie en sa demande de communication de pièces, à savoir le constat de sortie des lieux et remise des clés du 16 juillet 2015 ;

- reçu la SARL La Tour Asie en sa demande principale, l'a dite non fondée, n'y a pas fait droit ;

- débouté la SARL La Tour Asie en toutes ses demandes fins et conclusions ;

- débouté la SARL Jenny en sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

- condamné la SARL La Tour Asie à payer à la SARL Jenny la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la SARL La Tour Asie aux dépens ;

- liquidé les dépens à recouvrer par le greffe à la somme de 74,54 € TTC (dont 12,42 € de TVA).

Par jugement du 20 mai 2021, le tribunal de commerce de Paris a désigné la SCP [W] ès qualités de liquidateur judiciaire de la SARL La Tour Asie.

Par déclaration d'appel du 13 juillet 2021, la SCP [W], ès qualités de liquidateur judiciaire de la SARL La Tour Asie, a interjeté appel partiel du jugement aux fins d'annulation ou de réformation de tous les chefs de jugement sauf en ce qu'il a déboutée la SARL Jenny de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive.

Par conclusions déposées le 12 octobre 2021, la SCP [W] est intervenue volontairement à l'instance es qualité de liquidateur judiciaire de la SARL La Tour Asie.

Par conclusions déposées le 27 décembre 2021, la SARL Jenny a formé un appel incident.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 07 février 2024.

MOYENS ET PRETENTIONS

Vu les conclusions déposées le 31 janvier 2024, par lesquelles la SCP [W] ès qualités de liquidateur judiciaire de la SARL La Tour Asie, appelante, demande à la Cour de :

- infirmer le jugement rendu le 11 mai 2021 (RG n° 2019F00941) par le tribunal de commerce de Bobigny en ce que cette décision a :

- débouté la SARL La Tour d'Asie de sa demande de communication de pièces, à savoir le constat de sortie des lieux et de remise des clés du 16 juillet 2015 ;

- dit non fondée la SARL La Tour d'Asie en sa demande principale ;

- débouté la SARL La Tour d'Asie de l'ensemble de ses demandes ;

- condamné la SARL La Tour d'Asie à payer à la SARL Jenny la somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens ;

En conséquence et statuant à nouveau :

- enjoindre à la SARL Jenny de communiquer le constat de sortie des lieux et de remise des clés du 16 juillet 2015 dressé par huissier de justice ;

- juger nulle la cession de fonds de commerce de café-bar-brasserie, PMU ' FDJ, restaurant, restauration rapide, de plats à emporter, des buffets à volonté, et de vente des produits de la pâtisserie et de la boulangerie sous le nom commercial « Le Bistrot de [Localité 4] » et sous l'enseigne « Le Bol d'Or » situé à [Localité 4] [Adresse 2] intervenue le 20 mai 2014 entre la SARL Jenny et la SARL La Tour Asie moyennant le prix de 240.000 € en considération de l'absence de clientèle attachée audit fonds matérialisant un défaut d'objet et de cause de la cession ;

- juger nulle la cession de fonds de commerce intervenue le 20 mai 2014 entre la SARL Jenny et la SARL La Tour Asie en considération de l'exercice d'une activité concurrente, par la personne interposée des consorts [G], famille des dirigeants et associés de la SARL Jenny, qui matérialise le dol subi par la SARL La Tour Asie à l'origine d'une erreur sur les qualités substantielles du fonds ;

- condamner la SARL Jenny à payer à la SCP [W] prise en la personne de Maître [Y] [W] en sa qualité de liquidateur de la SARL La Tour Asie la somme de 240.000 € à titre de restitution du prix de cession du fonds de commerce payé le 20 mai 2014 ;

- condamner la SARL Jenny à payer à la SCP [W] en sa qualité de liquidateur de la SARL La Tour Asie l'indemnisation des préjudices suivants :

- la somme de 35.696,77 € au titre des loyers et charges jusqu'au mois de décembre 2014 payée à la SARL Jenny en sa qualité de bailleresse ;

- la somme de 96.368,98 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice financier résultant de la charge du principal, des intérêts et d'assurance afférente au prêt contracté auprès du Crédit du Nord pour l'acquisition du fonds ;

- la somme de 114.811,55 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice financier résultant des charges d'exploitation du fonds de commerce engagés entre le 20 mai 2014 et le 31 décembre 2014 ;

A titre subsidiaire,

- condamner la SARL Jenny à payer à la SCP [W] en sa qualité de liquidateur de la SARL La Tour Asie la somme de 70.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la non-restitution des éléments corporels attachés au fonds de commerce ;

En tout état de cause,

- débouter la SARL Jenny de sa demande de dommages et intérêts en réparation d'un prétendu préjudice pour « procédure abusive » ;

- rejeter toutes fins et conclusions contraires ;

- condamner la SARL Jenny à payer à la SCP [W] en sa qualité de liquidateur de la SARL La Tour Asie la somme de 5.000 €, en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la SARL Jenny aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Sur le rejet de la demande reconventionnelle de dommages et intérêts pour procédure abusive,

L'appelante expose que la SARL La Tour Asie n'a commis aucune faute dans l'exercice de son droit d'agir en justice et d'engager des voies de recours.

Vu les conclusions déposées le 16 octobre 2023, par lesquelles la SARL Jenny, intimée, demande à la Cour de :

Avant dire droit,

- enjoindre à la SARL La Tour Asie d'avoir à communiquer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Paris à la suite de l'assignation de SARL La Tour Asie à l'encontre de Maître [M] ;

A titre principal,

- confirmer en tout point le jugement rendu le 11 mai 2021 par le tribunal de commerce de Bobigny ;

A titre reconventionnel,

- condamner la SARL La Tour Asie à payer à la SARL Jenny la somme de 10.000 € en réparation du préjudice subi du fait de la présente procédure abusive ;

En toutes hypothèses,

- condamner la SARL La Tour Asie à lui payer la somme de 3.000 € en cause d'appel au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les dépens.

SUR CE,

1. Sur la demande de communication de pièces

Aux termes de l'article 133 et 134 du code de procédure civile, le peut ordonner la communication forcée de pièces sous astreinte, dès lors que ces pièces présenteraient un intérêt relativement au bien fondé de l'argumentation de la partie qui la sollicite ou de celle de la partie adverse.

Aux termes du jugement querellé, le premier juge a débouté la SCP [W] ès qualités de liquidateur judiciaire de la SARL La Tour Asie de sa demande de communication de pièces sous astreinte du constat de sortie des lieux et de remise des clés du 16 juillet 2015 dressé par huissier de justice dans les quinze jours, après avoir relevé que la liste du matériel signée par l'acquéreur figure en annexe de la promesse de cession de fonds de commerce en date du 11 octobre 2013, que l'acte de cession de fonds de commerce signé également par l'acquéreur contient en annexe la liste datée du 20 mai 2014 des éléments corporels estimés à la somme de 20.000 € et qu'en page 2 de l'acte, le cessionnaire déclare « le bien connaître pour l'avoir vu et visité à plusieurs reprises» avec au-dessus la mention que « le matériel et objets mobiliers servant à son exploitation, décrits et estimés en un état demeuré, ci-joint, en fin des présentes », suffisant ainsi à justifier des éléments corporels inclus dans l'acte de cession de fonds de commerce.

La SCP [W] ès qualités de liquidateur judiciaire de la SARL La Tour Asie conteste ce chef du jugement et sollicite qu'il soit enjoint à la SARL Jenny de communiquer le constat de sortie des lieux et de remise des clés du 16 juillet 2015 dressé par huissier de justice, en faisant valoir en substance que le procès-verbal de constat de sortie des lieux et de remise des clés du 16 juillet 2015 n'a jamais été transmis à la SARL La Tour Asie qui en sollicite depuis le mois d'août 2015 la communication, sans que la SARL Jenny n'ait jamais donné suite à cette demande, alors que le défaut caractérisé de communication constitue la preuve qui établit que la SARL Jenny ne conteste pas ne pas avoir restitué les éléments corporels et être débitrice de la restitution des éléments corporels, des installations, agencements, équipements du fonds de commerce d'un montant de 70.000 €.

La SARL Jenny sollicite la confirmation du jugement de ce chef.

Au cas d'espèce, les moyens soutenus par l'appelante ne font que réitérer sans justification complémentaire utile ceux dont le premier juge a connu et auxquels il a répondu par des motifs pertinents et exacts que la cour adopte et tendant à établir l'absence d'élément démontrant l'intérêt d'une telle demande de communication quant au bien fondé de son argumentation au fond.

Le jugement sera par conséquent confirmé de ce chef.

Par ailleurs, si la SARL Jenny sollicite qu'il soit enjoint à la SARL La Tour Asie d'avoir à communiquer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Paris à la suite de l'assignation de la SARL La Tour d'Asie à l'encontre de Maître [M], cette demande sera rejetée faute pour elle d'établir l'intérêt d'une telle demande de communication quant au bien fondé de son argumentation au fond.

2. Sur la demande de nullité de la cession de fonds de commerce

Aux termes de l'article 1169 du code civil, un contrat à titre onéreux est nul lorsque, au moment de sa formation, la contrepartie convenue au profit de celui qui s'engage est illusoire ou dérisoire.

En vertu de l'article 1116 ancien du code civil, le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les man'uvres pratiquées par l'une des parties sont telles, qu'il est évident que, sans ces man'uvres, l'autre partie n 'aurait pas contracté.

Aux termes du jugement querellé, le premier juge a débouté la SCP [W] ès qualités de liquidateur judiciaire de la SARL La Tour Asie de sa demande de nullité du contrat de cession du fonds de commerce après avoir considéré que :

- si la SARL LA TOUR ASIE soutient que le fonds de commerce vendu était inexistant du fait de l'absence de clientèle cédée avec le fonds, l'article « DECLARATIONS ET ENGAGEMENTS DES PARTIES » de l'acte de cession de fonds de commerce du 20 mai 2014 stipule clairement et en toute transparence que la cédante déclare : « Pour les chiffres d'affaires de l'année 2013 ils sont encore indéterminés et que la société avait été mise en sommeil depuis bien avant le mois de juillet 2013 » , de sorte que la SARL LA TOUR ASIE était bien informée de la mise en sommeil provisoire de l'enseigne « LE BOL d'OR » et a acheté le fonds de commerce en pleine connaissance de cause, à savoir que reconstituer une clientèle de quartier après la longue période d'inactivité de plus d'un an était un challenge pour les acquéreurs ;

- la SARL LA TOUR ASIE est informée de la « mise en sommeil » du fonds de commerce et il s'est écoulé près de 10 mois entre la signature de la promesse de vente le 11 octobre 2013 et le commencement d'activité par le cessionnaire le 1er août 2014, lui laissant ainsi plus de dix mois pour connaître et analyser le marché ; en outre, Mme [H] [I], la nouvelle gérante, est une professionnelle de l'immobilier, normalement diligente, et à ce titre, connaît parfaitement le quartier et l'existence d'un bar-brasserie-PMU exerçant sous l'enseigne « JUSTE UNE PAUSE », situé à quelques dizaines de mètres depuis 2012, de sorte que les acquéreurs étaient au courant de l'existence de l'enseigne « JUSTE UNE PAUSE et qu'ainsi, la SARL LA TOUR ASIE disposait de toutes les informations nécessaires pour apprécier les conditions d'achat du fonds de commerce sans avoir été victime de tromperie ou de dissimulation intentionnelle d'informations déterminantes de la part du cédant ;

- si la SARL LA TOUR ASIE prétend qu'il y a eu captation de la clientèle du « BOL D'OR » par l'enseigne « JUSTE UNE PAUSE » appartenant à la société TUANCATI, la lecture des extraits K-bis révèle que les activités de l'enseigne « LE BOL d'OR » sont différentes de celles de l'enseigne « JUSTE UNE PAUSE », l'enseigne « LE BOL d'OR» exerçant une activité de café-bar-brasserie, PMU-FDJ, restaurant et employant des cuisiniers tel que cela ressort des bilans versés aux débats puisque plus de 2/3 du chiffre d'affaires est réalisé par la restauration alors que la société TUANCATI exploite un commerce de sandwicherie, plat à emporter et à consommer sur place, téléphonie, bureautique, activité liée au bien-être, que les chiffres d'affaires réalisés par les deux enseignes sont sans commune mesure, les bilans de l'enseigne « LE BOL D'OR » s'élevant respectivement de 216.708 € en 2011, 281.094 € en 2012 et 55.702 € en 2013 (mise en sommeil de la société) tandis que les bilans de l'enseigne « JUSTE UNE PAUSE » font apparaître un chiffre d'affaires respectivement de 14.569 € en 2013, 40.217 € en 2014, 34.129 € en 2015 et 16.888 € en 2016 (cessation de l'activité en novembre 2016), ces chiffres étant loin de démontrer un transfert de la clientèle à partir de l'année 2013 de l'enseigne « LE BOL D'OR » vers l'enseigne « JUSTE UNE PAUSE » et la société LA TOUR ASIE ne produisant pas de bilans de son activité et ne prouvant pas que son chiffre d'affaires est en baisse et un effet « vases communicants » ;

- les statuts de la société JENNY et ceux de la société TUANCATI versés aux débats mettent en évidence que, bien qu'il s'agisse de parents, les associés ne sont pas communs entre les deux sociétés et ainsi, la tentative d'un détournement de clientèle par les anciens associés n'est pas démontrée.

La SCP [W] ès qualités de liquidateur judiciaire de la SARL La Tour Asie sollicite l'infirmation du jugement de ce chef, en faisant valoir pour l'essentiel que l'absence de communication du chiffre d'affaires constitue une dissimulation intentionnelle d'une information déterminante justifiant la nullité de la cession, le fonds de commerce cédé n'étant plus exploité depuis au moins un an et qu'aucune clientèle n'étant ainsi attachée au fonds au moment de la cession, ce dont il résulte que les éléments essentiels du fonds de commerce à savoir son exploitation effective et sa clientèle faisaient défaut, de sorte que l'objet de la cession du 20 mai 2014 s'est révélé inexistant.

Elle ajoute que l'agrément administratif du service des douanes et l'agrément administratif du [Localité 6] Mutuel Urbain de la Française des jeux n'ont pas fait l'objet d'un transfert, ce qui établit que l'activité « PMU-FDJ » n'était plus exercée par la SARL Jenny au moment de la cession, de sorte que c'est un fonds de « café, bar, brasserie » qui a été vendu, sans que le paiement du prix de vente par la SARL La Tour Asie n'ait eu de contrepartie en l'absence de clientèle attachée au fonds, de sorte que la vente doit être déclarée nulle.

Elle souligne par ailleurs que les associés de la SARL Jenny ont développé, antérieurement à la cession du 20 mai 2014, une activité concurrente exploitée par la SARL Tuancati sous l'enseigne « Juste une pause » à quelques dizaines de mètres de l'enseigne « Le Bol d'Or », de sorte qu'il s'est opéré un transfert de l'activité de la SARL Jenny au profit de l'activité exercée sous l'enseigne « Juste une pause », cette information n'ayant pas été mentionnée dans les déclarations faites à l'acte de cession du 20 mai 2014 alors même qu'il s'agissait d'une information déterminante du consentement de la SARL La Tour Asie qui lui a ainsi été intentionnellement cachée.

Elle relève enfin que la SARL La Tour Asie a débuté l'exploitation du fonds de commerce le 1er août 2014 et a été expulsée du local commercial par la SARL Jenny le 16 juillet 2015, de sorte que l'activité de la SARL La Tour Asie a duré moins d'une année ce qui explique qu'il n'ait pu déposer aucun bilan à compter du 16 juillet 2015, la SARL La Tour Asie justifiant avoir employé jusqu'à 8 salariés à temps plein ou partiel, lesquels ne travaillaient pas au même moment.

La SARL Jenny sollicite quant à elle la confirmation du jugement entrepris de ce chef, en arguant en substance que le chiffre d'affaires et les bénéfices réalisés sur les exercices 2010, 2011 et 2012 avaient bien été renseignés sur l'acte de vente et que, pour l'année 2013, l'acte de vente stipulait expressément qu'il était encore indéterminé et que la société avait été mise en sommeil antérieurement au mois de juillet 2013 de sorte qu'il en résulte que l'acquéreur avait été pleinement informé de ce que le fonds avait été mis en sommeil et qu'il lui appartenait de reconstituer une clientèle et qu'il avait acquis le fonds de commerce en pleine connaissance de cause.

Elle ajoute que la promesse a été signée le 30 juillet 2013 et la vente du fonds est intervenue le 20 mai 2014, de sorte que l'acquéreur a eu suffisamment de temps avant la réalisation de la vente pour analyser le marché et prendre connaissance de l'existence de l'activité concurrente exercée par l'enseigne « Juste une pause », l'associée majoritaire de la SARL La Tour Asie, dont elle est devenue gérante, étant de surcroît une professionnelle de l'immobilier de sorte qu'elle a nécessairement pu analyser chaque commerce du quartier et a conclu la vente en connaissance de cause.

La SARL Jenny souligne par ailleurs que le prix de vente de 240.000 € est inférieur au prix du marché de l'époque et a été fixé pour tenir compte de la mise en sommeil du fonds et qu'elle a présenté son successeur auprès des services compétents pour les agréments, lesquels les ont accordés à la SARL La Tour Asie.

Elle relève en outre qu'elle exerçait une activité principalement de restauration alors que la SARL Tuancati exerce une activité de « Sandwicherie, plat à emporter et à consommer sur place, téléphonie, bureaucratie, activité liée au bien être » de sorte qu'il ne s'agit pas de la même activité et par conséquent, pas de la même clientèle, et que les associés de la SARL Jenny, s'ils sont de la même famille, ne sont pas pour autant les associés de la SARL Tuancati, l'analyse des chiffres d'affaires de la SARL Tuancati, dont l'activité est en baisse depuis 2015, n'étant pas de nature à démontrer une quelconque captation de la clientèle de la SARL Jenny.

Elle explique les raisons de l'échec de la SARL La Tour Asie par le fait que cette dernière n'a jamais établi de bilan et n'a jamais déclaré de salariés et qu'au titre du contrat de location du local commercial, la SARL La Tour Asie s'est vue accorder un délai pour faire face aux difficultés rencontrées du fait des changements de gérance et de la conjoncture difficile dans le secteur de la restauration traditionnelle, et n'a à aucun moment invoqué la nullité de la vente de sorte qu'elle demeure donc tenue au paiement de la somme de 21.800 € au titre de la dette locative arrêtée au mois de mars 2015.

Au cas d'espèce, en l'absence d'élément nouveau soumis à son appréciation, la cour estime que le premier juge, par des motifs pertinents qu'elle approuve, a fait une exacte appréciation des faits de la cause et du droit des parties, en tirant les conséquences juridiques de la mention dans la promesse de vente de la mise en sommeil du fonds de commerce durant plus d'un an avant la cession litigieuse, du délai écoulé entre la promesse et l'acte de cession définitif et de l'évidente connaissance par le cessionnaire du fonds de l'existence d'un fonds de commerce à proximité immédiate, éléments exclusifs d'un défaut d'objet et de cause à la cession.

Le premier juge sera également approuvé d'avoir écarté toute nullité du contrat de cession pour dol à l'origine d'une erreur sur les qualités substantielles du fonds, en tirant les conséquences de ses propres constatations, dont il résulte une nature d'activité et un volume d'activité différents des deux fonds de commerce, ainsi qu'une absence d'éléments démontrant une perte de chiffre d'affaires et une captation de clientèle par l'autre fonds de commerce, éléments exclusifs de toute man'uvre dolosive de nature à tromper la SARL La Tour Asie sur les qualités substantielles du fonds.

Il convient en conséquence de confirmer la décision déférée en toutes ses dispositions.

Le jugement sera également confirmé en ce qu'il a subséquemment débouté la SCP [W] ès qualités de liquidateur judiciaire de la SARL La Tour Asie de sa demande de restitution du prix de cession et de condamnation de la SARL Jenny à indemniser la SARL La Tour d'Asie au titre des loyers et charges ainsi qu'en réparation du préjudice financier résultant de la charge du prêt contracté pour l'acquisition du fonds et du préjudice financier tiré des charges d'exploitations du fonds engagées entre le 20 mai et le 31 décembre 2014.

3. Sur les demandes indemnitaires de la SCP [W] ès qualités de liquidateur judiciaire de la SARL La Tour Asie à l'encontre de la SARL Jenny du fait de la non-restitution des éléments corporels attachés au fonds de commerce

A titre subsidiaire, la SCP [W] ès qualités de liquidateur judiciaire de la SARL La Tour Asie sollicite la condamnation de la SARL Jenny à lui verser 70.000 € à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la non-restitution des éléments corporels attachés au fonds de commerce, en faisant valoir principalement qu'elle n'a pas récupéré les éléments corporels lors de son expulsion des lieux en juillet 2015, ces éléments corporels ayant été repris par la SARL Jenny de sorte que la SARL La Tour Asie détient une créance certaine, liquide et exigible à l'encontre de la SARL Jenny.

La SARL Jenny s'oppose à cette demande.

Au cas d'espèce, aucun élément ne permettant de justifier une absence de restitution des éléments corporels attachés au fonds de commerce, la SCP [W] ès qualités de liquidateur judiciaire de la SARL La Tour Asie sera déboutée de cette demande indemnitaire.

4. Sur la demande d'indemnisation de la SARL Jenny pour procédure abusive

L'exercice d'une action, de même que la défense à une telle action, constitue, en principe, un droit et ne dégénère en abus pouvant donner naissance à une dette de dommages-intérêts que dans le cas de malice, de mauvaise-foi ou d'erreur grossière équipollente au dol.

Aux termes du jugement querellé, le premier juge a débouté la SARL Jenny de sa demande d'indemnisation pour procédure abusive après avoir relevé qu'elle n'apportait pas la preuve d'un préjudice dû à la mauvaise-foi que la SARL La Tour Asie lui aurait créé.

Si la SARL Jenny sollicite l'infirmation du jugement de ce chef, aux motifs que la procédure diligentée à son encontre est manifestement abusive, que l'appelante ne s'est pas acquittée de sa condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile et qu'elle a été mise en liquidation judiciaire pour non-paiement de ses dettes locatives dues à l'intimée, c'est par des motifs dont la pertinence en cause d'appel n'a pas été altérée et que la cour adopte que le premier juge a ainsi statué.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

5. Sur les demandes accessoires

La SARL La Tour Asie représentée par la SCP [W] ès qualités de liquidateur judiciaire de la SARL La Tour Asie, sera condamnée aux entiers dépens d'appel. Les dépens de première instance resteront répartis ainsi que décidé par le premier juge. 

Les parties seront en revanche déboutées de leurs demandes respectives au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire rendu en dernier ressort ;

Confirme le jugement rendu le 11 mai 2021 sous le n° RG 2019F00941 en toutes ses dispositions ;

Déboute les parties de leurs autres demandes ;

Condamne la SARL La Tour Asie, représentée par la SCP [W] ès qualités de liquidateur judiciaire de la SARL La Tour Asie, aux dépens d'appel.

La greffière, La présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 3
Numéro d'arrêt : 21/13572
Date de la décision : 04/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 13/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-04;21.13572 ?
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