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04/07/2024 | FRANCE | N°21/12606

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 10, 04 juillet 2024, 21/12606


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 4 - Chambre 10



ARRÊT DU 4 JUILLET 2024



(n° , 9 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/12606 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CD73R



Décision déférée à la Cour : Jugement du 25 Mai 2021 - Tribunal judiciaire de PARIS N° RG 19/14858





APPELANTE



Madame [K] [B]

née le [Date naissance 1] 1960 à [Localité 6] (ALGÉRIE)

[Adresse 3]
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Représentée et assistée à l'audience par Me Alexis NGOUNOU, avocat au barreau de PARIS, toque : E1615







INTIMÉE



FEDERATION FRANCAISE DE PSYCHOTHERAPIE ET PSYCHANALYSE, prise en...

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 10

ARRÊT DU 4 JUILLET 2024

(n° , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/12606 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CD73R

Décision déférée à la Cour : Jugement du 25 Mai 2021 - Tribunal judiciaire de PARIS N° RG 19/14858

APPELANTE

Madame [K] [B]

née le [Date naissance 1] 1960 à [Localité 6] (ALGÉRIE)

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représentée et assistée à l'audience par Me Alexis NGOUNOU, avocat au barreau de PARIS, toque : E1615

INTIMÉE

FEDERATION FRANCAISE DE PSYCHOTHERAPIE ET PSYCHANALYSE, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège

[Adresse 4]

[Localité 5]

Représentée par Me Elise ORTOLLAND de la SEP ORTOLLAND, avocat au barreau de PARIS, toque : R231

Assistée à l'audience de Me Samia BENDJENNA de la SELAS FOUCAUD TCHEKHOFF POCHET ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été appelée le 23 Mai 2024, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Florence PAPIN, Présidente

Madame Valérie MORLET, Conseillère

Madame Anne ZYSMAN, Conseillère

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Madame Anne ZYSMAN dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Mme Catherine SILVAN

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Florence PAPIN, Présidente et par Ekaterina RAZMAKHNINA, Greffier, présent lors de la mise à disposition.

***

EXPOSE DU LITIGE

Mme [K] [B], adhérente de la Fédération française de psychothérapie et psychanalyse (la FF2P), association constituée en mai 1995 conformément à la loi du 1er juillet 1901 pour regrouper les différents courants psychothérapeutiques et psychanalytiques en France, a été radiée de celle-ci par décision du conseil d'administration du 18 octobre 2018 à la suite d'une plainte déposée à son encontre par l'une de ses patientes.

Cette décision de suspension définitive de sa qualité de membre de la fédération lui a été notifiée par lettre recommandée avec avis de réception du 5 novembre 2018.

Le recours gracieux de Mme [B] aux fins d'obtenir l'annulation de la sanction a été rejeté par la FF2P, par courrier du 6 juin 2019.

C'est dans ce contexte que, par acte d'huissier du 13 décembre 2019, Mme [B] a fait assigner la FF2P devant le tribunal de grande instance devenu tribunal judiciaire de Paris pour obtenir l'annulation de la décision de suspension définitive prise à son encontre le 5 novembre 2018 par la FF2P et l'indemnisation des préjudices subis.

Par jugement du 25 mai 2021, le tribunal a :

- débouté Mme [B] de l'intégralité de ses demandes,

- condamné Mme [B] à verser à la Fédération française de psychothérapie et psychanalyse la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté les parties pour le surplus et autres demandes,

- condamné Mme [B] aux dépens,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.

Le tribunal a retenu que la procédure disciplinaire mise en oeuvre par la commission de déontologie et ayant abouti à la sanction prononcée par le conseil d'administration le 18 octobre 2018 avait été régulière, que le non-respect du code de déontologie par Mme [B] était caractérisé et qu'en conséquence, la sanction décidée par la FF2P était justifiée et proportionnée eu égard aux manquements constatés et à l'absence de remise en question par la thérapeute de sa pratique professionnelle.

Par déclaration du 6 juillet 2021, Mme [B] a interjeté appel de ce jugement.

Par dernières conclusions notifiées par voie électronique le 26 mars 2024, Mme [B] demande à la cour de :

Vu l'article 1240 et suivant du code civil,

Vu les statuts et le code de déontologie de la FF2P,

- Réformer le jugement du 25 mai 2021 du tribunal judiciaire de Paris,

Et statuant à nouveau,

- Annuler la décision de suspension définitive prise le 5 novembre 2018 par la FF2P,

- Condamner la FF2P à la somme de 45.000 euros au titre du préjudice financier,

- Condamner la FF2P à la somme de 15.000 euros au titre de dommages et intérêts

du préjudice moral,

- Condamner la FF2P à la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure de première instance,

- Condamner la FF2P à la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel,

- Condamner la FF2P aux entiers dépens,

- Débouter la FF2P de toutes ses demandes.

Mme [B] indique à titre liminaire que le litige ne porte pas sur sa qualité de psychothérapeute, contestée par la FF2P, mais sur la sanction prononcée à son encontre, de sorte que cette question est sans objet. Elle précise toutefois qu'elle réunit les conditions fixées aussi bien par l'article 52 de la loi n° 2004-806 du 9 août 2004 modifié par l'article 91 de la loi n°2009-879 du 21 juillet 2009 que par le décret d'application n° 2010-534 du 20 mai 2010 pour se voir reconnaître le titre de psychothérapeute. Elle relève que la FF2P l'a admise comme membre de son association sans exiger à cette occasion son inscription sur le registre des psychothérapeutes.

Au soutien de son appel, elle fait valoir que la FF2P n'a pas respecté la procédure de radiation pour motif grave et reproche aux premiers juges d'avoir fait une mauvaise interprétation des articles 8 et 9 des statuts régissant l'association en ce que :

- les délibérations de la commission de déontologie n'ont pas été portées à la connaissance des parties au litige,

- le quorum en vertu duquel la sanction a été prise à son encontre n'a pas été justifié dans la décision, le vote renvoyant implicitement à la notion de quorum et l'article 8 des statuts prévoyant un vote à la majorité des trois quarts des membres du conseil d'administration,

- une confrontation plutôt qu'un entretien séparé aurait dû être organisée entre elle et la plaignante,

- il ne ressort pas du compte rendu de l'entretien que la procédure prévue par le code de déontologie prévoyant la présence d'un observateur n'étant pas membre de l'association ait été respectée.

Elle invoque par ailleurs le caractère infondé des faits qui lui sont reprochés et le caractère disproportionné de la sanction. Elle relève que les statuts ne définissent pas les motifs graves et considère que les faits qui lui sont reprochés par sa patiente, qu'elle conteste, ne sont pas d'une telle gravité qu'ils justifieraient une radiation. Elle estime que, face aux versions aussi divergentes entre les parties, il aurait été nécessaire d'examiner les témoignages et autres éléments de preuve objectifs dont notamment les attestations qu'elle détient et que la fédération n'a pas souhaité analyser ; qu'en outre, il n'a pas été tenu compte de la situation particulière de la patiente auteur de la plainte ni des fautes commises par cette dernière dont notamment le fait d'être entrée par effraction chez elle. Elle conteste tout conflit d'intérêts entre elle et sa patiente ainsi que tout manquement à son obligation de fournir un cadre protecteur à celle-ci et à son devoir de confidentialité. Elle estime que sa capacité d'accompagnement ne saurait être remise en cause.

Elle en déduit que la FF2P a commis une faute en décidant abusivement de la suspendre définitivement comme membre, alors même qu'un simple avertissement aurait pu suffire, ce qui lui a causé des dommages aussi bien financiers que moraux dont elle entend obtenir réparation.

Par dernières conclusions notifiées par voie électronique le 19 avril 2024, la Fédération française de psychothérapie et psychanalyse demande à la cour de :

Vu le principe du contradictoire,

- Ecarter des débats les pièces adverses n°16 et 17 non communiquées à la concluante,

Vu l'article 202 du code de procédure civile,

- Ecarter les pièces adverses n°18 et 19 dès lors qu'elles ne respectent pas le formalisme imposé par l'article 202 du code de procédure civile,

Vu le code de déontologie,

Vu le jugement du 25 mai 2021,

- Confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et notamment en ce qu'il a :

' jugé que la FF2P a respecté la procédure disciplinaire,

' jugé que Mme [K] [B] a violé le code de déontologie qu'elle s'était engagée à respecter en adhérant à l'association,

' jugé que Mme [K] [B] ne rapportait pas la preuve ni d'une faute de la FF2P ni d'un quelconque préjudice, ni d'un lien de causalité entre la faute invoquée et le préjudice allégué,

En conséquence,

- Débouter Mme [K] [B] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- Condamner Mme [K] [B] à verser à la FF2P la somme de 20.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

La FF2P fait valoir en premier lieu que les pièces n° 16 et 17 de Mme [B] ne lui ont pas été communiquées en première instance, malgré une demande officielle de son conseil, ni en cause d'appel et demande qu'elle soient écartées des débats ; qu'il en de même des pièces n° 18 et 19 qui ne respectent pas le formalisme imposé par l'article 202 du code de procédure civile.

Elle rappelle ensuite que l'association est régie par ses statuts et que, lors de son adhésion, le sociétaire s'engage à respecter les principes éthiques et obligations posés par le code de déontologie et souscrit également aux modalités d'exercice du pouvoir disciplinaire de l'association, dont la principale vocation est précisément de veiller au respect dudit code, lequel a force obligatoire à l'égard des adhérents de la FF2P.

Elle soutient qu'en l'espèce, la procédure disciplinaire a été respectée et que les manquements de Mme [B] au code de déontologie justifiaient la mesure disciplinaire prise à son encontre, de sorte qu'aucune faute ne peut lui être reprochée. Elle ajoute que le préjudice invoqué par Mme [B] n'est pas démontré et, en tout état de cause, est dépourvu de tout lien de causalité avec les fautes reprochées.

La cour renvoie aux conclusions précitées des parties pour ce qui concerne l'exposé détaillé de leurs moyens et prétentions conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

La clôture a été prononcée le 15 mai 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la demande de rejet de pièces

S'agissant de l'absence de communication des pièces n° 16 et 17, si la FF2P produit un courriel officiel de son conseil en date du 12 octobre 2020, adressé au conseil de Mme [B], sollicitant la communication desdites pièces, il ressort de la lecture du jugement que la FF2P n'a pas saisi le juge de la mise en état d'un incident de communication de pièces et n'a pas demandé au tribunal de les écarter des débats. Elle ne justifie pas davantage avoir réclamé au conseil de Mme [B] la communication de ces pièces en cause d'appel alors qu'elles figurent sur le bordereau de communication annexé à ses dernières conclusions conformément aux dispositions de l'article 954 du code de procédure civile ni avoir saisi le conseiller de la mise en état d'un incident de communication de pièces.

Il ne sera donc pas fait droit à sa demande de rejet des débats des pièces n° 16 et 17 produites par Mme [B].

Il n'y a pas lieu non plus d'écarter des débats les pièces n° 18 et 19 de Mme [B] dès lors que, s'agissant d'attestations médicales, elles ne sont pas soumises au formalisme prévu par l'article 202 du code de procédure civile et permettent l'identification du praticien dont elles émanent et sont signées par lui.

Sur la demande d'annulation de la décision de radiation

L'appelante soutient que la décision de radiation doit être annulée aux motifs, tout d'abord, que la procédure n'est pas régulière et ensuite qu'elle est mal fondée et disproportionnée.

- Sur la régularité de la procédure

La FF2P est une association régie par la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d'association.

Comme l'ont justement relevé les premiers juges, la loi ne fixe de limite à la liberté contractuelle des associations qu'au regard de leur cause et de leur objet. Le fonctionnement interne d'une association est déterminé par ses statuts adoptés librement par ses membres et qui s'imposent à eux.

En outre, chaque membre de la FF2P est dans l'obligation de prêter une attention toute particulière aux questions d'éthique et s'engage à respecter le code de déontologie lors de son adhésion.

La procédure disciplinaire initiée par une association à l'encontre de l'un de ses membres doit être conforme aux statuts de l'association et respecter les droits de la défense (1re Civ., 25 octobre 2017, pourvoi n° 16-21.612).

L'article 8 des statuts de la FF2P intitulé « Radiation » prévoit que « la qualité de membre se perd (...) par la radiation pour motif grave, notamment sur proposition de la Commission de déontologie après vote à bulletins secrets, à la majorité des trois quarts des membres du CA, le membre concerné ayant été invité par lettre recommandée avec AR à se présenter devant le Bureau ».

Le code de déontologie de la Fédération Française de Psychothérapie, dans sa version mise à jour de mai 2015, prévoit en son article 9 « Sanctions » que « Le non-respect d'un seul des principes et obligations énoncés aux termes du présent code de déontologie, faisant l'objet d'une plainte auprès de la FF2P, entraîne des poursuites disciplinaires suivant une procédure dont les modalités sont définies sur le site internet de la FF2P (procédure dite de « traitement des plaintes »)

(...)

Dans cette hypothèse, les praticiens de la psychothérapie membres de la FF2P s'exposent à des sanctions, qui seront appliquées dans l'ordre ci-dessous, en fonction de la gravité de ces manquements.

1. Recommandation ou imposition de mesures correctives ;

2. Avertissement ;

3. Période de retrait temporaire de l'annuaire de la FF2P, jusqu'à ce que soient appliquées les mesures correctives

4. Suspension définitive de la qualité de membre de la FF2P et signalement auprès des instances européennes si le praticien de la psychothérapie est titulaire du CEP Certificat Européen de Psychothérapie).

Le retrait temporaire, ainsi que la suspension définitive, sont proposés au CA par la commission de déontologie et sont votés par celui-ci. »

La procédure de traitement des plaintes et/ou signalement (mise à jour du 24/11/2016) est la suivante :

« 2 - CONVOCATION 

En fonction de la nature de la plainte et/ou du signalement et de l'étude du dossier, un entretien est organisé au siège de la FF2P par la présidente/président de la commission de déontologie avec la personne mise en cause, et si nécessaire avec le plaignant. Les deux parties sont convoquées séparément.

(...)

3 - ENTRETIENS

Déroulement des entretiens : si possible quatre personnes, avec un minimum de trois personnes, membres de la commission de déontologie, assistent aux entretiens, dont un observateur qui prend les notes pour rédiger le compte-rendu et analyser le processus de la rencontre. Ces mêmes personnes recevront séparément les deux parties si besoin.

4- DELIBERATIONS

Après avoir reçu le membre mis en cause, ou les deux parties, une délibération aura lieu. Elle portera principalement sur le non-respect des articles du code de déontologie de la FF2P. Une attention particulière sera aussi portée à l'analyse de la situation que pourra faire le membre ainsi qu'à sa capacité réflexive, sa capacité à analyser sa pratique et à la remettre en question.

Après délibération, des décisions, recommandations ou sanctions, prévues dans l'Article 9 du code de déontologie et rappelées ci-dessous, pourront être appliquées.

(...)

Un courrier notifiant les décisions prises par la commission de déontologie sera envoyé aux deux parties. »

Il ressort des pièces versées aux débats que suite à la plainte formée à l'encontre de Mme [B] par l'une de ses patientes, Mme [D] [U], par courrier du 10 avril 2018 adressé à la FF2P, la présidente de la commission de déontologie de la FF2P en a informé Mme [B] par courrier recommandé avec avis de réception du 20 avril 2018 et l'a reçue, le 17 mai 2018, afin de l'entendre en ses explications.

Par lettre recommandée avec avis de réception du 5 novembre 2018, la décision de suspension définitive de sa qualité de membre de la FF2P a été notifiée à Mme [B], le courrier précisant que cette sanction, qui faisait suite à l'entretien ayant eu lieu le 12 juillet 2018 et après délibération de la commission de déontologie, avait été votée par le conseil d'administration de la FF2P le 18 octobre 2018.

Contrairement à ce que soutient Mme [B], l'article 4 précité de la procédure de traitement des plaintes ne prévoit pas l'obligation pour la FF2P de communiquer aux parties la teneur des délibérations ni le quorum en vertu duquel la sanction a été prise mais seulement la notification par courrier de la décision prise par la commission de déontologie. Ces griefs ne peuvent donc être retenus.

S'agissant de la tenue de l'entretien, Mme [B] prétend que l'article 3 du code de déontologie prévoit qu'il doit s'agir d'une confrontation avec possibilité de recevoir par la suite les parties individuellement. Il ressort cependant des termes de l'article 2 repris ci-dessus que l'entretien est organisé avec la personne mise en cause, le plaignant n'étant étendu que « si nécessaire » et les deux parties étant convoquées séparément. L'article 3 prévoit quant à lui que les deux parties seront reçues séparément. Ce grief sera donc écarté.

S'agissant enfin des irrégularités tenant au nombre et à la qualité des personnes ayant participé à la commission de déontologie, Mme [B] ne démontre pas davantage en cause d'appel qu'en première instance que les dispositions de l'article 3 précité de la procédure de traitement des plaintes relatives au déroulement des entretiens devant la commission de déontologie n'auraient pas été respectées.

La procédure disciplinaire a donc été suivie régulièrement, dans le respect des droits de la défense et en conformité des statuts.

Sur le bien fondé de la sanction

Il appartient aux juridictions, saisies à l'encontre d'une sanction disciplinaire prononcée contre le membre d'une association, de vérifier la réalité de la ou des fautes qui fondent la sanction, et d'apprécier si elles constituent un motif légitime de la mesure disciplinaire prononcée (1re Civ., 28 octobre 1981, pourvoi n° 80-14.802).

Il convient de rappeler qu'aux termes de 4 de la procédure de traitement des plaintes, la délibération porte principalement sur le non-respect des articles du code de déontologie de la FF2P, une attention particulière devant également être portée à l'analyse de la situation que pourra faire le membre ainsi qu'à sa capacité réflexive, sa capacité à analyser sa pratique et à la remettre en question.

Le code de déontologie de la FF2P prévoit notamment :

- en son article 1a : « En tant que praticiens, les praticiens de la psychothérapie savent qu'ils portent une lourde responsabilité sociale parce que leurs recommandations et actions professionnelles peuvent modifier la vie des autres. Ils sont à l'affût des situations et des pressions personnelles, sociales, organisationnelles, financières, environnementales ou politiques qui pourraient conduire à une mauvaise utilisation de leur influence. »

- en son article 1b : « Les praticiens de la psychothérapie clarifient à l'avance avec leurs clients toutes les questions qui pourraient concerner leur collaboration. Ils évitent les relations qui pourraient limiter leur objectivité ou déboucher sur un conflit d'intérêts.»

- en son article 2f : « Les praticiens de la psychothérapie reconnaissent que les problèmes et les conflits personnels peuvent interférer avec leur efficacité professionnelle. En conséquence, ils s'abstiennent d'entreprendre toute action dans laquelle leurs problèmes personnels seraient susceptibles de conduire à des performances insuffisantes ou de nuire à un client, à un collègue, à un étudiant ou à un participant à une étude. S'ils sont engagés dans une telle action quand ils prennent conscience de leurs problèmes personnels, ils cherchent un professionnel compétent pour les aider à déterminer s'ils doivent suspendre, annuler ou limiter la portée de leurs

activités professionnelles. »

- en son article 4 : « Les praticiens de la psychothérapie (...) respectent la confidentialité des informations obtenues de personnes dans le cadre de leur activité. Ils ne divulguent de telles informations à des tiers qu'avec le consentement de la personne (ou de son représentant légal), sauf dans des circonstances exceptionnelles dans lesquelles ne pas le faire entraînerait probablement un danger évident pour cette personne ou pour d'autres. Les praticiens de la psychothérapie informent leurs clients des limites légales de la confidentialité. Le consentement à révéler des informations à d'autres doit normalement être obtenu par écrit auprès de la personne concernée. »

- en son article 5a : « Les praticiens de la psychothérapie restent constamment conscients des propres besoins de leurs clients et de l'influence potentielle que représente leur position vis-à-vis de personnes telles que les clients, les étudiants, les stagiaires, les sujets et subordonnés. Ils n'exploitent pas la confiance et la dépendance de ces personnes. A ce titre, les praticiens de la psychothérapie s'interdisent toute exploitation de leur relation professionnelle à des fins personnelles, religieuses, sectaires, politiques ou idéologiques. »

En l'espèce, il convient relever que si Mme [B] conteste la véracité des faits dénoncés dans la plainte de Mme [U], la sanction prononcée par la FF2P se fonde sur les éléments livrés par Mme [B] lors de son audition par la commission de déontologie et les explications complémentaires qu'elle lui a adressées par courriels des 13 et 15 juillet 2018.

Il ressort du courrier de notification du 5 novembre 2018 que la commission de déontologie de la FF2P a motivé sa décision de suspension définitive de Mme [B] au regard des manquements suivants :

- Mélange du cadre thérapeutique et du cadre privé, en référence, d'une part, au partage de moments privés avec la patiente, Mme [B] ayant évoqué des « soirées ensemble » et des dîners et, d'autre part, au partage d'argent entre patient et thérapeute, Mme [B] ayant admis avoir « accepté une aide financière de 5.000 euros » qu'elle a remboursée. La commission rappelle qu'un thérapeute se doit de garder une distance avec ses patients, ne doit pas partager de moments privés avec eux, hors de l'espace thérapeutique et ne doit rien partager de personnel avec ses patients.

- Méconnaissance de l'établissement d'un cadre protecteur. La commission rappelle que le thérapeute est garant du cadre protecteur et sécurisant qu'il pose pour son patient et qu'il ne doit pas se laisser « prendre » dans la problématique de son patient, en référence aux termes utilisés par Mme [B] selon lesquels elle a été « embobinée » par sa patiente ou « je suis très arrangeante concernant les honoraires, ils (les patients) font ce qu'ils veulent ».

- Méconnaissance des limites d'accompagnement. La commission relève que Mme [B] a reconnu son manque de discernement en indiquant que « depuis la gérance, plus de supervision, plus de moyens » et rappelle que la thérapeute a l'obligation d'avoir un espace de supervision pour garantir sa pratique auprès de ses clients. En outre, elle fait part de ses interrogations concernant l'accompagnement thérapeutique lorsque Mme [B] écrit « j'ai une méthode pour stopper le transfert amoureux », relevant qu'un transfert ne se stoppe pas, qu'il est identifié par le thérapeute qui accompagne son patient à le traverser et en aucun cas ne répond sur le plan réel.

- Méconnaissance du respect de la confidentialité. La commission reproche à Mme [B] d'avoir « demandé des attestations aux membres du groupe qui parlent d'[D] » (la plaignante) alors qu'un thérapeute ne peut demander des témoignages contre un patient ni informer d'autres patients qu'une plainte est déposée contre lui.

En cause d'appel, Mme [B] produit deux attestations établies les 3 juin et 26 septembre 2023 par M. [H], psychothérapeute, certifiant, pour la première, suivre Mme [B] en thérapie depuis plusieurs années et, pour la seconde, l'avoir reçue en supervision du 10 juin 2003 au 3 septembre 2009 puis, après un arrêt du fait de la liquidation judiciaire de Mme [B], à partir de la fin de l'année 2012 à titre gracieux et jusqu'en juin 2017, le travail de supervision ayant repris après des soucis de santé de Mme [B] le 15 septembre 2018 et jusqu'à ce jour. Cependant, comme le fait observer à juste titre la FF2P, ces attestations interrogent sur le fait que le même thérapeute assure la supervision et le suivi personnel d'un praticien.

Il résulte de l'ensemble de ces éléments que les manquements de Mme [B] au code de déontologie et aux principes éthiques qu'elle s'est engagée à respecter en devenant membre de la FF2P sont caractérisés et constituent un « motif grave » justifiant la sanction de suspension définitive de sa qualité de membre de ladite fédération qui lui a été notifiée le 5 novembre 2018, cette sanction n'apparaissant pas disproportionné eu égard à la gravité des manquements constatés et à l'absence de remise en question par Mme [B] de sa pratique professionnelle.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a débouté Mme [B] de sa demande d'annulation de la décision de suspension définitive prise à son encontre le 5 novembre 2018 par la FF2P.

Sur la demande de dommages et intérêts

Dès lors qu'il est reconnu que la sanction prononcée à l'encontre de Mme [B] par la FF2P était régulière et justifiée par un motif grave, sa demande tendant à l'allocation de dommages et intérêts en réparation du préjudice qu'elle aurait subi du fait de cette sanction doit être rejetée et le jugement confirmé de ce chef.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Les dispositions du jugement relatives aux dépens et aux frais irrépétibles de première instance, mis à la charge de Mme [B], seront confirmées.

Ajoutant au jugement, il y a lieu de condamner Mme [B], qui succombe en son recours, aux dépens d'appel en application de l'article 696 du code de procédure civile.

Tenue aux dépens, Mme [B] sera également condamnée à payer à la FF2P la somme de 3.500 euros en indemnisation des frais exposés en cause d'appel et non compris dans les dépens, conformément aux dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, et ne peut elle-même prétendre à l'application de ce texte à son profit.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Déboute la Fédération française de psychothérapie et psychanalyse de sa demande de rejet des débats des pièces n° 16, 17, 18 et 19 produites par Mme [B],

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Y ajoutant

Condamne Mme [K] [B] à payer à la Fédération française de psychothérapie et psychanalyse la somme de 3.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne Mme [K] [B] aux dépens d'appel,

Déboute les parties de leurs demandes plus amples et contraires.

LE GREFFIER, LA PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 10
Numéro d'arrêt : 21/12606
Date de la décision : 04/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 13/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-04;21.12606 ?
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