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04/07/2024 | FRANCE | N°21/11709

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 10, 04 juillet 2024, 21/11709


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 4 - Chambre 10



ARRET DU 4 JUILLET 2024



(n° , 9 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/11709 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CD5G6



Décision déférée à la Cour : Jugement du 17 Mai 2021 -TJ de [Localité 6] RG n° 20/00205





APPELANT



Monsieur [H] [M]

né le 20 Janvier 1977 à [Localité 7]

[Adresse 1]

[Localité 5]


r>Représenté et assisté par Me Jean-Baptiste SOUFRON de la SELARL FELTESSE WARUSFEL PASQUIER & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : K0028, substitué à l'audience par Me Anne-Hélène CARSIN de la SELARL FELTES...

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 10

ARRET DU 4 JUILLET 2024

(n° , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/11709 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CD5G6

Décision déférée à la Cour : Jugement du 17 Mai 2021 -TJ de [Localité 6] RG n° 20/00205

APPELANT

Monsieur [H] [M]

né le 20 Janvier 1977 à [Localité 7]

[Adresse 1]

[Localité 5]

Représenté et assisté par Me Jean-Baptiste SOUFRON de la SELARL FELTESSE WARUSFEL PASQUIER & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : K0028, substitué à l'audience par Me Anne-Hélène CARSIN de la SELARL FELTESSE WARUSFEL PASQUIER & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉE

S.A.R.L. CITYA - PLAINE SAINT-DENIS, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représentée et assistée par Me Marc-robert HOFFMANN NABOT, avocat au barreau de PARIS, toque : C1364

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été appelée le 23 Mai 2024, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Florence PAPIN, Présidente

Madame Valérie MORLET, Conseillère

Madame Anne ZYSMAN, Conseillère

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Madame Anne ZYSMAN dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Mme Catherine SILVAN

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Anne ZYSMAN, Conseillère, faisant fonction de Présidente et par Ekaterina RAZMAKHNINA, Greffier, présent lors de la mise à disposition.

***

Rappel des faits et de la procédure :

M. [H] [M] est propriétaire d'un appartement situé [Adresse 3] (93) qu'il a donné à bail à M. [Z] [F] suivant contrat de location en date du 30 juin 2015 conclu par l'intermédiaire de l'Agence immobilière du Stade (groupe ERA).

Par acte du 29 mai 2017, M. [H] [M] a confié à la société Citya [Localité 8] (la société Citya) un mandat général de gestion immobilière de ce bien.

Le même jour, il a signé un bulletin individuel d'adhésion au contrat « garanties locatives » souscrit par la société Citya auprès de la société SMA Assurances.

Se plaignant d'irrégularités des comptes et de communications de fausses informations, M. [M] a, par acte du 29 octobre 2018, fait assigner la société Citya [Localité 8] devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Bobigny pour obtenir la production d'un décompte juste des loyers reçus et des sommes qui lui ont été versées, l'ensemble des pièces comptables et administratives lui permettant de vérifier l'exactitude du décompte et de mettre en oeuvre la procédure d'expulsion du locataire, notamment le bail et les éventuels actes de caution, le mandat de gestion signé par les parties ainsi que les conditions générales et particulières de la police d'assurance de garantie des loyers impayés, outre l'allocation d'une provision de 16.335 euros au titre des erreurs de tenue de comptes et de pertes locatives.

Par ordonnance de référé du 11 janvier 2019, M. [M] a été débouté de l'ensemble de ses demandes.

Reprochant à la société Citya Plaine Saint-Denis des manquements dans l'exécution de sa mission, M. [H] [M] l'a fait assigner devant le tribunal de grande instance de Bobigny, par acte d'huissier du 23 décembre 2019, en responsabilité et indemnisation des préjudices subis.

Par jugement du 17 mai 2021, le tribunal devenu tribunal judiciaire de Bobigny a :

- débouté M. [H] [M] de ses demandes :

' au titre de la résiliation judiciaire du contrat de mandat,

' au titre de la production sous astreinte de différents documents,

' au titre de paiement de dommages et intérêts pour erreurs de tenues de comptes, pertes locatives, pertes de loyers actuelles et prévisibles,

' au titre du préjudice moral,

- débouté l'agence Citya [Localité 8] de sa demande au titre de la procédure abusive,

- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

- condamné M. [H] [M] à payer à l'agence Citya [Localité 8] la somme de 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné M. [H] [M] aux entiers dépens qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile,

- rappelé que l'exécution provisoire est de droit.

Par déclaration du 22 juin 2021, M. [H] [M] a interjeté appel de ce jugement.

Par dernières conclusions notifiées par voie électronique le 22 mars 2024, M. [H] [M] demande à la cour, au visa des articles 1991 et suivants du code civil, de :

- Infirmer la décision du tribunal judiciaire de Bobigny du 17 mai 2021 en ce qu'elle a : ' débouté M. [H] [M] de ses demandes :

- au titre de la résiliation judiciaire du contrat de mandat,

- au titre de la production sous astreinte de différents documents,

- au titre de paiement de dommages et intérêts pour erreurs de tenues de comptes, pertes locatives, pertes de loyers actuelles et prévisibles,

- au titre du préjudice moral,

' débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;

' condamné M. [H] [M] à payer à l'agence Citya [Localité 8] la somme de 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

' condamné M. [H] [M] aux entiers dépens qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile ;

Statuant de nouveau :

- Prononcer la résiliation judiciaire du contrat de mandat de gestion locative du 29 mai 2017 aux torts de Citya Saint Denis ;

- Condamner Citya Saint Denis à verser à M. [H] [M] dans un délai de 8 jours à compter de la signification de la décision à intervenir et ce, sous astreinte de 150 euros par jour de retard :

- un compte détaillé des loyers en cours à percevoir ou non recouvrés,

- l'ensemble des loyers dus et le dépôt de garantie que le locataire a versé au jour de la prise à bail,

- l'ensemble des éléments nécessaires à la gestion de son bien immobilier,

- le montant de la caution à hauteur de 1.120 euros,

- Condamner Citya Saint Denis à payer à M. [M] la somme de 5.000 euros, celle-ci refusant abusivement la révocation du mandat ainsi que la restitution des éléments permettant à M. [M] de gérer seul le bien en location,

- Condamner Citya Saint Denis à payer à M. [M] la somme de 7.235 euros au titre des erreurs de tenues de comptes et des pertes locatives,

- Condamner Citya Saint Denis à payer à M. [M] la somme de 30.102,489 euros au titre de la perte de chance de recouvrer les loyers, sommes à parfaire au jour de la décision à intervenir,

- Condamner Citya Saint Denis à payer à M. [M] la somme de 5.000 euros à titre dommages-intérêts au titre de son préjudice moral,

- Débouter Citya Saint Denis de ses demandes, fins et prétentions,

- Condamner Citya Saint Denis à payer à M. [H] [M] la somme de 5.000 euros au titre des frais irrépétibles exposés devant le tribunal judiciaire de Bobigny et aux entiers dépens de cette instance,

- Condamner Citya Saint Denis à payer à M. [H] [M] la somme de 10.000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel ainsi qu'aux entiers dépens.

Par dernières conclusions notifiées par voie électronique le 15 mars 2022, la société Citya [Localité 8] demande à la cour de :

Vu les articles 1991,1992 et 1993 du code civil,

Vu l'article 1240 du code civil,

- Dire et juger M. [H] [M] mal fondé en ses demandes, fins et prétentions,

- Dire et juger la société Citya [Localité 8] recevable et bien fondée en ses demandes, fins et prétentions,

- Débouter M. [H] [M] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

- Confirmer le jugement rendu le 17 mai 2021 par le tribunal judiciaire de Bobigny (RG n°20/00205) en tous points,

Y ajoutant :

- Condamner M. [H] [M] à verser la somme de 3.000 euros à la société Citya [Localité 8] en indemnisation du préjudice que lui cause l'abus par M. [H] [M] de son droit d'ester en justice,

- Condamner M. [H] [M] à verser la somme de 3.500 euros à la société Citya [Localité 8] en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamner M. [H] [M] aux entiers dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés par Maître Hoffmann, avocat, en application de l'article 699 du code de procédure civile.

La cour renvoie aux conclusions précitées des parties pour ce qui concerne l'exposé détaillé de leurs moyens et prétentions conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

La clôture a été prononcée le 27 mars 2024.

Motifs de la décision

Sur la résiliation judiciaire du mandat de gestion locative

En application de l'article 1103 du code civil, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.

En vertu des articles 1991, 1992 et 1993 du code civil, le mandataire est tenu d'accomplir le mandat tant qu'il en demeure chargé, et répond des dommages-intérêts qui pourraient résulter de son inexécution. Néanmoins la responsabilité relative aux fautes est appliquée moins rigoureusement à celui dont le mandat est gratuit qu'à celui qui reçoit un salaire. Le mandataire répond non seulement du dol, mais encore des fautes qu'il commet dans sa gestion. Il est tenu de rendre compte de sa gestion, et de faire raison au mandant de tout ce qu'il a reçu en vertu de sa procuration, quand même ce qu'il aurait reçu n'eût point été dû au mandant.

Il s'évince de ces dispositions que le mandataire est tenu à une obligation de moyens supposant une exécution loyale, prudente et diligente du mandat conféré et que son exécution défectueuse doit être établie par le mandant conformément aux règles régissant la responsabilité contractuelle de droit commun ; cependant la faute est présumée en cas d'inexécution du mandat conféré.

En application de l'article 1224 du code civil, la résolution résulte soit de l'application d'une clause résolutoire soit, en cas d'inexécution suffisamment grave, d'une notification du créancier au débiteur ou d'une décision de justice.

Aux termes du mandat de gestion locative conclu entre les parties en date du 29 mai 2017, produit aux débats, la société Citya avait notamment pour mission de :

« 2 - Gestion administrative 

« - Procéder à la révision des loyers en fonction de l'indice prévu au bail ou tout indice qui s'y substituerait

- Résilier tous les baux ou conventions avec l'accord exprès du mandant,

(...)

- En cas de souscription aux assurances locatives, procéder à tout action utile dans la limite des conditions générales et particulières des contrats souscrits et notamment : ' Au paiement des primes auprès de l'assureur ou son courtier,

' A la déclaration et au suivi des sinistres

' A la perception pour le compte du mandant des indemnité d'assurance »

(...)

3 - Gestion comptable et financière

- Rendre compte de sa gestion tous les mois (et au moins une fois par an), en un état détaillé de tout ce qu'il aura perçu et dépensé. Dans l'hypothèse où le solde serait débiteur, le mandant s'oblige à rembourser le Mandataire de tous frais et avances exposés pour l'exécution du mandat dès réception des comptes.

(...)

5 - Représentation et procédures

(...)

En cas de difficulté et notamment à défaut de paiement par les débiteurs, exercer toutes poursuites judiciaires faire tous commandements, sommations, assignations et citations devant tous tribunaux et toutes commissions administratives, se concilier ou requérir jugements, les faire signifier et exécuter, se faire remettre tous titres et pièces et donner ou retirer quittances ou décharges. Le Mandataire bénéficiera du montant de l'indemnité due au titre de la clause pénale incluse dans le contrat de location signé avec le locataire. »

M. [M] reproche à la société Citya :

- l'absence d'une tenue de compte exacte et compréhensible ayant conduit à une perte de loyers définitive de 7.235 euros,

- de n'avoir pas mis en 'uvre la garantie locative souscrite par lui,

- de n'avoir mis en 'uvre aucune démarche aux fins de recouvrer les loyers impayés, ni aucune démarche aux fins d'expulsion du locataire et ce alors que la dette de M. [F] au 22 septembre 2021 s'élevait à 8.866.55 euros et en février 2022 à 14.422,55 euros.

La société Citya conteste les manquements allégués à son encontre.

Sur la tenue de compte

Il ressort du décompte locatif de l'Agence immobilière du Stade, précédent gestionnaire du bien de M. [M] (pièce Citya n°4), qu'à la date du 13 septembre 2017, la dette locative de M. [F], s'élevait à la somme de 4.583 euros. Or, la société Citya, qui a repris le portefeuille de l'Agence immobilière du Stade et géré le bien à compter du 1er juin 2017 conformément au mandat de gestion qui lui a été confié le 29 mai 2017, produit en pièce n° 5 un relevé de compte locataire pour la période du 30 juin 2017 au 9 novembre 2018 faisant apparaître, après l'appel de loyer du mois de septembre 2017, un solde débiteur de 1.809,65 euros. En outre, l'extrait du compte locataire établi par la société Citya à la date du 28 février 2018 (pièce n° 7.2 de M. [M]) mentionne un solde antérieur au 30 juin 2017 de 0.

La société Citya ne donne aucune explication sur l'absence de reprise du solde débiteur du locataire à compter du 1er juin 2017.

En revanche, si le relevé de compte précité de la société Citya mentionne, pour le mois de juin 2017, un loyer principal de -1,82 euros et, pour le mois de juillet 2017, un loyer de 315,06 euros ainsi qu'une régularisation de 6,17 euros, il apparaît que ces loyers ont été appelés par l'Agence immobilière du Stade, de sorte que seuls des compléments de loyer ont été appelés par la société Citya, étant relevé qu'à compter du mois de septembre 2017, le loyer a été réévalué de 1.120 euros à 1.130,24 euros.

M. [M] soutient en outre que sur le décompte du mois de mars 2018 qu'il produit en pièce n° 13, la société Citya comptabilise des « frais de mise en location » de 350 euros alors que ceux-ci étaient offerts mais n'étaye ses allégations par aucune pièce, le mandat de gestion locative prévoyant des honoraires de mise en location à la charge du bailleur.

Ce même document, qui récapitule les reversements effectués à M. [M] sur la période de juillet 2015 à mars 2018 inclus d'un montant de 42.037,50 euros, mentionne, pour le mois d'août 2017, un reversement de 2.001,37 euros qui n'apparaît pas sur les relevés de compte bancaire de M. [M].

La société Citya ne s'explique pas davantage sur ce point et ne justifie pas avoir reversé à M. [M] la somme de 2.001,37 euros figurant sur le décompte alors que sa gestion locative a débuté le 1er juin 2017.

Toutefois, M. [M] n'établit pas que la société Citya aurait dû lui reverser une somme supérieure à celle de 42.037,50 euros figurant sur le décompte et ne justifie pas d'un « manque à gagner » de 7.235 euros.

Il convient à cet égard de préciser que si le décompte de la société Citya fait état, pour le calcul des reversements, de loyers perçus sur la période de juillet 2015 à mars 2018 inclus d'un montant total de 45.500 euros sur la base d'un loyer mensuel de 1.120 euros(outre 180 euros de provisions pour charges), ce chiffre est erroné puisque pour 2018, il est mentionné 2018 ((1.120 + 180) x3) = 6.500 euros au lieu de 2018 ((1.120 + 180) x 3 = 3.900 euros.

En outre, le loyer a été revalorisé à la somme de 1.130,24 euros à compter du 1er juillet 2017 conformément au contrat de location conclu avec M. [F], comme le montre le relevé de compte locataire, de sorte que sur cette période, le montant des loyers perçus aurait dû être de 42.991,16 euros, soit une somme inférieure à celle mentionnée sur le décompte de la société Citya.

L'absence de tout justificatif de ce que la somme de 2.001,37 euros figurant sur le décompte de la Citya a bien été reversée à M. [M] constitue un manquement du mandataire à ses obligations.

Sur l'absence souscription ou de mise en oeuvre de la garantie locative

Il est établi qu'un bulletin individuel d'adhésion au contrat n° C6671P LocaZen souscrit par Citya Immobilier auprès de SMA SA a été signé par M. [M] le 29 mai 2017. La société Citya produit en pièce n° 9 les conditions générales du « contrat garantie locatives C66751P - LocaZen » souscrit par elle auprès de la société SMA Assurances ainsi que les conditions particulières de ce contrat qui précisent que « les logements garantis sont ceux mentionnés dans le bulletin d'adhésion » et que « le contrat prend effet le 06/07/2017, renouvelable par tacite reconduction ».

Cependant, l'extrait de compte propriétaire arrêté au 9 novembre 2018 (pièce Citya n° 3) et les comptes rendus de gestion pour la période de janvier 2019 à septembre 2020 (pièce Citya n° 14) ne font état d'aucune cotisation versée à l'assurance. La société Citya est totalement taisante sur ce point dans ses écritures et n'indique pas si une assurance locative a bien été souscrite. En tout état de cause, elle ne justifie pas avoir actionné la garantie loyers impayés alors que la dette locative de M. [F] s'élevait à la somme de 3.413,87 euros au 12 octobre 2020 ainsi que l'a relevé le tribunal et à la somme de 8.866,55 euros au 22 septembre 2021.

Les manquements de la société Citya relatifs à l'assurance loyers impayés sont donc constitutifs d'une faute.

Sur l'absence de diligences pour obtenir le paiement de la dette locative

Comme l'a relevé le premier juge, une procédure d'expulsion engendrant des frais, nécessite l'accord du propriétaire et il ne ressort pas des courriers ou courriels de M. [M] que la mise en oeuvre d'une telle procédure ait été demandée.

Toutefois, alors que la dette locative de M. [F] s'élevait à la somme de 8.866,55 euros au 22 septembre 2021 et qu'il ressort des comptes rendus de gestion de janvier et mai 2022 et mai 2023 (pièces de M. [M] n° 31-1, 36 et 38) que le locataire ne règle plus ses loyers depuis le mois de mai 2021, de sorte que la dette locative ne cesse d'augmenter pour atteindre la somme de 33.447,21 euros au 30 mai 2023, la société Citya n'allègue ni ne justifie d'aucune diligence entreprise auprès du locataire pour obtenir le recouvrement des loyers impayés postérieurement à la délivrance d'un commandement de payer le 18 mai 2020 tel que relevé par le premier juge, ce qui constitue indéniablement un manquement à ses obligations de mandataire.

Les manquements ainsi relevés sont suffisamment graves pour justifier la résiliation du mandat de gestion locative aux torts exclusifs de la société Citya. Le jugement déféré, qui a débouté M. [M] de cette demande, est infirmé.

Il doit être relevé que par lettre recommandée avec avis de réception du 29 octobre 2021, réceptionnée par la société Citya le 4 novembre 2021, M. [M], par l'intermédiaire de son conseil, a révoqué le mandat au regard des fautes commises par le mandataire. Par courrier officiel du 22 janvier 2022, le conseil de M. [M] a demandé confirmation à la société Citya que la révocation avait bien été prise en compte. Il n'est justifié d'aucune réponse apportée à ces courriers et il apparaît que la société Citya continue, malgré ce courrier de révocation, de gérer le bien de M. [M] puisque des comptes rendus de gestion de mai 2023 sont versés aux débats.

La résiliation judiciaire du mandat de gestion locative étant prononcée, M. [M] doit être débouté de sa demande de dommages et intérêts au titre du préjudice moral subi du fait de l'opposition abusive et injustifiée de la société Citya à la révocation de son mandat.

Il sera également débouté de sa demande de remise par la société Citya, sous astreinte, du compte détaillé des loyers en cours à percevoir ou non recouvrés ainsi que des éléments nécessaires à la gestion de son bien immobilier puisqu'il apparaît que la société Citya, qui continue de gérer son bien, lui adresse régulièrement les comptes rendus de gestion.

Il en de même de la remise, d'une part des loyers dus dès lors qu'il n'est pas allégué ni démontré que la société Citya n'aurait pas reversé à M. [M] des loyers perçus du locataire postérieurement au mois de mars 2018 et, d'autre part, du dépôt de garantie versé par le locataire au jour de la prise à bail, ledit bail n'étant à ce jour pas résilié.

Sur les préjudices de M. [M]

Il résulte des développements qui précèdent que la société Citya doit être condamnée à payer à M. [M] la somme de 2.001,37 euros qu'elle ne justifie pas lui avoir reversée, le surplus des demandes, non justifié, devant être rejeté.

Au titre de l'absence de souscription de la garantie loyers impayés ainsi que de l'absence de mise en place des mesures visant à obtenir le paiement des loyers impayés, M. [M] invoque une perte de chance de 90 % de recouvrer les sommes dues par son locataire, qui s'élèvent à 33.447,21 euros au 30 mai 2023.

Les manquements de la société Citya relatifs à l'assurance loyers impayés et aux mesures de recouvrement des loyers impayés sont à l'origine d'une perte de chance d'obtenir le paiement des loyers et le bénéfice de la garantie loyers impayés dont la réparation doit être mesurée à la chance perdue et ne peut être égale à l'avantage qu'aurait procuré cette chance si elle s'était réalisée. Il convient, au cas d'espèce, de retenir un taux de perte de chance de 50 %. En conséquence, la réparation sera évaluée à la somme de 16.723,60 euros (33.447,21 euros x 50 %).

Les manquements de la société Citya à ses obligations ont incontestablement causé à M. [M], outre les préjudices financiers ci-dessus réparés, un préjudice moral lié à l'inquiétude quant au sort de sa créance locative et au temps consacré par lui pour obtenir des décomptes précis de son mandataire. Le préjudice moral ainsi éprouvé par M. [M] sera justement réparé par l'allocation d'une somme de 1.500 euros à titre de dommages et intérêts.

Le jugement est, en conséquence, infirmé en ce qu'il a débouté M. [M] de ses demandes de dommages et intérêts.

Concernant enfin le remboursement de la somme de 1.016,93 euros au titre de frais de procédure indûment prélevés, la cour, en application des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile, n'a pas à statuer sur cette demande qui n'est pas reprise au dispositif des conclusions de M. [M].

Sur la demande reconventionnelle de dommages et intérêts pour procédure abusive

L'action en justice, comme l'exercice du droit d'appel, ne dégénère en abus pouvant donner naissance à une dette de dommages et intérêts que dans le cas de malice, de mauvaise foi, d'erreur grossière équipollente au dol ou encore de légèreté blâmable.

Les demandes de M. [M] étant partiellement accueillies, l'abus de droit n'est pas établi et la société Citya ne peut qu'être déboutée de sa demande de dommages de ce chef.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Le jugement étant infirmé, il le sera également en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Statuant de ce chef pour la première instance et en appel, la société Citya sera condamnée aux dépens en application de l'article 696 du code de procédure civile et devra payer à M. [M] la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du même code. Elle ne peut elle-même prétendre à l'application de ce texte à son profit.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Prononce la résiliation judiciaire du mandat de gestion locative en date du 29 mai 2017 conclu entre les parties aux torts de la société Citya [Localité 8],

Condamne la société Citya [Localité 8] à payer à M. [H] [M] le sommes suivantes :

- 2.001,37 euros au titre des loyers non reversés,

- 16.723,60 euros en réparation de la perte de chance d'obtenir le paiement des loyers et le bénéfice de la garantie loyers impayés,

- 1.500 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral,

- 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute M. [H] [M] du surplus de ses demandes,

Déboute la société Citya [Localité 8] de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,

Condamne la société Citya [Localité 8] aux dépens de première instance et d'appel,

Déboute les parties de leurs demandes plus amples et contraires.

LE GREFFIER, LA CONSEILLÈRE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 10
Numéro d'arrêt : 21/11709
Date de la décision : 04/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 13/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-04;21.11709 ?
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