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04/07/2024 | FRANCE | N°21/11561

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 5, 04 juillet 2024, 21/11561


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 5



ARRET DU 04 JUILLET 2024



(n° , 1 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 21/11561 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CD44G



Décision déférée à la Cour : Jugement du 08 Juin 2021 - Tribunal de Commerce de Meaux - RG n° 2020000007





APPELANTE



S.A.R.L. CODALYSA agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice, domiciliés

en cette qualité audit siège

immatriculée au RCS de Meaux sous le numéro 807 581 665

[Adresse 4]

[Localité 1]



Représentée par Me Nathalie LESENECHAL, avocat au barreau de PARIS,...

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 5

ARRET DU 04 JUILLET 2024

(n° , 1 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 21/11561 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CD44G

Décision déférée à la Cour : Jugement du 08 Juin 2021 - Tribunal de Commerce de Meaux - RG n° 2020000007

APPELANTE

S.A.R.L. CODALYSA agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice, domiciliés en cette qualité audit siège

immatriculée au RCS de Meaux sous le numéro 807 581 665

[Adresse 4]

[Localité 1]

Représentée par Me Nathalie LESENECHAL, avocat au barreau de PARIS, toque : D2090

Assistée de Me Frédéric Leplat, avocat au barreau de Lille

INTIMEE

S.A.S. LOCALIS prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

immatriculée au RCS de Meaux sous le numéro 632 004 008

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représentée par Me Guillaume Abadie, substitué par Me Isabelle Cognard de l'AARPI CABINET GUILLAUME ABADIE - FREDERIQUE MORIN, avocats au barreau de Paris, toque : E0024

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 14 Mars 2024, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Nathalie Renard, présidente de la chambre 5.5

Mme Christine Soudry, conseillère

Mme Marie-Annick Prigent, magistrate à titre honoraire excerçant des fonctions juridictionnelles

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Madame Christine Soudry dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : M. Maxime Martinez

ARRET :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Nathalie Renard, présidente de la chambre 5.5 et par M. Maxime Martinez, greffier, présent lors de la mise à disposition.

EXPOSÉ DU LITIGE

La société Localis a pour activité la location et l'entretien de linge destiné aux professionnels.

La société Codalysa exploite un hôtel situé à [Localité 5], sous la marque Misterbed.

Le 26 janvier 2015, la société Localis a conclu un contrat d'approvisionnement de linge avec la société Codalysa.

Ce contrat a été remplacé par un contrat conclu le 22 décembre 2015, d'une durée de quatre années civiles, sans reconduction en cas d'augmentation du stock.

Un litige a opposé les parties au sujet de l'exécution du contrat.

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 8 février 2017, la société Codalysa s'est plainte auprès de la société Localis de livraisons de linge insuffisantes et de livraisons trop tardives.

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 17 février 2017, la société Localis a dénié les manquements qui lui étaient reprochés.

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 8 février 2017, la société Codalysa a notifié à la société Localis la résiliation du contrat à son échéance du 31 décembre 2019.

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 7 juillet 2017, le conseil de la société Codalysa a reproché à la société Localis de ne pas exécuter les obligations mises à sa charge et l'a mise en demeure, sous 48h, de la réapprovisionner en linge propre et de remettre à niveau le stock de linge sur la base des volumes indiqués dans le bon de commande du 22 décembre 2015 ainsi que de conclure un avenant prévoyant des inventaires réguliers du linge.

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 7 août 2017, la société Codalysa a notifié à la société Localis sa décision de résilier le contrat avec effet immédiat.

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 8 août 2017, la société Localis a indiqué à la société Codalysa qu'en cas de résiliation anticipée avant le terme du 31 décembre 2019, elle serait tenue au paiement des indemnités contractuelles.

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 18 août 2017, la société Localis a pris acte du refus par la société Codalysa de prendre livraison du linge les 11 et 14 août et l'a mise en demeure de lui payer une somme de 391.139,55 euros TTC au titre du rachat du linge en stock sous réserve d'inventaire, de la commande de linge supplémentaire et de l'indemnité de rupture.

Par acte du 17 décembre 2019, la société Localis a assigné la société Codalysa devant le tribunal de commerce de Meaux en paiement :

- d'une somme de 10.671,22 euros et d'une somme de 3.072,92 euros au titre des factures des mois de juillet et août 2017,

- d'une somme de 193.928,43 euros au titre de l'indemnité de rupture,

- d'une somme de 83.789,68 euros au titre du rachat du stock,

- d'une somme de 52.186,26 euros au titre des articles manquants,

- d'une somme de 71.495,04 euros au titre de la commande de linge supplémentaire,

- d'une somme de 37.826,26 euros au titre de la clause pénale,

- d'une somme de 240 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de recouvrement,

avec intérêts contractuels au taux de la banque centrale européenne, majorée de 7 points à compter de l'échéance de chacune des factures, et capitalisation des intérêts,

- d'une somme de 4.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens.

Par jugement du 8 juin 2021, le tribunal de commerce de Meaux a :

- Reçu les demandes de la société Localis, au fond les a dites en partie bien fondées, l'y recevant en partie.

- Reçu les demandes de la société Codalysa, au fond les a dites en partie mal fondées, l'y recevant en partie,

- Condamné la société Codalysa à payer à la société Localis les sommes de :

* 193 928,43 euros TTC au titre de l'indemnité de rupture,

* 31 089,83 euros TTC au titre du rachat du stock, avec restitution du stock à la société Codalysa après paiement.

* 52 186,26 euros TTC au titre des stocks manquants,

* 13 744,14 euros TTC au titre des factures impayées des mois de juillet et août 2017, avec intérêts de la banque centrale européenne, majorée de 7 points à compter de l'échéance de chacune des factures,

* 1 500 euros HT au titre de la clause pénale,

* 80 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de recouvrement,

- Ordonné la capitalisation des intérêts conformément à l'article 1343-2 du code civil (ancien article 1154),

- Débouté la société Localis de sa demande au titre de la facture relative à la commande de linge supplémentaire pour un montant de 71 495,04 euros TTC, et de sa demande au titre des intérêts sur les sommes au titre de l'indemnité de rupture, au titre du rachat de stock, au titre des articles manquants, au titre de la clause pénale et au titre de l'indemnité forfaitaire de recouvrement,

- Condamné la société Codalysa à payer à la société Localis la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Ordonné l'exécution provisoire de la décision, nonobstant appel et sans caution,

- Condamné la société Codalysa en tous les dépens.

Par déclaration du 21 juin 2021, la société Codalysa a interjeté appel du jugement en ce qu'il a :

- Reçu les demandes de la société Localis, au fond les a dites en partie bien fondées, l'y recevant en partie ;

- Condamné la société Codalysa à payer à la société Localis les sommes de 193 928,43 euros TTC au titre de l'indemnité de rupture, 31 089,83 euros TTC au titre du rachat du stock, avec restitution du stock à la société Codalysa après paiement, 52 186,26 euros TTC au titre des stocks manquants, 13 744,14 euros TTC au titre des factures impayées des mois de juillet et août 2017, avec intérêts de la banque centrale européenne, majorée de 7 points à compter de l'échéance de chacune des factures, 1 500 euros HT au titre de la clause pénale, 80 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de recouvrement,

- Ordonné la capitalisation des intérêts conformément à l'article 1343-2 du code civil (ancien article 1154),

- Condamné la société Codalysa à payer à la société Localis la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Débouté la société Codalysa de sa demande tendant à voir condamner la société Localis à lui verser la somme de 207 030 euros au titre de la résolution du contrat pour inexécution de ses obligations contractuelles outre intérêts légaux à compter de la décision à intervenir, la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens,

- Débouté la société Codalysa de sa demande de compensation,

- Ordonné l'exécution provisoire de la décision, nonobstant appel et sans caution ;

- Condamné la société Codalysa en tous les dépens.

Prétentions et moyens des parties

Par ses dernières conclusions notifiées le 14 mars 2022, la société Codalysa demande, au visa des articles 1184 du code civil dans sa version applicable aux faits, et 64 du code de procédure civile, de :

- Dire et juger la société Localis irrecevable et mal fondée ;

- Débouter la société Localis de l'ensemble de ses demandes,

- Infirmer le jugement du tribunal de commerce de Meaux ;

Et statuant à nouveau,

- Prononcer la résolution du contrat pour inexécution par la société Localis de ses obligations essentielles ;

- En conséquence, condamner la société Localis à payer à la société Codalysa la somme de 207 030 euros au titre de la résolution du contrat pour inexécution par la société Localis de ses obligations essentielles, augmentée des intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir pour les postes suivants :

- Achat de linge : 6 528 euros

- Frais blanchissage : 1 000 euros

- Surcoût personnel : 10 000 euros

- Utilisation achat machine : 1 000 euros

- Surcoût du prestataire : 3 041 euros

- Surfacturation à la suite de l'absence de livraisons 2017 : 1 661 euros

- Surfacturation à la suite de l'absence de livraisons 2016 : 3 800 euros

- 'Erreur' de facturation 2017 : 5 000 euros

- 'Erreur' de facturation 2016 : 11 000 euros

- Incidence sur activité de la société Codalysa 2017 : 82 000 euros

- Perte d'image clientèle : 82 000 euros

- Donner acte à la société Codalysa de ce qu'elle se reconnait débitrice envers la société Localis de la somme de 10 671,22 euros TTC au titre de la facture de juillet 2017 ;

- Donner acte à la société Codalysa de ce qu'elle se reconnait débitrice de la somme de 3 072,92 euros TTC au titre de la facturation pour la période du 1er août 2017 au 8 août 2017 à condition que la société Localis lui remette la facture correspondante et annule sa facture n°79293 du 06/09/2017 pour un montant de 10 977,16 euros TTC ;

- Ordonner la compensation des sommes dues ;

- Condamner la société Localis à payer à la société Codalysa la somme de 20 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamner la société Localis aux entiers dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Par ses dernières conclusions notifiées le 16 décembre 2021, la société Localis demande de :

- Dire mal fondée la société Codalysa en son appel et également en ses prétentions et l'en débouter, à l'exception de sa reconnaissance de dette de la somme de 13 744,14 euros TTC

- Confirmer le jugement entrepris sauf en ce qu'il a dit que :

* La condamnation de la société Codalysa au paiement de l'indemnité de rupture portait sur une somme TTC,

* Que celle au titre du rachat du stock portait sur une somme de 31 089,83 euros,

* En ce qu'il a débouté la société Localis de ses demandes au titre du paiement de la commande supplémentaire de linge, des intérêts et de l'indemnité forfaitaire de recouvrement à l'exception de ceux portant sur les deux factures de prestations impayées, de l'indemnité forfaitaire de recouvrement,

* En ce qu'il a fixé le montant de la clause pénale à 1 500 euros,

Statuant à nouveau de ces seuls chefs infirmés :

- Juger que la condamnation de la société Codalysa à payer à la société Localis la somme de 193 928,43 euros au titre de l'indemnité de rupture est hors taxes,

- Juger que la condamnation de la société Codalysa au titre du rachat du stock s'élève à la somme de 83 789,68 euros TTC,

- Et à titre subsidiaire à la somme de 31 089,83 euros TTC,

- Condamner la société Codalysa au paiement de la somme de 71 495,04 euros TTC au titre de la commande de linge supplémentaire,

- Condamner la société Codalysa à payer à la société Localis une somme de 10% au titre de la clause pénale sur la totalité des factures impayées,

- Et à titre subsidiaire, à la somme de 1 500 euros TTC

- Juger que toutes les condamnations à intervenir porteront intérêts au taux de d'intérêt appliqué par la Banque Centrale Européenne à son opération de refinancement la plus récente majoré de 7 points de pourcentage à compter de l'échéance de chaque facture,

- Ordonner la capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil tous postes confondus,

Y ajoutant

- Condamner la société Codalysa à payer à la société Localis la somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;

- Condamner la société Codalysa aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 14 mars 2024.

La cour renvoie pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS

Sur l'imputabilité de la rupture

La société Codalysa soutient que la société Localis a gravement manqué à ses obligations essentielles, justifiant la résolution du contrat à ses torts exclusifs. Elle reproche à la société Localis d'avoir livré du linge en quantité insuffisante et d'avoir effectué des livraisons de linge tardives et d'avoir ainsi provoqué une grande désorganisation de son établissement. Elle fait valoir que ces manquements ont eu lieu sur la période d'exécution du contrat du 22 décembre 2015 mais également sur la période précédente. Elle affirme que contrairement à ce qu'ont jugé les premiers juges, la rupture anticipée du contrat date du 7 août 2017 et non du 8 février 2017 de sorte qu'il y a lieu de tenir compte des incidents ayant eu lieu postérieurement au 8 février 2017. Il convient également, selon elle, de tenir compte des difficultés antérieures au 22 décembre 2015 dans la mesure où la prorogation du terme d'un contrat n'entraine pas novation.

La société Localis réplique que les griefs invoqués par la société Codalysa sur la période du 8 avril 2015 au 2 novembre 2015 sont relatifs au précédent contrat et que la signature d'un nouveau contrat purge les éventuels dysfonctionnements antérieurs dont fait état la société Codalysa. Elle fait encore valoir que le contrat ne prévoyait pas d'heure de livraison de sorte qu'aucune livraison tardive ne peut lui être reprochée. Elle conteste le grief tenant à l'insuffisance des livraisons de linge. Elle dénie la valeur probante des témoignages produits par la société Codalysa. Elle affirme que les difficultés reprochées provenaient du refus de la société Codalysa de procéder au réajustement de son stock de linge à la suite de pertes ou vols au sein de son établissement. Elle observe que la société Codalysa s'est engagée auprès d'un autre prestataire dès le 18 juillet 2017 et avait intérêt à se libérer du contrat les liant. Elle estime que la rupture anticipée du contrat le 7 août 2017 n'était donc pas justifiée. Elle relève qu'en tout état de cause, la cour n'est saisie d'aucune demande au titre de la résolution dans le dispositif des conclusions de la société Codalysa.

En application de l'article 1184 du code civil dans sa rédaction applicable au litige, la condition résolutoire est toujours sous entendue dans les contrats synallagmatiques, pour le cas où l'une des parties ne satisfera point à son engagement.

Dans ce cas, le contrat n'est point résolu de plein droit. La partie envers laquelle l'engagement n'est point exécuté, a le choix ou de forcer l'autre à l'exécution de la convention lorsqu'elle est possible, ou d'en demander la résolution avec dommages et intérêts.

La résolution doit être demandée en justice, et il peut être accordé au défendeur un délai selon les circonstances.

Si la résolution doit être en principe demandée en justice, la gravité du comportement d'une partie autorise toutefois l'autre à se prévaloir unilatéralement de la rupture, à ses risques et périls, sans recourir à l'autorisation préalable du juge, celui-ci restant évidemment susceptible de contrôler a posteriori le bien-fondé de la cessation.

Il appartient à celui qui se prévaut d'une rupture prématurée du contrat, de démontrer la gravité des manquements reprochés au cocontractant.

Aux termes de l'article 2 des conditions générales, la société Localis s'engage à remettre au client le stock de linge nécessaire à ses besoins et figurant sur le bon de commande. Ensuite le loueur se présente chez le client suivant la périodicité convenue pour ramasser les articles utilisés et relivrer les articles remis en état de service ou éventuellement fournis en remplacement. Le client reçoit les documents qui lui permettent de suivre les mouvements du stock d'articles confiés étant précisé que les retraits demandés sont enregistrés à la date de la livraison suivante. Les quantités enregistrées sur les documents comptables du loueur font foi juridiquement notamment les quantités d'articles reconnues par les services 'contrôle' de l'usine. Il est recommandé au client de vérifier tous les articles en présence du loueur. Toute réclamation, pour être recevable, doit être adressée par écrit dans les deux jours ouvrables suivant la livraison.

En l'espèce, il résulte des pièces versées aux débats qu'à la suite de difficultés d'exécution du contrat du 26 janvier 2015, les parties ont conclu un nouveau contrat le 22 décembre 2015, que la société Codalysa, se plaignant d'une poursuite des difficultés tenant principalement en des livraisons tardives de linge ainsi qu'en des livraisons de linge en quantités insuffisantes, a embauché, à compter du mois de mars 2017, une salariée, Mme [E], pour contrôler quotidiennement le linge livré, qu'à la suite de ce comptage quotidien, la société Codalysa, a adressé de multiples courriels et courriers entre le 10 mars 2017 et le 5 juillet 2017 pour dénoncer à sa cocontractante des livraisons de linge dans l'après-midi voire en fin d'après-midi au lieu du matin ainsi que des erreurs de comptage de linge dans les bons de livraison ou encore du linge livré en quantités moindres que celui ramassé la semaine précédente. La société Codalysa produit trois témoignages de salariées, dont celui de Mme [E], attestant de ces manquements répétés de la société Localis à ses obligations et des conséquences sur le fonctionnement de l'hôtel (impossibilité de donner accès aux chambres aux clients à l'heure prévue, réalisation d'heures supplémentaires des employés de l'hôtel'). Ces témoignages précis et concordants seront retenus à titre de preuve ; la preuve en matière commerciale étant libre.

Si le contrat ne prévoit pas d'heure de livraison du linge, il résulte néanmoins des échanges entre les parties au mois de décembre 2015 à l'occasion de la négociation du nouveau contrat que la société Codalysa exigeait une livraison du linge le matin, ce à quoi, la société Localis a nécessairement consenti par la conclusion d'un nouveau contrat et qu'en tout état de cause, un accord est intervenu entre les parties sur une livraison du linge avant 11 heures, ainsi qu'il ressort d'échanges de courriers au mois d'avril 2017. Or les nombreux courriels versés aux débats par la société Codalysa attestent que la société Localis n'a pas respecté, de manière répétée, cet engagement provoquant une grande désorganisation de l'hôtel.

Il ressort également des multiples courriels adressés par la société Codalysa à la société Localis entre le 10 mars 2017 et le 5 juillet 2017 que non seulement le nombre de pièces réellement livrées ne correspondaient pas aux indications des bordereaux de livraison mais encore que le nombre de pièces livrées à J+7 ne correspondait pas au nombre de pièces sales remises la semaine précédente.

La société Codalysa démontre que le nombre d'erreurs commises a occasionné des problèmes au sein de ses équipes, contraignant son personnel à réaliser des tâches supplémentaires telles que lavage, repassage et location de linge auprès d'autres prestataires.

Contrairement à ce que soutient la société Localis, il n'est aucunement avéré que cette désorganisation résulte du refus de la société Codalysa de procéder au réajustement du stock de linge alors que cette dernière a systématiquement dénoncé les erreurs de calcul de sa cocontractante et que l'inventaire du 19 janvier 2017 dont se prévaut la société Localis, contesté par la société Codalysa, n'est pas versé aux débats.

Il ne peut donc pas être reproché à la société Codalysa d'avoir, en raison de ces manquements répétés et de leurs conséquences sur son organisation, prononcé unilatéralement la résiliation du contrat avec effet immédiat par lettre du 7 août 2017 reçue le 8 août 2017. Il sera relevé que préalablement à cette résiliation unilatérale, la société avait mis en demeure la société Localis par lettre du 7 juillet 2017, de remédier aux difficultés dénoncées et de remettre à niveau son stock de linge conformément au bon de commande du 22 décembre 2015 pour lui permettre la réouverture de 20 chambres supplémentaires, qui avaient été pendant quelques mois en travaux, ce qui avait eu pour effet d'atténuer les conséquences des insuffisances de livraison de linge. Dans un tel contexte, il ne peut pas davantage lui être fait grief d'avoir conclu, dans l'urgence, le 18 juillet 2017 un contrat avec un autre prestataire alors que par son courrier du 11 juillet 2017, la société Codalysa n'apportait aucune réponse précise aux demandes de sa partenaire.

Dans ces conditions, il convient d'imputer la rupture du contrat exclusivement à la société Localis et la société Codalysa a, à bon droit, prononcé unilatéralement la résiliation du contrat avec effet immédiat par lettre du 7 août 2017. Le jugement sera infirmé de ce chef.

Sur la demande de résolution judiciaire du contrat

Eu égard à la résiliation unilatérale du contrat par la société Codalysa, il n'y a pas lieu de prononcer judiciairement cette résiliation. La demande de ce chef de la société Codalysa sera rejetée.

Sur l'indemnité de rupture

La société Localis revendique la condamnation de la société Codalysa au paiement de la somme de 193 928,43 euros qui doit être prononcée HT et non TTC. Elle explique que la rupture du contrat étant imputable à la société Codalysa, l'article 11 des conditions générales est applicable.

La société Codalysa soutient que l'article 11 des conditions générales de location est inapplicable dès lors que le contrat a été rompu en raison de l'inexécution par la société Localis de ses obligations.

L'article 11 des conditions générales, intitulé « Rupture du contrat du fait du client », stipule que :

« Dans le cas où le client romprait le contrat de sa propre initiative en dehors des conditions de l'article 10, second et troisième alinéas, celui-ci payera au loueur une indemnité forfaitaire égale au montant TTC des sommes qui auraient été facturées au titre du présent contrat jusqu'à l'échéance de celui-ci. Cette indemnité forfaitaire ne saurait être inférieure à 6 mois de facturation TTC.

Dans le cas où le client ne respecterait pas l'un quelconque des engagements qu'il a souscrits (non paiement d'une facture échue, '), le présent contrat sera résilié aux torts et griefs du client, si bon semble au loueur, 8 jours après une mise en demeure adressée par le loueur et demeurée sans effet et avec les conséquences pour le client prévues au premier paragraphe de l'article 11. (') »

En l'espèce, le contrat ayant été résilié aux torts de la société Localis, l'article 11 des conditions générales est inapplicable.

La demande de condamnation de la société Localis au titre de l'indemnité de rupture sera rejetée.

Sur le rachat du stock

La société Localis affirme qu'en signant le contrat du 22 décembre 2015, la société Codalysa a accepté de racheter le stock, en application de l'article 12 des conditions générales.

La société Codalysa soutient que l'article 12 des conditions générales prévoyant le rachat du stock en cas de rupture du contrat est en contradiction avec les clauses essentielles et principales du contrat qui constituent un contrat de location et non un contrat de vente.

L'article 12 des conditions générales de location prévoit que le client s'engage à acheter le stock de linge, vêtements et accessoires mis à sa disposition en cas de non-renouvellement du contrat (article 10) ou de rupture ou de résiliation du contrat (articles 9 et 11), ou de son refus de mise en place (article 11).

Il sera relevé que l'article 9 concerne la cession de fonds, la mise en location-gérance et la cession d'activité et que l'article 11 concerne la rupture du contrat du fait du client et le refus de mise en place du contrat par le client.

Ainsi la clause de rachat du stock de linge n'est applicable que lors de la survenance d'un événement affectant le contrat lié à la volonté du locataire ou encore en cas de faute de ce dernier.

En l'espèce, le contrat ayant été résilié aux torts exclusifs de la société Localis, cette disposition n'est pas applicable. Le jugement sera infirmé de ce chef et la demande en paiement au titre du rachat de stock sera rejetée.

Sur le rachat des articles manquants

La société Localis se prévaut de l'article 3 des conditions générales pour solliciter le paiement des articles manquants. Elle affirme que les tableaux produits par la société Codalysa n'ont pas de valeur probante.

La société Codalysa soutient que les pertes constatées sont largement imputables à la société Localis. Elle fait valoir que s'il peut exister des pertes de linge, cela ne peut être dans les proportions invoquées par la société Localis qui réclame une somme de 52.186,26 euros TTC. Elle ajoute avoir, conformément à l'article 2 des conditions générales de location, dénoncé les articles manquants dans le délai prévu de 2 jours.

Selon l'article 3 de conditions générales du contrat, en fin de contrat, il sera procédé à un inventaire contradictoire des articles. Les pièces perdues sont facturées à la valeur de leur remplacement actualisée.

A l'appui de sa demande au titre du rachat des articles manquants, la société Localis produit un inventaire contradictoire réalisé le 11 septembre 2017 et signé par les deux parties au terme duquel différents articles n'auraient pas été rendus par la société Codalysa à l'issue du contrat.

Or il résulte de ce qui précède que la comptabilité du linge livré par la société Localis résultant des bons de livraison est sujette à caution puisque de très nombreuses erreurs ont été relevées par la société Codalysa. En outre, il sera relevé qu'il a été retrouvé, lors de l'inventaire, 123 housses de couettes de 2 personnes en surnombre par rapport au nombre de pièces attribuées à la société Codalysa, ce qui atteste du manque de fiabilité du système de comptage et de la gestion du stock de linge mis en place par la société Localis.

Dans ces conditions, aucune perte d'article de linge ne peut être imputée à la société Codalysa et la demande au titre du rachat des manquants sera rejetée. Le jugement entrepris sera infirmé sur ce point.

Sur les prestations impayées

La société Localis réclame le paiement des prestations effectuées au mois de juillet et août 2017. Elle produit une facture n°78924 du 7 août 2017 d'un montant de 10.671,22 euros TTC au titre des prestations du mois de juillet et une facture n°931874 du 6 septembre 2017 d'un montant de 3.072,92 euros TTC au titre des prestations entre le 1er et le 7 août 2017.

La société Codalysa reconnait être redevable de la facture du mois de juillet 2017. Elle soutient que la société Localis avait dans un premier temps facturé le mois d'août complet alors que la date d'effet de la résiliation était le 7 août 2017. Elle ne reconnaît devoir à ce titre qu'une somme de 3.072,92 euros.

Dès lors, il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société Codalysa à payer à la société Localis la somme de 13 744,14 euros TTC au titre des factures impayées des mois de juillet et août 2017.

Sur la commande de linge supplémentaire

La société Localis revendique le paiement d'une somme de 71.495,04 euros TTC au titre d'une commande de linge supplémentaire effectuée par la société Codalysa.

La société Codalysa réfute avoir effectué une telle commande.

La société Localis ne verse aux débats aucune preuve de la commande de linge supplémentaire alléguée et notamment de bon de commande.

En conséquence, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de ce chef.

Sur l'indemnité forfaitaire de recouvrement

La société Localis revendique le paiement de l'indemnité forfaitaire de recouvrement de 40 euros au titre de chacune des 6 factures restées impayées en application des articles L. 441-6 et D. 441-5 du code de commerce.

La société Codalysa soutient que la société Localis étant seule responsable de l'inexécution contractuelle, l'indemnité forfaitaire de 40 euros n'est pas due.

En l'espèce, il résulte de ce qui précède que la société Codalysa n'a pas payé les deux factures au titre des prestations réalisées par la société Localis au mois de juillet et d'août 2017.

Dans ces conditions, les dispositions des articles L. 441-6 dans sa rédaction applicable au litige et D. 441-5 du code de commerce sont applicables.

Le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur les intérêts de retard

La société Localis demande que les condamnations à intervenir portent intérêts au taux d'intérêt appliqué par la banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente majoré de 7 points de pourcentage à compter de l'échéance de chaque facture.

La société Codalysa soutient que la société Localis a émis des factures contestées et que la demande au titre des intérêts doit être rejetée.

L'article 5 des conditions générales du contrat prévoit que les factures non réglées à leur échéance porteront de plein droit intérêts au taux d'intérêts de la Banque centrale européenne, majoré de 7 points, sans qu'il soit besoin d'une quelconque mise en demeure préalable.

Cette disposition doit recevoir application en l'espèce, la société Codalysa n'ayant pas payé deux factures.

Le jugement entrepris sera confirmé de ce chef ainsi qu'en ce qu'il a ordonné la capitalisation des intérêts.

Sur la clause pénale

La société Localis réclame le paiement de l'indemnité de 10% prévue à l'article 5 des conditions générales de location et soutient qu'elle n'est pas manifestement excessive.

La société Codalysa s'oppose à la demande en paiement de ce chef. Elle soutient que la clause pénale est indéterminée dans son montant et donc potestative, qu'elle est sans rapport avec le préjudice subi.

L'article 5 des conditions générales du contrat prévoit qu'outre la majoration au titre des intérêts moratoires, le montant des factures à payer sera majoré à titre de clause pénale d'une indemnité forfaitaire de 10% égale au minimum à 750 euros HT.

En l'espèce, la société Localis ne justifie pas avoir subi un préjudice en sus de celui constitué des frais de recouvrement réparé par l'indemnité légale forfaitaire, qu'elle a réclamée et qui lui est allouée, et de celui résultant du retard de paiement réparé par l'octroi des intérêts moratoires majorés.

La demande de la société Localis au titre de la clause pénale sera en conséquence rejetée et le jugement entrepris sera infirmé sur ce point.

Sur la demande reconventionnelle de la société Codalysa en dommages et intérêts

La société Codalysa demande que la société Localis soit condamnée à lui verser des dommages et intérêts évalués à un montant de 207.030 euros, décomposé comme suit :

- Achat de linge 6 528,00

- Frais blanchissage 1 000,00

- Surcoût personnel 10 000,00

- Utilisation achat machine 1 000,00

- Surcoût du prestataire 3 041,00

- Surfacturation à la suite de l'absence de livraisons 2017 1 661,00

- Surfacturation à la suite de l'absence de livraisons 2016 3 800,00

- 'Erreur' de facturation 2017 5 000,00

- 'Erreur' de facturation 2016 11 000,00

- Incidence sur activité de Codalysa 2017 82 000,00

- Perte d'image clientèle 82 000,00

Si la société Codalysa ne produit que deux factures en date du 3 avril 2017 et du 24 mai 2017 de montants respectifs de 128 euros TTC et de 182,50 euros TTC concernant la location et le nettoyage de linge à l'appui de sa demande de dommages et intérêts, les carences répétées de la société Localis à ses obligations ont eu, au vu des témoignages recueillis, une incidence sur l'activité et l'image de la société Codalysa, qui a subi des surcoûts de personnels induits, un manque à gagner résultant de l'impossibilité de proposer des chambres à sa clientèle et un préjudice d'image, qui seront réparés par l'allocation de la somme globale de 10.000 euros de dommages et intérêts.

Sur la demande de compensation

Il sera fait droit à la demande sur ce point.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

La société Localis succombe à l'instance. Les dispositions du jugement entrepris relatives aux dépens et aux frais irrépétibles seront confirmées. La société Localis sera condamnée à supporter les dépens de l'instance d'appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile et à payer à la société Codalysa une somme de 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile. La demande de la société Localis de ce chef sera rejetée.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Infirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a condamné la société Codalysa à payer à la société Localis la somme de 13 744,14 euros TTC au titre des factures impayées des mois de juillet et août 2017, avec intérêts de la banque centrale européenne, majorée de 7 points à compter de l'échéance de chacune des factures, la somme de 80 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de recouvrement, ordonné la capitalisation des intérêts conformément à l'article 1343-2 du code civil (ancien article 1154), débouté la société Localis de sa demande au titre de la facture relative à la commande de linge supplémentaire pour un montant de 71 495,04 euros TTC, et de sa demande au titre des intérêts sur la somme au titre de l'indemnité forfaitaire de recouvrement, condamné la société Codalysa à payer à la société Localis la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et condamné la société Codalysa en tous les dépens ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Dit que la rupture du contrat est exclusivement imputable à la société Localis ;

Dit n'y avoir lieu de prononcer la résolution judiciaire du contrat ;

Rejette la demande de la société Localis au titre de l'indemnité de rupture ;

Rejette la demande de la société Localis au titre du rachat du stock ;

Rejette la demande de la société Localis au titre du linge manquant ;

Rejette la demande de la société Localis au titre de la clause pénale ;

Précise que la capitalisation des intérêts dus sur les deux factures n°78924 du 7 août 2017 n°931874 aura lieu à compter du 17 décembre 2019, date de la demande en ce sens ;

Ordonne la compensation des créances résultant des condamnations prononcées ;

Condamne la société Localis à payer à la société Codalysa la somme de 10.000 euros de dommages et intérêts en réparation des préjudices résultant des manquements contractuels ;

Condamne la société Localis à payer à la société Codalysa la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamné la société Localis aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 21/11561
Date de la décision : 04/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 13/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-04;21.11561 ?
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