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04/07/2024 | FRANCE | N°21/09807

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 5, 04 juillet 2024, 21/09807


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5



ARRET DU 04 JUILLET 2024



(n° 2024/ , 10 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/09807 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEXK5



Décision déférée à la Cour : Jugement du 28 Octobre 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY - RG n° 18/03651





APPELANT



Monsieur [P] [N]

[Adresse 1]>
[Localité 5]

Représenté par Me Jean-Marie HYEST de la SCP HYEST ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P 311



INTIMEE



S.A.S. FEC KELYOR venant aux droits de la SAS FIDU...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5

ARRET DU 04 JUILLET 2024

(n° 2024/ , 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/09807 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEXK5

Décision déférée à la Cour : Jugement du 28 Octobre 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY - RG n° 18/03651

APPELANT

Monsieur [P] [N]

[Adresse 1]

[Localité 5]

Représenté par Me Jean-Marie HYEST de la SCP HYEST ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P 311

INTIMEE

S.A.S. FEC KELYOR venant aux droits de la SAS FIDUCIAIRE D'EXPERTISE ET DE CONSEIL KELYOR

[Adresse 6]

[Localité 3]

Représentée par Me Jean-Philippe TUENI de la SELARL TGS FRANCE AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : E 53

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 21 Novembre 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Séverine MOUSSY, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Madame Marie-José BOU, Présidente de chambre et de la formation

Madame Marie-Christine HERVIER, Présidente de chambre

Madame Séverine MOUSSY, Conseillère

Greffier, lors des débats : Madame Joanna FABBY

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, prorogée à ce jour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Marie-José BOU, Présidente de chambre, et par Madame Joanna FABBY, Greffière à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Le « cabinet comptable Bernard Didolla » a embauché M. [P] [N] pour une durée indéterminée à compter du 2 juillet 1979 sans contrat de travail écrit.

En août 2015, la clientèle du cabinet a été cédée à la société Fiduciaire d'Expertise et de Conseil Kelyor (ci-après la société).

Dans le cadre de cette cession de clientèle, la société a repris le contrat de travail de M. [N] qui occupait les fonctions d'assistant principal moyennant une rémunération brute mensuelle de 3 197 euros.

Un contrat de travail a été régularisé par écrit le 1er novembre 2016 entre la société et M. [N] aux termes duquel il était rappelé que le salarié avait été embauché à durée indéterminée par la « société Didolla Stexco » le 2 juillet 1979 en qualité d'assistant principal, niveau 4, coefficient 280, catégorie non cadre. La rémunération brute mensuelle du salarié a été fixée à 3 300 euros pour 41,5 heures de travail effectif hebdomadaire, cette rémunération intégrant la majoration des heures supplémentaires.

Une clause de non concurrence est stipulée à l'article 10 de ce contrat.

La relation contractuelle est soumise à la convention collective nationale d'experts comptables et commissaires aux comptes en date du 9 décembre 1974.

Le 4 décembre 2017, les parties ont signé une rupture conventionnelle dont l'homologation par la « DIRECCTE » a été réputée acquise le 11 janvier 2018 de sorte que le contrat de travail a été rompu le 12 janvier 2018.

Par lettre datée du 17 avril 2018, la société a levé la clause de non-concurrence et, corollairement, suspendu le versement de l'indemnité de non-concurrence après avoir rappelé à M. [N] que la clause de non-concurrence s'était appliquée depuis le 12 janvier 2018 en contrepartie du versement de cette indemnité.

Par lettre datée du 10 juillet 2018, la société a reproché à M. [N] d'avoir violé la clause de non-concurrence en travaillant avec certains de ses clients et a sollicité une indemnisation pour le préjudice économique subi.

M. [N] a saisi le conseil de prud'hommes de Bobigny le 18 décembre 2018.

Par jugement du 28 octobre 2021 auquel il est renvoyé pour l'exposé des prétentions initiales et de la procédure antérieure, le conseil de prud'hommes de Bobigny a :

- condamné la société à payer à M. [N] les sommes suivantes :

* 18 784 euros au titre du solde de l'indemnité de rupture conventionnelle ;

* 25 757,96 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de la clause de non-concurrence ;

* 1 200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- rappelé que les créances salariales porteraient intérêts de droit à compter de la date de réception par la partie défenderesse de la convocation devant le bureau de conciliation, soit le 6 avril 2019, et les créances à caractère indemnitaire porteraient intérêts au taux légal à compter du jour du prononcé du présent jugement ;

- débouté M. [N] du surplus de ses demandes ;

- débouté la société de ses demandes reconventionnelles et de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la société aux dépens.

Par déclaration du 30 novembre 2021, M. [N] a régulièrement interjeté appel du jugement notifié le 2 novembre 2021.

Aux termes de ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 8 février 2022 auxquelles la cour renvoie pour plus ample exposé des prétentions et moyens en application de l'article 455 du code de procédure civile, M. [N] demande à la cour de :

- le recevoir en son appel et l'en dire bien fondé ;

- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société à lui payer la somme de 25 757,96 euros au titre du reliquat de l'indemnité forfaitaire de la clause de non-concurrence prévue dans le contrat de travail, avec intérêts de droit à compter du jugement intervenu, et en ce qu'il a débouté la société de ses demandes reconventionnelles ;

- infirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société à lui payer la somme de 18 754,00 euros nets au titre du reliquat de l'indemnité de rupture conventionnelle du contrat de travail et l'a débouté du surplus de ses demandes ;

- infirmer le jugement en ce qu'il l'a débouté de sa demande de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi ;

statuant à nouveau,

- constater que la société s'est engagée à lui payer la somme de 49 110,62 euros nets (50 625,48 euros bruts) au titre de la rupture conventionnelle de son contrat de travail ;

- constater que la société lui a payé la somme de 22 591 euros nets au titre de la rupture conventionnelle de son contrat de travail ;

- condamner la société à lui payer la somme de 26 519,62 euros nets au titre du reliquat de la rupture conventionnelle du contrat de travail ;

- condamner la société à lui payer la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts par application des dispositions de l'article 1240 du code civil ;

- condamner la société à la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Aux termes de ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 8 mai 2022 auxquelles la cour renvoie pour plus ample exposé des prétentions et moyens en application de l'article 455 du code de procédure civile, la société FEC Kelyor venant aux droits de la société Fiduciaire d'Expertise et de Conseil Kelyor demande à la cour de :

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. [N] de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive ;

- infirmer le jugement en ce qu'il l'a condamnée à verser à M. [N] le solde de l'indemnité spécifique de rupture conventionnelle et la contrepartie financière de la clause de non-concurrence ;

et statuant de nouveau,

- juger que M. [N] a enfreint la clause de non-concurrence qu'il avait acceptée à l'occasion du contrat de travail signé le 1er novembre 2016 et dont le strict respect conditionnait le consentement de l'employeur à la rupture conventionnelle qu'il avait sollicitée ;

- débouter, par conséquent, M. [N] de sa demande de condamnation au versement de la contrepartie financière de la clause de non-concurrence ;

- dire et juger que, par application de la clause de non-concurrence, il convient de condamner M. [N] :

* à lui rembourser la somme de 3 346,25 euros déjà versée en contrepartie de la clause de non-concurrence ;

* à lui payer la somme de 97 706 euros au titre de l'indemnité forfaitaire conventionnellement stipulée à la clause de non-concurrence ;

- constater qu'elle s'est d'ores et déjà acquittée de la somme de 45 126 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de rupture conventionnelle ;

- condamner M. [N] au paiement de la somme de 3 500 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 8 novembre 2023.

MOTIVATION

Sur la rupture du contrat de travail

* sur le reliquat d'indemnité forfaitaire prévue par la clause de non-concurrence

Au soutien de sa demande en paiement du reliquat d'indemnité forfaitaire, M. [N] fait valoir que la société lui a imposé la clause de non-concurrence en 2016 lors de la régularisation du contrat de travail et que la société a renoncé tardivement à cette clause puisque cette renonciation est intervenue plus de trois semaines après la notification de la rupture du contrat de travail. M. [N] fait également valoir que la société allègue sans le démontrer qu'il aurait violé son obligation de non-concurrence. A cet égard, M. [N] relève que le rapport d'enquête privée dont se prévaut la société ne démontre aucun comportement déloyal de sa part et concerne, au premier chef, une filature de Mme [U] [B]. M. [N] fait encore valoir que l'entreprise BTM avait dénoncé sa relation contractuelle avec la société bien avant la demande de rupture conventionnelle de son contrat de travail et que ses liens avec M. [X] [R] - qui dirige cette entreprise - sont anciens et personnels puisque tous deux oeuvrent dans une association Drancitalie ; que la comptabilité des deux autres entreprises mentionnées par l'employeur (les entreprises Indecize et Family Home Immobilier) n'était pas tenue par lui.

Ce à quoi la société réplique M. [N] n'a pas respecté la clause de non-concurrence, notamment l'interdiction de contacter sous quelque forme que ce soit les clients, en dépit de ses rappels réitérés.

Aux termes de l'article 8.5.1 de la convention collective, « le contrat de travail peut comporter une clause de non-concurrence. Celle-ci doit être limitée à une durée maximale de 3 ans, au champ d'intervention du cabinet et à l'activité professionnelle de l'employeur, sous quelque statut que ce soit, étant entendu que l'interdiction peut viser des professions et activités autres que celles d'expert-comptable et commissaire aux comptes lorsque l'activité qui y est exercée est susceptible de concurrencer le cabinet.

Pour être valable, la clause de non-concurrence doit être assortie d'une contrepartie pécuniaire sous réserve de la signature d'un avenant pour les contrats de travail en cours. Le contrat de travail définit les modalités de versement de l'indemnité, dont le montant ne peut être inférieur à 25 % de la rémunération mensuelle perçue en moyenne au cours des 24 derniers mois. La contrepartie pécuniaire est versée pendant la durée d'application de la clause, en principe au mois le mois, sauf disposition contractuelle contraire.

Le contrat de travail peut prévoir que l'employeur peut renoncer au bénéfice de la clause de non-concurrence ou en réduire la durée, en informant par lettre recommandée avec accusé de réception, lettre remise en main propre ou tout autre moyen de preuve, le salarié dans les 3 semaines suivant la notification de la rupture du contrat de travail ou, en cas d'absence de préavis, dans les 2 semaines suivant la rupture du contrat de travail. ('). »

L'article 10 du contrat de travail signé le 1er novembre 2016 stipule :

« Conformément aux dispositions prévues par la convention collective applicable et compte tenu de la nature confidentielle des fonctions exercées, de la formation et des connaissances dont le Salarié a pu bénéficier au sein de la société, et du contact permanent et régulier qu'il entretient au quotidien avec les clients de la Société, Mr [N] [P] s'engage, postérieurement à la rupture du présent contrat de travail, et quelle qu'en soit la cause, à ne pas exercer directement ou indirectement ou par personnes interposées, de fonctions similaires ou concurrentes de celles exercées au sein de la Société.

Ainsi Mr [N] [P] s'interdit notamment :

- d'entrer en contact directement ou indirectement sous quelque forme que ce soit avec les clients de la Société et, de manière corollaire, de démarcher lesdits clients ou répondre à leurs sollicitations,

- d'exploiter directement ou indirectement la clientèle de la Société, à titre personnel ou par l'intermédiaire de toute société, association ou entité juridique quelconque dont le Salarié serait l'associé, le membre, le salarié ou le collaborateur ou pour le compte de laquelle il interviendrait ou serait rémunéré, directement ou indirectement de quelque manière, à quel titre et sous quelque statut que ce soit.

L'obligation de non-concurrence est justifiée par la nécessité de protéger les intérêts de la Société et, notamment, les méthodologies spécifiques qu'elle a développées et mises en place et qui lui confère une expertise unique sur certains secteurs d'activité (notamment le secteur boulangerie-pâtisserie, les métiers de bouche et de l'hôtellerie).

Cet engagement est limité à la clientèle de la société FEC KELYOR, sur la France entière.

Est considéré comme client de la société FEC KELYOR, toute personne physique ou morale qui a fait appel aux services du Cabinet et a fait l'objet d'une facturation au cours des trois années précédent la rupture du contrat de travail.

Compte tenu de l'activité de la société, cette interdiction de concurrence est applicable pendant une durée de TROIS ANNEES qui commenceront à courir à compter du départ effectif du Salarié.

En contrepartie de l'obligation de non concurrence et pendant toute la durée de l'interdiction, Monsieur [P] [N] percevra une indemnité spéciale forfaitaire versée mensuellement, correspondant en cas de licenciement à 25% de la rémunération mensuelle perçue en moyenne au cours des 24 derniers mois, ou en cas de démission, à 10% de ladite rémunération.

En cas de violation de la présente clause, quelle qu'en soit la gravité, la Société sera libérée du versement de cette indemnité et Mr [N] [P] sera redevable du remboursement des sommes qu'il aurait perçues à ce titre.

Par ailleurs il sera également redevable d'une somme fixée dès à présent et forfaitairement évaluée à 2 années d'honoraires des clients détournés.

Le paiement de ces indemnités ne porte pas atteinte aux droits, que la Société se réserve expressément, de poursuivre Mr [N] [P] en remboursement du préjudice effectivement subi et faire ordonner sous astreinte la cessation de l'activité concurrentielle.

La Société se réserve toutefois la faculté de réduire la durée d'application de la présente clause ou de renoncer à son application et ainsi de libérer Mr [N] de l'interdiction de concurrence sans qu'elle ne puisse prétendre au paiement d'une quelconque indemnité.

Conformément aux dispositions de la convention collective applicable, la renonciation ou la réduction sera formulée par l'Employeur par une lettre recommandée avec accusé de réception ou par lettre remise en mains propres ou tout autre moyen de preuve, dans un délai de TROIS SEMAINES suivant la notification de la rupture du contrat de travail ou en cas d'absence de préavis, dans les DEUX SEMAINES suivant la rupture du contrat de travail. »

En l'espèce, il résulte des pièces versées aux débats que :

- la convention de rupture conventionnelle a été réputée homologuée le 11 janvier 2018 et que le contrat de travail a été rompu le 12 janvier suivant ;

- la société avait, au plus tard jusqu'au 1er février 2018, la faculté de notifier la levée de l'obligation de non-concurrence pesant sur le salarié ;

- la société ne rapporte pas la preuve d'avoir notifié cette levée à M. [N] avant sa lettre datée du 17 avril 2018.

Dès lors, compte tenu de la renonciation tardive à la clause et sauf à rapporter la preuve de la violation par M. [N] de son obligation de non-concurrence, la société est tenue de payer au salarié l'indemnité spéciale forfaitaire définie aux articles précités.

La contrepartie financière prévue par la convention collective et le contrat de travail en cas de licenciement est applicable à la rupture conventionnelle du contrat de travail soit une indemnité forfaitaire égale à 25% de la rémunération mensuelle perçue en moyenne au cours des 24 derniers mois.

A l'appui de son allégation de violation de la clause de non concurrence par le salarié, la société invoque le fait que M. [N] a travaillé avec certains des clients du cabinet et cite « Family Home Immobilier », « Entreprise BTM » et « Indecize » et produit le rapport établi le 15 mars 2018 par un enquêteur privé à en-tête du « groupe ABAC » et signé « [S] [C] [G] ».

La lecture de ce rapport révèle que la mission confiée par la société à l'enquêteur privé portait sur l'établissement de l'emploi du temps de Mme [U] [B], ancienne salariée de la société, en raison d'une suspicion de captation de clientèle ' la société souhaitant vérifier si Mme [B] se rendait chez des clients de son ancien employeur, dans le cadre de son activité professionnelle ou de sa retraite.

Outre que la mission ne concerne pas l'emploi du temps de M. [N], ce rapport n'évoque M. [N] qu'à l'occasion de la surveillance mise en place le mercredi 7 mars 2018 :

- lorsqu'à 11h49 un véhicule gris clair de marque Opel immatriculé [Immatriculation 2] revient à proximité du domicile des époux [B] ; que Mme [B] sort du véhicule côté passager et qu'un homme « paraissant entre 55 et 65 ans cheveux blancs, dégarni » sort du côté conducteur, avec un dossier jaune entre les mains et que tous deux entrent au domicile des époux [B] ;

- la société mandante ayant reconnu cet homme comme étant M. [N] ;

- à 12h03, l'homme identifié comme étant M. [N] ressort du domicile des époux [B] et remonte dans le véhicule Opel ;

- à 13h58, Mme [B] quitte son domicile et se rend avec son véhicule au [Adresse 4] à [Localité 7] correspondant à un pavillon sur la grille duquel il y a une pancarte « BTM » ;

- à 16h22 le véhicule Opel conduit par M. [N] stationne à cette adresse à côté du véhicule de Mme [B], celle-ci en sort côté passager et reprend son véhicule après avoir déposé quelque chose dans le coffre.

Ces éléments sont insuffisants à caractériser que M. [N] a violé son obligation de non-concurrence alors même que celui-ci produit une attestation du chef de l'entreprise BTM, M. [X] [R], du 7 novembre 2018 aux termes de laquelle M. [R] déclare qu'après avoir mis fin à la relation contractuelle qui liait son entreprise individuelle BTM au « cabinet KELYOR » le 30 septembre 2017, il avait confié la tenue de la comptabilité de son entreprise à un autre cabinet et que ni M. [N] ni Mme [B] ne s'étaient occupés de cette comptabilité depuis leur départ du « cabinet KELYOR » ; que M. [N] est un ami de longue date, qu'il le rencontre très régulièrement avec Mme [B] pour les besoins du fonctionnement de l'association Drancitalie qu'il préside, M. [N] en étant le trésorier depuis 17 ans ; que leurs entretiens hebdomadaires sont des entretiens privés sans lien avec l'entreprise BTM.

La société étant défaillante dans la preuve de la violation alléguée, elle sera condamnée à payer à M. [N] le reliquat de l'indemnité forfaitaire soit la somme de :

28 800 euros ' 3042,04 euros (somme totale versée entre janvier et avril 2018 inclus à M. [N] à titre d'indemnité de non-concurrence suivant les bulletins de paie produits) = 25 757,96 euros.

La société sera donc condamnée à payer à M. [N] cette somme et la décision des premiers juges sera confirmée à ce titre.

* sur le remboursement de la somme versée au titre de la clause de non-concurrence et sur le paiement de l'indemnité forfaitaire stipulée dans la clause de non-concurrence

Eu égard aux développements qui précèdent, la cour ayant jugé que la preuve de la violation alléguée de l'obligation de non-concurrence par M. [N] n'était pas rapportée, la société sera déboutée, corollairement, de ses demandes en remboursement des sommes déjà versées et en paiement de l'indemnité forfaitaire de 97 706 euros à titre de sanction.

La décision des premiers juges sera confirmée à ces titres.

* sur le reliquat d'indemnité de rupture conventionnelle du contrat de travail

M. [N], qui conteste le quantum alloué par le conseil de prud'hommes, soutient que les premiers juges ont fait une lecture erronée de la convention de rupture conventionnelle aux termes de laquelle les parties ont convenu de rompre le contrat de travail aux conditions suivantes :

* 7 501,48 euros bruts au titre des congés payés,

* 1 749 euros bruts au titre du salaire pour la période du 1er au 12 janvier 2018

* et 41 375 euros au titre de l'indemnité spécifique de rupture conventionnelle

soit une somme totale de 49 110,62 euros nets ou 50 625,48 euros bruts.

M. [N] fait valoir que c'est à tort que la société tente de se libérer du paiement de l'indemnité spécifique de rupture conventionnelle en alléguant une prétendue violation de la clause de non-concurrence. M. [N] fait également valoir que la société lui a imposé un règlement de cette indemnité spécifique en dix mensualités sur la période de janvier à octobre 2018 et qu'elle n'a pas respecté son engagement puisqu'elle ne s'est acquittée que des cinq premiers versements, de surcroît avec retard, de sorte que la société ne lui a réglé que la somme de 22 591 euros nets ou 27 337,64 euros bruts.

Ce à quoi la société réplique que M. [N] a sollicité une rupture conventionnelle de son contrat de travail, concomitamment avec Mme [U] [B] ; qu'elle a subordonné cette rupture au strict respect par le salarié de la clause de non-concurrence, condition déterminante de son consentement.

La société réplique également qu'en dépit de son acceptation, M. [N] a contrevenu délibérément à ses engagements, notamment celui de ne pas visiter les clients de son ancien employeur (au sens de la clause soit toute personne qui a fait appel aux services de la société et a fait l'objet d'une facturation au cours des trois années qui ont précédé la rupture du contrat de travail), comme le révèle le rapport d'enquête établi par l'enquêteur privé.

La société demande à la cour de prendre acte qu'elle a d'ores et déjà versé la somme de 45 126 euros et qu'elle s'en remet compte tenu de la demande qu'elle forme au titre de la violation de la clause de non-concurrence et de l'application de la sanction prévue contractuellement.

En l'espèce, contrairement à ce que soutient M. [N], seule la somme de 41 375 euros à titre d'indemnité spécifique de rupture conventionnelle est mentionnée sur le formulaire Cerfa.

Il ressort toutefois du bulletin de paie du mois de janvier 2018 et du solde de tout compte - signé par M. [N] le 12 janvier 2018 et non contesté dans le délai légal - que la société devait au salarié la somme de 49 110,62 euros nets dans laquelle se trouve incluse notamment l'indemnité spécifique de rupture conventionnelle de 41 375 euros ainsi que des congés payés pour la période du 1er au 12 janvier 2018 (534,38 euros bruts) et une indemnité compensatrice de congés payés (7 501,48 euros bruts).

Le jugement précise que la demande de M. [N] en première instance était de 26 519,62 euros nets au titre du « solde de l'indemnité de rupture conventionnelle du contrat de travail », ce qui explique le quantum alloué par les premiers juges soit 18 784 euros correspondant à la différence entre 41 375 euros et 22 591 euros.

En appel, M. [N] a présenté sa demande comme étant le reliquat de la somme de 49 110,62 euros nets correspondant non seulement à l'indemnité spécifique de rupture conventionnelle mais également à l'indemnité compensatrice de congés payés et à son salaire pour la période du 1er au 12 janvier 2018.

Toutefois, il ressort des conclusions du salarié devant le conseil de prud'hommes versées aux débats par la société qu'au-delà de l'utilisation d'une formulation restrictive, M. [N] avait bien exposé que la somme qu'il demandait à titre de reliquat était calculée non pas sur la seule base de l'indemnité spécifique de rupture conventionnelle de 41 375 euros mais bien sur celle de 49 110,62 euros.

Partant, la cour considère que la demande de M. [N] porte sur un reliquat calculé sur la base de la somme de 49 110,62 euros.

Or, la société ne justifie pas avoir d'ores et déjà payé la somme de 45 126 euros tandis que M. [N] reconnaît avoir perçu d'elle la somme de 22 591 euros sur la somme de 49 110,62 euros.

Par conséquent, M. [N] est fondé à réclamer le reliquat de 26 519,62 euros nets. La société sera donc condamnée à lui payer cette somme et la décision des premiers juges sera infirmée à ce titre.

Sur les autres demandes

* sur les dommages-intérêts réclamés par M. [N]

M. [N] soutient qu'il a subi un préjudice en raison des agissements de la société à savoir la violation de ses engagements contractuels et la résistance abusive. Il fait valoir que la société a abusivement suspendu le paiement des sommes dues en exécution de la rupture conventionnelle et que cette suspension l'a privé des sommes qui lui étaient dues alors même qu'il avait accepté un paiement échelonné sur dix mois et que, âgé de 60 ans, il n'a pas retrouvé d'emploi en qualité de comptable et ne dispose que de son indemnisation par Pôle emploi.

Ce à quoi la société réplique que M. [N] est celui qui a sollicité la rupture conventionnelle et qu'il ne démontre pas la résistance abusive alléguée alors qu'elle avait des raisons légitimes de cesser les versements.

Aux termes de l'article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

Suivant l'article 1231-1 du code civil, le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, s'il ne justifie pas que l'exécution a été empêchée par la force majeure.

En l'espèce, la société a non seulement cessé le paiement mensuel de la contrepartie de l'obligation de non concurrence mais a également cessé de procéder aux versements pour régler la somme mentionnée dans le solde de tout compte. Si ces agissements sont constitutifs d'une faute au sens de l'article 1231-1 du code civil, ils ne permettent pas néanmoins de caractériser, en outre et à eux seuls, une résistance abusive.

Du fait des agissements fautifs de la société, M. [N] a vu ses prévisions financières contrariées alors qu'il ne percevait de Pôle emploi qu'une indemnité bien inférieure à sa rémunération contractuelle. Il en est résulté une gêne et des soucis qui seront indemnisés à hauteur de 1 000 euros. La décision des premiers juges sera infirmée à ce titre.

* sur les intérêts

En application des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil, les intérêts au taux légal portant sur les condamnations de nature salariale sont dus à compter de l'acte valant mise en demeure et les intérêts portant sur les condamnations de nature indemnitaire sont dus à compter de la décision qui les prononce.

* sur les dépens et sur l'article 700 du code de procédure civile

La société sera condamnée aux dépens en appel, la décision des premiers juges étant confirmée sur les dépens.

La société sera également condamnée à payer à M. [N] la somme de 1 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, la décision des premiers juges étant confirmée sur les frais irrépétibles.

Enfin, la société sera déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,

Confirme le jugement sauf sur le quantum du reliquat de l'indemnité spécifique de rupture conventionnelle et sur les dommages-intérêts à raison des agissements de la société FEC Kelyor ;

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,

Condamne la société FEC Kelyor à payer à M. [P] [N] les sommes suivantes :

* 26 519,62 euros nets au titre du reliquat dû sur la somme de 49 110,62 euros ;

* 1 000 euros à titre de dommages-intérêts à raison des agissements de la société FEC Kelyor ;

Dit qu'en application des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil, les intérêts au taux légal portant sur les condamnations de nature salariale sont dus à compter de l'acte valant mise en demeure et les intérêts portant sur les condamnations de nature indemnitaire sont dus à compter de la décision qui les prononce ;

Condamne la société FEC Kelyor à payer à M. [P] [N] la somme de 1 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboute les parties du surplus de leurs demandes ;

Condamne la société FEC Kelyor aux dépens en appel.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 21/09807
Date de la décision : 04/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 13/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-04;21.09807 ?
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