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04/07/2024 | FRANCE | N°21/09556

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 10, 04 juillet 2024, 21/09556


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 4 - Chambre 10



ARRET DU 4 JUILLET 2024



(n° , 19 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/09556 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CDWR2



Décision déférée à la Cour : Jugement du 31 Mars 2021 - Tribunal judiciaire de CRETEIL RG n° 20/01908





APPELANTE



Madame [K], [S] [A]

née le [Date naissance 1] 1971 à [Localité 16]

[Adresse 4]
>[Localité 12]



Représentée par Me Sandra OHANA de l'AARPI OHANA ZERHAT CABINET D'AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : C1050

Assistée à l'audience de Me Claudine BERNFELD de l'ASSOCIATION BER...

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 10

ARRET DU 4 JUILLET 2024

(n° , 19 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/09556 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CDWR2

Décision déférée à la Cour : Jugement du 31 Mars 2021 - Tribunal judiciaire de CRETEIL RG n° 20/01908

APPELANTE

Madame [K], [S] [A]

née le [Date naissance 1] 1971 à [Localité 16]

[Adresse 4]

[Localité 12]

Représentée par Me Sandra OHANA de l'AARPI OHANA ZERHAT CABINET D'AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : C1050

Assistée à l'audience de Me Claudine BERNFELD de l'ASSOCIATION BERNFELD - OJALVO & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : R161

INTIMÉS

ONIAM - OFFICE NATIONAL D'INDEMNISATION DES ACCIDENTS MEDICAUX, pris en la personne de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège

[Adresse 14]

[Adresse 14]

[Adresse 14]

[Localité 13]

Représenté par Me Luca DE MARIA de la SELARL SELARL PELLERIN - DE MARIA - GUERRE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0018

Assisté de Me Sylvie WELSCH de la SCP UGGC AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : P0261, substituée à l'audience par Me Eloise BLANC de la SCP UGGC AVOCATS, avocat au barreau de PARIS

MUTUELLE GENERALE DE LA POLICE, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège

[Adresse 2]

[Localité 8]

Défaillante, régulièrement avisée le 24 août 2021 par procès-verbal de remise à l'étude

AGENT JUDICIAIRE DE L'ETAT, pris en la personne de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège

Direction des Affaires Juridiques des Ministères Économiques et Financiers,

[Adresse 7]

[Localité 9]

Défaillant, régulièrement avisé le 30 août 2021 par procès-verbal de remise à personne habilitée

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été plaidée le 23 Mai 2024, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Florence PAPIN, Présidente

Madame Valérie MORLET, Conseillère

Madame Anne ZYSMAN, Conseillère

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Madame Valérie MORLET dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Mme Catherine SILVAN

ARRÊT :

- défaut

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Florence PAPIN, Présidente et par Ekaterina RAZMAKHNINA, Greffier, présent lors de la mise à disposition.

***

Faits et procédure

Madame [K] [A], née le [Date naissance 10] 1971, brigadier-chef de la police nationale, a le 10 janvier 2012 consulté le professeur [V] [X] qui a diagnostiqué un goitre multinodulaire bilatéral avec un nodule lobaire droit hypervascularisé à contours flous et a proposé une intervention chirurgicale.

Elle a été opérée le 22 mars 2012 à l'hôpital [15] par le professeur [X], qui a réalisé une thyroïdectomie totale. Suite à cette intervention, une paralysie laryngée avec dysphonie et dyspnée est survenue, nécessitant des séances de rééducation orthophonique.

Elle a été à nouveau opérée le 31 mars 2014 au Centre Universitaire Hospitalier (CHU) de [Localité 17] par le professeur [U] [C], qui a réalisé une ré-innervation des muscles du larynx.

*

Madame [A] a par courrier du 2 octobre 2013 saisi la Commission régionale de Conciliation et d'Indemnisation des accidents médicaux (CCI) d'Ile-de-France d'une demande d'indemnisation. La commission a par décision du 5 mars 2014 désigné le professeur [E] [Y], chirurgien thoracique, et le docteur [W] [Z], oto-rhino-laryngologue (ORL), en qualité d'experts.

Les experts ont déposé leur rapport le 26 août 2014, concluant à la survenue d'une paralysie laryngée bilatérale par atteinte des nerfs laryngés au décours de la thyroïdectomie réalisée le 22 mars 2012 mais excluant tout défaut de prise en charge, estimant qu'il s'agit d'un accident médical non fautif.

Au vu de ce rapport et par avis du 28 octobre 2014, la CCI a estimé que la réparation des préjudices incombait à l'ONIAM, que l'état de Madame [A] n'était pas consolidé et qu'il serait procédé à une nouvelle expertise. Il a énuméré les préjudices indemnisables par provision, invitant l'ONIAM à adresser une offre d'indemnisation à l'intéressée.

L'ONIAM a sur cette base proposé à Madame [A] une indemnité provisionnelle de 4.620 + 7.600 = 12.220 euros au titre de son déficit fonctionnel temporaire et des souffrances endurées. Madame [A] a accepté cette offre et a sur cette base le 20 août 2015 conclu un protocole d'indemnisation transactionnelle provisionnelle avec l'organisme.

Madame [A] a ensuite par courrier du 15 mai 2017 saisi la CCI aux fins d'indemnisation définitive de ses préjudices par l'ONIAM. Par décision du 25 juillet 2017, la CCI a à nouveau désigné le docteur [Z] en qualité d'Expert.

L'expert a déposé son rapport le 9 décembre 2017.

Au vu de ce rapport et par avis du 25 janvier 2018, la CCI a estimé que l'état de santé de Madame [A] était consolidé et a énuméré les préjudices dont l'indemnisation incombait à l'ONIAM, indiquant qu'il appartenait à l'organisme d'adresser une offre à l'intéressée de ces chefs.

L'ONIAM a sur la base de cet avis présenté le 5 avril 2018 une proposition d'indemnisation transactionnelle partielle à hauteur de 2.856 + 3.200 + 5.000 + 5.200 + 2.000 = 18.256 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire, des souffrances endurées, du préjudice d'agrément, du préjudice esthétique permanent et du préjudice sexuel.

Madame [A] a refusé cette proposition et adressé le 4 juin 2018 à l'ONIAM une demande d'indemnisation, ensuite de laquelle l'organisme lui a le 29 avril 2019 adressé une nouvelle proposition d'indemnisation transactionnelle, ajoutant à la proposition précitée de 18.256 euros les sommes de 65.025,37 au titre des frais divers, de 277.555,99 euros au titre de l'assistance d'une tierce personne, de 20.578,05 euros au titre des pertes de gains professionnels futurs et de 31.4448 euros au titre du déficit fonctionnel permanent, soit une somme totale de 412.863,41 euros.

*

Estimant son offre insuffisante, Madame [A] a par acte du 2 mars 2020 assigné l'ONIAM, l'agent judiciaire de l'Etat (AJE) et la mutuelle générale de la Police (MGP) devant le tribunal judiciaire de Créteil aux fins d'indemnisation de ses préjudices.

Le juge de la mise en état a par ordonnance du 26 novembre 2020 alloué à Madame [A] une provision de 146.659,89 euros.

Le tribunal, par jugement du 31 mars 2021, a :

- condamné l'ONIAM à payer à Madame [A], en réparation de son préjudice corporel, en deniers ou quittances, provisions non déduites, avec intérêts au taux légal à compter de la décision, les sommes de :

. 441,15 euros au titre des frais divers,

. 76.953,70 euros au titre du besoin en assistance par tierce personne temporaire,

. 243.885,80 euros au titre de la perte de gains professionnels futurs,

. 25.000 euros au titre de l'incidence professionnelle,

. 12.322,50 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire,

. 320.177,56 euros au titre de l'assistance par tierce personne permanente,

. 15.000 euros au titre des souffrances endurées,

. 2.500 euros au titre du préjudice esthétique temporaire,

. 42.400 euros au titre du déficit fonctionnel permanent,

. 6.500 euros au titre du préjudice esthétique permanent,

. 7.500 euros au titre du préjudice d'agrément,

. 2.000 euros au titre du préjudice sexuel,

- rejeté le surplus des demandes de Madame [A] en indemnisation de son préjudice corporel,

- dit que les intérêts échus des capitaux produiront intérêts dans les conditions fixées par l'article 1343-2 du code civil,

- déclaré le jugement commun à la mutuelle générale de la Police et à l'agent judiciaire de l'Etat,

- condamné l'ONIAM aux dépens,

- condamné l'ONIAM à payer à Madame [A] une indemnité de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- constaté l'exécution provisoire de plein droit de la décision,

- rejeté toutes prétentions plus amples ou contraires des parties.

Madame [A] a par acte du 21 mai 2021 interjeté appel de ce jugement, intimant l'ONIAM, la mutuelle générale de la Police et l'agent judiciaire de l'Etat devant la Cour.

*

Madame [A], dans ses dernières conclusions n°4 signifiées le 6 mai 2024, demande à la Cour de :

- la déclarer tant recevable que bien fondée en son appel,

- confirmer le jugement en ce qu'il a :

. mis à la charge de l'ONIAM l'indemnisation de ses préjudices en lien avec l'accident médical non fautif survenu le 22 mars 2012,

. indemnisé ses frais de transports par la somme de 441,15 euros,

. fixé ses besoins en tierce personne à 3 heures par jour j à compter du 26 mars 2012 et jusqu'aux 14 ans de sa fille cadette, puis à 6 heures par semaine en viager,

. considéré qu'il ne pouvait être exigé de sa part de rapporter la preuve qu'elle ne perçoit aucune prestation susceptible de venir en déduction de son indemnisation au titre des besoins en tierce personne,

. mis les dépens à la charge de l'ONIAM,

- pour le reste, infirmer le jugement et statuant à nouveau,

A titre principal,

- évaluer ses préjudices de la manière suivante :

. 1.688.081,85 euros au titre de ses préjudices patrimoniaux, sauf à parfaire se décomposant comme suit, sauf à parfaire :

. 0 euro au titre des dépenses de santé actuelles,

. 441,15 euros au titre des frais divers,

. 113.625 au titre de la tierce personne temporaire,

10.001,55 euros au titre des pertes de gains avant « conso »,

. sursis à statuer au titre des dépenses de santé futures,

. 602.536,85 euros au titre de la tierce personne permanente,

. 861.477,30 euros au titre des pertes de gains professionnels futurs,

. 100.000 euros au titre de l'incidence professionnelle

. 212.489,97 euros au titre de ses préjudices extra-patrimoniaux se décomposant comme suit :

. 16.909,97 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire,

. 30.000 euros en réparation des souffrances endurées,

. 15.000 euros en réparation du préjudice esthétique temporaire,

. 90.580 euros au titre du déficit fonctionnel permanent,

. 15.000 euros en réparation du préjudice esthétique permanent,

. 30.000 euros en réparation du préjudice d'agrément,

. 15.000 euros en réparation du préjudice sexuel,

A titre subsidiaire, concernant l'indemnisation des besoins en tierce personne permanente, si la Cour retenait un coût horaire inférieur au tarif prestataire sollicité,

- fixer le montant annuel de l'indemnisation de ce poste de préjudice sur la base de 412 jours par an afin de tenir compte des congés payés et des jours fériés,

En tout état de cause,

- condamner l'ONIAM à lui verser l'ensemble de ces sommes,

- débouter l'ONIAM de ses demandes visant à verser certaines indemnisations sous forme de rente,

- condamner l'ONIAM à lui verser la somme de 43.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile devant le tribunal et y ajouter 8.000 euros devant la Cour,

- condamner l'ONIAM aux entiers dépens et le débouter de sa demande visant à la voir condamner aux dépens,

- condamner l'ONIAM au paiement des intérêts de droit avec anatocisme,

- déclarer la décision à intervenir commune à l'agent judiciaire de l'Etat et à la mutuelle générale de la Police.

L'ONIAM, dans ses dernières conclusions n°2 signifiées le 14 mai 2024, demande à la Cour de :

- dire qu'il s'en rapporte à la sagesse de la Cour en ce qui concerne le droit à indemnisation au titre de la solidarité nationale,

En ce qui concerne l'appel de Madame [A],

- déclarer Madame [A] mal fondée en son appel et la débouter de l'ensemble de ses demandes,

- confirmer le jugement en son évaluation des frais de transport et du préjudice sexuel et en ce qu'il a rejeté les demandes de Madame [A] au titre des pertes de gains professionnels actuels,

- déclarer qu'une indemnisation par l'ONIAM s'entend sous déduction des prestations des organismes sociaux, notamment la CPAM, la mutuelle générale de la Police, la CAF, Pôle emploi et la MDPH,

En ce qui concerne son appel incident,

- déclarer recevable et bien fondé son appel incident à l'encontre du jugement en ce qu'il :

. l'a condamné à payer à Madame [A] les sommes suivantes en réparation de son préjudice corporel, en derniers ou quittances, provisions non déduites, avec intérêts au taux légal à compter de ce jour :

. 76.953,70 euros au titre du besoin en assistance par tierce personne temporaire,

. 243.885,80 euros au titre de la perte de gains professionnels futurs,

. 25.000 euros au titre de l'incidence professionnelle,

. 12.322,50 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire,

. 320.177,56 euros au titre de l'assistance par tierce personne permanente,

. 15.000 euros au titre des souffrances endurées,

. 2.500 euros au titre du préjudice esthétique temporaire,

. 42.400 euros au titre du déficit fonctionnel permanent,

. 6.500 euros au titre du préjudice esthétique permanent,

. 7.500 euros au titre du préjudice d'agrément,

. l'a condamné à payer à Madame [A] une indemnité de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Et statuant à nouveau,

- infirmer le jugement en son évaluation des postes de préjudices suivants et, statuant à nouveau réduire le montant alloué au titre :

. de l'assistance par tierce personne temporaire à la somme de 65.025,37 euros,

. des pertes de gains professionnels futurs du 19 mai 2016 au 31 décembre 2023 à la somme de 64.175,74 euros, à compter du 1 er janvier 2024, prévoir le versement d'une rente annuelle versée semestriellement sous déduction des revenus dont il sera justifié au fur et à mesure par la production d'un avis d'imposition, de l'ensemble des bulletins de salaires et des justificatifs des prestations servies par les tiers payeurs,

. de l'assistance par tierce personne permanente :

. du 19 mai 2016 au 30 juin 2024 à la somme de 130.525 euros,

. du 1er juillet 2024 au 25 février 2027, le besoin d'assistance par tierce personne de trois heures par jour sera évalué sur la base d'un taux horaire de 13 euros sur 412 jours pour tenir compte des congés payés et jours fériés et il sera mise en place une rente annuelle versée semestriellement sous déduction des aides reçues dont il sera justifié au fur et à mesure,

. à compter du 26 février 2027, le besoin d'assistance par tierce personne de six heures par semaine sera évalué sur la base d'un taux horaire de 13 euros sur 412 jours pour tenir compte des congés payés et jours fériés et il sera mise en place une rente annuelle versée semestriellement sous déduction des aides reçues dont il sera justifié au fur et à mesure,

. du déficit fonctionnel temporaire à la somme de 2.452 euros,

. des souffrances endurées à la somme de 3.200 euros,

. du déficit fonctionnel permanent à la somme de 31.448 euros,

. du préjudice esthétique permanent à la somme de 5.200 euros,

. du préjudice d'agrément à la somme de 5.000 euros,

- infirmer le jugement en ce qu'il a indemnisé Madame [A] au titre de l'incidence professionnelle, du préjudice esthétique temporaire, de l'article 700 du code de procédure civile et, statuant à nouveau rejeter les demandes au titre :

. de l'incidence professionnelle,

. du préjudice esthétique temporaire,

. de l'article 700 du code de procédure civile,

En tout état de cause,

- déduire de l'indemnisation allouée la somme de 146.659,89 euros réglées en exécution de l'ordonnance du 26 novembre 2020,

- débouter Madame [A] de toute autre demande et notamment de sa demande de condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner Madame [A] aux dépens.

L'ONIAM ne reprend pas, au dispositif de ses conclusions, ses propositions chiffrées concernant l'indemnisation des préjudices de Madame [A].

L'agent judiciaire de l'Etat (AJE) s'est vu délivrer la déclaration d'appel et des conclusions de Madame [A] par acte du 30 août 2021, remis à personne habilitée à le recevoir. La mutuelle générale de la Police (MGP) s'est vu délivrer ces mêmes éléments par acte du 24 août 2021, remis à l'étude du commissaire de justice. Ils n'ont pas constitué avocat devant la Cour. L'arrêt sera en conséquence rendu par défaut, conformément aux dispositions de l'article 474 du code de procédure civile.

*

La clôture de la mise en état du dossier a été ordonnée le 15 mai 2024, l'affaire plaidée le 23 mai 2024 et mise en délibéré au 4 juillet 2024.

Motifs

La prise en charge par la solidarité nationale des conséquences dommageables de l'accident médical dont a été victime Madame [A] n'est remise en cause d'aucune part et le litige ne porte donc que sur le montant de l'indemnisation des préjudices de celle-ci, due par l'ONIAM.

La Cour ne saurait fonder son évaluation des préjudices de Madame [A] sur le référentiel de l'ONIAM, document propre à l'organisme et établi de manière non contradictoire qui ne lie ni l'intéressée ni les juridictions.

Sur l'indemnisation des préjudices de Madame [A]

L'expert désigné par la CCI a dans son rapport du 9 décembre 2017 fixé au 19 mai 2016 la date de la consolidation de l'état de santé de Madame [A], date reprise par la commission dans son avis du 25 janvier 2018 et qui n'est contestée d'aucune part. Elle a été retenue par le tribunal et le sera par la Cour.

1. sur les préjudices patrimoniaux temporaires, avant consolidation du 19 mai 2016

(1) sur les dépenses de santé

Le tribunal a constaté que Madame [A] ne présentait aucune demande de remboursement de dépenses de santé, prises en charge par les tiers payeurs. Il n'est pas fait appel de ce point et l'agent judiciaire de l'Etat et la mutuelle générale de la Police ne présentent aucune demande de ce chef devant la Cour.

(2) sur les frais divers

Le tribunal a accueilli la demande de Madame [A] du chef de frais divers exposés (frais de transports médicaux) et lui a accordé la somme de 441,15 euros. Aucune des parties ne conteste ce point, qui sera confirmé.

(3) sur l'assistance d'une tierce personne temporaire

Le tribunal, sur la base de besoins d'aide de Madame [A] de trois heures par jour et d'un tarif horaire de 15 euros, lui a accordé la somme de 76.953,70 euros au titre de l'aide d'une tierce personne avant consolidation de son état de santé.

Madame [A], sur la base de trois heures par jour, incluant les jours d'hospitalisation, et d'un tarif horaire de 25 euros, réclame la somme de 113.625 euros à ce titre.

L'ONIAM, sur la base de trois heures par jour hors les périodes d'hospitalisation de Madame [A] et d'un tarif horaire de 13 euros, propose la somme de 65.025,37 euros de ce chef.

Sur ce,

Au regard du rapport du 9 décembre 2017 de l'expert par elle désigné et des observations du conseil de Madame [A] du 11 janvier 2018, la CCI a dans son avis du 25 janvier 2018 fixé les besoins d'assistance par une tierce personne de l'intéressée, mère de quatre jeunes enfants et qui présente des troubles respiratoires persistants (essoufflement au moindre effort), à raison de trois heures par jour de sa sortie de l'hôpital [15] jusqu'au 18 mai 2016. Ce point est admis de toutes parts.

La période courant de la sortie de l'hôpital de Madame [A] après sa première opération réalisée par le docteur [X], le 26 mars 2012, jusqu'au 18 mars 2016, date de la consolidation, compte 1.515 jours. Durant cette période, l'intéressée a été hospitalisée du 31 mars au 6 avril 2014, cinq jours. Il n'y a cependant pas lieu de déduire cette période de la période d'indemnisation, alors qu'elle est mère de quatre enfants, [F], né le [Date naissance 6] 2001, [L], né le [Date naissance 11] 2005, [T], né le [Date naissance 3] 2011, et [J], née le [Date naissance 5] 2013, tous alors encore jeunes et présentant des besoins que leur mère ne pouvait alors leur prodiguer.

L'indemnisation doit être réalisée sur la base d'une année de 412 jours afin de tenir compte des jours fériés et congés payés.

Le tarif horaire proposé par l'ONIAM de 13 euros et le tarif retenu par le tribunal de 15 euros ne sont pas suffisants pour couvrir les besoins d'aide de Madame [A] et la Cour retient un tarif de 18 euros, adéquat pour cette première période.

Les besoins de Madame [A] au titre de l'aide d'une tierce personne avant la consolidation de son état de santé s'élèvent donc à la somme de :

(1.515 X 3 X 18 X 412) ÷ 365 = 92.344,43 euros.

(4) sur les pertes de gains professionnels actuels

Le tribunal a estimé que Madame [A] échouait à démontrer une perte de revenus temporaires et l'a donc déboutée de sa demande d'indemnisation de ce chef.

Madame [A] indique n'avoir subi aucune perte de gains professionnels jusqu'en 2014, alors que ses traitements et augmentations ont été maintenus, mais fait état de pertes de gains professionnels ensuite, jusqu'au 31 décembre 2016, à hauteur de 10.001,55 euros.

L'ONIAM estime que Madame [A] ne justifie d'aucune perte de revenus entre sa sortie de l'hôpital et la consolidation de son état de santé et conclut à la confirmation du jugement sur ce point.

Sur ce,

La perte de revenus indemnisable correspond au coût économique de l'accident médical dont a été victime Madame [A] et doit être évaluée au regard des revenus antérieurs à l'accident du mois de mars 2012 et de leur évolution ensuite, en lien avec les conséquences de celui-ci. L'intéressée ne peut donc évaluer ses pertes de revenus sur la base d'un salaire de référence bien postérieur à l'accident, de 2013.

Au titre des années 2009 à 2011, avant l'accident, Madame [A] a perçu des revenus annuels imposables moyens de (32.916 + 35.230 + 35.243) ÷ 3 = 34.464 euros, constituant son revenu de référence.

Au titre des années qui ont suivi l'accident et jusqu'au mois d'avril inclus 2016, précédant la consolidation de son état de santé au mois de mai 2016 (soit sur 4,4 années), elle a perçu des revenus annuels imposables moyens de [(36.157 + 34.434 + 27.366 + 16.101) + (16.281 ÷ 12 X 5)] ÷ 4,4 = 27.464,03 euros. Elle a également perçu, à compter du mois de juillet 2014 et jusqu'au mois de mai 2016, un complément de traitement et des indemnités pour « pertes de primes » servies par la mutuelle générale de la Police, à hauteur de la somme annuelle moyenne de 35.295,98 ÷ 4,4 = 8.021,81 euros, portant ses revenus annuels moyens totaux sur cette période à la somme de 35.485,84 euros.

Madame [A] ne n'a donc pas subi de pertes de revenus du fait de l'accident médical dont elle a été victime le 22 mars 2012 et les premiers juges ont à juste titre rejeté sa demande d'indemnisation de ce chef.

2. sur les préjudices patrimoniaux permanents, après consolidation

(1) sur les dépenses de santé futures

Le tribunal n'a pas réservé ce poste, estimant qu'il revenait à Madame [A] de saisir à nouveau la juridiction en cas d'aggravation de son préjudice. Aucune demande n'est formulée à ce titre en cause d'appel. Il en est pris acte.

(2) sur l'aide d'une tierce personne définitive

Le tribunal, sur la base de besoins d'une assistance non spécialisée à raison de trois heures par jour jusqu'à ce que la fille cadette de Madame [A] atteignent l'âge de 14 ans (2027), d'un tarif horaire de 15 euros et d'une année de 412 jours, a accordé à Madame [A] une somme de 90.312,66 euros au titre des arrérages échus entre le 19 mai 2016 et le 31 mars 2021, outre un capital de 82.509,06 euros, puis, à compter du 25 février 2017 [sic : 2027], un capital de 147.355,84 euros, soit la somme totale de 320.177,56 euros.

Madame [A], sur la base de besoins d'aide trois heures par jour jusqu'aux 14 ans de sa fille cadette, puis de six heures par semaine ensuite, de tarifs horaires de 25 euros en semaine et 31,25 euros les dimanches et jours fériés, réclame les sommes de 228.306,26 euros au titre des arrérages échus au 19 mai 2024, de 86.839,59 euros au titre des arrérages à échoir jusqu'au 25 février 2027 et de 287.391 euros au titre des arrérages dus ensuite, soit la somme totale de 602.536,85 euros.

L'ONIAM rappelle que les aides perçues doivent être déduites de la demande d'indemnisation formulée au titre de l'assistance d'une tierce personne, ajoutant que si Madame [A] n'a sollicité aucune aide à ce jour, rien n'établit qu'elle ne présentera pas une telle demande plus tard. Sur la base de besoins d'aide de trois heures par jour jusqu'en 2027 et d'un tarif horaire de 13 euros, il propose l'allocation de la somme de 130.525 euros au titre des arrérages échus au 30 juin 2024, puis d'une rente semestrielle ensuite sur les mêmes bases jusqu'au 25 février 2027, et pour six heures par semaine ensuite.

Sur ce,

La CCI, au regard du rapport de son expert et des observations du conseil de Madame [A], a dans son avis du 25 janvier 2018 fixé les besoins d'assistance par une tierce personne de l'intéressée à hauteur de trois heures par jour jusqu'à ce que sa fille cadette atteigne l'âge de 14 ans, puis de six heures par semaine ensuite. Ce point est admis de toutes parts.

Si les aides financières perçues doivent être déduites de l'indemnisation au titre de l'assistance d'une tierce personne, force est de constater que la situation personnelle de Madame [A], qui reste autonome, ne lui permet pas de prétendre à une Prestation de Compensation du Handicap (PCH) ni à l'Allocation Adulte Handicapé (AAH). La Maison Départementale des Personnes Handicapées (MDPH) de l'Essonne atteste par ailleurs le 26 octobre 2000 de ce qu'elle n'a présenté aucune demande d'aide auprès d'elle à ce jour. Il est enfin observé que la mutuelle générale de la Police et l'agent judiciaire de l'Etat, parties à l'instance, ne formulent aucune demande au titre de prestations qui auraient pu être servies au titre d'une telle aide.

Il convient d'évaluer les besoins d'aide de Madame [A] sur la base d'une année de 412 jours ou encore 58 semaines pour tenir compte des jours fériés et congés payés, d'un tarif horaire de 20 euros (et non de 13 ou 15 euros tel que proposé par l'ONIAM ou retenu par le tribunal, insuffisant pour couvrir les besoins d'aide de l'intéressée), de trois heures d'aide jusqu'au 25 février 2027 inclus (quatorzième anniversaire de sa fille [J]) et de six heures par semaine ensuite.

Sur les arrérages échus au 30 juin 2024

La période courant entre le 19 mars 2016 (date de la consolidation de l'état de santé de Madame [A]) et le 30 juin 2024 compte 3.026 jours. Sera donc accordée à Madame [A], au titre des arrérages échus au 30 juin 2024 de l'assistance d'une tierce personne, la somme de :

(3.026 X 3 X 20 X 412) ÷ 365 = 204.938,95 euros.

Sur les arrérages à échoir

La période courant du 30 juin 2024 au 25 février 2027 compte 970 jours. Sur cette période, doit être allouée à Madame [A], au titre de l'assistance d'une tierce personne, la somme de :

(970 X 3 X 20 X 412) ÷ 365 = 65.694,24 euros.

A compter du 26 février 2027, au regard de l'âge de Madame [A], née en 1971, et de son handicap relativement faible, il n'y a pas lieu de prévoir l'allocation d'une rente semestrielle, et un capital sera servi. Pour une année de 58 semaines, les besoins de l'intéressée s'élèvent à 58 X 6 X 20 = 6.960 euros, somme qu'il convient de capitaliser sur la base d'un prix de rente viagère de 36,845 euros, pour une femme de 56 ans au moment de la liquidation et du barème publié par la Gazette du Palais au mois d'octobre 2022 avec un taux d'intérêts de - 1% pour tenir compte de la situation économique actuelle, et notamment de l'inflation. Ainsi, sera octroyée à Madame [A], au titre de l'assistance d'une tierce personne après le 25 février 2027, la somme de :

6.960 X 36,845 = 256.441,20 euros.

***

Madame [A] peut donc prétendre, au titre de l'assistance d'une tierce personne définitive, à l'allocation d'une somme totale de 204.938,95 + 65.694,24 + 256.441,20 = 527.074,39 euros.

(3) sur les pertes de gains professionnels futurs

Le tribunal a calculé les pertes de gains professionnels futurs de Madame [A] à hauteur de 243.885,80 euros.

Madame [A] les estime à 861.477,30 euros, somme réclamée à l'ONIAM.

L'ONIAM propose l'allocation d'une somme de 64.175,74 euros au titre de la période courant du 1er janvier 2020 au 31 décembre 2023, puis une rente annuelle ensuite, sous réserve pour l'intéressée de justifier de ses revenus chaque année.

Sur ce,

Lorsque l'expert désigné par la CCI a examiné Madame [A] après la consolidation de son état de santé (rapport du 9 décembre 2017), celle-ci lui a indiqué ne plus percevoir ses primes (notamment de nuit) et alors être à mi-traitement, « situation pouvant être prorogée pendant 18 mois ». L'expert indique qu'au-delà, elle « pourrait soit reprendre un emploi adapté soit être mise en retraite pour raison de santé ». La CCI, dans son avis du 25 janvier 2018, estime que les préjudices résultant des pertes de gains professionnels futurs peuvent être indemnisés « sur justificatifs ».

Seuls les revenus annuels moyens de Madame [A] de 34.464 euros perçus antérieurement à l'accident médical entre 2009 et 2011 (et non les revenus postérieurs de 2013) peuvent servir de revenus de référence. Ils seront revalorisés chaque année à partir du convertisseur de l'INSEE.

Sur les arrérages échus au 30 juin 2024

Madame [A], qui souffre notamment de difficultés respiratoires depuis son accident médical et s'essouffle au moindre effort, n'a pu reprendre son activité au sein des services de police active.

Au regard de son revenu annuel de référence revalorisé chaque année, d'une part, et des traitements ou pensions d'invalidité, ainsi que des compléments de salaire et indemnités pour « pertes de primes » effectivement perçus, d'autre part, Madame [A] a après la consolidation de son état de santé le 19 mai 2016, à partir du 1er juin 2016 et jusqu'au 31 décembre 2024, subi les pertes de revenus, qu'il convient également de revaloriser en 2023 à partir du même convertisseur de l'INSEE, suivantes :

- en 2016 : (35.700,58 ÷ 12 X 7) - (32.108,12 ÷ 12 X 5) = 1.496,97 euros, soit 1.755,33 euros (valeur 2023),

- en 2017 : 36.071,20 - 25.630,70 = 10.440,50 euros, soit 12.116,63 euros (valeur 2023),

- en 2018 : 36.737,60 - 20.522,74 = 16.214,86 euros, soit 18.476,67 euros (valeur 2023),

- en 2019 : 37.143,86 - 16.443,09 = 20.700,77 euros, soit 23.330,32 euros (valeur 2023),

- en 2020 : 37.322,04 - 16.007,11 = 21.314,93 euros, soit 23.907,81 euros (valeur 2023),

- en 2021 : 37.934,99 - 25.353 = 12.581,99 euros, soit 13.884,51 euros (valeur 2023),

- en 2022 : 37.916,38 - 25.965 = 11.951,38 euros, soit 12.533,96 euros (valeur 2023),

- en 2023 : 41.862 - 23.081,89 = 18.780,11 euros,

soit une perte totale, sur cette période, de 124.785,34 euros.

Sur les arrérages à échoir

Madame [A] ne pourra reprendre son activité au sein des services de police active. L'évolution de sa vie professionnelle depuis l'accident, d'abord en qualité de surveillante dans une école et de garde d'enfants, puis en qualité d'habilleuse et agent administratif dans un théâtre, démontre sa bonne volonté pour retrouver une activité plus adaptée à ses nouvelles aptitudes physiques, mais également ses difficultés à retrouver un emploi, même sur reconversion, lui permettant de percevoir les mêmes revenus. Il n'y a donc pas lieu de prévoir, huit ans après la consolidation de son état de santé et sept ans avant sa soixantième année et son départ à la retraite et alors que ses pertes de revenus sont réelles et établies, la mise en place d'une rente servie sous réserve de la justification par l'intéressée, tous les ans, de ses revenus. Un capital peut donc lui être accordé en indemnisation des arrérages à échoir de ses pertes de revenus.

Les pertes de revenus de Madame [A] subies en 2023, de 18.780,11 euros, capitalisées sur la base d'un prix de rente de 8,263 pour une femme de 52 ans en 2023 et jusqu'à l'âge de 60 ans, au vu du barème de la Gazette du Palais de 2022 avec un taux d'intérêts de - 1%, s'élèvent ainsi à hauteur de la somme de 155.180,04 euros.

Sur la perte de droits à la retraite

Madame [A] aurait dû cotiser pendant 167 trimestres pour bénéficier d'un taux de liquidation de sa retraite maximum de 75%. Elle aurait alors, à 60 ans, vraisemblablement (et sans être contestée de ce chef) pu commencer à percevoir une retraite à taux plein annuelle de 40.332,85 euros selon la grille des pensions dressées le 1er janvier 2023 par le syndicat Alliance Police Nationale.

Elle a cependant cessé de cotiser pour sa retraite de fonctionnaire de police au mois de juillet 2016, comptabilisant alors 107 trimestres, et a donc perdu 60 trimestres (soit 15 années de cotisations). Le service des retraites de l'Etat lui a notifié un titre de pension, selon arrêté du 21 septembre 2021, faisant état au vu des éléments de son dossier d'un montant brut annuel de pension de retraite de 16.780,58 euros.

Elle pourra ensuite prétendre à une retraite correspondant vraisemblablement (là encore sans être contestée à ce titre) à la moitié de son dernier salaire annuel brut (perçu en sa qualité de vacataire au service de la société Grand Paris Sud, soit la somme annuelle brute de 8.324,98 X 50% = 4.162,49 euros.

Elle subira en conséquence une perte annuelle de droits à la retraite de 40.332,85 - (16.780,58 + 4.162,49) = 19.389,78 euros bruts, soit 17.625,31 euros nets.

Capitalisée sur la base d'un prix de rente viagère de 31,958 pour une femme de 60 ans au jour de son départ à la retraite selon le barème de la Gazette du Palais de 2022 (taux d'intérêt de - 1%), la perte de droits à la retraite de Madame [A] atteint la somme de 17.625,31 X 31,958 = 563.269,65 euros.

***

Sera donc allouée à Madame [A], au titre des pertes de gains professionnels futurs, la somme totale de 124.785,34 + 155.180,04 + 563.269,65 = 843.235,03 euros.

(4) sur l'incidence professionnelle

Le tribunal a tenu compte d'une incidence de l'accident médical en cause sur la vie professionnelle de Madame [A], qu'il a évalué à 25.000 euros.

Madame [A] fait valoir un préjudice de carrière (40.000 euros), une dévalorisation sur le marché du travail (40.000 euros) et la pénibilité de son travail du fait des séquelles de l'accident médical (20.000 euros) et réclame la somme de 100.000 euros à ces titres.

L'ONIAM, considérant que les troubles imputables à l'accident médical n'excluent pas une reconversion professionnelle, conclut à l'infirmation du jugement et au rejet de toute demande indemnitaire de Madame [A] de ce chef.

Sur ce,

Madame [A], en raison des difficultés respiratoires qu'elle rencontre depuis l'accident médical dont elle a été victime le 22 mars 2012, n'a pu reprendre son activité de brigadier-chef qui nécessite une bonne forme physique et n'a donc pu prétendre aux promotions automatiques par changement d'échelon ni à un passage au premier échelon. Elle a donc subi un préjudice de carrière certain (indépendant de la perte de droits à la retraite, évaluée plus haut).

Sur reconversion professionnelle, elle a retrouvé des emplois en qualité de surveillante dans une école et de garde d'enfants, puis en qualité d'habilleuse et agent administratif dans un théâtre, ce qui constitue à ses yeux une dévalorisation au regard de l'activité professionnelle dans la police qu'elle avait choisie.

Elle souffre enfin, du fait notamment des difficultés respiratoires, de la pénibilité que présente toute activité professionnelle depuis son accident.

Au regard de ces éléments, les premiers juges ont correctement évalué l'incidence que l'accident médical litigieux a pu avoir sur la vie professionnelle de Madame [A] à hauteur de la somme globale de 25.000 euros. Ce point sera confirmé.

3. sur les préjudices extrapatrimoniaux temporaires, avant consolidation du 19 mai 2016

(1) sur le déficit fonctionnel temporaire

Les premiers juges ont alloué à Madame [A], au titre de son déficit fonctionnel temporaire, total puis partiel, la somme totale de 12.322,50 euros, sur la base de 25 euros par jour.

Madame [A] réclame la somme totale de 16.909,97 euros à ce titre, sur la base de 33,33 euros par jour.

L'ONIAM propose une somme de 2.452 euros de ce chef sur la période non indemnisée au titre du protocole transactionnel du 20 août 2015 et de 16 euros par jour.

Sur ce,

Madame [A] a, selon l'expert désigné par la CCI et l'avis de la commission du 25 janvier 2018, subi un déficit fonctionnel temporaire total, de 100%, le 16 juillet et du 25 au 30 novembre 2013, du 31 mars au 6 avril, du 10 au 12 juin et du 18 au 20 novembre 2014, du 18 au 23 mai, du 27 au 28 août et du 17 au 19 novembre 2015 et le 19 mai 2016, sur une période totale de 32 jours.

Elle a ensuite subi un déficit fonctionnel temporaire partiel :

- à hauteur de 40%, du 23 mars 2012 au 15 juillet 2013, pendant 481 jours,

- à hauteur de 30% du 17 juillet 2013 au 28 octobre 2014, pendant 469 jours,

- à hauteur de 25% du 29 octobre 2014 et jusqu'à la consolidation de son état de santé le 19 mai 2016, pendant 569 jours.

Les premiers juges ont justement évalué le préjudice de Madame [A], sur ces périodes, sur la base de 25 euros par jour de déficit, de sorte que doivent être allouées à l'intéressée les sommes de :

- 32 X 25 = 800 euros,

- 481 X 25 X 40% = 4.810 euros,

- 469 X 25 X 30% = 3.517,50 euros,

- 569 X 25 X 25% = 3.556,25 euros,

soit la somme totale de 12.683,75 euros.

Madame [A] et l'ONIAM ont cependant le 20 août 2015 d'ores et déjà conclu un protocole d'indemnisation transactionnelle provisionnelle, dans le cadre duquel ils ont convenu de l'indemnisation à hauteur de la somme totale de 4.620 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire total, du déficit fonctionnel temporaire de 40% et au titre du déficit fonctionnel temporaire de 30% du 17 juillet au 24 novembre 2013, du 1er décembre 2013 au 30 mars 2014, du 7 avril au 9 juin 2014 et du 13 au 27 juin 2014, sur 303 jours. Le tribunal a à tort omis de tenir compte de ce protocole ou contrat, qui tient lieu de loi entre les deux parties.

La Cour, sur infirmation du jugement, accordera en conséquence à Madame [A], au titre de son déficit fonctionnel temporaire, la somme de 12.683,75 euros, diminuée de la somme perçue en exécution du protocole de 4.620 euros, soit la somme de 8.063,75 euros.

(2) sur les souffrances endurées

Les premiers juges ont accordé à Madame [A], en réparation des souffrances endurées, la somme de 15.000 euros.

Madame [A] estime ce préjudice à hauteur de 30.000 euros.

L'ONIAM l'évalue à 3.200 euros, tenant compte de l'indemnisation transactionnelle provisionnelle prévue entre les parties.

Sur ce,

Les experts désignés par la CCI (rapports des 26 août 2014 et 9 décembre 2017) ont évalué les souffrances de Madame [A], « en raison des endoscopies sous anesthésies générales, de la longue intervention du Professeur [C], de la nécessité de réalisation d'une trachéotomie », à 4,5/7, de moyen à assez important, évaluation retenue par la CCI dans son avis du 25 janvier 2018.

Il convient au vu de ces éléments et sur l'infirmation du jugement d'évaluer les souffrances endurées par Madame [A] à hauteur de la somme de 20.000 euros et, au regard de la somme de 7.600 euros offerte par l'ONIAM au terme du protocole d'indemnisation conclu avec l'intéressée le 20 août 2015, d'allouer à cette dernière la somme de 12.400 euros.

(3) sur le préjudice esthétique temporaire

Les premiers juges ont octroyé à Madame [A], en réparation de son préjudice esthétique temporaire, la somme de 2.500 euros.

Madame [A] évalue ce poste de préjudice à la somme de 15.000 euros.

L'ONIAM, considérant que rien ne permet de distinguer ce poste de préjudice du préjudice esthétique permanent, conclut à l'infirmation du jugement et au rejet de toute demande de Madame [A] de ce chef.

Sur ce,

L'expert de la CCI (rapport du 9 décembre 2017) estime que le préjudice esthétique dont a souffert Madame [A] a été de 4/7, moyen, entre le 1er et le 30 avril 2014 (période post-opératoire, trachéotomie et soins de fermeture de l'orifice de trachéotomie), puis de 2/7 « depuis la survenue de la complication en raison de la dysphonie et du bruit inspiratoire permanent, des cicatrices (') ».

Le préjudice esthétique temporaire a pris fin avec le retrait du matériel de trachéotomie et se distingue donc bien du préjudice esthétique permanent, cicatriciel.

Au vu de ces éléments et sur infirmation du jugement, la Cour accordera la somme de 10.000 euros à Madame [A] en réparation de son préjudice esthétique temporaire.

4. sur les préjudices extrapatrimoniaux permanents

(1) sur le déficit fonctionnel permanent

Les premiers juges ont alloué à Madame [A] la somme de 42.400 euros au titre de son déficit fonctionnel permanent.

Madame [A] réclame la somme de 50.000 euros de ce chef.

L'ONIAM propose une somme de 31.448 euros.

Sur ce,

L'expert mandaté par la CCI estime que le taux d'atteinte à l'intégrité physique ou psychique de Madame [A], du fait de l'accident médical litigieux, est de 20%. Il expose que les troubles vocaux se sont améliorés mais que les troubles respiratoires sont restés identiques, que la patiente est essoufflée au moindre effort, qu'elle peut monter un étage mais est obligée de s'arrêter. Ce taux a été retenu par la CCI dans son avis du 25 janvier 2018.

Aussi, au vu de ces éléments et sur infirmation du jugement qui a sous-évalué ce poste de préjudice, sera octroyée à Madame [A] la somme de 45.000 euros au titre de son déficit fonctionnel permanent.

(2) sur le préjudice esthétique permanent

Les premiers juges ont accordé à Madame [A] la somme de 6.500 euros en réparation de son préjudice esthétique permanent.

Madame [A] sollicite l'allocation de la somme de 15.000 euros à ce titre.

L'ONIAM propose la somme de 5.200 euros.

Sur ce,

L'expert de la CCI (rapport du 9 décembre 2017) estime que le préjudice esthétique permanent dont souffre Madame [A] est de 2/7, léger, en raison « de la rançon cicatricielle notamment au niveau de la trachéotomie et de la dysphonie résiduelle ». La CCI, après observations du conseil de l'intéressée, a dans son avis du 25 janvier 2018 retenu un préjudice esthétique permanent de 3,5/7, de modéré à moyen.

Les premiers juges ont au vu de ces éléments justement évalué le préjudice esthétique permanent de Madame [A] à hauteur de 6.500 euros. Le jugement sera confirmé de ce chef.

(3) sur le préjudice d'agrément

Les premiers juges ont octroyé la somme de 7.500 euros à Madame [A] en réparation de son préjudice d'agrément.

Madame [A] demande l'allocation d'une somme de 30.000 euros en réparation de ce préjudice.

L'ONIAM propose la somme de 5.000 euros.

Sur ce,

L'expert de la CCI indique dans son rapport du 9 décembre 2017 que Madame [A] pratiquait le sport de façon régulière, « ce qu'elle ne peut plus faire », évoquant sa pratique de la course à pied, de la marche en randonnée, du vélo et de la natation. La CCI, dans son avis du 25 janvier 2018, retient un « préjudice d'agrément important ».

Madame [A] verse aux débats les notices de renseignements et appréciations émanant de la direction générale de la Police (années 2008, 2009 et 2010) et mentionnant de très bons « moyens physiques » et plusieurs attestations de témoins de ses activités sportives assidues et régulières (randonnées, course à pied, semi-marathon, natation, vélo, etc.).

Sera accordée à Madame [A] au vu de ces éléments et sur infirmation du jugement la somme de 15.000 euros en réparation de son préjudice d'agrément.

(4) sur le préjudice sexuel

Les premiers juges ont alloué la somme de 2.000 euros à Madame [A] en indemnisation de son préjudice sexuel.

Madame [A] sollicite l'octroi d'une somme de 15.000 euros à ce titre.

L'ONIAM conclut à la confirmation du jugement sur ce point.

Sur ce,

L'expert de la CCI expose dans son rapport du 9 décembre 2017 que Madame [A] lui a signalé « faire chambre à part en raison d'un bruit inspiratoire nocturne » et la CCI, dans son avis du 25 janvier 2018, retient l'existence d'un préjudice sexuel.

Les bruits inspiratoires nocturnes et l'essoufflement rapide de Madame [A], âgée de 41 ans au moment de l'accident médical et de 45 ans lors de la consolidation de son état de santé, ont nécessairement une incidence sur la vie sexuelle de son couple.

Aussi et au vu de ces éléments, sera allouée à Madame [A] sur infirmation du jugement de ce chef la somme de 5.000 euros en indemnisation de son préjudice sexuel.

5. synthèse

Au terme de ces développements, le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné l'ONIAM à payer à Madame [A], en deniers ou quittances, provision accordée par ordonnance du juge de la mise en état du 26 novembre 2020 non déduite et avec intérêts au taux légal à compter du jugement du 31 mars 2021, les sommes de 441,15 euros au titre des frais divers, de 25.000 euros au titre de l'incidence professionnelle et de 6.500 euros au titre de son préjudice esthétique permanent, et en ce qu'il a débouté l'intéressée de sa demande d'indemnisation au titre d'une pertes de gains professionnels actuels.

Le jugement sera infirmé pour le surplus de ses dispositions indemnitaires. Statuant à nouveau, la Cour condamnera l'ONIAM, en deniers ou quittances et provisions non déduites, les sommes de :

- 92.344,43 euros au titre de l'aide d'une tierce personne temporaire,

- 527.074,39 euros au titre de l'aide d'une tierce personne définitive,

- 843.235,03 euros au titre des pertes de gains professionnels futurs,

- 8.063,75 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire,

-12.400 euros en réparation des souffrances endurées,

- 10.000 euros en réparation de son préjudice esthétique temporaire,

- 45.000 euros au titre du déficit fonctionnel permanent,

- 15.000 euros en réparation de son préjudice d'agrément,

- 5.000 euros en réparation de son préjudice sexuel.

Ces condamnations porteront intérêts au taux légal à compter du jugement sur les sommes accordées par le tribunal et à compter du présent arrêt sur le surplus en application de l'article 1231-7 du code civil. Les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produiront à leur tour intérêts en application de l'article 1343-2 du code civil.

Sur les dépens et frais irrépétibles

Le sens de l'arrêt conduit à la confirmation du jugement en ses dispositions relatives aux dépens et frais irrépétibles de première instance, mis à la charge de l'ONIAM.

Ajoutant au jugement, la Cour condamnera l'ONIAM, qui succombe devant elle, aux dépens d'appel, conformément aux dispositions de l'article 696 du code de procédure civile.

Tenu aux dépens, l'ONIAM sera également condamné à payer à Madame [A] la somme équitable de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en indemnisation des frais exposés en cause d'appel et non compris dans les dépens.

Ces condamnations emportent le rejet des demandes contraires de l'ONIAM.

Par ces motifs,

La Cour,

Confirme le jugement en ce qu'il a :

- condamné l'Office National d'Indemnisation des Accidents Médicaux, des Affections Iatrogènes et des Infections Nosocomiales (ONIAM) à payer à Madame [K] [A], en deniers ou quittances, provision accordée par ordonnance du juge de la mise en état du 26 novembre 2020 et avec intérêts au taux légal à compter du jugement du 31 mars 2021 et anatocisme, les sommes de 441,15 euros au titre des frais divers, de 25.000 euros au titre de l'incidence professionnelle et de 6.500 euros au titre de son préjudice esthétique permanent,

- débouté Madame [K] [A] de sa demande d'indemnisation au titre de pertes de gains professionnels actuels,

et en ses dispositions relatives aux dépens et frais irrépétibles de première instance,

Infirme le jugement en ses autres dispositions,

Statuant à nouveau et ajoutant au jugement,

Condamne l'Office National d'Indemnisation des Accidents Médicaux, des Affections Iatrogènes et des Infections Nosocomiales (ONIAM) à payer à Madame [K] [A], en deniers ou quittances, provisions non déduites et avec intérêts au taux légal à compter du 31 mars 2021 sur les sommes accordées par le tribunal et à compter du présent arrêt sur le surplus, les sommes de :

- 92.344,43 euros au titre de l'aide d'une tierce personne temporaire,

- 527.074,39 euros au titre de l'aide d'une tierce personne définitive,

- 843.235,03 euros au titre des pertes de gains professionnels futurs,

- 8.063,75 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire,

-12.400 euros en réparation des souffrances endurées,

- 10.000 euros en réparation de son préjudice esthétique temporaire,

- 45.000 euros au titre du déficit fonctionnel permanent,

- 15.000 euros en réparation de son préjudice d'agrément,

- 5.000 euros en réparation de son préjudice sexuel,

Condamne l'Office National d'Indemnisation des Accidents Médicaux, des Affections Iatrogènes et des Infections Nosocomiales (ONIAM) aux dépens d'appel,

Condamne l'Office National d'Indemnisation des Accidents Médicaux, des Affections Iatrogènes et des Infections Nosocomiales (ONIAM) à payer à Madame [K] [A] la somme de 3.000 euros en indemnisation de ses frais irrépétibles d'appel.

LE GREFFIER, LA PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 10
Numéro d'arrêt : 21/09556
Date de la décision : 04/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 13/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-04;21.09556 ?
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