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04/07/2024 | FRANCE | N°21/09365

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 10, 04 juillet 2024, 21/09365


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 4 - Chambre 10



ARRÊT DU 4 JUILLET 2024



(n° , 16 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/09365 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CDV23



Décision déférée à la Cour : Jugement du 13 Avril 2021 -Tribunal judiciaire de BOBIGNY RG n° 19/02964





APPELANT



Monsieur [U] [W]

né le [Date naissance 3] 1957

[Adresse 7]

[Localité 12]
>

Représenté par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LX PARIS-VERSAILLES-REIMS, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477

Assisté de Me Jean-Christophe COUBRIS de la SELARL COUBRIS ET ASSOCIES, avocat au ...

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 10

ARRÊT DU 4 JUILLET 2024

(n° , 16 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/09365 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CDV23

Décision déférée à la Cour : Jugement du 13 Avril 2021 -Tribunal judiciaire de BOBIGNY RG n° 19/02964

APPELANT

Monsieur [U] [W]

né le [Date naissance 3] 1957

[Adresse 7]

[Localité 12]

Représenté par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LX PARIS-VERSAILLES-REIMS, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477

Assisté de Me Jean-Christophe COUBRIS de la SELARL COUBRIS ET ASSOCIES, avocat au barreau de BORDEAUX, toque : 827, substituée à l'audience par Me Lucie BLAISON de la SELARL COUBRIS ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉS

Monsieur [D] [P]

né le [Date naissance 6] 1950 à [Localité 14] (ALGÉRIE)

[Adresse 9]

[Localité 13]

Représenté par Me Michel GUIZARD de la SELARL GUIZARD ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0020

Assisté de Me Georges LACOEUILHE de l'AARPI LACOEUILHE & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : A0105, substitué à l'audience par Me MEIL Valentine, avocat au barreau de PARIS

CPAM DE SEINE SAINT DENIS, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège

[Adresse 5]

[Localité 11]

Représentée et assistée par Me Maher NEMER de la SELARL BOSSU & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : R295

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été plaidée le 23 Mai 2024, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Florence PAPIN, Présidente

Madame Valérie MORLET, Conseillère

Madame Anne ZYSMAN, Conseillère

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Madame Valérie MORLET dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Mme Catherine SILVAN

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Florence PAPIN, Présidente et par Ekaterina RAZMAKHNINA, Greffier, présent lors de la mise à disposition.

***

Faits et procédure

Monsieur [U] [W], né le [Date naissance 8] 1957, a le 8 août 2006 chuté sur le sol glissant du restaurant dans lequel il travaillait, entraînant un traumatisme de la cheville droite. Le docteur [R] [B], le lendemain, lui a prescrit une attelle.

Une IRM réalisée le 1er septembre 2006 a révélé une rupture des ligaments talo-fibulaire antérieur et calcanéo-fibulaire et une tendinopathie sévère des tendons fibulaires, responsables de douleurs et d'instabilité.

Devant la persistance des douleurs, Monsieur [W] a les 26 septembre et 12 décembre 2006 et le 8 janvier 2007 consulté le docteur [D] [P], chirurgien orthopédiste, qui lui a proposé une intervention chirurgicale, réalisée le 25 janvier 2007 à l'hôpital privé de la [19] et consistant en une ligamentoplastie de la cheville droite. Les suites opératoires immédiates ont été simples.

Se plaignant ensuite de la persistance de douleurs et de l'engourdissement des orteils, Monsieur [W] a à nouveau consulté le docteur [P] les 17 avril et 15 mai 2007.

Une IRM réalisée le 25 mai 2007 a mis en évidence une rupture du transplant (ligament court péronier latéral), confirmée par une échographie pratiquée le 6 septembre 2007.

Le docteur [P] a revu Monsieur [W] en consultation le 20 novembre 2007 et une nouvelle intervention a alors été programmée, réalisée le 3 janvier 2008, également à l'hôpital privé de la [19], consistant en une nouvelle ligamentoplastie par la pose d'un ligament artificiel Biomet et une arthrolyse externe.

Les douleurs ont cependant persisté et une récidive de l'algodystrophie s'est présentée, avec une aggravation du pied creux préexistant et un varus de l'arrière-pied bilatéral, justifiant un suivi au centre de la douleur de l'hôpital [17].

Monsieur [W] a entre 2008 et 2013 consulté plusieurs chirurgiens spécialistes afin de voir corriger cette déformation. Ils ont proposé des interventions différentes. Après une consultation auprès du docteur [M] [A] le 18 novembre 2013, Monsieur [W] a accepté la proposition de celui-ci consistant en une arthrodèse sous-talienne, une ténodèse du long péronier latéral sur le moignon du court fibulaire et une ténotomie de l'extenseur du cinquième orteil. Consulté par Monsieur [W] le 20 mars 2014, le professeur [F] [X] a estimé « logique » la proposition du docteur [A].

Cette nouvelle intervention a été réalisée le 3 juin 2014, suivie de séances rééducation après une immobilisation de quatre mois. Elle a cependant échoué à soulager les douleurs du patient.

Monsieur [W] a dû être hospitalisé à plusieurs reprises entre les mois de février 2016 et mars 2017, en ambulatoire à l'hôpital [16], pour des injections de toxine botulinique ou l'application de patchs de Qutenza, interventions qui n'ont pas permis de réduire les douleurs.

*

Monsieur [W] a le 26 septembre 2014 saisi la Commission régionale de Conciliation et d'Indemnisation des accidents médicaux d'Ile-de-France (CCI). Par décision du 30 janvier 2015, la commission a désigné le docteur [E] [T], chirurgien orthopédiste, aux fins d'expertise. Celle-ci a réalisé ses opérations le 7 avril 2015 et adressé son rapport à la commission le 17 juin 2015, concluant à l'absence de toute faute du médecin et à l'existence d'un accident médical non fautif.

Par décision du 17 novembre 2015, la CCI a rejeté la demande d'indemnisation de Monsieur [W], estimant que la responsabilité du docteur [P] n'était pas engagée et que le dommage en cause, n'étant pas directement imputable à un acte de soin, ne remplissait pas les conditions ouvrant droit à réparation au titre de la solidarité nationale.

*

Monsieur [W] a alors par actes des 16, 20 et 21 juin 2016 assigné le docteur [P], l'Office National d'Indemnisation des Accidents Médicaux, des Affections Iatrogènes et des Infections Nosocomiales (ONIAM) et la CPAM de Seine Saint-Denis, organisme social dont il dépend, devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Bobigny aux fins d'expertise. Le docteur [K] [H] a été désigné en qualité d'expert par ordonnance du 21 novembre 2016.

L'expert judiciaire a clos et déposé son rapport le 28 décembre 2017. Evoquant une maladresse fautive par section d'un nerf et une seconde opération trop précoce, l'expert estime que la réalisation technique des opérations pratiquées les 25 janvier 2007 et 3 janvier 2008 par le docteur [P] a été incorrecte et que le médecin n'a pas suffisamment rempli son devoir d'information, sans que le patient ne soit fondé à se prévaloir d'une perte de chance.

Au vu de ce rapport et faute de solution amiable, Monsieur [W] a par actes des 13 et 14 mars 2019 assigné le docteur [P] et la CPAM en responsabilité et indemnisation devant le tribunal de grande instance de Bobigny.

*

Le tribunal, devenu tribunal judiciaire, par jugement du 13 avril 2021, a :

- dit que docteur [P] n'a pas délivré l'information nécessaire à Monsieur [W] préalablement aux interventions chirurgicales des 27 [sic : 25] janvier 2007 et 3 janvier 2008,

- dit que le docteur [P] n'a pas commis de faute médicale dans la prise en charge de Monsieur [W] lors des deux interventions chirurgicales,

En conséquence,

- condamné le docteur [P] à verser à Monsieur [W] la somme de 10.000 euros en réparation du préjudice d'impréparation résultant du défaut d'information,

- débouté Monsieur [W] du surplus de ses demandes indemnitaires,

- débouté la CPAM de l'ensemble de ses demandes,

- condamné le docteur [P] à verser à Monsieur [W] la somme de 2.500 euros au titre des frais irrépétibles,

- débouté la CPAM et le docteur [P] e leurs demandes à ce titre,

- ordonné l'exécution provisoire de la décision,

Monsieur [W] a par acte du 18 mai 2021 interjeté appel de ce jugement, intimant le docteur [P] et la CPAM devant la Cour.

*

Monsieur [W], dans ses dernières conclusions n°2 signifiées le 12 avril 2024, demande à la Cour de :

- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a retenu l'existence d'un manquement au devoir d'information imputable au docteur [P] et condamné ce dernier à verser en réparation du préjudice d'impréparation qu'il a subi une indemnité de 10.000 euros, outre une indemnité de 2.500 euros au titre des frais irrépétibles,

- réformer le jugement en ce qu'il :

a dit que le docteur [P] n'a pas commis de faute médicale dans sa prise en charge lors des interventions chirurgicales des 27 [sic] janvier 2007 et 3 janvier 2008,

et l'a en conséquence débouté du surplus de ses demandes indemnitaires,

Statuant à nouveau,

- constater qu'il a été victime de manquements fautifs au décours des deux interventions pratiquées par le docteur [P] les 25 janvier 2007 et 3 janvier 2008,

- juger que les dommages qui lui ont été causés sont imputables à ces deux accidents médicaux fautifs,

- dire que le docteur [P] a manqué à son devoir d'information à son égard,

- en conséquence, déclarer le docteur [P], sous la garantie de son assureur, tenu d'indemniser les préjudices qui en sont résulté,

- condamner le docteur [P] à réparer les préjudices qui ont résulté pour lui des manquements fautifs commis au cours des deux interventions des 25 janvier 2007 et 3 janvier 2008 sur le fondement de l'article L1142-1 I alinéa 1er du code de la santé publique,

- condamner le docteur [P], sous la garantie de son assureur, à lui verser les indemnités réparatrices suivantes, assorties des intérêts au taux légal à compter de l'assignation :

au titre des préjudices patrimoniaux temporaires :

6.604,64 euros au titre des dépenses de santé actuelles,

21.172,82 euros au titre des frais divers,

néant au titre des perte de gains professionnels actuelles,

au titre des préjudices patrimoniaux permanents :

1.256,40 euros au titre des dépenses de santé futures,

25.000 euros au titre de l'incidence professionnelle,

au titre des préjudices extrapatrimoniaux temporaires :

6.100,50 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire,

45.000 euros en réparation des souffrances endurées

6.000 euros en réparation du préjudice esthétique temporaire,

au titre des préjudices extrapatrimoniaux permanents :

41.289 euros au titre du déficit fonctionnel permanent,

6.000 euros en réparation du préjudice esthétique permanent,

8.000 euros en réparation du préjudice d'agrément

- débouter le docteur [P] de ses prétentions formées au titre de son appel incident,

- dire que l'arrêt à intervenir sera opposable à l'organisme social et que la liquidation de cet organisme interviendra poste par poste conformément aux dispositions de l'article 25 de la loi du 21 décembre 2006 relative au financement de la sécurité sociale,

- condamner le docteur [P], sous garantie de son assureur, à lui verser la somme de 3.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens, lesquels comprendront les dépens d'expertise,

- débouter les intimés de toute demande autre, plus ample, ou contraire.

Le docteur [P], dans ses dernières conclusions n°2 signifiées le 24 avril 2024, demande à la Cour de :

- le recevoir en ses écritures le disant bien fondé,

A titre principal,

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il :

a dit qu'il a manqué à son obligation d'information,

l'a condamné à verser à Monsieur [W] la somme de 10.000 euros en réparation du préjudice d'impréparation résultant du défaut d'information,

l'a condamné à verser à Monsieur [W] la somme de 2.500 euros au titre des frais irrépétibles,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

dit qu'il n'a pas commis de faute médicale dans la prise en charge de Monsieur [W] lors des interventions chirurgicales des 27 [sic] janvier 2007 et 3 janvier 2008,

débouté Monsieur [W] du surplus de ses demandes indemnitaires

débouté la CPAM de l'ensemble de ses demandes

Statuant autrement,

- débouter Monsieur [W] de sa demande tendant à sa condamnation à lui verser la somme de 10.000 euros,

- condamner Monsieur [W] à lui verser la somme de 4.000 euros au titre des frais irrépétibles qu'il a engagé en premier instance et en cause d'appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner Monsieur [W] aux dépens,

A titre subsidiaire,

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit qu'il a manqué à son obligation d'information,

Avant dire droit,

- ordonner une nouvelle expertise,

- désigner tel expert compétent en chirurgie orthopédique qu'il plaira,

- dire que l'expert devra convoquer les parties et leurs conseils par courrier recommandé avec accusé de réception dans un délai minimal de quatre semaines avant l'accedit,

- enjoindre à chaque partie de communiquer contradictoirement l'intégralité des pièces dont il adresse copie à l'expert, selon bordereau, sans que les parties ne puissent se retrancher derrière le secret médical,

- compléter la mission de l'expert de la manière suivante :

dire que l'expert désigné pourra, en cas de besoin, s'adjoindre le concours de tout spécialiste de son choix, dans un domaine distinct du sien, après en avoir avisé les conseils des parties,

dire que l'expert adressera un pré-rapport aux conseils qui, dans les quatre semaines de la réception, lui feront connaître leurs observations auxquelles il devra répondre dans son rapport définitif,

se faire communiquer l'intégralité des dossiers d'hospitalisation,

interroger le demandeur et recueillir les observations du défendeur,

reconstituer l'ensemble des faits ayant conduit à la présente procédure, faire une chronologie précise des différentes interventions,

connaître l'état médical du demandeur avant les actes critiqués,

consigner les doléances du demandeur,

procéder à l'examen clinique, de manière contradictoire, du demandeur et décrire les lésions et séquelles directement imputables aux soins et traitements critiqués,

dire si les actes et traitements médicaux étaient pleinement justifiés,

dire si ces actes et soins ont été attentifs, diligents et conformes aux données acquises de la science,

dire que, même en l'absence de toute faute du défendeur et en ne retenant pas les éléments du préjudice corporel se rattachant soit aux suites normales des soins, soit à l'état antérieur, l'expert devra :

déterminer compte tenu de l'état de santé initial et de son évolution, d'une part l'arrêt temporaire des activités professionnelles total ou partiel, dans ce dernier cas préciser le taux, d'autre part la durée du déficit fonctionnel temporaire, c'est-à-dire les épisodes pendant lesquels le patient a été dans l'incapacité de poursuivre ses activités personnelles habituelles, en cas d'incapacité partielle, préciser le taux,

fixer la date de consolidation et si celle-ci n'est pas acquise, indiquer le délai à l'issue duquel un nouvel examen devra être réalisé, évaluer les seuls préjudices qui peuvent l'être,

dire s'il résulte des soins prodigués une atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique, dans l'affirmative, en préciser les éléments et la chiffrer,

en cas d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique, décrire les retentissements des séquelles sur la vie professionnelle et personnelle du patient,

dire si le patient doit avoir recours à une tierce personne, dans l'affirmative, préciser, compte tenu de la nature des actes pour lesquels une assistance est nécessaire, la qualification requise et la durée de l'intervention (en heures, en jours '),

donner un avis détaillé sur la difficulté ou l'impossibilité pour le patient de poursuivre l'exercice de sa profession ou d'opérer une reconversion,

préciser la nature et le coût des travaux d'aménagement nécessaires à l'adaptation des lieux de vie du patient à son nouvel état, et du matériel approprié à son nouveau mode de vie et à son amélioration, dire si une indemnisation au titre des souffrances endurées est justifiée, chiffrer ce chef de préjudice sur une échelle de 1 à 7,

dire s'il existe un préjudice esthétique, en qualifier l'importance sur une échelle de 1 à 7,

dire s'il existe un préjudice sexuel,

dire s'il existe un préjudice d'agrément, et notamment une atteinte aux conditions d'existence dans la vie quotidienne, en précisant la difficulté ou l'impossibilité pour le patient de continuer à s'adonner aux sports et activités de loisirs,

dire si l'état du patient est susceptible de modification en aggravation ou en amélioration ; dans l'affirmative, fournir tous éléments sur les soins et traitements qui seront nécessaires, en chiffrer le coût et les délais dans lesquels ils devront être exécutés,

- juger que les frais d'expertise seront à la charge de Monsieur [W],

- réserver les dépens,

A titre infiniment subsidiaire,

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il :

l'a condamné à verser à Monsieur [W] la somme de 10.000 euros en réparation du préjudice d'impréparation résultant du défaut d'information,

l'a condamné à verser à monsieur [W] la somme de 2.500 euros au titre des frais irrépétibles,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

dit qu'il n'a pas commis de faute médicale dans la prise en charge de Monsieur [W] lors des interventions chirurgicales des 27 [sic] janvier 2007 et 3 janvier 2008,

débouté Monsieur [W] du surplus de ses demandes indemnitaires,

débouté la CPAM de l'ensemble de ses demandes,

Statuant autrement,

- juger que l'indemnité qui pourrait être allouée au titre d'un prétendu préjudice moral autonome ne saurait excéder un euro symbolique,

- juger qu'aucune perte de chance ne peut résulter du prétendu défaut d'information,

- condamner Monsieur [W] à lui verser la somme de 4.000 euros au titre des frais irrépétibles qu'il a engagé en premier instance et en cause d'appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner Monsieur [W] aux dépens,

A titre très infiniment subsidiaire,

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

l'a condamné à verser à Monsieur [W] la somme de 10.000 euros en réparation du préjudice d'impréparation résultant du défaut d'information,

l'a condamné à verser à monsieur [W] la somme de 2.500 euros au titre des frais irrépétibles,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

dit qu'il n'a pas commis de faute médicale dans la prise en charge de Monsieur [W] lors des interventions chirurgicales des 27 [sic] janvier 2007 et 3 janvier 2008,

débouté Monsieur [W] du surplus de ses demandes indemnitaires,

débouté la CPAM de l'ensemble de ses demandes,

Statuant autrement,

- juger que l'indemnité qui pourrait être allouée au titre d'un prétendu préjudice moral autonome ne saurait excéder un euro symbolique,

- juger que la perte de chance pouvant résulter du prétendu défaut d'information ne saurait ouvrir droit qu'à hauteur d'une perte de chance qui ne saurait excéder 10%,

- réduire les prétentions indemnitaires de Monsieur [W] à de plus justes proportions,

- statuer ce que de droit sur les frais irrépétibles et les dépens,

A titre encore plus infiniment subsidiaire,

- juger que la perte de chance pouvant résulter du prétendu défaut d'information ne saurait ouvrir droit qu'à hauteur d'une perte de chance qui ne saurait excéder 10%,

- réduire les prétentions indemnitaires de Monsieur [W] à de plus justes proportions,

- statuer ce que de droit sur les frais irrépétibles et les dépens.

La CPAM a constitué avocat devant la Cour mais n'a pas conclu.

*

La clôture de la mise en état du dossier a été ordonnée le 24 avril 2024, l'affaire plaidée le 23 mai 2024 et mise en délibéré au 4 juillet 2024.

Motifs

Sur le respect par le docteur [W] de son obligation d'information

Les premiers juges ont retenu la réalité d'un manquement du docteur [P] à son obligation d'information précise et complète entraînant un préjudice d'impréparation au préjudice de Monsieur [W] et ont alloué à ce dernier la somme de 10.000 euros en réparation de celui-ci.

Monsieur [W] ne critique pas le jugement qui a retenu un manquement du docteur [P] à son devoir d'information. Il se prévaut de fiches de consentement insuffisantes quant aux informations qui y sont portées, de l'absence d'élément donné sur les modalités des interventions et de leurs complications éventuelles. Il rappelle que ce manquement ouvre droit à indemnisation quand bien même il n'a causé aucune perte de chance de renoncer à l'intervention.

Le docteur [P] conteste à titre principal toute responsabilité et conclut à l'infirmation du jugement de ce chef et au débouté de Monsieur [W] de toute demande d'indemnisation d'un préjudice d'impréparation. Il estime ne pas avoir manqué à son obligation d'information, alors qu'aucun document écrit n'est imposé et que l'information orale est primordiale et a été donnée pour les deux interventions. Il observe que Monsieur [W] n'a formulé aucun grief de ce chef au cours de la première expertise de la CCI et qu'il n'a demandé aucun avis d'un autre médecin et lui a maintenu sa confiance après la première opération.

Sur ce,

L'article L1111-2 du code de la santé publique pose le droit du patient à une information. Il dispose en effet que toute personne a le droit d'être informée sur son état de santé, précisant que cette information porte sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu'ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus. Il est ajouté que cette information incombe à tout professionnel de santé dans le cadre de ses compétences et dans le respect des règles professionnelles qui lui sont applicables et est délivrée au cours d'un entretien individuel, seules l'urgence ou l'impossibilité d'informer pouvant l'en dispenser.

L'article R4127-35 du code de la santé publique, au titre des dispositions réglementant la déontologie médicale énonce de son côté que le médecin doit à la personne qu'il examine, qu'il soigne ou qu'il conseille une information loyale, claire et appropriée sur son état, les investigations et les soins qu'il lui propose, et que tout au long de la maladie, le médecin tient compte de la personnalité du patient dans ses explications et veille à leur compréhension.

Aucun écrit n'est imposé pour l'information du patient, qui doit être faite, essentiellement, dans le cadre d'un entretien individuel et, partant, personnalisé.

1. sur les informations délivrées avant les interventions

Le docteur [P] ne peut, au titre d'une information à donner à Monsieur [W] en 2007 et 2008, faire référence à l'information reçue par ce patient près de dix ans avant la première intervention litigieuse de l'espèce, lors d'une ligamentoplastie de la cheville gauche survenue dans des conditions non renseignées et nécessairement différentes (le compte-rendu d'opération du docteur [P] du 31 octobre 1997 évoque une instabilité chronique de la cheville).

Le chirurgien a certes rencontré Monsieur [W] à plusieurs reprises après sa chute du 8 août 2006 avant de l'opérer une première fois, lors de trois consultations tenues les 26 septembre et 12 décembre 2006 et 8 janvier 2007. Il ne rapporte cependant pas la preuve de la teneur des informations alors délivrées à Monsieur [W]. Ses notes manuscrites, qui ne peuvent valoir preuve, n'évoquent pas même les indications données au patient lors de ces trois consultations, ses interrogations et doléances.

Monsieur [W] a le 9 janvier 2007 signé un formulaire de « consentement éclairé », certifiant avoir été informé par son chirurgien « du type d'intervention [dont il allait] bénéficier », « de la maladie qu'[il présentait] et de ses risques évolutifs, des bénéfices [qu'il pouvait] attendre d'une intervention, des alternatives possibles à cette chirurgie, et de leur risque propre » (souligné dans le document), informations ayant « pour but de [lui] permettre de prendre [sa] décision en toute connaissance, de façon libre et éclairée », étant précisé que le chirurgien restait « à [sa] disposition pour [lui] donner toute complément d'information [qu'il jugerait] nécessaire ». Monsieur [W] a enfin attesté « avoir pris connaissance des informations concernant l'intervention : ligamentoplastie cheville droite / Qui sera réalisée le : 25 janvier 2007 / Par le docteur [P] [D] » et avoir « reçu les réponses satisfaisantes à [ses] questions concernant cette intervention » (italiques du document).

Signant ce formulaire, Monsieur [W] ne peut nier avoir reçu des informations concernant la première intervention. Il n'est néanmoins pas établi que ces informations aient été complètes, suffisantes et parfaitement compréhensibles, concernant les conséquences prévisibles de celle-ci notamment.

Après la première intervention, le docteur [P] a rencontré Monsieur [W] lors de trois consultations les 17 avril, 15 mai et 20 novembre 2007 avant sa seconde opération du 3 janvier 2008. Là encore, la teneur des informations alors données au patient n'est pas établie. Le chirurgien ne peut se contenter d'indiquer que l'intervention de reprise prévue exposait le patient au même risque de la précédente et qu'il bénéficiait donc des informations d'ores et déjà délivrées, alors qu'il n'a su établir le caractère complet et utile des premiers renseignements donnés avant l'intervention de 2007, d'une part, et que la nécessité d'une seconde intervention, non prévue dès la première, nécessitait inévitablement de nouvelles explications, d'autre part.

Or le formulaire de « consentement éclairé » signé par Monsieur [W] le 15 novembre 2007 est rédigé dans les exacts mêmes termes que le formulaire signé préalablement à la première intervention (seule changeant, bien sûr, la mention de la date de l'opération en cause, le 3 janvier 2008).

La confiance renouvelée de Monsieur [W] pour le docteur [P], alors que malgré l'échec de la première intervention il ne justifie d'aucune demande d'avis auprès d'un autre médecin et qu'il a accepté une nouvelle intervention du chirurgien, ne démontre pas de facto la qualité et le caractère suffisant de l'information préalable donnée au titre de la seconde intervention.

Si l'expert mandaté par la CCI a relevé dans son rapport que Monsieur [W] ne présentait « aucun grief » contre le docteur [P], il a également précisé que le patient lui avait « dit que s'il avait eu connaissance de tous ces problèmes, il aurait hésité à se faire opérer ».

L'expert judiciaire considère quant à lui que « les documents fournis ne prouvent pas une information pré-opératoire correcte du patient par son chirurgien orthopédiste notamment sur le risque de lésion per-opératoire du NSED [nerf saphène externe droit] puis de la BENMCD [branche externe du nerf musculo-cutané droit], d'algodystrophie secondaire et de rupture de la ligamentoplastie princeps » (caractères gras, italiques et soulignés du rapport).

Les premiers juges ont au vu de ces éléments justement retenu qu'il n'était pas établi, malgré trois consultations avant chacune des interventions litigieuses de 2007 et 2008 et deux fiches de consentement dûment signées pour chacune des opérations, qu'une information complète et utile relative aux risques fréquents ou graves normalement prévisibles et afférents aux interventions projetées ait été donnée par le docteur [P] à Monsieur [W].

2. sur le préjudice d'impréparation

L'expert désigné par la CCI estime certes, au vu de la grande gêne éprouvée par le patient et ses douleurs, que « dûment informé, il est improbable qu'il ne se soit pas fait opérer » et l'expert judiciaire expose que Monsieur [W] « n'est donc pas fondé à se prévaloir d'une perte de chance concernant la première ligamentoplastie de la cheville droite ni la seconde ligamentoplastie de la cheville droite, puisque cette reprise chirurgicale était justifiée par la rupture de la première » (caractères gras soulignés et italiques du rapport).

Cependant, indépendamment du cas dans lequel un défaut d'information sur les risques inhérents à un acte de soin fait perdre au patient, en refusant le soin, une chance d'éviter le dommage résultant de la réalisation de l'un de ces risques, le non-respect par le médecin de son devoir d'information cause au patient auquel l'information était due, lorsque ce risque se réalise, un préjudice moral certain et autonome résultant d'un défaut de préparation aux conséquences d'un tel risque, qui doit être réparé.

Aussi, ayant justement retenu un défaut d'information complète et suffisante de son patient de la part du docteur [P], d'autant plus préjudiciable que les risques inhérents aux deux interventions se sont réalisés, les premiers juges ont à bon droit condamné le chirurgien à indemniser le préjudice résultant pour Monsieur [W] de l'impréparation à ces risques à hauteur de 10.000 euros. Le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur la responsabilité médicale du docteur [W]

Les premiers juges ont observé que l'expert judiciaire se distinguait de l'expert désigné par la CCI et d'autres médecins ayant donné leur avis en ciblant des maladresses non évoquées par ces derniers et ont relevé qu'il s'appuyait uniquement sur un examen clinique et l'apparition de deux masses fibreuses (névromes), sans qu'aucune image médicale en l'espèce ne vienne confirmer l'hypothèse d'une section de nerf. Ils n'ont pas suivi l'expert judiciaire dans son raisonnement pour retenir, au regard du rapport de l'expert mandaté par la CCI, que l'indication opératoire de reprise était justifiée et qu'il ne pouvait pas être reproché au docteur [P] d'être ré-intervenu trop précocement, déboutant en conséquence Monsieur [W] et la CPAM de toutes leurs demandes présentées contre le docteur [P].

Monsieur [W] reproche aux premiers juges d'avoir ainsi statué, faisant valoir la faute technique du docteur [P]. Il observe que si l'expertise de la CCI et l'expertise judiciaire sont contradictoires, la seconde est intervenue postérieurement alors que la première présentait des lacunes. Il constate que l'expert judiciaire admet sans équivoque que les gestes techniques accomplis par le chirurgien sont constitutifs d'une maladresse fautive, tant au titre de la première intervention du 25 janvier 2007 qu'au titre de l'intervention de reprise pratiquée le 3 janvier 2008. Il admet que la première intervention était justifiée dans son indication mais remet en cause les gestes techniques accomplis par le docteur [P] au cours de l'intervention. Il estime ensuite que l'intervention de reprise du mois de janvier 2008, non validée par l'expert, a été « discutable » selon celui-ci au regard de son caractère prématuré. Monsieur [W] considère que l'expert judiciaire prend bien le soin d'énumérer l'ensemble des séquelles imputables aux maladresses fautives du chirurgien, en distinguant les conséquences de la faute commise lors de l'intervention initiale et celle de la chirurgie de reprise. Au regard des conclusions étayées et argumentées de l'expert judiciaire, il conclut à l'infirmation du jugement et demande à la Cour de retenir les manquements fautifs du docteur [P] et sa responsabilité et de le condamner à réparer les conséquences dommageables de ses fautes.

Le docteur [P] conteste toute responsabilité. Il affirme que ses gestes chirurgicaux ont été parfaitement conformes aux données acquises de la science, que la première indication de ligamentoplastie et l'indication de reprise étaient justifiées et qu'il n'y a aucune preuve d'une section nerveuse ou d'une quelconque faute technique commise lors des chirurgies réalisées. Il ajoute en tout état de cause qu'il n'y a pas de lien de causalité direct et certain entre les préjudices allégués et les prétendus manquements qui lui sont reprochés. Selon lui, Monsieur [W] a été victime d'un accident médical non fautif insusceptible d'engager sa responsabilité, alors que les sections nerveuses sont une complication connue des ligamentoplasties, que la technique chirurgicale utilisée a été conforme aux données acquises de la science. A titre subsidiaire, le docteur [P] sollicite une nouvelle expertise. A titre plus subsidiaire, il se prévaut d'une absence de perte de chance de renoncer à l'intervention consécutive au défaut d'information allégué ou, à titre très infiniment subsidiaire, une perte de chance très minime. A titre encore plus subsidiaire, il discute les demandes indemnitaires de Monsieur [W].

Sur ce,

Il ressort des termes de l'article L1142 I du code de la santé publique qu'hors le cas où sa responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, un médecin n'est responsable des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute.

L'expert désigné par la CCI, dans son rapport du 17 juin 2015, considère que le diagnostic initial de Monsieur [W] était « conforme », que l'indication de la première ligamentoplastie était également « conforme », que l'intervention a été réalisée selon une « technique classique » et adaptée aux conditions locales, de manière « conforme », que la surveillance du patient « a été très rigoureuse ». Il constate que le diagnostic de complication a été posé, que les investigations réalisées ensuite « ont été rigoureuses », avec une « surveillance très rigoureuse ». Il affirme donc que le comportement du docteur [P] « a été conforme aux règles de l'art et aux données acquises de la science à l'époque du fait générateur ».

Le juge des référés du tribunal de grande instance de Bobigny, par ordonnance du 21 novembre 2016, n'a pas constaté de défaillances de ce premier expert dans la tenue de ses opérations ni de lacunes dans son rapport et ses conclusions, mais a relevé que les opérations de ce premier expert n'avaient pas été menées au contradictoire de l'ONIAM alors qu'un accident médical non fautif était évoqué (susceptible d'une prise en charge par la solidarité nationale) et que ses conclusions étaient remises en cause par Monsieur [W]. Pour ces raisons, et non du fait de lacunes du premier rapport, un nouvel expert a été désigné pour examiner Monsieur [W] et son dossier.

L'expert judiciaire, dans son rapport du 28 décembre 2017, affirme que la réalisation technique des opérations des 25 janvier 2007 (de ligamentoplastie de la cheville droite princeps) et du 3 janvier 2008 (de reprise de ligamentoplastie) par le docteur [P] ont été « incorrecte[s] » (souligné dans le rapport). Il évoque des « sections nerveuses itératives résultant de maladresses fautives successives, la première au cours de l'intervention chirurgicale princeps, la seconde au cours de la reprise chirurgicale qui sont la cause directe, certaine et exclusive de l'AND [algoneurodystrophie] reconnue en post-opératoire dans cette affaire particulière » (caractère gras, soulignés et italiques du rapport).

Les deux experts concluent ainsi dans des sens opposés, se contredisant. L'expert de la CCI n'évoque pas de sections nerveuses (que le docteur [P] estime non corroborées par l'imagerie médicale, ainsi que l'ont exposé les premiers juges), sections pourtant retenues par l'expert judiciaire, qui sont selon lui à l'origine de l'algodystrophie, point également contesté par le docteur [P].

Au regard de ces contradictions, la Cour ne dispose pas d'éléments suffisants pour statuer utilement sur la responsabilité du docteur [P] au titre des deux interventions de ligamentoplastie réalisées sur Monsieur [W] les 25 janvier 2007 et 3 janvier 2008.

Une nouvelle expertise médicale du patient sera donc ordonnée, à la charge avancée du chirurgien qui la sollicite, sur le fondement de l'article 144 du code de procédure civile.

Il sera donc sursis à statuer sur la responsabilité médicale du chirurgien dans l'attente du dépôt par l'expert de son rapport.

Sur les dépens et frais irrépétibles

Au regard de la nouvelle mesure d'instruction sollicitée, le sort des dépens et frais irrépétibles de première instance et d'appel sera réservé.

Par ces motifs,

La Cour,

Confirme le jugement qui a retenu un défaut d'information de la part du docteur [D] [P] au profit de Monsieur [U] [W] préalablement aux interventions chirurgicales des 25 (et non 27) janvier 2007 et 3 janvier 2008 et a en conséquence condamné le chirurgien à verser au patient la somme de 10.000 euros en réparation de son préjudice d'impréparation,

Avant dire droit sur la responsabilité médical du docteur [D] [P],

Ordonne une nouvelle expertise médicale de Monsieur [U] [W] pour évaluer la responsabilité du docteur [D] [P] au titre des deux interventions chirurgicales pratiquées les 25 janvier 2007 et 3 janvier 2008,

Commet pour y procéder :

Le docteur [C] [J],

Clinique [18]

[Adresse 4]

[Localité 10]

Tél : [XXXXXXXX01]

Port. : [XXXXXXXX02]

Email : [Courriel 15]

avec la mission suivante :

1 - sur la responsabilité médicale :

- convoquer Monsieur [U] [W] par lettre recommandée avec avis de réception et leurs conseils par lettre simple,

- entendre tous sachants,

- se faire communiquer par le patient tous les éléments médicaux relatifs aux deux actes critiqués des 25 janvier 2007 et 3 janvier 2008, et se faire communiquer par tous tiers détenteurs l'ensemble des documents médicaux nécessaires ainsi que ceux détenus par tous médecins et établissements de soins concernant la prise en charge du patient,

- prendre connaissance des rapports d'expertise du 17 juin 2015 docteur [E] [T] désigné par la Commission de Conciliation et d'Indemnisation des accidents médicaux d'Ile de France et du 28 décembre 2017 du docteur [K] [H] désigné par le juge des référés du tribunal de grande instance de Bobigny,

- prendre connaissance de la situation personnelle et professionnelle du patient ; fournir des renseignements complets sur son mode de vie, ses conditions d'activité professionnelle, son statut exact,

- retracer son état médical avant les actes critiqués,

- procéder à un examen clinique détaillé du patient,

- décrire les soins et interventions dont le patient a été l'objet, en les rapportant à leurs auteurs, et l'évolution de son état de santé,

- réunir tous les éléments permettant de déterminer si les soins ont été consciencieux, attentifs et dispensés selon les règles de l'art et les données acquises de la science médicale à l'époque des faits et, en cas de manquements, en préciser la nature et le ou les auteurs ainsi que leurs conséquences au regard de l'état initial du patient comme de l'évolution prévisible de celui-ci,

2 - sur le préjudice

- fournir des renseignements complets sur la situation de Monsieur [U] [W] avant et après ces deux interventions et ses conditions d'activités professionnelles,

- à partir des déclarations et des doléances de Monsieur [U] [W] ainsi que des documents médicaux fournis et d'un examen clinique circonstancié réalisé en préservant la dignité du patient, et après avoir déterminé les éléments en lien avec l'événement dommageable :

décrire en détail l'état antérieur du patient (anomalies, maladies, séquelles d'accidents antérieurs), en soulignant les antécédents pouvant avoir un effet sur les lésions et les séquelles,

décrire en détail les lésions initiales, les modalités des traitements et leur évolution,

dire si chacune des lésions constatées est la conséquence de l'événement et/ou d'un état antérieur ou postérieur ou constitue la suite normale,

décrire le déficit fonctionnel temporaire du patient, correspondant au délai normal d'arrêt d'activités ou de ralentissement d'activités ; dans le cas d'un déficit partiel, en préciser le taux,

dans le cas d'une perte d'autonomie ayant nécessité une aide temporaire, la décrire et émettre un avis motivé sur sa nécessité et ses modalités, ainsi que sur les conditions de la reprise d'autonomie,

décrire les souffrances endurées par le patient avant la consolidation, tant physiques que morales, en indiquant les conditions de leur apparition et leur importance ; les évaluer sur une échelle de 7 degrés,

donner un avis sur l'existence, la nature et l'importance d'un éventuel préjudice esthétique temporaire,

proposer une date de consolidation, qui est le moment où les lésions se fixent et prennent un caractère permanent tel qu'un traitement n'est plus nécessaire, si ce n'est pour éviter une aggravation, et préciser la date à laquelle cette consolidation est acquise,

établir un bilan du déficit fonctionnel permanent du patient, imputable à l'événement, résultant de l'atteinte permanente d'une ou plusieurs fonctions persistant au moment de la consolidation, ce taux prenant en compte non seulement les atteintes physiologiques mais aussi les douleurs physiques et morales permanentes ressenties et prenant soin de les décrire précisément,

en toute hypothèse, donner un avis sur le taux du déficit fonctionnel du patient, en précisant le barème utilisé,

dire si l'état du patient est susceptible de modification en aggravation ou en amélioration ; dans l'affirmative, fournir toutes précisions utiles sur cette évolution, son degré de probabilité et, dans le cas où un nouvel examen apparaîtrait nécessaire, indiquer le délai dans lequel il devra y être procédé,

en cas de vie à domicile, décrire précisément le déroulement d'une journée, ainsi que les modalités de l'assistance par tierce personne (celle-ci ne devant pas être réduite en cas d'assistance familiale) ; dire si l'assistance est occasionnelle ou constante, si l'aide doit être spécialisée ; décrire les attributions précises de la tierce personne ainsi que ses durées d'intervention,

donner un avis médical sur la nécessité éventuelle de frais futurs, de fournitures de matériels d'appareillage ou d'aides techniques susceptibles d'accroître l'autonomie de la personne, ainsi que sur la nécessité de soins nécessaires postérieurement à la consolidation ; dire pour chacun de ces frais, le caractère occasionnel ou viager, la nature et la durée prévisible,

décrire les conséquences directes et certaines de l'événement sur l'évolution de la situation professionnelle du patient pour qualifier l'incidence professionnelle : reprise de l'emploi antérieur, changement de poste, changement d'emploi, nécessité de reclassement ou d'une formation professionnelle, possibilité d'un travail adapté, restriction à un travail occupationnel, inaptitude absolue et définitive à toute activité rémunératrice,

caractériser le préjudice d'agrément, correspondant à l'impossibilité pour le patient de se livrer à des activités spécifiques de sport ou de loisir en donnant un avis médical sur cette impossibilité ou cette limitation,

donner un avis sur l'existence, la nature et l'importance du préjudice esthétique permanent, l'évaluer sur une échelle de 7 degrés,

dire s'il existe un préjudice sexuel, le décrire ;

dire si le patient présente des préjudices permanents exceptionnels, les quantifier en indiquant des données circonstanciées,

prendre en considération les observations des parties ou de leurs conseils et dire la suite qui leur a été donnée,

Dit que l'expert a la faculté de s'adjoindre tous spécialistes utiles de son choix, à charge de joindre leur avis à son rapport,

Dit que l'expert pourra se faire communiquer, dans le respect du secret médical et avec l'accord préalable de Monsieur [U] [W] tant par les médecins que par les caisses de sécurité sociale et par les établissements hospitaliers concernés, tous les documents médicaux qu'il jugerait utiles aux opérations d'expertise et dit qu'il ne communiquera directement aux parties les documents médicaux ainsi obtenus directement de tiers concernant le patient qu'avec son accord ; qu'à défaut d'accord de Monsieur [U] [W], ces éléments seront portés à la connaissance des parties par l'intermédiaire du médecin qu'elles auront désigné à cet effet,

Dit que l'expert devra adresser aux parties un document de synthèse, ou pré-rapport :

- fixant, sauf circonstances particulières, la date ultime de dépôt des dernières observations des parties sur le document de synthèse, lesquelles disposeront d'un délai de 4 à 5 semaines à compter de la transmission du rapport,

- rappelant aux parties, au visa de l'article 276 alinéa 2 du code de procédure civile, qu'il n'est pas tenu de prendre en compte les observations transmises au-delà du terme qu'il fixe,

Dit que l'expert répondra de manière précise et circonstanciée à ces dernières observations ou réclamations qui devront être annexées au rapport définitif dans lequel devront figurer, la liste exhaustive des pièces par lui consultées, le nom des personnes convoquées aux opérations d'expertise en précisant la date d'envoi et la forme de leur convocation, le nom des personnes présentes à chacune des réunions d'expertise, les déclarations des tiers entendus par lui, en mentionnant leur identité complète, leur qualité et leurs liens éventuels avec les parties et le cas échéant, l'identité de ou des techniciens dont il s'est adjoint le concours, ainsi que les documents et avis de celui- ci ou de ceux-ci,

Dit que l'original du rapport définitif sera déposé en double exemplaire au greffe de la cour d'appel de Paris tandis que l'expert en adressera un exemplaire aux parties et à leur conseil, avant le 30 juin 2025 sauf prorogation expresse,

Sursoit à statuer sur la responsabilité médicale du docteur [D] [P] au titre des deux interventions pratiquées sur Monsieur [U] [W] les 25 janvier 2007 et 3 janvier 2008, dans l'attente du dépôt par le nouvel expert de son rapport,

Fixe à la somme de 3.500 euros le montant de la provision à valoir sur les frais d'expertise qui devra être consignée par le docteur [D] [P] à la régie d'avances et de recettes de la cour d'appel de Paris avant le 6 septembre 2024 et dit que faute de consignation dans ce délai impératif, la désignation de l'expert sera caduque et privée de tout effet,

Renvoie l'examen du dossier à l'audience de mise en état du 25 septembre 2024 pour vérification du versement de la consignation.

LE GREFFIER, LA PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 10
Numéro d'arrêt : 21/09365
Date de la décision : 04/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 13/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-04;21.09365 ?
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