REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 5
ARRET DU 04 JUILLET 2024
(n° , 1 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 20/16495 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CCU44
Décision déférée à la Cour : Jugement du 26 Mai 2020 - Tribunal de Commerce de Creteil, 3ème chambre - RG n° 2018F00332 et 2018F00856
APPELANTE
S.A.S. TRANSIT FRUITS, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège
immatriculée au RCS de Marseille sous le numéro 057 818 726
[Adresse 3]
[Localité 1]
Représentée par Me Benoît Henry de la SELARL RECAMIER AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de Paris, toque : K0148
Assistée de Me Eric Teisserenc, avocat au barreau de Paris, toque : D1609
INTIMEES
CAPITAINE DU NAVIRE LADY ROSEBUD
Chez Agent Consignataire du Navire CLTM
[Adresse 13]
[Localité 5]
Représentée par Me François Teytaud de l'AARPI TEYTAUD-SALEH, avocat au barreau de Paris, toque : J125
Société HELVETIA ASSURANCES, société de droit suisse, prise en la personne de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège
immatriculée au RCS du Havre sous le numéro 775 753 072
[Adresse 4]
[Localité 7]/Suisse
Représentée et assistée de Me Maxime Cordier substitué par Me François Lombrez de la SCP SCHMILL & LOMBREZ, avocat au barreau de Paris toque : P0078
S.A.S.U. BUSINESS BY AIR, prise en la personne de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège
immatriculée au RCS de [Localité 9] sous le numéro 388 136 368
[Adresse 12],
[Adresse 12]
[Adresse 12]
[Adresse 10]
[Localité 8]
Représentée par Me Nadia Bouzidi-Fabre, avocat au barreau de Paris, toque : B0515
Assistée de Me Julien Toussaint de la SCP SCHEUBER AVOCATS, avocat au barreau de Paris
INTIMEE A L'APPEL PROVOQUÉ
Société AFRICA EXPRESS LINE LTD prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 2]
[Adresse 2]
[Localité 6]
Représentée par Me Benoît Henry de la SELARL RECAMIER AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de Paris, toque : K0148
Assistée de Me Eric Teisserenc, avocat au barreau de Paris, toque : D1609
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 29 Février 2024, en audience publique, devant la Cour composée de :
Mme Nathalie Renard, présidente de la chambre 5.5
Mme Marilyn Ranoux-Julien, conseillère
Mme Marie-Annick Prigent, magistrate à titre honoraire excerçant des fonctions juridictionnelles
qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Mme Nathalie Renard dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.
Greffier, lors des débats : M. Maxime Martinez
ARRET :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Mme Nathalie Renard, présidente de la chambre 5.5 et par M. Maxime Martinez, greffier, auquel la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE
En mars 2017, 3 200 cartons de haricots verts ont été transportés par conteneur réfrigéré au départ de [Localité 11] et à destination de [Localité 14], via [Localité 5].
Le conteneur a été chargé à bord du navire Lady Rosebud au port de [Localité 11].
Au terminal portuaire de [Localité 5], la marchandise a été déchargée du navire et remise à la société Transit Fruits pour être acheminée jusqu'à sa destination finale.
La société Transit Fruits a constaté une température non conforme du conteneur.
Des expertises non judiciaires ont conclu à une défaillance du conteneur. La perte de la marchandise a été constatée.
Par acte d'huissier du 20 mars 2018, la société Helvetia Assurances, assureur de la société Del Gaudio, destinataire de la marchandise, a assigné la société Business By Air, la société Transit Fruits et le capitaine du navire Lady Rosebud en sa qualité de représentant de l'armateur propriétaire du navire, devant le tribunal de commerce de Créteil en indemnisation.
Par acte du 5 septembre 2018, M. le capitaine commandant le navire Lady Rosebud a assigné la société Africa Express Line en intervention forcée et en garantie.
Par jugement du 26 mai 2020, le tribunal de commerce de Créteil a :
- Rejeté l'exception d'incompétence soulevée par le capitaine commandant le navire Lady Rosebud, en sa qualité de représentant de l'armateur du navire, et s'est dit compétent à son égard ;
- S'est déclaré compétent à l'égard de la société Africa Express Line ;
- Rejeté l'exception d'incompétence soulevée par la société Transit Fruits pour connaître de l'appel en garantie formé par la société Business By Air à l'encontre de la société Transit Fruits et s'est déclaré compétent ;
- Mis hors de cause la société Africa Express Line ;
- Dit que la société Helvetia Assurances était recevable à agir contre les sociétés Business By Air et Transit Fruits ;
- Dit irrecevable l'action de la société Helvetia Assurances à l'encontre du capitaine du navire Lady Rosebud, pris en sa qualité de représentant de l'armateur ;
- Dit irrecevable l'action de la société Helvetia Assurances et l'action en garantie de la société Business By Air à l'encontre du capitaine du navire en sa qualité de représentant de l'exploitant du navire ;
- Condamné in solidum la société Business By Air et la société Transit Fruits à payer à la société Helvetia Assurances les sommes de 41 075,63 euros en principal, au titre des dommages à la marchandise et du coût de destruction, et de 1 298,75 euros en principal, au titre du remboursement des frais d'expertise, outre les intérêts au taux légal à compter de l'assignation ;
- Ordonné la capitalisation des intérêts pourvu qu'ils soient dus pour une année entière en application de l'article 1343-2 du code civil ;
- Condamné la société Transit Fruits à relever et garantir indemne la société Business By Air de toutes condamnations mises à sa charge ;
- Débouté le capitaine du navire Lady Rosebud pris en sa qualité de représentant de l'armateur du navire de ses demandes de dommages et intérêts pour procédure abusive à l'encontre de la compagnie Helvetia Assurances et de la société Business By Air ;
- Condamné la société Transit Fruits à payer à la société Helvetia Assurances la somme de 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, débouté la société Helvetia Assurances du surplus de sa demande et débouté les sociétés Business By Air, Transit Fruits, Africa Express Line et le capitaine commandant le navire Lady Rosebud, en sa qualité de représentant de l'armateur du navire Lady Rosebud, de leur demande de ce chef ;
- Ordonné l'exécution provisoire, sous réserve qu'en cas d'appel, il soit fourni par le bénéficiaire une caution bancaire égale au montant de la condamnation prononcée à son profit ;
- Condamné solidairement les sociétés Business By Air et Transit Fruits aux dépens ;
- Liquidé les dépens.
Par déclaration du 16 novembre 2020, la société Transit Fruits a interjeté appel du jugement en ce qu'il a :
- Rejeté l'exception d'incompétence opposée par la société Transit Fruits à la société Business By Air,
- Retenu la qualité de sous-commissionnaire de transport de la société Transit Fruits,
- Jugé recevable l'action de la société Helvetia Assurances contre la société Transit Fruits,
- Jugé recevable l'action récursoire de la société Business By Air contre la société Transit Fruits,
- Jugé irrecevable l'action de la société Helvetia Assurances contre M. le capitaine commandant le navire Lady Rosebud,
- Retenu que les fautes avérées du personnel embarqué n'engageaient pas la responsabilité de M. le capitaine commandant le navire Lady Rosebud en sa qualité de représentant de l'armateur et du propriétaire du navire,
- Ecarté les conclusions du rapport d'expertise [Z] relatives à la qualité de la société Transit Fruits et à l'évaluation du dommage,
- Jugé fondée en son principe et en son montant la réclamation de la société Helvetia Assurances contre la société Transit Fruits,
- Jugé fondée en son principe et en son montant la demande en garantie de la société Business By Air contre la société Transit Fruits,
- Condamné la société Transit Fruits à payer diverses sommes.
Par ordonnance sur incident du 6 janvier 2022, le magistrat de la mise en état a :
- Constaté le désistement de la société Transit Fruits de ses incidents du 27 juillet 2021 ;
- Rejeté la demande de la société Africa Express Line d'irrecevabilité de l'appel provoqué formé par M. le capitaine commandant le navire Lady Rosebud ;
- Condamné la société Africa Express Line à payer à M. le capitaine commandant le navire Lady Rosebud la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Rejeté les autres demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Dit que la société Transit Fruits conserverait la charge des dépens de ses incidents du 27 juillet 2021 ;
- Condamné la société Africa Express Line aux dépens de son incident.
Par ses dernières conclusions notifiées le 24 janvier 2024, la société Transit Fruits demande, au visa des articles 9, 32, 73 et suivants et 122 du code de procédure civile, L172-29 du code des assurances, L132-4 à L132-6 du code de commerce, L5422-1 et suivants du code des transports, de :
- Sous réserve de la recevabilité de son action, se déclarer incompétent pour connaître de la demande de la société Business By Air et la renvoyer à se mieux pourvoir ;
- Déclarer irrecevable l'action de la société Helvetia Assurances, sans objet la demande en garantie de la société Business By Air ;
- Subsidiairement, juger l'action de la société Helvetia Assurances recevable à concurrence de la somme de 1 536 euros et à défaut à concurrence de la somme de 20 537,82 euros ;
- Juger irrecevable l'action de la société Business By Air ;
- Subsidiairement, juger mal fondées les demandes de la société Helvetia Assurances, l'en débouter ;
- Juger sans objet la demande en garantie de la société Business By Air ;
- Condamner in solidum ou l'une à défaut de l'autre la société Helvetia Assurances et la société Business By Air au paiement de la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel ;
- Plus subsidiairement, limiter l'obligation de réparation de la société Transit Fruits à la somme de 14 945,18 euros et débouter les sociétés Helvetia Assurances et Business By Air de toutes leurs autres demandes ;
- Plus subsidiairement, limiter l'obligation de réparation de la société Transit Fruits à la contrevaleur en euros au jour du règlement de la somme de 35 200 DTS ;
- Statuer alors ce que de droit sur les dépens de première instance et d'appel et débouter les sociétés Helvetia Assurances et Business By Air de toutes leurs autres demandes.
Par ses dernières conclusions notifiées le 15 décembre 2022, la société Helvetia Assurances demande, au visa des articles 1240 à 1242 et 1321 à 1324 du code civil, L1432-7 du code des transports, et L132-4 à L132-6 du code de commerce, de :
- Déclarer la société Transit Fruits tant irrecevable que mal fondée en son appel ;
- La débouter, en tout état de cause, de toutes ses demandes, fins et conclusions ;
- Débouter également la société Business By Air et le capitaine du navire Lady Rosebud, en sa qualité de tous leurs appels incidents, leurs demandes, fins et conclusions ;
- Déclarer la compagnie Helvetia Assurances recevable et bien fondée en ses appels incidents à divers titres ;
- Déclarer les sociétés Business By Air et Transit Fruits avec M. le capitaine commandant le navire Lady Rosebud, en sa qualité de représentant des armateurs / propriétaires / exploitants de ce navire, conjointement responsables des dommages ;
- Confirmer, en conséquence, le jugement du tribunal de commerce de Créteil en date du 26 mai 2020 en ce qu'il a condamné les sociétés Business By Air et Transit Fruits à rembourser à la société Helvetia Assurances le montant des dommages à la marchandise et divers coûts, y compris frais d'expertise avec capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil, outre la condamnation au bénéfice de la compagnie Helvetia Assurances de la société Transit Fruits au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi que toutes autres dispositions au bénéfice de la compagnie d'assurances Helvetia Assurances ;
- Le réformer en revanche, en ce qu'il a débouté la compagnie Helvetia Assurances de ses demandes à l'encontre du capitaine du navire ès-qualité et déclarer cette action recevable et bien fondée ;
- Condamner, en conséquence, solidairement les sociétés Business By Air et Transit Fruits et le capitaine du navire Lady Rosebud, en sa qualité, in solidum avec les deux autres à payer à la compagnie Helvetia Assurances les sommes de 41 075,63 euros en principal, sauf à parfaire, au titre des dommages à la marchandise et du coût de destruction, 1.298,75 euros en principal, sauf à parfaire, à titre de remboursement des frais d'expertise, outre intérêts légaux à compter de l'assignation, capitalisés d'année en année dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil ;
- Condamner dans les mêmes solidarités les sociétés Business By Air et Transit Fruits avec le capitaine du navire Lady Rosebud, en sa qualité, à payer au titre de la procédure de première instance la somme de 6 000 euros chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et encore les sociétés Business By Air et Transit Fruits avec le capitaine du navire Lady Rosebud, en sa qualité, à payer sous les même solidarités et in solidum avec le dernier nommé la somme de 20 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel, en raison des appels principal et incidents ;
- Condamner solidairement les sociétés Business By Air et Transit Fruits avec le capitaine du navire Lady Rosebud, en sa qualité, aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Par ses dernières conclusions notifiées le 6 février 2024, le capitaine commandant le navire Lady Rosebud demande, au visa des articles 699 et 700 du code de procédure civile, et 1240 et suivants du code civil, de :
Sur l'appel incident de la société Helvetia Assurances
- Juger que le capitaine du navire Lady Rosebud a été assigné par la société Helvetia Assurances uniquement en tant que représentant de l'armateur-propriétaire du navire ;
- Juger que le navire ayant été affrété à temps par les sociétés Fresh Carriers et Africa Express Line, l'armateur-propriétaire du navire n'avait pas la gestion commerciale du navire ;
- Juger que l'armateur-propriétaire du navire n'a pas la qualité de transporteur maritime ;
- Juger que la société Helvetia Assurances ne dispose d'aucune action contractuelle à l'encontre du capitaine du navire Lady Rosebud, assigné uniquement en sa qualité de représentant de l'armateur-propriétaire du navire ;
- Juger qu'aucune faute de quelque nature que ce soit ne peut être reprochée à l'encontre de l'armateur-propriétaire du navire comme étant à l'origine du dommage causé à la marchandise ;
- Juger que le dommage causé à la marchandise est dû uniquement au dysfonctionnement du container fourni par la société Africa Express Line, sous-affréteur à temps et transporteur ;
- Juger que c'est donc à juste titre que le tribunal, dans le jugement entrepris, a déclaré irrecevable l'action engagée sur le plan quasi-délictuel par la société Helvetia Assurances à l'encontre du capitaine du navire Lady Rosebud, en sa qualité de représentant de l'armateur-propriétaire ;
- Confirmer donc le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré irrecevable l'action de la société Helvetia Assurances à l'encontre du capitaine du navire Lady Rosebud, en sa qualité de représentant de l'armateur-propriétaire ;
- Condamner la compagnie Helvetia Assurances à payer la somme de 7 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Sur l'appel en garantie de la société Business By Air
- Juger que c'est à juste titre que le tribunal a déclaré irrecevable l'appel en garantie de la société Business By Air à l'encontre du capitaine, en sa qualité de représentant de l'armateur propriétaire du navire ;
- Confirmer en conséquence le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré irrecevable l'action de la société Business By Air à l'encontre du capitaine, en sa qualité de représentant de l'armateur-propriétaire du navire ;
- Condamner la société Business By Air à payer la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
A titre subsidiaire, sur l'appel en garantie du capitaine du navire Lady Rosebud contre la société Africa Express Line
- Juger que l'appel provoqué formé par le capitaine commandant le navire Lady Rosebud est recevable sur la base des articles 1240 et suivants du code civil ;
- Juger que la société Africa Express Line était propriétaire du conteneur AEXU450091/4 ;
- Juger que c'est en tant que sous-affréteur du navire en ayant la gestion commerciale de celui-ci que la société Africa Express Line a chargé le conteneur AEXU450091/4 à bord du navire Lady Rosebud ;
- Juger en conséquence que le conteneur AEXU450091/4 était sous la garde de la société Africa Express Line lorsque la rupture de froid s'est produite ;
- Juger que la rupture de froid est due au fait que le conteneur AEXU450091/4, appartenant à la société Africa Express Line, était défectueux ;
- Juger qu'en application des dispositions de l'article 83 de la charte-partie entre les sociétés Africa Express Line et Fresh Carrier, la société Africa Express Line avait l'obligation de charger à bord un conteneur en bon état ;
- Juger qu'en chargeant à bord un conteneur défectueux, la société Africa Express Line a commis une faute ;
- En conséquence, au cas où par impossible la cour infirmerait le jugement entrepris et retiendrait la responsabilité du capitaine du navire Lady Rosebud envers la société Helvetia Assurances, condamner la société Africa Express Line à garantir le capitaine du navire Lady Rosebud de toutes condamnations pouvant être prononcée à son encontre et à rembourser toute somme que le capitaine du navire Lady Rosebud serait susceptible de devoir payer ;
- Condamner la société Africa Express Line à payer la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître François Teytaud dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile ;
Par ses dernières conclusions notifiées le 15 décembre 2022, la société Business By Air demande, au visa des articles 333 du code de procédure civile, L172-29 du code des assurances, 1346-1, 1240 à 1242 du code civil, L1432-7, L5422-1 et suivants, D5422-1 et suivants du code des transports, et L132-4 à L132-6 du code de commerce, de :
- Infirmer le jugement en ce qu'il a jugé recevables et bien fondées les demandes formées par la compagnie Helvetia Assurances ;
En conséquence,
- Débouter la compagnie Helvetia Assurances de l'intégralité de ses demandes ;
- Dire et juger sans objet les appels en garantie formés par la société Business By Air à l'encontre de la société Transit Fruits et de M. le capitaine commandant le navire Lady Rosebud en sa qualité ;
- Condamner la compagnie Helvetia Assurances à payer à la société Business By Air la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamner la compagnie Helvetia Assurances aux entiers dépens de première instance et d'appel dont le montant, pour ces derniers, pourra être recouvré par Maître Nadia Bouzidi-Fabre, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;
Subsidiairement
- Dans l'hypothèse où le jugement serait confirmé en ce qu'il a jugé recevables et bien fondées les demandes formées par la compagnie Helvetia Assurances,
- Dire et juger qu'il n'est pas soutenu ni a fortiori démontré que la société Business By Air aurait commis de faute personnelle ni l'existence d'un lien de causalité entre une telle hypothétique faute et les avaries aux marchandises ;
- Dire et juger que la responsabilité de la société Business By Air ne peut donc être recherchée qu'en sa qualité de garant du fait de ses substitués ;
- Adjuger à la société Business By Air le bénéfice des mêmes causes d'exonération et de limitations de responsabilité que celles reconnues à ses substitués ;
- Adjuger à la société Business By Air le bénéfice de son appel en garantie à l'encontre de la société Transit Fruits ;
En conséquence,
- Confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société Transit Fruits à relever et garantir indemne la société Business By Air de l'intégralité des condamnations mises à sa charge, au besoin par substitution de motifs ;
- Infirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société Business By Air solidairement avec la société Transit Fruits aux dépens de première instance ;
- Condamner la société Transit Fruits à payer à la société Business By Air la somme de 5 000,00 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d'appel ;
- Débouter la compagnie Helvetia Assurances de ses demandes d'indemnités sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure au titre des procédures de première instance et d'appel ;
- Condamner la seule société Transit Fruits aux entiers dépens de première instance et d'appel dont le montant, pour ces derniers, pourra être recouvré par Maître Nadia Bouzidi Fabre conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;
Très subsidiairement
- Dans l'hypothèse où la société Transit Fruits ne serait pas condamnée à relever et garantir indemne la société Business By Air de l'intégralité des condamnations mises à sa charge et où la société Business By Air serait néanmoins jugée garante de M. le capitaine commandant le navire Lady Rosebud en sa qualité de représentant de l'armateur / propriétaire,
- Dire et juger qu'il n'est pas soutenu ni a fortiori démontré que la société Business By Air aurait commis de faute personnelle ni l'existence d'un lien de causalité entre une telle hypothétique faute et les avaries aux marchandises ;
- Dire et juger que la responsabilité de la société Business By Air ne peut donc être recherchée qu'en sa qualité de garant du fait de ses substitués ;
- Adjuger à la société Business By Air le bénéfice des mêmes causes d'exonération et de limitations de responsabilité que celles reconnues à ses substitués ;
- Adjuger à la société Business By Air le bénéfice de son appel en garantie à l'encontre de M. le capitaine commandant le navire Lady Rosebud en sa qualité de représentant de l'armateur / propriétaire ;
- Condamner M. le capitaine commandant le navire Lady Rosebud en sa qualité de représentant de l'armateur / propriétaire, au besoin in solidum avec la société Transit Fruits, à relever et garantir indemne la société Business By Air de l'intégralité des condamnations mises à sa charge ;
- Infirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société Business By Air solidairement avec la société Transit Fruits aux dépens de première instance ;
- Condamner M. le capitaine commandant le navire Lady Rosebud en sa qualité de représentant de l'armateur / propriétaire, au besoin in solidum avec la société Transit Fruits, à payer à la société Business By Air la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d'appel ;
- Débouter la compagnie Helvetia Assurances de ses demandes d'indemnités sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure au titre des procédures de première instance et d'appel ;
- Condamner M. le capitaine commandant le navire Lady Rosebud en sa qualité de représentant de l'armateur / propriétaire, au besoin in solidum avec la société Transit Fruits, aux entiers dépens de première instance et d'appel dont le montant, pour ces derniers, pourra être recouvré par Maître Nadia Bouzidi-Fabre conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Par ses dernières conclusions notifiées le 24 janvier 2024, la société Africa Express Line demande, au visa des articles 9, 32 et 122 du code de procédure civile, L172-29 du code des assurances, 1240 et 1242 du code civil, L5423-7 du code des transports, de :
- Juger l'action de M. le capitaine commandant le navire Lady Rosebud contre la société Africa Express Line irrecevable et à défaut mal fondée, l'en débouter ;
- Condamner M. le capitaine commandant le navire Lady Rosebud au paiement de la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel ;
- Subsidiairement, constater que l'objet de la demande de M. le capitaine commandant le navire Lady Rosebud contre la société Africa Express Line ne peut dépasser la somme de 1 536 euros ou bien à défaut celle de 20 537,82 euros qui marquent, la seconde à défaut de la première, la mesure de la recevabilité de la demande de la société Helvetia Assurances et limiter dans la même proportion la recevabilité de la demande formée contre la société Africa Express Line ;
- En tout cas, limiter le préjudice indemnisable et la condamnation de la société Africa Express Line à la somme de 14 945,18 euros et à défaut à la contrevaleur en euros au jour du règlement de la somme de DTS 35 200 ;
- Statuer alors ce que de droit sur les dépens de première instance et d'appel et débouter M. le capitaine commandant le navire Lady Rosebud de toutes ses autres demandes.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 15 février 2024.
La cour renvoie pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS
Sur la compétence
La société Transit Fruits soulève l'exception d'incompétence 'pour connaître de la demande de la société BBA et la renvoyer à se mieux pourvoir' et invoque l'application de la clause attributive de juridiction stipulée dans le connaissement. Elle ne vise aucun texte international. Les deux sociétés sont des sociétés de droit français.
L'article 48 du code de procédure civile dispose que 'toute clause qui, directement ou indirectement, déroge aux règles de compétence territoriale est réputée non écrite à moins qu'elle n'ait été convenue entre des personnes ayant toutes contracté en qualité de commerçant et qu'elle n'ait été spécifiée de façon très apparente dans l'engagement de la partie à qui elle est opposée.'
L'article 1103 du code civil énonce que les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.
La clause attributive de juridiction, dérogatoire au droit commun, n'est opposable aux parties que si elles l'ont acceptée.
Le document 'Eagle Europe Africa Global Line Express' du 16 mars 2017, relatif au transport de 3 200 cartons de haricots verts pour un poids de 17 800 kg, stipule au paragraphe 2 d) : 'The parties agree to submit any dispute arising out of this contract to the exclusive jurisdiction of the Hight Court of Justice in London'.
L'exemplaire produit de ce document mentionne :
'Shipper : Agro Negoce
Consignee : Del Gaudio
Notify adress : Stracom
Vessel : Lady Rosebud'.
La société Business By Air n'est pas mentionnée dans ce document, dont l'exemplaire produit n'est par ailleurs pas signé.
L'acceptation de la clause de compétence, qui figure sur une autre page que le recto du document, par la société Business By Air, et par conséquent son opposabilité à cette dernière, ne sont pas démontrées.
L'exception d'incompétence sera rejetée.
Le jugement sera confirmé de ce chef.
Sur la recevabilité de l'action de la société Helvetia
L'article 122 du code de procédure civile dispose que 'constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.'
L'intérêt à agir n'est pas subordonné à la démonstration préalable du bien-fondé de l'action.
L'article L.121-12 du code des assurances dispose que 'l'assureur qui a payé l'indemnité d'assurance est subrogé, jusqu'à concurrence de cette indemnité, dans les droits et actions de l'assuré contre les tiers qui, par leur fait, ont causé le dommage ayant donné lieu à la responsabilité de l'assureur.'
Aux termes de l'article L. 172-29 du même code, 'l'assureur qui a payé l'indemnité d'assurance acquiert, à concurrence de son paiement, tous les droits de l'assuré nés des dommages qui ont donné lieu à garantie'.
Le paiement de l'indemnité, en application du contrat d'assurance, est un préalable à la subrogation.
Il n'est pas exigé que le paiement ait été fait entre les mains de l'assuré lui-même.
En l'espèce, la société Helvetia Assurances est l'assureur de la société Del Gaudio France.
La société Business By Air a établi une facture en date du 29 mai 2017 à l'adresse de la société Del Gaudio portant sur du 'fret maritime import all in' et des frais de destruction, mentionnant la société Del Gaudio en qualité de destinataire des marchandises constituées de haricots.
Le document 'Eagle' établi le 16 mars 2017 mentionne la société Del Gaudio en qualité de 'consignee' des marchandises transportées sur le bateau Lady Rosebud.
Le certificat d'origine du 19 mars 2017 et le certificat phytosanitaire du 20 mars 2017 désignent la société 'Delgado Dio' en qualité de destinataire.
La société Del Gaudio France a signé, le 17 octobre 2018, un acte de subrogation aux termes duquel elle reconnaît avoir reçu de la société Helvetia, 'agissant en qualité d'apériteur', la somme de 41 075,63 euros en règlement du préjudice.
Le paiement de cette somme au profit de la société Del Gaudio France, destinataire des marchandises détériorées, a été effectué par virement, par l'intermédiaire d'un courtier d'assurance, en exécution de la police d'assurance souscrite.
Cette police d'assurance mentionne la société Helvetia Assurances et la société Great lakes Reinsurance, co-assureurs, la société Helvetia étant l'apériteur.
Ces deux sociétés ont adressé des virements correspondant à leurs quote-parts au courtier d'assurance, qui a effectué un virement total de l'indemnité au bénéfice de la société Del Gaudio.
Il est stipulé, à l'article 11.2 de la police d'assurance intitulé 'clause d'apérition', que 'les co-assureurs cèderont à l'apériteur leurs droits en ce qui concerne toutes les suites judiciaires en conséquence d'un conflit émanant d'une réclamation concernant les risques couverts par cette police ou l'interprétation de ses clauses'.
La société Helvetia Assurances, apériteur de la police, est dès lors subrogée dans les droits de la société Del Gaudio France, destinataire des marchandises perdues, à concurrence de la totalité de l'indemnité versée.Les sociétés Business By Air et Transit Fruits sont intervenues dans l'opération de transport.
La qualité de commissionnaire de transport de la société Business By Air n'est pas discutée.
La qualité de commissionnaire de transport intermédiaire ou de transporteur maritime ou de transitaire de la société Transit Fruits est discutée.
Il s'agit d'une question de fond qui ne rend pas irrecevable l'action en paiement de la société Helvetia Assurances qui a intérêt et qualité à agir contre ces deux sociétés intervenues dans l'opération de transport.
En conséquence, le jugement qui a déclaré recevable l'action de la société Helvetia Assurances subrogée dans les droits de la société Del Gaudio France, contre la société Business By Air et la société Transit Fruits, sera confirmé.
Le capitaine du navire Lady Rosebud, en sa qualité de représentant de l'armateur-propriétaire, prétend que l'action de la société Helvetia Assurances à son encontre est irrecevable.
L'intérêt et la qualité à agir ne sont pas subordonnés à la démonstration préalable du bien-fondé de l'action.
La société Helvetia Assurances prétend que le capitaine du navire, en sa qualité de représentant de l'armateur propriétaire, a commis une faute en n'ayant pas veillé à la réfrigération de la marchandise à bord du navire.
L'appréciation d'une faute délictuelle commise par le capitaine du navire, en sa qualité de représentant de l'armateur-propriétaire, ne relève pas de la recevabilité de l'action, mais de son bien-fondé.
La société Helvetia Assurances, subrogée dans les droits de la société Del Gaudio France, a intérêt et qualité à agir contre le capitaine du navire Lady Rosebud, en sa qualité de représentant de l'armateur-propriétaire, qui a transporté la marchandise endommagée, sur le fondement de la responsabilité délictuelle.
L'action de la société Helvetia Assurances sera déclarée recevable.
Le jugement, qui a déclaré irrecevable l'action de la société Helvetia Assurances à l'encontre du capitaine du navire Lady Rosebud, pris en sa qualité de représentant de l'armateur, sera infirmé.
Sur la recevabilité de l'action de la société Business By Air
La société Business By Air sollicite la garantie de la société Transit Fruits, et plus subsidiairement celle du capitaine du navire, en sa qualité de représentant de l'armateur propriétaire du navire.
Elle ne réclame pas la garantie du capitaine du navire en sa qualité d'exploitant du navire.
L'appréciation d'une faute délictuelle commise par le capitaine du navire, ès-qualité, ne relève pas de la recevabilité de l'action, mais de son bien-fondé.
L'appel en garantie de la société Business By Air à l'encontre du capitaine du navire en sa qualité de représentant de l'armateur propriétaire du navire qui a transporté la marchandise endommagée, est recevable.
Sur l'action du capitaine du navire contre la société Africa Express Line
M. le capitaine commandant le navire lady Rosebud demande la garantie de la société Africa Express Line.
Celle-ci soulève l'irrecevabilité de cette demande aux motifs que M. le capitaine s'est désisté de sa demande à son encontre.
Le tribunal a relevé que 'le capitaine du navire qui avait mis dans la cause la société AEL, ne formule plus de demande à son encontre dans ses dernières écritures ; qu'aucune demande n'est désormais formulée contre la société AEL, directement', et a mis la société Africa Express Line hors de cause.
Il n'est cependant justifié d'aucun désistement d'instance ou d'action de M. le capitaine commandant le navire lady Rosebud à l'égard de la société Africa Express Line.
La fin de non-recevoir soulevée par la société Africa Express Line sera rejetée.
Sur les intervenants à l'opération de transport
Il n'est pas discuté que la société Business By Air est commissionnaire de transport, dont la responsabilité personnelle n'est pas recherchée.
Cette qualité ressort de la facture qu'elle a émise le 29 mai 2017.
La société Transit Fruits n'est mentionnée ni sur cette facture, ni sur le document 'Eagle', ni sur les certificats.
Sa qualité de transporteur maritime n'est pas démontrée.
Elle conteste sa qualité de commissionnaire intermédiaire et revendique celle de transitaire.
Le transitaire est un auxiliaire du transport de marchandises. Simple mandataire, il ne dispose pas de la liberté des choix et des moyens pour exécuter ses missions, mais il obéit directement aux instructions de son mandant.
Le commissionnaire organise le transport.
En l'espèce, la société Transit Fruits a émis à l'adresse de la société Business By Air, le 21 mars 2017, une facture d'un montant de 3 887 euros relative à un 'forfait Niayes/Pve sur camion dédouané', mentionnant 'Import Niayes/[Localité 5]-01x40 reefer AEXU 450091-4 stc Haricots Verts (Cee : Delagaudio)-dépotage du conteneur et mise à disposition des palettes à PVE', ainsi que le nom du navire Lady Rosebud avec la date du 22 mars 2017.
La référence AEXU 450091-4 est celle du conteneur réfrigéré ayant contenu les haricots verts.
Il résulte de ces mentions que la facture est relative au transport des haricots verts par conteneur réfrigéré de [Localité 11] à [Localité 5].
Il n'est justifié d'aucune instruction donnée par la société Business By Air à la société Transit Fruits pour organiser ce transport.
La marchandise a été réceptionnée à [Localité 5] par la société Transit Fruits qui s'est aperçue de la température non conforme de l'air soufflé lors du déchargement du conteneur du navire le 22 mars 2017.
Sur son site internet, la société Transit Fruits indique qu'en 'sa qualité d'organisateur de transport, Transit Fruits transporte des marchandises sous le connaissement Eagle sur les navires opérés par AEL'.
En l'espèce, le transport a fait l'objet de l'établissement d'un connaissement 'Eagle' qui a été invoqué par la société Transit Fruits pour arguer de l'application de la clause de compétence.
Europe Africa Global Line Express Eagle est le nom commercial de la société Transit Fruits ainsi qu'il est mentionné sur l'extrait Kbis de cette société.
Il ressort de ces éléments que la société Transit Fruits a organisé le transport des 3 200 cartons de haricots verts par conteneur réfrigéré de [Localité 11] à via [Localité 5], et est dès lors intervenue en qualité de commissionnaire intermédiaire.
Le navire Lady Rosebud est mentionné comme 'vessel' ou 'navire' sur plusieurs documents dont le document 'Eagle'. Il n'est pas contesté qu'il a transporté par mer la marchandise.
M. le capitaine commandant le navire justifie que la société Mi Das Line, qui n'est pas dans la cause, armateur-propriétaire du navire, l'a donné en affrètement à temps le 30 novembre 2009 pour une durée de 8 ans à la société Fresh Carriers, qui n'est pas dans la cause et qui l'a, le même jour et pour la même durée, sous-affrété à temps à la société Africa Express Line.
Il apparaît ainsi comme étant le fréteur de l'opération de transport.
La société Africa Express Line, qui a été mise hors de cause par le tribunal, est le sous-affréteur.
Sur les causes du sinistre
Le 17 mars 2017, le conteneur a été chargé au port de [Localité 11] à bord du navire Lady Rosebud, qui est arrivé à [Localité 5] le 22 mars 2017.
Le conteneur n'a pas été fourni par l'armateur propriétaire du navire.
La société Transit Fruits a constaté, lors du déchargement du conteneur, que la température n'était pas conforme aux consignes concernant l'air soufflé.
Il ressort des rapports d'expertise non judiciaire versés aux débats que des dysfonctionnements ont affecté le container réfrigéré durant la traversée maritime.
Les relevés de températures effectués au cours du transport maritime font état de températures conformes aux consignes.
Les données extraites du groupe réfrigérant du container montrent que la température de consigne n'a pas été respectée pendant le transport.
La société d'expertise Cabinet Leveque, missionnée par la société Del Gaudio et la société Helvetia, a conclu, le 29 mai 2017, à une 'importante rupture de la chaîne du froid en cours de transport, par non-respect de la température de consigne, par dysfonctionnement de l'unité frigorifique du conteneur', causant la perte de la totalité de la marchandise transportée.
Elle a évalué le préjudice à la somme totale de 41 162,03 euros, composée de la perte de marchandise pour un montant de 38 086,40 euros calculée à partir d'un prix de 2,98 euros le kilogramme, et des frais de destruction facturés à hauteur de 3 075,63 euros.
M. [Z], expert missionné par la société Africa Express Line, a conclu, aux termes de son rapport d'expertise du 1er août 2017, que :
'La non-conformité des températures était visible au déchargement sur l'écran du groupe réfrigérant. Les données de températures mentionnées sur cet écran sont les données transmises à AEL pendant le voyage.
Les données extraites du groupe réfrigérant du conteneur confirment un mauvais fonctionnement du groupe réfrigérant durant tout le transport maritime.
Par contre, les données transmises à AEL par le bord durant le transport sont des données conformes par rapport à la température de consigne.
Cependant, ces données transmises par le bord à AEL ne correspondent pas à la réalité. Je suis d'avis que ces données sont fausses. L'origine des températures fournies par le bord à AEL n'est pas définissable.
Par contre des données exactes, transmises à AEL auraient permis une intervention sur le conteneur et éventuellement empêcher ou réduire les dégâts aux marchandises'.
Il a évalué la valeur de la marchandise détruite à un montant de 15 360 euros, les frais de destruction à 2 738,74 euros, le préjudice subi par l'exportateur Agro Negoce à 10 670,44 euros (qui n'est pas dans la cause), et celui de la société Del Gaudio constitué de sa perte de marge commerciale à 1 536 euros (10 % de 15 360 euros).
Par avenant établi le 13 juin 2021, M. [Z] a précisé que l'enregistreur de températures donnait des températures non conformes sur toute la durée du trajet, que l'élévation de température était due à un manque de gaz réfrigérant au niveau du groupe réfrigérant du conteneur, que la réparation avait consisté à l'injection d'une recharge de gaz dans le groupe réfrigérant, que des recharges de gaz étaient à bord du navire, que les températures de l'air soufflé et celle de l'air repris sont affichées sur l'écran de contrôle du groupe réfrigérant, que la simple lecture des données à l'écran permet de détecter ce genre de panne, que cette réparation aurait pu être effectuée à bord du navire et permettre de produire de l'air froid à un niveau de température conforme à la température de consigne, qu'un autre conteneur avait subi le même type de panne et avait été immédiatement réparé par le personnel de bord.
A la lecture de ces rapports, et des pièces annexées, il est retenu que le sinistre résulte d'un dysfonctionnement du groupe réfrigérant du conteneur pendant le transport maritime, la marchandise ayant été soumise à des températures supérieures à la température de consigne.
Le personnel de bord a relevé pendant le transport maritime des températures faisant état de températures conformes à la température de consigne.
A l'arrivée à [Localité 5], il a été constaté que les indications de températures relevées sur le conteneur révélaient des températures non conformes à la température de consigne.
Au moment de l'expertise, les données affichées sur l'écran du groupe réfrigérant indiquaient des températures supérieures à la température de consigne.
Il ne ressort pas des rapports d'expertise l'existence d'un dysfonctionnement entre les températures indiquées sur l'écran du groupe réfrigérant et les températures réelles.
Il est déduit par l'expert missionné par la société AEL que les températures relevées et transmises par le personnel de bord pendant le transport étaient fausses.
Le rapport d'expertise de la société Cabinet Leveque mentionne que le capitaine du navire et le subrécargue ont précisé que les relevés de température du fichier 'monitoring', qui est le fichier des températures journalières relevées à bord du navire lors de la traversée maritime, furent toujours effectuées par le même employé du navire et que les températures avaient été observées physiquement sur l'écran du conteneur conforme à la procédure.
En tout état de cause, il n'est pas établi à quel moment le conteneur a dysfonctionné ni à quel moment la panne aurait pu être détectée.
Il est invoqué des stipulations de chartes-parties produites aux débats selon lesquelles le fréteur devait communiquer à l'affréteur quotidiennement les températures et effectuer les petites réparations, l'affréteur fournissant au navire 'un stock d'équipement de rechange y compris des réfrigérants de rechange avec un manuel de réparation/opération...'
Seul l'avenant au rapport d'expertise établi le 13 juin 2021 par M. [Z] fait état de ce qu'il aurait pu être remédié au dysfonctionnement du conteneur par l'injection d'une recharge de gaz dans le groupe réfrigérant et que cette opération simple aurait pu être effectuée si les températures avaient été correctement relevées et transmises à la société AEL.
Cet avis est insuffisant pour établir que le personnel de bord aurait été en capacité de remédier immédiatement et totalement au dysfonctionnement du conteneur.
Ainsi, la faute invoquée de négligence du personnel de bord n'est pas démontrée dans la survenance du sinistre, causé par la défaillance du conteneur.
Sur le préjudice
Compte tenu du cours du prix de vente du haricot vert au 23 mars 2017, tel qu'établi par les pièces versées aux débats à une date contemporaine du sinistre, le prix de 1,20 euros le kilogramme sera retenu.
Le poids net indiqué sur le document Eagle, sur le certificat phytosanitaire, et sur la facture de l'exportateur, la société Agronegoce, est de 16 000 kg.
Ainsi, la valeur de la marchandise perdue sera retenue à hauteur de 19 200 euros (16 000 x 1,20).
Les frais de destruction se sont élevés à un montant de 3 075,63 euros.
Sur les responsabilités
L'article L1432-7 du code des transports dispose que, 'sans préjudice des dispositions impératives issues des conventions internationales, les contrats de commission de transport sont, quel que soit le mode de transport, soumis aux règles prévues aux articles L. 132-3 à L. 132-9 du code de commerce.'
Aux termes de l'article L132-5 du code de commerce, le commissionnaire de transport est garant des avaries ou pertes de marchandises et effets, s'il n'y a stipulation contraire dans la lettre de voiture, ou force majeure.
Selon l'article suivant, il est garant des faits du commissionnaire intermédiaire auquel il adresse les marchandises.
Les causes du sinistre révèlent un dysfonctionnement du conteneur ayant entraîné la perte de la marchandise transportée.
Il n'est pas retenu de faute commise par le personnel de bord du navire.
Il n'est pas démontré par les pièces du dossier que le capitaine du navire avait en charge la gestion commerciale du navire ou avait la qualité de représentant de l'exploitant du navire, étant relevé que le capitaine du navire a été attrait dans la cause en qualité de représentant de l'armateur propriétaire du navire.
Aucune faute n'est établie à l'encontre du capitaine du navire en sa qualité de représentant de l'armateur propriétaire du navire.
Sa responsabilité n'est dès lors pas engagée.
Sa demande en garantie contre la société AEL est dès lors sans objet.
La société Helvetia Assurances, subrogée dans les droits de la société Del Gaudio France, n'est dès lors pas fondée à rechercher sa responsabilité délictuelle.
La société BBA engage sa responsabilité en qualité de commissionnaire de transport à l'égard de la société Helvetia Assurances, subrogée dans les droits de la société Del Gaudio France.
La société Transit Fruits engage également sa responsabilité en sa qualité de commissionnaire de transport intermédiaire.
Il est invoqué une limitation d'indemnité par application de l'article 4-5 b de la convention de Bruxelles.
L'article 4-5 de la Convention de Bruxelles dispose que la limitation d'indemnité du transporteur maritime et de son sous-traitant doit être calculée sur la base de 2 DTS par kilo de poids brut des marchandises endommagées ou 666,67 DTS par colis énuméré au connaissement (soit, en l'espèce, 145 colis x 666.67 DTS = 96 667 DTS), la limitation la plus élevée étant applicable.
En l'espèce, les sociétés Business By Air et la société Transit Fruits engagent leur responsabilité en qualité respectivement de commissionnaire de transport et de commissionnaire de transport intermédiaire en tant que garant.
La marchandise était transportée en 3 200 cartons représentant un poids brut de 17 800 kg.
La limitation la plus élevée au sens de cette disposition est dès lors celle calculée en fonction de nombre de colis, soit 2 133 344 DTS, et non celle en fonction du poids brut (17 800 x 2 = 35 600 DTS). Elle est supérieure au montant du préjudice évalué à hauteur de 19 200 euros, outre les frais de destruction et d'expertise s'élevant à 3 075,63 euros et 1 298,75 euros.
En conséquence, la société Business By Air et la société Transit Fruits seront condamnées solidairement à payer à la société Helvetia Assurances les sommes de 19 200 euros, 3 075,63 euros et de 1 298,75 euros, avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation du 20 mars 2018.
Les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, seront capitalisés conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil et à compter du 20 mars 2018, date de la demande.
La société Transit Fruits sera condamnée à garantir la société Business By Air de sa condamnation.
Sur les autres demandes
Le jugement sera infirmé en ses dispositions relatives aux dépens et confirmé en celles relatives aux frais irrépétibles.
La société Transit Fruits, partie perdante, sera tenue aux dépens de première instance et d'appel.
Il apparaît équitable de la condamner à payer à chacune des sociétés Helvetia Assurances et Business By Air la somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en appel en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Il n'apparaît pas inéquitable de rejeter les autres demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, dans les limites de sa saisine,
Infirme le jugement du 26 mai 2020 du tribunal de commerce de Créteil sauf en ce qu'il s'est déclaré compétent, a déclaré recevable l'action de la société Helvetia Assurances, subrogée dans les droits de la société Del Gaudio France, contre la société Business By Air et la société Transit Fruits, a condamné la société Transit Fruits à relever et garantir la société Business By Air de toutes condamnations mises à sa charge, et en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles ;
Statuant à nouveau des chefs infirmés, et y ajoutant,
Déclare recevable l'action de la société Helvetia Assurances à l'encontre du capitaine du navire Lady Rosebud, pris en sa qualité de représentant de l'armateur propriétaire du navire ;
Déclare recevable la demande en garantie de la société Business By Air à l'encontre du capitaine du navire en sa qualité de représentant de l'armateur propriétaire du navire ;
Rejette la fin de non-recevoir soulevée par la société Africa Express Line à l'encontre du capitaine du navire Lady Rosebud ;
Condamne solidairement la société Business By Air et la société Transit Fruits à payer à la société Helvetia Assurances les sommes de 19 200 euros, 3 075,63 euros et 1 298,75 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 20 mars 2018 ;
Ordonne la capitalisation des intérêts échus, dus au moins pour une année entière, conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil et à compter du 20 mars 2018 ;
Condamne la société Transit Fruits à garantir la société Business By Air de cette condamnation ;
Rejette les demandes contre le capitaine du navire Lady Rosebud, en sa qualité de représentant de l'armateur propriétaire du navire ;
Dit que la demande du capitaine du navire Lady Rosebud en garantie contre la société Africa Express Line est sans objet ;
Condamne la société Transit Fruits à payer à la société Helvetia Assurances la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la société Transit Fruits à payer à la société Business By Air la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Rejette les autres demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la société Transit Fruits aux dépens de première instance et d'appel.
LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE