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04/07/2024 | FRANCE | N°19/11335

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 7, 04 juillet 2024, 19/11335


Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 7



ARRÊT DU 04 JUILLET 2024



(n° 258 , 20 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/11335 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CA6PG



Décision déférée à la Cour : Jugement du 11 octobre 2019 - Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de PARIS - RG n° 15/14851





APPELANT

Monsieur [J] [Z]

[Adresse 3]

[Localit

é 6]

Représenté par Me Jean-Jacques BERTRAND, avocat au barreau de PARIS, toque : P0036



INTIMÉES

SA AIR FRANCE

[Adresse 2]

[Localité 7]

Représentée par Me Aurélien BOULANGER...

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 7

ARRÊT DU 04 JUILLET 2024

(n° 258 , 20 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/11335 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CA6PG

Décision déférée à la Cour : Jugement du 11 octobre 2019 - Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de PARIS - RG n° 15/14851

APPELANT

Monsieur [J] [Z]

[Adresse 3]

[Localité 6]

Représenté par Me Jean-Jacques BERTRAND, avocat au barreau de PARIS, toque : P0036

INTIMÉES

SA AIR FRANCE

[Adresse 2]

[Localité 7]

Représentée par Me Aurélien BOULANGER, avocat au barreau de PARIS, toque : T03

SELAS ETUDE [V] prise en la personne de Me [R] [E] es qualité de mandataire liquidateur de la société PRETORY

[Adresse 8]

[Localité 4]

N'ayant pas constitué avocat, signification de la déclaration d'appel remise à tiers présent au domicile le 12 mars 2020

Association AGS CGEA IDF OUEST

[Adresse 1]

[Localité 5]

Représentée par Me Anne-France DE HARTINGH, avocat au barreau de PARIS, toque : R1861

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 08 février 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Bérénice HUMBOURG, présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Madame Bérénice HUMBOURG, présidente de chambre

Madame Marie SALORD, présidente de chambre

Monsieur Laurent ROULAUD, conseiller

Greffier, lors des débats : Madame Alisson POISSON

ARRÊT :

- RÉPUTÉ CONTRADICTOIRE,

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, initialement prévu le 30 mai 2024 et prorogé au 04 juillet 2024, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Bérénice HUMBOURG, présidente de chambre et par Madame Alisson POISSON, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

A la suite des attentats du 11 septembre 2001 à [Localité 9], la société Air France a décidé de placer un agent de sûreté embarqué sur chacun de ses vols.

C'est dans ce cadre que le 14 septembre 2001, la société Air France a signé un contrat avec la société Prétory dont l'objet était d'assurer des prestations de sûreté sur les vols Air France. Un second contrat a été signé entre les parties le 28 mars 2002.

Pour répondre aux besoins de ce marché, dénommé 'SURAF' (sûreté Air France), la société Prétory, société de sécurité, a recruté près de deux cents salariés, spécialisés dans les métiers de la sécurité et de la sûreté, à compter de septembre 2001 par contrats de travail à durée indéterminée 'intermittent'. La société Prétory employait plus de dix salariés et appliquait la convention collective des entreprises de prévention et de sécurité.

C'est ainsi que M. [J] [Z] a été engagé par contrat de travail à durée indéterminée 'pour intermittent' le 15 septembre 2001 en qualité d'agent de sûreté sur vols sensibles, pour une durée maximum de 35 heures par semaine.

Par courrier du 8 novembre 2002, l'inspection du travail est intervenue auprès de la société Air France pour signaler des irrégularités, notamment quant à l'intervention d'une société anglaise Vortex pour le paiement d'une partie du salaire du personnel de sécurité affecté à ses vols (travail dissimulé).

Plusieurs courriers vont être échangés entre la société Air France et la société Prétory sur ce point, et notamment le 18 décembre 2002 la première demandant à la seconde de cesser toute sous-traitance non préalablement acceptée par ses soins.

Par jugement du tribunal de commerce de Paris en date du 17 novembre 2003, la société Prétory a été placée en redressement judiciaire. Par jugement du 30 décembre 2003, elle a été mise en liquidation judiciaire. Maître [E], ès-qualités de mandataire liquidateur, a notifié le 13 janvier 2004 à certains salariés leur licenciement pour cause économique en raison de la suppression de leur poste, avec dispense d'effectuer le préavis.

Des poursuites pénales ont été engagées à l'encontre de la société Air France et des dirigeants de la société Prétory.

Par jugement en date du 9 juillet 2013, le tribunal correctionnel de Paris a condamné les dirigeants de la société Prétory notamment pour infractions de travail dissimulé. La société Air France a également été condamnée pour 'recours en connaissance de cause, directement ou par personne interposée, aux services d'une personne exerçant un travail dissimulé' sur une période restreinte.

Cette décision a été confirmée par la cour d'appel de Paris par un arrêt en date du 26 janvier 2016 qui a retenu en revanche toute la période de prévention, soit du 13 septembre 2001 au 31 décembre 2003. La société Air France a formé un pourvoi en cassation, qui a été rejeté par un arrêt en date du 14 novembre 2017.

En parallèle de la procédure pénale, plusieurs salariés ont saisi le conseil de prud'hommes de Paris de diverses demandes à l'égard de la société Prétory et de la société Air France.

M. [Z] a ainsi saisi le conseil de prud'hommes de Paris le 20 mai 2003, faisant valoir que les sociétés Prétory et Air France s'étaient rendues coupables de prêt illicite de main d''uvre et de marchandage et que la société Air France était son co-employeur et sollicitant la résiliation judiciaire de son contrat, outre le paiement de diverses indemnités et rappels de salaire.

En raison de la procédure pénale, l'affaire pendante devant le Conseil de prud'hommes a fait l'objet d'un sursis à statuer puis d'une radiation le 5 novembre 2013. L'affaire a été rétablie le 4 novembre 2015.

Par jugement du 11 octobre 2019, le conseil de prud'hommes de Paris a :

- rejeté l'exception soulevée par Me [E] en sa qualité de liquidateur de la SA Prétory au titre de la péremption d'instance ;

- requalifié le contrat d'intermittent en contrat de travail à durée indéterminée à temps complet;

- fixé le salaire mensuel du salarié à la somme de 2403,96 euros ;

- débouté le salarié de ses demandes de condamnation à l'encontre de la société Air France au titre du prêt illicite de main d'oeuvre, du marchandage et du co-emploi ;

- condamné la société Air France à payer au salarié la somme de 14 423,76 euros au titre de l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé et dit qu'elle sera tenue solidairement avec la SA Prérory au paiement de cette somme ;

- dit que cette condamnation portera contre la société Air France intérêts au taux légal à compter de la décision et que les intérêts dus pour une année entière se capitaliseront ;

- prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail et dit qu'elle produit ses effets au 1er avril 2003 ;

- fixé la créance du salarié au passif de la liquidation judiciaire de la société Prétory aux sommes suivantes :

5000 euros de dommages et intérêts pour violation des dispositions légales et conventionnelles du fait de la sous-traitance illicite à la société Vortex ;

14 423,76 euros au titre de l'indemnité pour travail dissimulé ;

2403,96 euros au titre de la prime de sûreté aéroportuaire ;

2403,96 euros au titre de la prime de performance ;

2403,96 euros au titre de l'indemnité de préavis ;

240,39 euros au titre des congés payés y afférent ;

5000 euros pour licenciement abusif ;

- rappelé que le cours des intérêts s'arrête à la date de la liquidation judiciaire ;

- débouté le salarié de ses demandes au titre des heures supplémentaires, du repos compensateur et du surplus de rappel de salaires et de la justification du paiement des charges sociales ;

- débouté le salarié de sa demande de désignation d'un expert et de dommages et intérêts à titre provisionnel au titre du préjudice médical ;

- débouté le salarié de sa demande de dommages et intérêts pour irrégularité de la procédure ;

- dit que la présente décision sera opposable à l'AGS et que les créances fixées au passif de la liquidation judiciaire, à l'exception de celle fixée au titre de l'article 700 du code de procédure civile, seront en conséquence garanties par cette dernière dans les limites de la garantie légale et du plafond légal, toutes créances confondues et sous déduction des sommes déjà avancées ;

- ordonné la remise par Maître [E] en sa qualité de liquidateur de la SA Prétory d'une attestation pôle emploi, d'un certificat de travail, de fiches de payes conformes à la décision, et ce dans le délai d'un mois à compter de la notification de la décision ;

- dit n'y avoir pas lieu de prononcer une astreinte ;

- ordonné l'exécution provisoire ;

- condamné la société Air France à payer au salarié la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- fixé la créance du salarié au passif de la liquidation judiciaire de la SA Prétory à la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- dit que les dépens seront inscrits au passif de la liquidation judiciaire de la SA Prétory au titre des frais privilégiés.

Par déclaration notifiée par le RVPA le 13 novembre 2019, M. [Z] a interjeté un appel partiel de cette décision.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 31 janvier 2023, M. [Z], appelant, demande à la cour de :

- le déclarer recevable en son appel et l'y dire bien-fondé ;

- confirmer le jugement en ce qu'il a :

rejeté l'exception soulevée par Me [E] en sa qualité de liquidateur de la SA Prétory au titre de la péremption d'instance ;

requalifié le contrat d'intermittent en contrat de travail à durée indéterminée à temps complet ;

condamné la société Air France à lui payer une indemnité forfaitaire pour travail dissimulé et dit qu'elle sera tenue solidairement avec la SA Prétory au paiement de cette somme mais en réformer le montant ;

dit que cette condamnation portera contre la société Air France intérêts au taux légal à compter de la présente décision et que les intérêts dus pour une année entière se capitaliseront;

prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail et dit qu'elle produit ses effets au 1er avril 2003 ;

rappelé que le cours des intérêts s'arrête à la date de la liquidation judiciaire ;

dit que la présente décision sera opposable à l'AGS et que les créances fixées au passif de la liquidation judiciaire, à l'exception de celle fixée au titre de l'article 700 du code de procédure civile, seront en conséquence garanties par cette dernière dans les limites de la garantie légale et du plafond légal, toutes créances confondues et sous déduction des sommes déjà avancées ;

ordonné la remise par Maître [E] en sa qualité de liquidateur de la SA Prétory d'une attestation pôle emploi, d'un certificat de travail, de fiches de payes conformes à la présente décision, et ce dans le délai d'un mois à compter de la notification de la présente décision ;

dit n'y avoir pas lieu de prononcer une astreinte ;

ordonné l'exécution provisoire ;

condamné la société Air France à lui payer la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

fixé sa créance au passif de la liquidation judiciaire de la SA Prétory à la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

dit que les dépens seront inscrits au passif de la liquidation judiciaire au titre des frais privilégiés ;

- réformer le jugement en ce qu'il a :

fixé son salaire mensuel à la somme de 2.403,96 euros ;

condamné la société Air France à lui payer la somme de 14.423,76 euros au titre de l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé ;

fixé sa créance au passif de la liquidation judiciaire aux sommes suivantes :

5.000 euros de dommages et intérêts pour violation des dispositions légales et conventionnelles du fait de la sous-traitance illicite à la société Vortex ;

14.423,76 euros au titre de l'indemnité pour travail dissimulé ;

2.403,96 euros au titre de la prime de sûreté aéroportuaire ;

2.403,96 euros au titre de la prime de performance ;

2.403,96 euros au titre de l'indemnité de préavis ;

240,39 euros au titre des congés payés afférents ;

5.000 euros pour licenciement abusif ;

- infirmer le jugement en ce qu'il l'a débouté de ses demandes :

de condamnation de la société Air France au titre du prêt illicite de main d'oeuvre, du marchandage et du co-emploi ;

au titre des heures supplémentaires, du repos compensateurs et du surplus de rappel de salaires et de la justification du paiement des charges sociales ;

de désignation d'un expert et de dommages et intérêts à titre provisionnel au titre du préjudice médical ;

de dommages et intérêts pour irrégularité de la procédure ;

En conséquence, il est demandé à la chambre sociale de la Cour d'Appel de Paris de :

- déclarer l'appel recevable et bien fondé ;

- confirmer partiellement le jugement ;

- pour le surplus, le reformer ou l'infirmer ;

Et, statuant à nouveau :

- joindre les instances enregistrées auprès de la Cour d'appel sous les références N° RG : 19/11335 et N° RG : 19/11361 ;

- juger que le contrat d'intermittent est requalifié en contrat de travail à durée indéterminée à temps complet ;

- juger qu'il a fait l'objet d'un prêt illicite de main-d'oeuvre ou, à tout le moins, a été victime d'un marchandage par les société Air France et Prétory ;

- juger que c'est de manière intentionnelle que la société Prétory n'a pas porté sur ses bulletins de salaire le nombre exact des heures effectuées ;

- juger que la société Air France n'a pas satisfait aux exigences de l'article L 324-18 ancien du code du travail ;

- juger que la société Air France doit être considérée comme son co-employeur ;

- juger qu'à l'égard de la société Air France, l'accord collectif du personnel navigant commercial lui est applicable et qu'à l'égard de la société Prétory, la convention nationale collective des entreprises de prévention et de sécurité lui est applicable ;

- juger que la société Air France devra être tenue solidairement au paiement des sommes demandées et à la délivrance des documents et justifications sollicités ;

- juger que le contrat de travail a été rompu abusivement par les sociétés Air France et Prétory, le 1er avril 2003 ;

- dire que son salaire moyen mensuel reconstitué est de 8.631,29 € ;

En conséquence :

- fixer sa créance à la liquidation judiciaire de la société Prétory auprès de Maître [E], ès qualité de liquidateur judiciaire aux sommes totales suivantes :

à titre d'arriérés de rémunérations : 103.332,20 € ;

en réparation du préjudice subi du fait de la violation des dispositions légales et conventionnelles : 30.000,00 € ;

en application de l'article L.324-11-1 ancien du code du travail : 51.787,74 €

8.556,69 € au titre de sûreté aéroportuaire ;

8.556,69 € au titre de la prime de performance ;

à titre d'indemnité de préavis : 8.631,29 € ;

à titre de congés payés sur préavis : 863,12 € ;

à titre d'indemnité pour licenciement abusif : 103.575,48 € ;

à titre d'indemnité pour procédure irrégulière : 8.631,29 € ;

Il conviendra de déduire de cette créance totale le montant des sommes réglées soit par l'AGS pour le compte de la société Prétory, soit par la Société Air France en exécution du jugement dont appel ;

- dire que ces sommes seront dues avec intérêts au taux légal à compter de la date de la demande introductive d'instance, avec capitalisation des intérêts en application de l'article 1343-2 nouveau du code civil (anciennement article 1154) ;

- dire qu'à l'égard de la société Prétory, le cours des intérêts s'arrête à la date de la liquidation judiciaire ;

- condamner la société Air France qui est tenue solidairement aux obligations de la société Prétory à lui payer les sommes ci-dessus fixées à l'encontre de Maître [E], ès qualité de liquidateur judiciaire de la société Prétory, à l'exception de la prime de sûreté aéroportuaire et de la prime de performance ;

- dire que le salaire moyen mensuel qui sera fixé par la Cour d'appel doit tenir compte des arriérés dus ;

- dire que la présente décision sera opposable à l'AGS et que les créances fixées au passif de la liquidation judiciaire, à l'exception de celle fixée au titre de l'article 700 du code de procédure civile, seront en conséquence garanties par cette dernière dans les limites de la garantie légale et du plafond légal, toutes créances confondues et sous déduction des sommes déjà avancées ;

- désigner un expert médical qui aura pour mission de l'examiner et de déterminer les conséquences médicales de sa surexposition au rayonnement cosmique et plus généralement toutes conséquences sur son état de santé lié à son activité de SURAF ;

- au titre du préjudice médical, fixer à l'encontre de Maître [E], ès qualité de liquidateur judiciaire de la société Prétory, une provision de 30.000 € ;

- condamner en raison de la solidarité existant entre la société Prétory et la société Air France, cette dernière à lui payer une provision de même montant ;

- dire que les frais d'expertise seront supportés solidairement par la société Air France et Maître [E], ès qualité de liquidateur judiciaire de la société Prétory ;

- ordonner à la société Air France et à Maître [E], ès qualité de mandataire liquidateur de la société Prétory :

la remise d'une attestation pôle emploi, des bulletins de salaire conformes depuis son embauche prenant en compte le salaire moyen mensuel rectifié ainsi qu'un certificat de travail conforme ;

la justification du paiement des charges sociales aux organismes obligatoires, relatives autant aux sommes déjà versées par la société Prétory et par la société Navarac qu'aux sommes correspondant aux condamnations ;

le tout sous une astreinte journalière de 100 € suivant le 8ème jour de la notification de l'arrêt à intervenir ;

- lui réserver le droit de prétendre à la réparation d'un préjudice de retraite à l'égard de la société Air France et de Maître [E] ès qualités de liquidateur de la société Prétory;

- confirmer le jugement entrepris sur la condamnation par la société Air France à lui payer la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Y ajoutant,

- condamner la société Air France à lui payer la somme de 10.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- confirmer le jugement entrepris sur la fixation d'une créance au passif de la liquidation judiciaire de la SA Prétory à hauteur de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Y ajoutant,

- fixer une créance au passif de la liquidation judiciaire de la SA Prétory à la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- rejeter l'ensemble des demandes, fins et conclusions incidentes des parties intimées formées à son encontre ;

- condamner la société Air France en tous les dépens de première instance et d'appel ;

- dire qu'à l'égard de Maître [E], ès qualité de mandataire liquidateur de la société Prétory, les dépens seront inscrits au passif de la liquidation judiciaire au titre des frais privilégiés ;

Subsidiairement :

- ordonner toute mesure d'instruction aux fins de confirmer l'exactitude de ses prétentions au titre des arriérés de rémunération et d'obtenir de la société Air France et à Maître [E], ès qualité de mandataire liquidateur de la société Prétory tous documents utiles à la mission ;

- dans ce cas, en raison de la solidarité existant avec Maître [E], ès qualité de mandataire liquidateur de la société Prétory, condamner la société Air France à lui payer une provision de 50.000 € dans l'attente des conclusions de la mesure d'instruction ordonnée ;

- dire que les frais de la mesure d'instruction seront supportés solidairement par les sociétés Air France et Maître [E], ès qualité de mandataire liquidateur de la société Prétory.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 12 août 2020, la société Air France demande à la cour de :

- infirmer le jugement rendu par le Conseil de prud'hommes de Paris le 11 octobre 2019 en ce qu'il l'a condamnée à payer à l'appelant une indemnité forfaitaire pour travail dissimulée, a jugé qu'elle sera tenue solidairement avec la société Prétory au paiement de cette indemnité, a jugé que cette condamnation portera contre la société Air France intérêts au taux légal à compter du jugement et que les intérêts dus pour une année entière se capitaliseront,

- confirmer le jugement rendu par le Conseil de prud'hommes de Paris le 11 octobre 2019 en ce qu'il a débouté l'appelant de ses demandes en condamnation à l'encontre de la société Air France au titre du prêt illicite de main d'oeuvre, du marchandage et du co-emploi,

En conséquence :

- dire et juger l'appelant mal fondé en ses demandes, fins et prétentions à l'encontre de la société Air France .

- l'en débouter ;

- condamner l'appelant à payer à la société Air France la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;

- laisser à sa charge les dépens.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 21 août 2020, l'UNEDIC DÉLÉGATION AGS CGEA IDF Ouest, demande à la cour de :

A titre principal

- constater l'absence de situation de co-emploi,

- rappeler la subsidiarité de la garantie de l'AGS,

- mettre hors de cause l'AGS,

A titre subsidiaire

- en cas de condamnation solidaire, imputer la totalité de la dette solidaire à la société Air France in bonis,

- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions à l'exclusion de celle ordonnant la garantie de l'AGS sur l'ensemble des condamnations (hors celle relative à l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens),

- juger recevable et bien fondée l'AGS en son appel incident et réformer la décision entreprise sur ce point en jugeant que toute condamnation relative au travail dissimulé sera exclue de la garantie de l'AGS,

En tout état de cause,

- débouter le salarié de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

- ordonner la compensation des sommes fixées au passif de la société Prétory avec les sommes avancées par l'AGS postérieurement au 03 avril 2003 (7 482,39 euros),

Sur la garantie,

- juger qu'en tout état de cause, la garantie prévue aux dispositions de l'article L 3253-6 du code du travail ne peut concerner que les seules sommes dues en exécution du contrat de travail au sens et dans les limites de l'article L 3253-8 du code du travail, les astreintes, dommages et intérêts mettant en oeuvre la responsabilité de droit commun de l'employeur ou article 700 étant ainsi exclus de la garantie,

- juger que toute condamnation relative au travail dissimulé sera exclue de la garantie,

- juger qu'en tout état de cause la garantie de l'AGS ne pourra excéder, toutes créances confondues, l'un des trois plafonds fixés, en vertu des dispositions des articles L 3253-17 et D 3253-5 du code du travail,

- statuer ce que de droit quant aux frais d'instance sans qu'ils puissent être mis à la charge de l'UNEDIC AGS.

La SELAS Etude [V] en la personne de Maître [R] [E], mandataire liquidateur de la société Prétory, nommée le 5 juillet 2018 en remplacement de Maître [H] [E], à laquelle la déclaration d'appel et les conclusions d'appelant ont été signifiées le 12 mars 2020 à personne présente au siège, n'a pas constitué avocat.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 1er mars 2023 et l'affaire a été fixée à l'audience du 16 mars 2023.

Avec l'accord des parties, une mesure de médiation a été ordonnée par arrêt du 1er juin 2023 prolongée le 26 octobre 2023 qui n'a finalement pas abouti.

L'affaire a été rappelé à l'audience du 8 février 2024 et mise en délibéré au 30 mai 2024 puis au 4 juillet 2024.

Pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS

A titre liminaire, la demande de jonction entre les numéros RG : 19/11335 et N° RG : 19/11361 est devenue sans objet, les instances ayant déjà été jointes par ordonnance du 8 décembre 2020.

Par ailleurs, par courrier du 15 novembre 2023, le directeur régional de la Délégation Unedic AGS a informé le premier président de la cour d'appel de Paris qu'à compter du 1er janvier 2024, la structure mettant en oeuvre le régime de garantie des salaires ne sera plus la Délégation Unedic AGS mais l'AGS et que ce transfert était sans effet sur le maillage territorial des CGEA. Par suite l'Unedic Délégation CGEA de l'île de France Ouest sera désignée dans le dispositif du présent arrêt sous la dénomination 'AGS CGEA d'Île de France Ouest'.

Enfin, en application du dernier alinéa de l'article 954 du code de procédure civile, la partie qui ne conclut pas ou qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement est réputée s'en approprier les motifs.

Sur la demande nouvelle en cause d'appel

La saisine du conseil de prud'hommes datant de 2003, la règle de l'unicité de l'instance s'applique à la procédure, le décret du 20 mai 2016 prévoyant sa suppression ne s'appliquant qu'aux saisines postérieures au 1er août 2016. Par conséquent, les demandes nouvelles en appel sont recevables.

Par ailleurs, la demande de :'réserver au salarié le droit de prétendre à la réparation d'un préjudice de retraite à l'égard de la société Air France et Maître [E], ès qualité de mandataire liquidateur de la société Prétory' ne peut s'analyser comme une prétention au sens de l'article 4 du code de procédure civile et la cour n'a donc pas à y répondre.

Sur l'étendue de la saisine de la cour

Eu égard à l'appel partiel du salarié et à l'absence d'appel incident sur certains des chefs du jugement, les chefs suivants sont définitifs :

- le rejet de l'exception tirée de la péremption d'instance ;

- la requalification du contrat d'intermittent en contrat de travail à durée indéterminée à temps complet ;

- le prononcé de la résiliation judiciaire du contrat de travail produisant ses effets au 1er avril 2003 ;

- la fixation d'une créance du salarié au passif de la liquidation de la société Prétory au titre :

.des dommages et intérêts pour violation des dispositions légales et conventionnelles du fait de la sous-traitance illicite à la société Vortex,

.de la prime de sûreté aéroportuaire,

.de la prime de performance,

.de l'indemnité de préavis et des congés payés afférents,

.des dommages et intérêts pour licenciement abusif,

.de l'indemnité pour travail dissimulé,

seuls les montants alloués faisant l'objet d'une demande d'augmentation du salarié.

La cour reste saisie principalement des demandes suivantes :

- reconnaissance du prêt illicite de main d'oeuvre, du marchandage et du co-emploi à l'égard de la société Air France ;

- condamnation au titre d'un rappel de rémunération, du repos compensateur, de dommages et intérêts pour irrégularité de la procédure et de la justification du paiement des charges sociales ;

- augmentation des sommes allouées par le conseil ;

- désignation d'un expert et de dommages et intérêts à titre provisionnel au titre du préjudice médical ;

- solidarité de la société Air France avec la société Prétory,

Sur le contexte contractuel

Il ressort de l'examen des pièces produites, des écritures des parties et des décisions pénales en substance que :

- les contrats de travail à durée indéterminée 'pour intermittent' ou les avenants 'pour vacataire' signés entre les salariés et la société Prétory ne mentionnent pas de durée du travail hebdomadaire ou mensuel mais seulement une durée hebdomadaire maximale de 35 heures pendant les périodes travaillées,

- les fiches de paie établies par la société Prétory mentionnent le paiement de 15 heures mensuelles et celles à compter de mars 2003 un horaire théorique de 151,67 heures mensuelles,

- une partie du salaire était versée par l'intermédiaire d'une société située à l'étranger, sans l'établissement d'un contrat de travail avec cette dernière,

- ce montage financier illicite était décrit dans l'arrêt de la cour d'appel de Paris en date du 26 janvier 2016, statuant en matière pénale, dans les termes suivants :

'Le montage juridique et financier devant permettre la réalisation des économies de charges sociales pour le personnel de sécurité embarqué sur des vols internationaux rendant la société plus compétitive (...) ; qu'il était prévu, aux termes de ce montage (...) pour des emplois sur des vols internationaux, que les agents de sécurité embarqués seraient payés par la société Prétory SA pour le temps passé sur le territoire français, charges sociales payées, et par la société VORTEX pour le temps passé à l'international, les agents SURAF bénéficiant d'un contrat à durée indéterminée pour intermittents de 15h avec la société Prétory SA (...) ; que plus particulièrement la société VORTEX a recueilli sur son compte au Luxembourg la différence entre le montant des prestations facturées et celui du paiement des agents de sécurité, laquelle était virée sur les comptes de M. [O] (président de Prétory) et des animateurs des sociétés sous-traitantes, tel [D] [U] et [I] [W], les fonds étant ensuite réorientés vers une structure dénommée NAVARAC RESSOURSES ''.

Sur l'existence d'un co-emploi, d'un prêt de main-d''uvre illicite ou d'un marchandage

Le salarié soutient que l'activité réellement exercée par les 'SURAF' permet de considérer que ceux-ci avaient avec la société Air France une relation contractuelle salariale caractérisée par la réalisation d'une prestation, le versement d'une rémunération en contrepartie et l'existence d'un lien de subordination ; qu'en outre, les deux sociétés Air France et Prétory se sont rendues coupables d'un prêt de main d'oeuvre illicite et d'un marchandage.

L'AGS conteste l'existence d'un prêt de main d''uvre illicite ou d'un marchandage en faisant valoir qu'il ressort de l'arrêt pénal que les contrats de prestation de service des 14 septembre 2001 et 25 mars 2002 sont réguliers et exempts de critiques ; que le recours à un prestataire de services est licite, la prestation demandée à la société Prétory étant clairement définie et correspondant à une prestation technique nécessitant une expertise distincte de la société Air France, qui ne possédait pas les ressources nécessaires en interne. Elle ajoute que le salarié ne rapporte pas la preuve d'une quelconque situation de co-emploi.

La société Air France conclut également à la régularité des contrats de prestation de service et à l'absence de situation de prêt de main-d''uvre illicite, de marchandage ou de coemploi à son égard. Elle considère que le seul coemploi avéré était celui entre les sociétés Prétory et Vortex, puisque que le recours à une personne exerçant un travail dissimulé a été effectué par la société Prétory auprès de la société Vortex par un découpage des heures de travail selon qu'elles étaient effectuées sur le territoire national ou en dehors du territoire national.

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Hors l'existence d'un lien de subordination, une société faisant partie d'un groupe ne peut être qualifiée de co-employeur du personnel employé par une autre que s'il existe, au-delà de la nécessaire coordination des actions économiques entre les sociétés appartenant à un même groupe et de l'état de domination économique que cette appartenance peut engendrer, une immixtion permanente de cette société dans la gestion économique et sociale de la société employeur, conduisant à la perte totale d'autonomie d'action de cette dernière.

L'existence d'un contrat de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties, ni de la dénomination qu'elles ont donnée à la convention, mais des conditions de fait dans laquelle s'est exercée l'activité. Le contrat de travail se caractérise par l'existence d'un lien de subordination dont il résulte que l'activité est exercée sous l'autorité de l'employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements.

Par ailleurs, l'article L.125-3 du code du travail dans sa version alors en vigueur dispose que : « Toute opération à but lucratif ayant pour objet exclusif le prêt de main-d''uvre est interdite sous peine des sanctions prévues à l'article L. 152-3 dès lors qu'elle n'est pas effectuée dans le cadre des dispositions du livre 1er, titre II, chapitre IV du présent code relatives au travail temporaire ».

Enfin, l'article L. 125-1 du code du travail dans sa version alors en vigueur ajoute que : « Toute opération à but lucratif de fourniture de main-d''uvre qui a pour effet de causer un préjudice au salarié qu'elle concerne ou d'éluder l'application des dispositions de la loi, de règlement ou de convention ou accord collectif de travail, ou "marchandage", est interdite ».

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Le conseil de prud'hommes a rappelé pertinemment que :

- le prêt de main-d'oeuvre n'est pas prohibé lorsqu'il n'est que la conséquence nécessaire de la transmission d'un savoir-faire ou de la mise en oeuvre d'une technique qui relève de la spécificité propre de l'entreprise prêteuse,

- la mise à la disposition d'une autre entreprise d'un personnel spécialisé ne constitue l'apport d'un savoir-faire spécifique que si ce dernier est distinct de celui des salariés de l'entreprise utilisatrice,

- aux termes des deux contrats de prestation de service des 14 septembre 2001 et 25 mars 2002 liant la société Air France à la SA Prétory, la compagnie aérienne a confié à l'entreprise de sécurité la prestation suivante : 'la protection des passagers et membres d'équipage à bord des aéronefs d'Air France face à une agression quelqu'en soit la nature et assurer tout particulièrement le maintien de l'intégrité physique de l'équipage de conduite. Il s'agit pour le prestataire de pouvoir, sur délégation du commandant de bord, s'opposer physiquement à toute tentative d'intervention illicite', avec la précision que la SA Prétory détient les compétences professionnelles et une expérience confirmée dans les domaines de la sûreté, qualités qui la mettent à même d'effectuer au bénéfice d'Air France, les prestations de services requises,

- si la société Air France a pour obligation d'assurer la sécurité de ses passagers et de son personnel navigant, le maintien de l'intégrité physique de ces derniers face à une éventuelle attaque terroriste, n'entre pas dans son coeur de métier et le recours à une entreprise prestataire disposant du savoir-faire et de la technique en matière de sécurité est en conséquence licite,

- le fait pour la société Air France de sous traiter cette prestation à une entreprise de sécurité n'avait pas pour objet ou pour effet de causer un préjudice au salarié concerné ou d'éluder l'application de dispositions légales ou de stipulations d'une convention ou d'un accord collectif de travail, étant relevé que la convention collective nationale des entreprises de prévention et de sécurité comporte une annexe dédiée aux emplois de la sûreté aérienne et aéroportuaire,

- le préjudice subi par les salariés résulte non pas de la sous-traitance par la société Air France à la SA Prétory, mais de la sous-traitance illicite mise en place par la SA Prétory auprès de la société Vortex,

- il n'est pas démontré par l'appelant que la société Air France exerçait sur lui une autorité lui conférant la qualité de co-employeur puisque la spécificité de la prestation de sécurité qui s'exécutait au cours d'un vol, soumise aux mesures générales et particulières de sûreté de l'aviation civile, impliquait de ce fait une forte intégration des salariés au sein de la société Air France et justifiait leur formation dans les locaux de la compagnie aérienne sous l'autorité de ses formateurs, la validation pour des raisons de sécurité publique évidentes de la liste des salariés par la société Air France et la Police aux Frontières ou encore l'autorité du commandement de bord qui s'étendait à toutes les personnes embarquées y compris les passagers,

- il n'est pas plus démontré que c'était la société Air France, et non pas uniquement la SA Prétory, qui déterminait les horaires de chaque salarié, lui fournissait le matériel nécessaire ou encore assumait les frais nécessaire à l'exercice de la mission et exerçait le pouvoir disciplinaire.

La cour ajoute s'agissant du co-emploi allégué qu'il n'est justifié ni de l'existence d'un groupe entre les deux sociétés, ni d'une quelconque immixtion permanente de la société Air France dans la gestion économique et sociale de la société employeur Prétory, conduisant à la perte totale d'autonomie d'action de cette dernière.

S'agissant des contrats de prestation de service le prix versé était forfaitairement fixé à un taux horaire de 28,97 euros HT, quelle que soit l'ancienneté ou la qualification du salarié de la société prestataire affecté à un vol.

S'agissant du lien de subordination allégué, l'appelant produit au contraire une note de service du 14 septembre 2001 de son employeur la société Prétory donnant des consignes précises aux agents SURAF, notamment durant le vol et leur demandant en fin de mission que lui soit adressé un rapport dans les 24 heures.

Enfin, dans le cadre de la procédure pénale, il n'a pas été reconnu de prêt de main d''uvre illicite, de marchandage ou de situation de co-emploi.

Ces faits ne sont donc pas établis et le jugement qui a rejeté ces demandes est confirmé.

De même, le salarié sera débouté de ses demandes de condamnation solidaire de la société Air France de ces chefs.

Sur les demandes à l'égard de la société Prétory en liquidation judiciaire

Sur 'l'arriéré de rémunération'

Le salarié fait valoir qu'il a exécuté des heures supplémentaires dépassant largement la durée légale hebdomadaire de 35 heures de travail d'un salarié à temps plein et allant bien au-delà du contingent annuel, lesquelles doivent être payées à un taux majoré, comme certaines heures effectuées de nuit, le dimanche ou les jours fériés ; qu'en outre, s'ajoutent les repos compensateurs, les indemnités de congés payés, les primes de transport, d'habillage et de déshabillage, de nettoyage et de panier. Il conclut que compte tenu des sommes perçues au titre de règlements par chèque de la part de la société Prétory et par virements émanant d'un donneur d'ordre étranger, il est fondé à obtenir le versement d'un arriéré de rémunération.

Pour rejeter la demande au titre des heures supplémentaires et du repos compensateur, le conseil de prud'hommes a considéré que les tableaux établis par le salarié mentionnant des horaires de vols qui ne sont corroborés par aucun élément et sans que ne soit démontré que le salarié ait été affecté sur ces vols sont insuffisants pour étayer sa demande et qu'il n'appartient pas au Conseil de pallier la carence du salarié dans l'établissement de la preuve par la désignation d'un expert judiciaire.

L'AGS conclut au rejet de cette demande faute pour le salarié de justifier de la réalité des heures supplémentaires non payées qu'il prétend avoir accomplies et ajoute qu'il n'est pas contesté par le requérant qu'il bénéficiait d'une rémunération «officieuse» venant s'ajouter à sa rémunération «officielle», provenant de versements d'une banque étrangère.

La société Air France n'a pas conclu sur cette demande en paiement.

***

Selon l'article L. 212-1-1 du code du travail devenu L. 3171-4, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

Ainsi, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures complémentaires ou supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

Le salarié produit à l'appui de sa demande :

- un décompte de ses heures de vol de septembre 2001 à avril 2003 mentionnant des jours, des vols avec la destination, des heures de départ et de retour à l'aéroport CDG et un nombre total d'heures par jour et par mois,

- un décompte mentionnant mois par mois et par semaine sur la même période notamment les heures travaillées (2 heures avant et 2 heures après), les heures de vol, les heures de nuit, de dimanche, de jours fériés, les primes de transport et d'habillage/déshabillage et précisant en bas de chaque mois une somme due, une somme payée et un 'reste à payer',

- des cartes d'embarquement,

- ses bulletins de paie ne mentionnant pas le paiement d'heures supplémentaires,

- ses relevés de compte mentionnant des virements de la société Navarac.

Le salarié présente ainsi, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

Force est de constater que la société Prétory, employeur du salarié en liquidation judiciaire, ne produit aucune pièce sur le temps de travail du salarié.

Pour autant, s'agissant de la détermination de la créance du salarié, la cour relève en premier lieu qu'il est sollicité une somme globale de plus de 100 000 euros sans que l'appelant ne précise dans ses conclusions son calcul, notamment au regard des différents items invoqués (salaires, majoration et primes diverses, congés payés).

En deuxième lieu sur les heures supplémentaires, il est rappelé que les heures supplémentaires accomplies au delà de la durée de 35 heures hebdomadaires se décomptent par semaine et non par jour ou par mois. Par ailleurs, si l'appelant fait valoir à juste titre que les heures supplémentaires ouvrent droit à un repos compensateur de 50% ou de 100% du temps de travail, il affirme que le contingent a été 'dépassé en l'espèce', sans plus de précision sur la ou les années concernées et le nombre d'heures supplémentaires réalisées au delà de ce contingent.

Enfin, il n'appartient pas à la cour de pallier la carence de l'appelant dans la présentation de sa demande en paiement en ordonnant une expertise.

Ainsi, au vu des éléments produits, il apparaît que le salarié n'a pas perçu l'intégralité de sa rémunération au regard des heures travaillées pour une créance cependant moindre ramenée à la somme de 8 000 euros bruts et les congés payés afférents.

En conséquence de ce rappel de rémunération, le salaire moyen brut mensuel du salarié s'élève à la somme de 2 825 euros.

Sur la prime de sûreté aéroportuaire et sur la prime de performance

Le salarié fait valoir qu'il n'a pas perçu de prime annuelle de sûreté aéroportuaire, ni de prime de performance individuelle et sollicite l'augmentation des sommes allouées à ce titre par le conseil en considérant que son salaire moyen mensuel doit être fixé à une somme supérieure de celle retenue par le conseil compte tenu du rappel de rémunération sollicité.

Le conseil a retenu qu'il n'était pas contesté que le salarié n'a perçu ni la prime annuelle de sûreté aéroportuaire ni la prime de performance individuelle et que la SA Prétory ne justifiant pas avoir établi de critères de définition, il y a lieu de fixer le montant de la prime de performance à 1 mois de salaire.

La société Air France n'a pas conclu sur cette demande.

L'AGS s'oppose à l'augmentation des sommes allouées.

***

Le principe de l'allocation des deux primes n'est pas contesté et résulte des dispositions de la convention collective nationale des entreprises de prévention et de sécurité en son annexe VIII dédiée aux emplois de la sûreté aérienne et aéroportuaire qui prévoit :

- en son article 1 que 'les dispositions du présent accord s'appliquent aux entreprises et aux personnels employés par elles qui, dans le cadre du champ d'application général de la convention collective nationale des entreprises de prévention et de sécurité, exercent effectivement toutes activités de contrôle de sûreté des personnes, des bagages, du fret, des colis postaux, des aéronefs et des véhicules effectuées sur les aéroports français, notamment dans le cadre de l'article L 282-8 du code de l'aviation civile'.

- en son article 2.5 que les agents affectés aux emplois de la sûreté aérienne et aéroportuaire bénéficient d'une prime annuelle équivalent à un mois du dernier salaire brut de base dès lors qu'ils justifient d'un an d'ancienneté et sont présents au 31 octobre de chaque année.

- en son article 3.06 qu'ils bénéficient d'une prime de performance individuelle dont l'attribution est effectuée selon des critères obligatoirement définis par chaque entreprise étant précisé qu'un salarié de performance satisfaisante et présent une année complète doit percevoir 1/2 mois de salaire brut par an.

L'emploi d'agent de sécurité sur les vols assurés par la société Air France entre dans la champ d'application de ces dispositions.

Il n'y a pas lieu d'augmenter les sommes allouées calculées à juste titre sur le dernier salaire brut de base, étant rappelé que les intimées n'ont pas demandé d'infirmation de ces chefs du jugement.

Sur le travail dissimulé

Le salarié fait valoir que tant la société Prétory que la société Air France connaissaient le nombre d'heures effectuées par les agents et que c'est de façon intentionnelle que les deux sociétés se sont abstenues de leur verser l'intégralité de leur rémunération correspondant aux heures effectuées et de leur remettre des bulletins de salaire correspondant à l'intégralité des sommes versées.

L'article L. 8121-5 (anciennement L. 324-10) du code du travail dispose qu' est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur:

- soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article

L1221-10 du Code du Travail relatif à la déclaration préalable à l'embauche,

- soit de soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité relative à la délivrance d'un bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli,

- soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires et aux cotisations sociales.

Aux termes de l'article L8223-1 (anciennement L 324.11.1) du code du travail, en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours dans les conditions de l'article L 8122-3 ou en commettant les faits prévus à l'article L 8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaires.

Le principe de la fixation d'une indemnité pour travail dissimulé au passif de la société Prétory n'a pas été contesté et il convient de rappeler que la Cour d'appel de Paris dans son arrêt en date du 26 janvier 2016 a reconnu M. [O] coupable, en tant que dirigeant de la société Prétory, d'avoir eu recours sciemment à de la sous-traitance dissimulant l'emploi de ses salariés, la reconnaissance d'une faute pénale de travail dissimulé s'imposant au juge civil.

Le conseil de prud'hommes a en outre relevé à juste titre que :

- les agents de sûretés recrutés par la SA Prétory et utilisés par Air France n'étaient déclarés et payés par Prétory que pour une partie des heures de travail qu'ils effectuaient, le surplus leur étant réglé par des virements bancaires émanant de sociétés étrangères.

- ce système de sous-traitance, qui avait pour objet de soustraire l'entreprise à la législation fiscale et sociale française, était illicite et illégal.

Eu égard à la fixation du salaire moyen brut mensuel du salarié à la somme de 2 825 euros, il convient de fixer au passif de la société Prétory la somme de 16 950 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de travail dissimulé.

Sur la violation des dispositions légales et conventionnelles

Le salarié soutient qu'ayant été le préposé des deux sociétés, il aurait dû bénéficier des dispositions des conventions et accords applicables dans les deux sociétés. Il ajoute que 'certains SURAF' ont été amenés à effectuer sans discontinuer des vols supersoniques par le Concorde pendant une année alors que la réglementation applicable à ce type de vols limitait leur durée annuelle à deux mois maximum. De ce seul fait, les 'agents' ont nécessairement subi un préjudice qu'il convient d'indemniser par l'allocation de la somme de 30.000 euros.

Le conseil ayant considéré que la société Prétory a sous-traité illégalement une partie de la prestation de travail du salarié à une société étrangère, ce qui a privé ce dernier du bénéfice de la protection sociale reconnue par la loi française, a fixé la créance du salarié au titre du préjudice subi, à la somme de 5 000 euros.

La cour n'a pas retenu de co-emploi à l'égard de la société Air France et les dispositions propres à cette entreprise ne trouvent donc pas à s'appliquer.

Par ailleurs, aucune partie n'a demandé l'infirmation de ce chef du jugement quant au principe de la créance et les pièces visées au soutien de cette demande (tableaux de vol et cartes d'enregistrement) sans plus de précision quant à la situation du salarié ne caractérisent pas un préjudice supérieur à l'évaluation des premiers juges.

Sur les demandes d'ordre médical

Le salarié fait valoir qu'outre la fatigue incontestable, liée au nombre d'heures de travail effectué, ce dernier a été exposé à des doses de rayonnement cosmique particulièrement élevées et que les sociétés Air France et Prétory se sont sciemment affranchies à l'égard des 'agents SURAF' des règles édictées, tant par la réglementation européenne et nationale, applicables en la matière que par le Code de l'Aviation Civile ou encore par l'accord collectif du personnel naviguant commercial. Il cite également l'absence de respect des obligations en matière d'organisation des visites médicales en application des articles R. 1221-2 et R. 4624-10 du code du travail.

Pour rejeter cette demande, le conseil a considéré que le salarié ne rapporte pas la preuve que la symptomatologie associant céphalées et gonalgie dont il est atteint est liée à l'emploi exercé.

L'AGS conclut au rejet en l'absence de preuve d'un préjudice.

L'employeur est tenu d'une obligation générale de sécurité vis à vis de son personnel et en application des articles R. 1221-2 et R. 4624-10 du code du travail dans leur version applicable au litige, tout salarié doit faire l'objet d'une visite médicale à l'embauche et d'une visite médicale annuelle.

La société Prétory ne justifie pas avoir respecté ses obligations en matière d'organisation des visites médicales.

A l'appui de sa demande d'expertise et de provision, le salarié produit un article sur le rayonnement cosmique de juillet 2002, un certificat médical du 25 mars 2004 mentionnant qu'il présente une symptomatologie associant céphalées et gonalgie et un certificat du 18 janvier 2003 mentionnant une inflexion lombaire.

Ces seuls éléments, anciens, sont insuffisants à justifier l'organisation d'une mesure d'expertise, étant rappelé la période contractuelle entre 2001 et 2003.

Enfin, force est de constater que le salarié se borne à solliciter une provision qui ne peut être que rejetée en l'absence de décision ordonnant une expertise.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté cette demande.

Sur les demandes afférentes à la rupture du contrat

Le salarié fait valoir que son ancienneté étant supérieure à deux années, dans une entreprise employant plus de 10 salariés, il est en droit d'obtenir, en application de l'article L. 1235-3 du code du travail (anciennement L. 122-14-4) dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017, une indemnité qui ne peut être inférieure aux six derniers mois de salaire, au titre de son licenciement sans cause réelle et sérieuse, outre une indemnité équivalente à un mois de préavis. Il ajoute qu'il a été privé d'un entretien préalable à un éventuel licenciement et réclame à ce titre une indemnité pour procédure irrégulière.

L'AGS fait valoir que les motifs invoqués au soutien de la résiliation du contrat ne sont pas suffisants pour justifier des sommes allouées sur ce fondement par le conseil de prud'hommes de Paris et elle demande à la Cour de ramener ces montants à de plus justes proportions.

En premier lieu, lorsque le contrat de travail fait l'objet d'une résiliation judiciaire, il ne peut être reproché à l'employeur l'absence d'organisation d'un entretien préalable et la demande à ce titre sera donc rejetée et le jugement confirmé en ce sens.

En deuxième lieu, s'agissant de l'ancienneté du salarié, celle-ci n'est pas supérieure à deux ans comme il l'affirme mais inférieure au regard des dates d'engagement et de rupture du contrat précédemment mentionnées.

Par conséquent, il est bien fondé à obtenir une indemnité compensatrice de préavis égale à un mois de salaire soit la somme de 2 825 euros bruts et les congés payés afférents, compte tenu de la réintégration dans la rémunération du salarié du rappel de salaire susvisé.

Enfin, s'agissant de la demande pour rupture abusive du contrat de travail, il lui appartient de justifier du préjudice subi. Or, si le salarié fait valoir le comportement inacceptable des sociétés à son égard au regard de la dangerosité du poste occupé, les malversations de son employeur publiquement exposées, la longue période de chômage subie sans avoir pu bénéficier d'une prise en charge par les ASSEDIC, force est de constater l'absence d'éléments produits sur sa situation postérieure à la rupture.

La cour considère qu'eu égard à son ancienneté, à son âge lors de la rupture du contrat et au salaire mensuel moyen brut reconstitué, il n'y a pas lieu d'augmenter l'indemnisation de son préjudice fixée par les premiers juges à 5000 euros, étant rappelé l'absence de demande d'infirmation sur ce point dans le dispositif des conclusions des intimées.

Sur la demande de solidarité à l'égard de la société Air France

Le salarié considère qu'en application de l'article L. 324-13-1 du code du travail la société Air France doit être condamnée solidairement au paiement, pendant l'intégralité de sa période d'emploi, des salaires, indemnités et charges dus en raison de l'emploi par la société Prétory de salariés dissimulés, puisqu'elle a été condamnée définitivement pour avoir recouru directement ou par personne interposée aux services d'une personne exerçant un travail dissimulé.

La société Air France, qui rejette toute solidarité avec la société Prétory, développe un argumentaire sur la non application à la situation des articles L. 324-14 et L.324-14-1 du code du travail en faisant valoir notamment que conformément au premier elle a pris toutes les précautions requises lors de la conclusion du contrat avec la société Prétory et que le second vise la sous-traitance de marché et non pas les relations directes entre le bénéficiaire de la prestation et le prestataire et ne peut donc concerner les relations entre elle et la société Prétory ; qu'en outre lorsqu'elle a été informée de la situation par l'inspection du travail en novembre 2002 elle a enjoint à la société Prétory de faire cesser cette situation en renonçant à toute sous-traitance, respectant ainsi ses obligations.

Aux termes de l'ancien article L. 324-13-1 du code du travail en vigueur au moment des faits, 'toute personne condamnée pour avoir recouru directement ou par personne interposée aux services de celui qui exerce un travail dissimulé, est tenu solidairement, avec ce dernier :

1 : au paiement des impôts, taxes cotisations obligatoires ainsi que des pénalités et majorations dus par celui-ci au Trésor ou aux organismes de protection sociale,

2 : le cas échéant, au remboursement des sommes correspondant au montant des aides publiques dont il a bénéficié,

3 : au paiement des rémunérations, indemnités et charges dues par lui à raison de l'emploi de salariés n'ayant pas fait l'objet de l'une des formalités prévues aux articles L. 143-3 et L. 320.

Les sommes dont le paiement est exigible en application des alinéas précédents sont déterminées au prorata de la valeur des travaux réalisés, des services fournis, du bien vendu et de la rémunération en vigueur dans la profession'.

Les articles L. 143-3 et L. 320 du code du travail, alors en vigueur, disposaient que l'employeur devait remettre au salarié lors du paiement de sa rémunération un bulletin de paie et que l'engagement d'un salarié ne pouvait intervenir qu'après déclaration nominative auprès des organismes de protection sociale.

En premier lieu, la cour relève que la société Air France, aux termes de ses conclusions, ne présente aucun argumentaire sur la solidarité financière invoquée par le salarié sur le fondement de l'article L. 324-13-1 du code du travail.

En deuxième lieu, la décision pénale a au civil autorité absolue à l'égard de tous en ce qui concerne ce qui a été jugé quant à l'existence du fait incriminé et la culpabilité de celui auquel le fait est imputé et cette autorité de la chose jugée s'étend au motif qui constitue le soutien nécessaire de la décision pénale.

Or, il résulte des pièces pénales les éléments suivants :

- la société Air France a été renvoyée devant le tribunal correctionnel par ordonnance du juge d'instruction du tribunal de grande instance de Paris du 7 février 2012 pour avoir eu recours sciemment, directement ou par personne interposée, courant 2001 à 2003, aux services de la société Prétory, employeur dissimulant l'emploi de ses salariés ;

- par arrêt de la cour d'appel de Paris du 26 janvier 2016, la société Air France a été déclarée coupable de ce délit sur la période du 13 septembre 2001 au 31 décembre 2003, la Cour de Cassation, par un arrêt du 14 novembre 2017, ayant rejeté le pourvoi qu'elle a formé.

Ainsi, la société Air France a été définitivement reconnue coupable d'avoir recouru en connaissance de cause directement ou par personne interposée aux services d'une personne exerçant un travail dissimulé, à savoir la société Prétory du 13 septembre 2001 au 31 décembre 2003 soit pendant l'intégralité de la période d'emploi du salarié affecté au marché 'Suraf', dont les fiches de paie ne mentionnaient pas toutes les heures accomplies dans le cadre de ses fonctions d'agent de sécurité en vol.

Il en découle qu'elle est tenue solidairement avec la société Prétory au paiement des sommes visées à l'ancien article L. 324-13-1 du code du travail, soit notamment les 'rémunérations, indemnités et charges dues à raison de l'emploi de salariés n'ayant pas fait l'objet de l'une des formalités prévues aux articles L. 143-3 et L. 320', étant rappelé que l'indemnité pour travail dissimulé se cumule avec l'indemnité pour licenciement abusif.

La société Air France sera donc condamnée solidairement au paiement des sommes fixées au passif de la liquidation judiciaire de la société Prétory, à l'exclusion des primes de sûreté aéroportuaire et de performance expressément exclues de la demande de condamnation solidaire dans le dispositif des conclusions de l'appelant qui seul lie la cour.

Sur la procédure collective et la garantie de l'AGS

En application de l'article L. 622-21 du code de commerce qui interdit toute condamnation d'un débiteur en procédure collective, les créances du salarié sont inscrites au passif de la liquidation de la société Prétory.

En application des articles L. 3253-6 et L. 3253-8 du code du travail, la garantie de l'AGS couvre les sommes dues au salarié à la date du jugement d'ouverture de la procédure de redressement ou de liquidation judiciaire, ainsi que les créances résultant de la rupture du contrat de travail intervenant dans les 15 jours du jugement de liquidation, dans la limite des plafonds visés à l'article L.3253-17.

A titre principal, l'AGS demande à la cour dans le dispositif de ses écritures de rappeler la subsidiarité de sa garantie et de la mettre hors de cause.

En premier lieu, il ressort des développements précédents que les créances retenues par la cour sont nées antérieurement à l'ouverture de la procédure collective de la société Prétory et en application de l'article L. 3253-8 du code du travail, celles-ci entrent dans le périmètre de garantie de l'AGS. Par suite, elle ne peut être mise hors de cause de ce chef.

En second lieu, la cour ne doit statuer que sur les prétentions des parties et n'a donc pas, comme le demande l'AGS, à rappeler que sa garantie est soumise au principe de subsidiarité fondé sur l'article  L. 3253-20 du code du travail qui dispose que si les créances ne peuvent être payées en tout ou partie sur les fonds disponibles (') le mandataire judiciaire demande sur présentation des relevés l'avance des fonds nécessaires.

A titre subsidiaire, l'AGS demande en cas de condamnation solidaire d'imputer la totalité de la dette solidaire à la société Air France in bonis, sans préciser ni le fondement juridique de sa demande, ni les éléments qui seraient de nature à établir le bien-fondé d'une contribution exclusive à la dette solidaire de la société Air France.

Il ressort des dispositions :

- d'une part, de l'article 1313 du code civil que la solidarité entre les débiteurs oblige chacun d'eux à toute la dette. Le paiement fait par l'un d'eux les libère tous envers le créancier. Le créancier peut demander le paiement au débiteur solidaire de son choix. Les poursuites exercées contre l'un des débiteurs solidaires n'empêchent pas le créancier d'en exercer de pareilles contre les autres,

- d'autre part, de l'article 1317 du code civil qu'entre eux, les codébiteurs solidaires ne contribuent à la dette que chacun pour sa part. Celui qui a payé au-delà de sa part dispose d'un recours contre les autres à proportion de leur propre part.

En l'espèce, l'AGS ne produit aucun argumentaire afin d'établir que sur le fondement de ce dernier texte, l'intégralité de la dette solidaire doit être imputée à la société Air France.

En conséquence, l'AGS sera déboutée de sa demande et eu égard aux dates de la liquidation et de la rupture du contrat, la garantie de l'AGS est mobilisable en ce qui concerne l'ensemble des sommes allouées ci dessus, y compris s'agissant de l'indemnité pour travail dissimulée.

Le présent arrêt est donc déclaré opposable à l'AGS CGEA IDF Ouest, dans les limites de sa garantie conformément aux dispositions légales applicables, laquelle a précisé avoir d'ores et déjà avancé une somme pour le salarié.

Sur les demandes accessoires

Les créances salariales portent intérêts à compter de la convocation des sociétés intimées devant le conseil de prud'hommes et les créances indemnitaires à compter de la décision qui les ordonne, avec capitalisation des intérêts dus pour une année entière.

Toutefois, en vertu de l'article L 622-28 du code de commerce, le jugement d'ouverture de la procédure collective a arrêté le cours des intérêts à l'égard de la société Prétory.

Eu égard aux développements qui précèdent, il est ordonné au mandataire liquidateur de la société Prétory, la remise au salarié d'une attestation Pôle Emploi, d'un certificat de travail et d'un bulletin de salaires récapitulatif, conformes à la décision, sans qu'il soit nécessaire d'ordonner une astreinte.

De même, il est ordonné au mandataire liquidateur de justifier du paiement des charges sociales aux organismes obligatoires concernant les créances salariales à l'égard de la société Prétory uniquement, la société Navarac n'ayant pas été appelée dans la cause, sans qu'il soit nécessaire d'ordonner une astreinte.

Enfin, la société Air France qui succombe supportera les dépens et devra participer aux frais irrépétibles engagés par le salarié et non compris dans les dépens.

Les dispositions du jugement concernant les frais irrépétibles et dépens de première instance sont confirmées.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, en dernier ressort, par arrêt réputé contradictoire et dans les limites de l'appel,

CONFIRME le jugement entrepris en ce qu'il a :

- débouté le salarié de ses demandes de condamnation à l'encontre de la société Air France au titre du prêt illicite de main d'oeuvre, du marchandage et du co-emploi ;

- débouté le salarié de sa demande de désignation d'un expert et de dommages et intérêts à titre provisionnel au titre du préjudice médical ;

- débouté le salarié de sa demande d'indemnité pour procédure irrégulière ;

- fixé la créance du salarié au passif de la liquidation judiciaire de la société Prétory aux sommes suivantes :

5000 euros de dommages et intérêts pour violation des dispositions légales et conventionnelles du fait de la sous-traitance illicite à la société Vortex ;

2403,96 euros au titre de la prime de sûreté aéroportuaire ;

2403,96 euros au titre de la prime de performance ;

5000 euros pour licenciement abusif ;

1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la société Air France à payer au salarié la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

et en ses dispositions sur les dépens de première instance,

INFIRME le jugement pour le surplus et y ajoutant :

FIXE la créance de M. [Z] au passif de la liquidation judiciaire de la société Prétory aux sommes suivantes :

8 000 euros bruts à titre d'arriéré de rémunération et 800 euros bruts de congés payés afférents ;

16 950 euros au titre de l'indemnité pour travail dissimulé ;

2 825 euros bruts au titre de l'indemnité de préavis et 282,50 euros bruts au titre des congés payés afférents ;

DIT qu'il conviendra de déduire de cette créance totale le montant des sommes réglées soit par l'AGS pour le compte de la société Prétory, soit par la Société Air France en exécution du jugement dont appel ;

DIT que ces créances portent intérêts au taux légal à compter de la date de la réception par les sociétés intimées de la convocation devant le conseil de prud'hommes pour les créances salariales et à compter de la décision qui les ordonne pour les créances indemnitaires ;

ORDONNE la capitalisation des intérêts dûs pour une année entière ;

DIT qu'à l'égard de la société Prétory, le cours des intérêts s'est arrêté à la date de l'ouverture de la procédure collective ;

CONDAMNE solidairement la société Air France au paiement des sommes ci-dessus fixées au passif de la liquidation par le conseil et la présente décision, à l'exception de la prime de sûreté aéroportuaire et de la prime de performance ;

DIT que la présente décision sera opposable à l'AGS et que les créances fixées au passif de la liquidation judiciaire, à l'exception de celle fixée au titre de l'article 700 du code de procédure civile, seront en conséquence garanties par cette dernière dans les limites de la garantie légale et du plafond légal, toutes créances confondues et sous déduction des sommes déjà avancées ;

ORDONNE à la SELAS Etude [V] en la personne de Maître [R] [E], ès qualités de mandataire liquidateur de la société Prétory :

- de remettre au salarié une attestation pôle emploi, un bulletin de salaire récapitulatif ainsi qu'un certificat de travail conformes à la décision,

- de justifier du paiement des charges sociales aux organismes obligatoires s'agissant des créances salariales à l'égard de la société Prétory,

et ce dans le délai de deux mois à compter de la notification de la présente décision,

REJETTE la demande d'astreinte et les plus amples demandes des parties ;

CONDAMNE la société Air France à payer à M. [Z] la somme de 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la société Air France en tous les dépens.

La greffière, La présidente.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 7
Numéro d'arrêt : 19/11335
Date de la décision : 04/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 13/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-04;19.11335 ?
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