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04/07/2024 | FRANCE | N°19/08243

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 10, 04 juillet 2024, 19/08243


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 10



ARRÊT DU 04 JUILLET 2024

(n° , 1 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 19/08243 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CAMPV



Décision déférée à la Cour : Jugement rendu par le Conseil de Prud'hommes de PARIS le 15 mars 2010 sous le RG n° 07/04808 ; infirmé partiellement par un arrêt de la chambre sociale de la Cour d'appel de PARIS rendu le 30 janvier 2014. Le recours en révision introduit

le 05 mars 2014 a été déclaré irrecevable par un arrêt de la chambre 6/7 de la Cour d'appel de Paris le 02 juillet 2015 sous le RG ° 14/0243...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 10

ARRÊT DU 04 JUILLET 2024

(n° , 1 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 19/08243 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CAMPV

Décision déférée à la Cour : Jugement rendu par le Conseil de Prud'hommes de PARIS le 15 mars 2010 sous le RG n° 07/04808 ; infirmé partiellement par un arrêt de la chambre sociale de la Cour d'appel de PARIS rendu le 30 janvier 2014. Le recours en révision introduit le 05 mars 2014 a été déclaré irrecevable par un arrêt de la chambre 6/7 de la Cour d'appel de Paris le 02 juillet 2015 sous le RG ° 14/02432 lui même cassé par la Cour de cassation dans son arrêt n° 704 F-D rendu le 26 avril 2017, ayant renvoyé la cause et les parties devant la Cour d'appel de PARIS autrement composée. Par arrêt du 10 janvier 2018 de la chambre 6/6 sous le numéro RG ° 17/08361, la cour a déclaré l'acte de saisine de la cour irrecevable lui même cassé par la Cour de cassation dans son arrêt n° 892 F-P+B+I rendu le 27 juin 2019, ayant renvoyé la cause et les parties devant la Cour d'appel de PARIS autrement composée

DEMANDEUR

Société COOP-SAVEURS venant aux droits de la SAS CHEVY venant aux droits de la SAS LES BOUCHERIES DAGUERRES-ORLEANS

[Adresse 6]

[Adresse 6]

[Localité 1]

représentée par Me Caroline HATET-SAUVAL, avocat au barreau de PARIS, toque : L0046 substitué par Me Sarah LARBI, avocat au barreau de PARIS

DEFENDEUR

Monsieur [N] [D]

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Me Rachid HENOUSSENE, avocat au barreau de PARIS

EN PRESENCE DU MINISTERE PUBLIC

34 Quai des Orfèvres

75055 PARIS CEDEX 1

Minstère Public : monsieur PIETRI Antoine

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 26 Mars 2024, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Gwenaelle LEDOIGT, Présidente de chambre

Madame Carine SONNOIS, Présidente de chambre

Madame Véronique BOST, Conseillère

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Madame Véronique BOST, Conseillère de la chambre, dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.

Greffier : Sonia BERKANE, lors des débats

MINISTERE PUBLIC :

L'affaire a été communiquée au ministère public, représenté lors des débats par Monsieur PIETRI Antoine, qui a fait connaître son avis.

ARRET :

- Contradictoire

- mis à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Madame Carine SONNOIS, Présidente de Chambre et par Madame Sonia BERKANE, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Monsieur [G] [D] était salarié de la société Chevy, aux droits de laquelle vient aujourd'hui la société Coop Saveurs, société qui exploite une boucherie [Adresse 5] à [Localité 4].

Par lettre du 21 juin 2004, M. [D] a notifié à son employeur sa demande de départ à la retraite.

Le 25 avril 2007, M. [D] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris de demandes au titre de la rupture du contrat de travail et au titre d'heures supplémentaires non rémunérées.

Par jugement du 15 mars 2010, le conseil de prud'hommes de Paris a notamment débouté M. [D] de ses demandes au titre de la rupture du contrat de travail mais condamné la société Chevy au paiement des sommes de 1 500,43 euros au titre de la prime de fin d'année et 10 000 euros au titre des heures supplémentaires.

M. [D] a interjeté appel. La société Chevy a également interjeté appel.

Par arrêt du 30 janvier 2014, la présente cour d'appel, dans une autre composition, a intégralement fait droit à la demande de M. [D] au titre des heures supplémentaires.

Elle a retenu que : « pour étayer sa demande de rappel d'heures supplémentaires de mai 2002 à juillet 2004, M. [D] produit des tableaux précisant jour après jour sa durée de travail le plus souvent de 14 heures par jour, puis mois par mois, et un décompte récapitulatif dans ses écritures, corroboré par plusieurs attestations de salariés sur les horaires de travail habituels dans l'entreprise (M [Y], M [H] engagé en octobre 2003, M [A] et M [B] sur la période jusqu'en 1998, M [X] présent de 1995 à avril 2000) ; qu'il résulte de ces attestations concordantes que M. [D] commençait son travail du mardi au samedi à 3 heures pour préparer des commandes de restaurateurs livrées au plus tard à 10 h, puis travaillait la découpe et la préparation des viandes commandées la veille et livrées vers 5 - 6 heures, qu'après une pause de 13h à 15h30 il reprenait le travail jusqu'à 19h30, étant précisé que l'horaire collectif le dimanche était de 6 à 14 heures, le lundi étant le jour de repos hebdomadaire ; que le litige ayant pu opposer M. [Y] à son employeur, terminé par une simple radiation de l'affaire devant le conseil de prud'hommes, n'est pas de nature à priver de force probante ces attestations concordantes ; que quand bien même les tableaux du salarié auraient été établis pour les besoins de la cause, ils sont suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur de répondre en apportant, le cas échéant, la preuve contraire ».

Elle a condamné la société Chevy à payer à M. [D] les sommes de :

- 103 597,44 bruts au titre de rappel pour heures supplémentaires de 2002 à 2004 et de l'indemnité de congés payés afférents, avec intérêts au taux légal depuis le 25 avril 2007,

- 21 751,75 euros au titre du repos compensateur de mai 2002 à juillet 2004 avec intérêts au taux légal depuis le 25 avril 2007,

- 37 432,80 euros à titre d'indemnité pour travail dissimulé.

Par citation du 5 mars 2014, la société Chevy a introduit un recours en révision à l'encontre de cet arrêt au motif que MM. [Y] et [B] avaient reconnu pour le premier avoir « fait une attestation à M. [D] sur sa demande et par pure complaisance et n'avoir jamais été témoin d'heures supplémentaires effectuées » et pour le second « ne pouvoir affirmer que M. [D] venait à 3 heures du matin car j'arrivais à 6h30. Je ne peux pas affirmer qu'il faisait des heures supplémentaires ».

Par arrêt du 2 juillet 2015, la cour d'appel a déclaré irrecevable le recours en révision au motif que « à les supposer mensongères, les attestations de MM. [B] et [Y] ne revêtent pas le caractère frauduleux exigé par l'article 595 du code de procédure civile dans la mesure où ces attestations n'ont pas été décisives et que les tableaux produits par le salarié étaient corroborés par les attestations de MM. [H], [A] et [X] attestant d'horaires de travail à compter de 3 heures du matin (') ».

La société Chevy a formé un pourvoi contre cette décision.

Par arrêt du 26 avril 2017, la Cour de cassation a cassé l'arrêt rendu le 2 juillet 2015 au motif « qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher, ainsi qu'il le lui était demandé, si les attestations produites par l'employeur, dans le cadre de son recours en révision et relatives aux heures de présence de M. [D] dans les locaux de l'entreprise, n'étaient pas de nature à établir le caractère mensonger des attestations de MM. [H], [A] et [X], et, partant, le fait que l'appréciation de la juridiction quant au caractère étayé de la demande de l'intéressé au titre des heures supplémentaires ait pu être faussée, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ».

L'affaire a été renvoyée devant la présente cour autrement composée.

Par arrêt du 10 janvier 2018, la cour a déclaré l'acte de saisine de la cour irrecevable.

La société Chevy a formé un nouveau pourvoi.

Par arrêt du 27 juin 2019, la Cour de cassation a cassé l'arrêt du 10 janvier 2018 au motif « qu'en statuant ainsi, en se fondant sur les modifications apportées par le décret n°2017-891 du 6 mai 2017 aux règles d'entrée en vigueur du décret n°2009-1524 du 9 décembre 2009, qui ne portaient que sur les modalités d'instruction de la procédure avec représentation obligatoire, alors que l'affaire dont elle était saisie demeurait soumise à la procédure sans représentation obligatoire, la cour d'appel a violé les textes susvisés ».

L'affaire a été renvoyée devant la cour autrement composée.

Par déclaration du 14 août 2019, la société Chevy a saisi la cour dans sa présente composition, désignée comme cour de renvoi.

L'affaire devait être plaidée le 28 avril 2020. Elle a fait l'objet d'un renvoi à l'audience du 17 mars 2022. A cette audience, elle a fait l'objet d'un nouveau renvoi à l'audience de ce jour.

Aux termes de ses conclusions déposées et soutenues oralement à l'audience, la société Coop Saveurs demande à la cour de :

Sur les exceptions d'irrecevabilité opposées par Monsieur [D]

- A titre principal, déclarer irrecevable Monsieur [D] en ses exceptions de procédure

pour ne pas les avoir soulevées in limine litis

- A titre subsidiaire, déclarer mal fondées les exceptions d'irrecevabilité soulevées par Monsieur [D],

- tirée de la prétendue « caducité de la déclaration d'appel » au visa de l'article 1037-1 du code de procédure civile,

- « pour défaut d'avoir annexé l'arrêt de cassation à la déclaration de saisine » au visa de l'article 1037-1 du code de procédure civile,

- au motif que « la déclaration doit contenir l'ensemble des éléments que comporte l'acte introductif d'instance devant cette juridiction, sans qu'il s'agisse de conclusions »,

- au motif de « l'absence de notification » de l'arrêt de cassation au visa des articles 1033, 1034 et 1035 du code de procédure civile

- déclarer la demande de la prétendue « nullité de forme » au visa de l'article 901 du code de procédure civile non fondée,

En conséquence,

- débouter Monsieur [D] de ses demandes d'exceptions

- déclarer recevable la déclaration de saisine du 14 août 2019

- écarter des débats les propos de Monsieur [D] selon lesquels l'attestation de Monsieur [B] « ne comporterait aucune garantie de sérieux » ou serait « entachée de faux », et de condamner Monsieur [D] à payer à la concluante la somme de 1 000 euros de dommages-intérêts,

- déclarer les attestations communiquées par Monsieur [D] mensongères,

- constater que Monsieur [D] a usé de man'uvres frauduleuses dans la présentation

de ses demandes devant la cour,

- constater que connaissance prise des nouveaux éléments apportés par la SAS Chevy, la cour a été surprise par cette fraude,

- en conséquence, déclarer recevable le présent recours en révision dirigé contre l'arrêt rendu

le 30 janvier 2014 par la cour d'appel de Paris ' Pôle 6 ' Chambre 7,

- rétracter et mettre à néant ledit arrêt en ce qu'il a :

- déclaré bien fondée la demande de Monsieur [D] aux titres du rappel pour heures supplémentaires, du repos compensateur, du travail de nuit et d'indemnité pour travail

dissimulé pour la période de mai 2002 à juillet 2004 ;

- condamné la SAS Chevy à :

* 103 597,44 euros brut au titre de rappel pour heures supplémentaires de 2002 à 2004 et de l'indemnité de congés payés afférents, avec intérêts au taux légal depuis le 25 avril 2007,

* 21 751,75 euros au titre du repos compensateur de mai 2002 à juillet 2004, avec intérêts au taux légal depuis le 25 avril 2007,

* 37 432,80 euros à titre d'indemnité pour travail dissimulé avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,

* 16 589,25 euros brut au titre du travail de nuit de 2002 à 2004 avec intérêts au taux légal à compter du 13 décembre 2013 ;

* 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

- statuer à nouveau sur ces demandes de Monsieur [D],

Sur le fond

- constater que Monsieur [D] ne fournit aucun élément de nature à étayer sa demande en paiement de prétendues heures supplémentaires,

- rejeter les attestations communiquées par Monsieur [D],

- déclarer le tableau unilatéralement établi par Monsieur [D] comme n'ayant aucune valeur probante, et qu'il s'avère au simple examen totalement artificiel, que Monsieur [D] ne démontre pas que les heures décomptées aient été (1) réellement effectuées (2) à la demande de l'employeur et (3) avec l'accord de l'employeur,

- constater que Madame [T], la caissière, dément formellement les prétendues heures supplémentaires revendiquées,

- constater que la boucherie au sein de laquelle Monsieur [D] travaillait se situait au rez-de-chaussée d'un immeuble d'habitation

- constater que Messieurs [J] [C], [S] [M], [I] [P], [Z] [F] et [E] [W] démentent également qu'une activité ait pu commencer à 3h du matin en général et de Monsieur [D] en particulier

- en conséquence, infirmer le jugement rendu par le conseil des prud'hommes de Paris en ce qu'il a condamné la SAS Chevy à 10 000 euros à titre de rappel d'heures supplémentaires

Statuant à nouveau,

- rejeter la demande de Monsieur [D] en paiement de rappel de prétendues heures supplémentaires, congés payés et repos compensateurs

- condamner Monsieur [D] à restituer l'intégralité des sommes versées en exécution du jugement du 15 mars 2010 ainsi que de l'arrêt du 30 janvier 2014 ainsi que des mesures mises en 'uvre par Monsieur [D] pour leur exécution

- débouter Monsieur [D] de toutes demandes, fins et conclusions contraires

- condamner Monsieur [D] au paiement d'une somme de 30 000 euros à titre de dommages-intérêts en indemnisation du préjudice souffert du fait de la décision obtenue par fraude

- condamner Monsieur [D] au paiement d'une somme de 20 000 euros à titre de dommages-intérêts en indemnisation du préjudice souffert du fait des multiples mesures d'exécution et autres actions subies ou engagées par la SAS Chevy en exécution de la décision obtenue par fraude

- condamner Monsieur [D] au paiement d'une somme de 50 000 euros en application de l'article 700 code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens tant de la présente instance que de celle ayant conduit à la décision révisée.

Sur les exceptions d'irrecevabilité soulevées par M. [D], elle fait valoir qu'elles sont soulevées pêle-mêle dans les conclusions de ce dernier et non in limine litis. Elle expose que le paragraphe intitulé caducité de la déclaration d'appel est vide et rappelle que les dispositions de l'article 1037-1 du code de procédure civile ne sont applicables qu'aux procédures avec représentation obligatoire ce qui n'est pas le cas de la présente procédure. Elle rappelle les termes de l'arrêt du 27 juin 2019. Elle indique que l'arrêt de cassation était bien joint à la déclaration de saisine comme en atteste l'accusé de réception délivré par le greffe. Elle ajoute que la déclaration de saisine est motivée et vaut conclusions. En ce qui concerne l'absence de notification de l'arrêt, elle fait valoir que la déclaration de saisine peut intervenir avant que l'arrêt soit notifié. Enfin elle oppose que l'article 901 du code de procédure civile n'est pas applicable à la déclaration de saisine, en outre dans une procédure sans représentation obligatoire. Enfin, elle soutient que la société Coop Saveurs vient régulièrement aux droits de la société Chevy. Elle soutient que son recours en révision est recevable car les condamnations prononcées par l'arrêt du 30 janvier 2014 ont été obtenues par fraude, deux des auteurs des attestations ayant reconnu le caractère mensonger de ces dernières. Elle précise n'avoir eu connaissance de la fraude que postérieurement à l'arrêt.

En ce qui concerne le fond, la société souligne que M. [D] n'a jamais formulé de demande au titre d'heures supplémentaires ni pendant le contrat ni en notifiant sa demande à la retraite ou en signant son solde de tout compte. Elle souligne l'invraisemblance des heures dont se prévaut M. [D]. Elle conteste le caractère probant du tableau établi par M. [D]. Elle dénonce le caractère tout aussi peu probant des attestations et indique ne pas avoir demandé à M. [D] de réaliser des heures supplémentaires. Elle fait état des préjudices résultant des procédures conduites par M. [D] à son encontre.

M. [D] a déposé des conclusions le 21 mars 2024 tendant à voir constater la péremption de l'instance en raison du défaut de diligences entre le 17 mars 2022 et le 26 mars 2024, conclusions qu'il a soutenues oralement à l'audience.

Par conclusions déposées et soutenues oralement à l'audience, M. [D] demande à la cour de :

- rejeter les attestations de la SAS Coop Saveurs qui ne sont ni fondées ni sérieuses

- débouter la SAS Coop Saveurs de l'ensemble de ses demandes fins et conclusions

- ordonner l'irrecevabilité du recours en révision de la société Coop Saveurs, pour défaut d'avoir annexé à la déclaration de saisine du 14 octobre 2014, la signification l'arrêt de renvoi du 27/06/2019 du recours en révision de la société Coop Saveurs

- ordonner l'irrecevabilité du recours en révision de la société Coop Saveurs tiré du défaut de justification de la date de découverte de la cause alléguée

- ordonner l'irrecevabilité et subsidiairement le mal fondé de la demande de la SAS Coop Saveurs de son recours en révision portant sur l'arrêt rendu le 30 janvier 2014 par la cour d'appel de Paris

- ordonner l'irrecevabilité de la déclaration de saisine de la société Coop Saveurs enregistrée au greffe le 23 juin 2017 ainsi que celle du 14 août 2019 adressée au secrétariat-greffe alors qu'elle devait être destinée au greffier en chef

- ordonner l'irrecevabilité du recours en révision de la société Coop Saveurs faute de fondement au recours en révision

- confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Paris du 15 mars 2010 ainsi que l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 30 janvier 2014 en toutes leurs dispositions, ayant fixé le salaire mensuel brut de monsieur [D] à la somme de 6 544 euros

Subsidiairement, au fond :

- débouter la SAS Coop Saveurs de toutes ses demandes fins et conclusions ;

Très subsidiairement sur le fond,

Et le cas échéant, statuant à nouveau au fond :

- confirmer le jugement en toutes ses dispositions en ce qu'il a condamné la SAS Coop Saveurs à payer à monsieur [D] les sommes de 1 500,43 euros à titre de prime de fin d'année et de 10 000 euros au titre des heures supplémentaires sommes reprises par l'arrêt de la cour d'appel du 30 janvier 2014 qu'il conviendra de confirmer

- ordonner, le cas échéant, une vérification d'écriture sur l'attestation produite par M.[B] le 6/02/2014 au profit de la SAS Chevy par comparaison à celles produites au bénéfice de M. [D] les 8 janvier 2006 et 19 septembre 2008, à moins qu'elles ne soient écartées des débats

- rejeter des débats l'attestation de M. [O] qui ne relate aucun fait précis et circonstancié dont l'auteur aurait été témoin

- confirmer l'arrêt du 30 janvier 2014 en toutes ses dispositions qui a :

- fixé le salaire mensuel brut de M. [D] à la somme de 6 544 euros

- condamné la SAS devenue Coop Saveurs à lui payer les sommes de :

*103 597,44 euros bruts au titre de rappel pour heures supplémentaires de 2002 à 2004 et de l'indemnité de congés payés afférents, avec intérêts au taux légal depuis le 25 avril 2007

* 21 751,75 euros au titre du repos compensateur de mai 2002 à juillet 2004, avec intérêts au taux légal depuis le 25 avril 2007

* 37 432,80 euros à titre d'indemnité pour travail dissimulé avec intérêts au taux légal à compter du dudit arrêt

* 16 589,25 euros bruts au titre du travail de nuit de 2002 à 2004 avec intérêts au taux légal à compter du 13 décembre 2013

- jugé que les intérêts légaux alloués produiront des intérêts au taux légal en application de l'article 1154 du code civil

- condamné la SAS devenue Coop Saveurs à lui remettre dans les deux mois de la notification du présent arrêt, un bulletin de paie récapitulatif conforme au présent arrêt

- condamné la SAS devenue Coop Saveurs à lui payer la somme de 2 500 euros HT en vertu des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens d'instance

- débouté la SAS devenue Coop Saveurs de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions

- condamné la SAS devenue Coop Saveurs aux entiers dépens qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile par Maître Hénoussene

Y ajoutant

- condamner la SAS Coop Saveurs à lui payer la somme de 60 000 euros H.T en application des dispositions de l'article 1382 et 1383 devenu 1240 du code civil en raison de procédures manifestement abusives

- condamner la SAS Coop Saveurs à lui payer la somme de 15 000 euros H.T en application de l'article 700 du code de procédure civile

- condamner la SAS Coop Saveurs en tous les dépens de la présente instance qui seront recouvrés par Maître Rachid Henoussene avocat aux offres de droit conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

Il indique que la chambre sociale par arrêt également du 26 avril 2017 a rejeté le pourvoi au fond contre l'arrêt du 30 janvier 2014. Il soutient que l'arrêt de cassation du 27 juin 2019 n'était pas joint à la déclaration de saisine. Il rappelle qu'il résulte des articles 596 et 598 du code de procédure civile que le recours en révision doit être formé par voie de citation dans un délai de deux mois à compter de la date à laquelle la partie a eu connaissance de la cause de la révision. Il soutient que la société Coop Saveurs ne justifie pas qu'elle vient aux droits de la société Chevy. Il souligne l'absence d'indications précises sur le représentant en charge de la COOPERLS SAS Président de Coop Saveurs, ce dont il déduit que l'acte de citation fait apparaître un défaut de capacité d'ester en justice et un défaut de pouvoir. Il affirme que les chefs du jugement du conseil de prud'hommes critiqués auraient dû être mentionnés dans l'acte de saisine. Il expose que l'employeur ne justifie pas de la date à laquelle il aurait découvert la fraude. Il soutient que le recours en révision est irrecevable car aucun cas d'ouverture n'est caractérisé. Il indique avoir effectué de nombreuses heures supplémentaires. Il soutient qu'en l'espèce aucune fraude n'est caractérisée. Il déduit du rejet du pourvoi sur le fond sur l'arrêt du 30 janvier 2014 qu'il ne reste rien à juger.

Le Ministère public a soutenu à l'audience ses observations préalablement déposées le 20 avril 2020. Il a conclu à la recevabilité du recours en révision et indique qu'une suspicion de fausseté peut peser sur l'ensemble des éléments et attestations produits aux débats.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la péremption de l'instance

M. [D] soutient que l'instance serait périmée faute pour les parties d'avoir accompli des diligences entre le 17 mars 2022 et le 26 mars 2024.

La société Scoop Saveurs indique à l'audience qu'elle n'a pas été destinataire des dernières conclusions de l'intimé sollicitant la péremption d'instance, l'intimé n'ayant pas déposé ses conclusions par voie électronique conformément aux dispositions de l'article 930-1 du code de procédure civile. Elle demande que les dernières conclusions de l'intimé soulevant la péremption de l'instance soient déclarées irrecevables.

La cour rappelle que la présente procédure relève des règles de la procédure sans représentation obligatoire applicables antérieurement au 1er août 2016. Ainsi, M. [D] n'était pas tenu de déposer ses conclusions par RPVA. M. [D] a soutenu oralement sa demande de péremption et la société Coop Saveur a pu y répondre.

Il n'y a donc pas lieu de déclarer irrecevables les dernières conclusions de M. [D].

L'article 386 du code de procédure civile dispose que l'instance est périmée lorsqu'aucune des parties n'accomplit de diligences pendant deux ans.

En procédure orale, les parties n'ont pas d'autre diligence à accomplir que de demander la fixation de l'affaire.

En l'espèce, l'affaire a fait l'objet d'un renvoi lors de l'audience du 17 mars 2022, renvoi initialement fixé au 25 mai 2023. Cette audience a été annulée. Par message RPVA du 29 janvier 2024, la société Coop Saveur a sollicité la fixation d'une nouvelle date d'audience, faisant expressément état d'un risque de péremption le 17 mars suivant.

La société Coop Saveur, en sollicitant la fixation du dossier, a accompli les diligences nécessaires.

L'instance n'est pas périmée.

Sur la recevabilité des exceptions de procédure

La société Coop Saveurs fait valoir que M. [D] soulève pêle-mêle dans ses conclusions des exceptions de procédure et des causes d'irrecevabilité. Elle en déduit l'irrecevabilité des exceptions de procédure qui n'ont pas été soulevé in limine litis.

Cependant, l'ordre dans lequel une fin de non-recevoir et une exception sont présentées dans les mêmes conclusions est indifférent.

Il n'y a donc pas lieu de déclarer irrecevables les exceptions de procédure soulevées par M. [D].

Sur les exceptions et irrecevabilités soulevées par M. [D]

M. [D] soulève un grand nombre de nullités ou d'irrecevabilité de la saisine de la cour.

- Sur le défaut affectant la mention de l'organe représentatif de la société

M. [D] que « le défaut d'organe physique représentatif désigné d'une SAS représentant une autre SAS ne peut justifier la représentation en justice ». Il soutient que la société Coop Saveurs non représentée si ce n'est par une autre personne morale n'avait pas la capacité d'ester en justice. Il soutient que le défaut du droit d'agir s'étend à la citation en révision du 5 mars 2014.

Cependant, l'acte de saisine indique que la société est représentée par son président.

Aucune cause de nullité n'est caractérisée.

- Sur l'acte de saisine de la juridiction de renvoi

M. [D] soutient que l'acte de saisine de la juridiction de renvoi serait nul car une copie de l'arrêt de cassation n'y aurait pas été annexé.

La société Coop Saveurs indique que l'arrêt de cassation était bien annexé à sa déclaration de saisine.

L'article 1033 du code de procédure civile dispose que « la déclaration contient les mentions exigées par l'acte introductif d'instance devant cette juridiction ; une copie de l'arrêt de cassation y est annexée ».

La cour observe que l'article 1033 ne vise pas la nullité à titre de sanction du non-respect de ses dispositions.

Il ressort de l'accusé de réception de la saisine par la cour d'appel de renvoi que l'arrêt était bien annexé à la déclaration de saisine.

La saisine de la cour n'encourt donc aucune sanction à ce titre.

- Sur la remise à un mauvais destinataire de l'acte de saisine

M. [D] demande à la cour « d'ordonner l'irrecevabilité de la déclaration de saisine de la société COOP-SAVEURS enregistrée au greffe le 23 juin 2017 ainsi que celle du 14 août 2019 adressée au secrétariat-greffe alors qu'il ( sic) devait être destiné au greffier en Chef » sans préciser le fondement d'une telle demande.

La cour rappelle qu'elle ne peut statuer sur la recevabilité de la saisine du 23 juin 2017.

L'article 1032 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret du 6 mai 2017, dispose que « la juridiction de renvoi est saisie par déclaration au greffe de la juridiction ».

L'acte de saisine du 14 août 2019 a bien été remis au greffe de la cour d'appel de renvoi.

La cour constate que la cause d'irrecevabilité dont se prévaut M. [D] est difficilement compréhensible et qu'en tout état de cause, les dispositions de l'article 1032 du code de procédure civile ont été respectées.

Aucune irrecevabilité de la saisine n'est encourue.

- Sur l'absence de notification de l'arrêt de cassation

M. [D] soutient encore que la saisine de la cour de renvoi serait irrecevable car l'arrêt de cassation n'aurait pas été signifié.

Toutefois, il ressort de l'article 1134 du code de procédure civile que la signification de l'arrêt de cassation n'est pas un préalable nécessaire à la saisine de la cour d'appel de renvoi qui peut être saisie en l'absence d'une telle signification.

Il se déduit de l'ensemble de ses éléments que la cour est régulièrement saisie en qualité de cour de renvoi.

Sur la recevabilité du recours en révision

M. [D] soutient que les conditions du recours en révision ne seraient pas réunies dès lors que la société Coop Saveurs ne s'explique pas sur la date à laquelle elle aurait eu connaissance de la fraude qu'elle allègue.

La société Coop Saveurs soutient la recevabilité de son recours.

Le Ministère public a également conclu à la recevabilité du recours.

L'article 596 du code de procédure civile dispose que « le délai du recours en révision est de deux mois. Il court à compter du jour où la partie a eu connaissance de la cause de révision qu'elle invoque ».

La société Coop Saveurs fonde son recours en révision sur le fait qu'il est apparu postérieurement à l'arrêt du 30 janvier 2014 que des attestations produites par M. [D] étaient mensongères.

Il ressort des pièces produites que M. [Y] a attesté le 4 février 2014 en ces termes : « Je reconnais avoir fait une attestation à M. [D] sur sa demande et par pure complaisance et reconnait (sic) d'avoir jamais étais témoins d'heure supplémentaire effectué (sic) ».

M. [B] a quant à lui rédigé une attestation le 6 février 2014 indiquant : « je reconnais de ne pas pouvoir affirmer que Monsieur [D] venait à 3 heures du matin car j'arrivais à 6h30. Je ne peux pas affirmer qu'il faisait des heures supplémentaires ».

M. [O] atteste en ces termes : « Je soussigné, Monsieur [O], ex-acheteur de Boucherie Chevy certifie que Mr [B] [L] m'a avoué qu'à l'époque des premières attestations Mr [D] lui avait promis de l'argent sur ce qu'il toucherait du procès ». Cette attestation est datée du 7 février 2014.

Devant le conseil de prud'hommes, la société Coop Saveurs avait soutenu que les attestations rédigées à l'époque par M. [Y] et M. [B] n'étaient pas crédibles mais n'en avait pas dénoncé le caractère mensonger. On ne peut en déduire qu'elle connaissait le caractère frauduleux des attestations avant que l'arrêt dont il est demandé la révision soit rendu. Ce n'est qu'en février 2014 qu'elle a eu connaissance du caractère mensonger des attestations que M. [D] avait sollicitées dans le but de gagner son procès face à son ancien employeur.

Elle a introduit son recours le 5 mars 2014 soit dans le délai de deux mois à compter de sa connaissance de la cause de la révision.

Son recours n'est donc pas tardif.

M. [D] soutient encore qu'aucun des cas d'ouverture à révision énoncés par l'article 595 du code de procédure civile ne serait ouvert.

Le ministère public indique que la production de fausses attestations constitue un cas de fraude au jugement tel que visé au 1er de l'article 595. Il souligne qu'il se déduit de l'existence de ces deux attestations mensongères une suspicion générale de fausseté, ce dont il déduit qu'il convient de faire droit à la demande de révision.

La société Coop Saveurs soutient que M. [D] a choisi de tromper la cour en produisant des attestations mensongères et rappelle l'arrêt rendu par la Cour de cassation le 26 avril 2017.

Par cet arrêt, la Cour de cassation a cassé l'arrêt rendu le 2 juillet 2015 au motif « qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher, ainsi qu'il le lui était demandé, si les attestations produites par l'employeur, dans le cadre de son recours en révision et relatives aux heures de présence de M. [D] dans les locaux de l'entreprise, n'étaient pas de nature à établir le caractère mensonger des attestations de MM. [H], [A] et [X], et, partant, le fait que l'appréciation de la juridiction quant au caractère étayé de la demande de l'intéressé au titre des heures supplémentaires ait pu être faussée, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ».

L'article 595 du code de procédure civile dispose que :

« Le recours en révision n'est ouvert que pour l'une des causes suivantes :

1. S'il se révèle, après le jugement, que la décision a été surprise par la fraude de la partie au profit de laquelle elle a été rendue ;

2. Si, depuis le jugement, il a été recouvré des pièces décisives qui avaient été retenues par le fait d'une autre partie ;

3. S'il a été jugé sur des pièces reconnues ou judiciairement déclarées fausses depuis le jugement ;

4. S'il a été jugé sur des attestations, témoignages ou serments judiciairement déclarés faux depuis le jugement.

Dans tous ces cas, le recours n'est recevable que si son auteur n'a pu, sans faute de sa part, faire valoir la cause qu'il invoque avant que la décision ne soit passée en force de chose jugée. »

La cour retient que le fait qu'il soit établi que M. [D] a produit des attestations dont le caractère mensonger a été reconnu par leurs auteurs suffit à caractériser la fraude quand bien même d'autres attestations n'auraient pas été remises en cause de la même façon. En effet, il n'est pas possible de considérer que ce ne sont pas les attestations prises dans leur ensemble qui ont emporté la conviction de la cour. Ainsi, la cour dans sa présente composition considère que les attestations frauduleuses ont été déterminantes de la décision de la cour dont l'arrêt fait l'objet du recours en révision.

Il s'en déduit que le recours en révision est recevable.

Sur la demande de rejet des attestations produites par la société Coop Saveurs

Dans le dispositif de ses conclusions auxquelles il s'est expressément référé lors de l'audience et qu'il a soutenues à l'oral, M. [D] demande à la cour de « REJETER les attestations de la société COOP SAVEURS qui ne sont ni fondées ni sérieuses ».

Il ne soutient par ailleurs aucun moyen de nature à justifier une telle demande de rejet.

Il sera débouté de sa demande à ce titre.

Sur la demande de vérification d'écriture concernant l'attestation de M. [B]

Dans le dispositif de ses conclusions auxquelles il s'est expressément référé lors de l'audience et qu'il a soutenues à l'oral, M. [D] sollicite qu'il soit ordonné une vérification d'écritures sur l'attestation de M. [B] datée du 6 février 2014.

La société Coop Saveurs indique que M. [B] est décédé.

Au regard des pièces produites par la société Coop Saveurs dont il n'est pas contesté qu'elles portent la signature de M. [B], il apparaît que la signature portée sur l'attestation du 6 février 2014 est celle de M. [B].

Il n'y a pas lieu d'ordonner une vérification d'écritures.

Sur la demande de la société Coop Saveurs d'écarter des débats certains propos tenus par M. [D] dans ses conclusions

La société Coop Saveurs sollicite de supprimer des débats les propos de M. [D] selon lesquels l'attestation de M. [B] « ne comporterait aucune garantie de sérieux » ou « serait entachée de faux ». Elle demande en outre la condamnation de M. [D] à 1 000 euros de dommages et intérêts à ce titre.

L'article 41 alinéas 4 et 5 de la loi du 29 juillet 1881 dispose que « Ne donneront lieu à aucune action en diffamation, injure ou outrage, ni le compte rendu fidèle fait de bonne foi des débats judiciaires, ni les discours prononcés ou les écrits produits devant les tribunaux.

Pourront néanmoins les juges, saisis de la cause et statuant sur le fond, prononcer la suppression des discours injurieux, outrageants ou diffamatoires, et condamner qui il appartiendra à des dommages-intérêts ».

La cour relève que la société Coop Saveurs ne prend pas soin de préciser dans quel jeu de conclusions les propos qu'elle conteste ont été commis ni à quelle page.

En outre, la société Coop Saveurs ne caractérise pas le caractère injurieux, outrageant ou diffamatoire des propos qu'elle critique.

Elle sera déboutée de sa demande à ce titre.

Sur les heures supplémentaires

Selon l'article L.212-1-1 du code du travail dans sa rédaction en vigueur jusqu'au 1er mai 2008 applicable à l'espèce, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées, l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci.

En l'espèce, M. [D], à l'appui de sa demande au titre des heures supplémentaires, produit :

- un tableau des heures qu'il aurait réalisées mois par mois de mai 2002 à juillet 2004

- une attestation de M. [Y] datée du 7 janvier 2006

- une attestation de M. [A] datée du 6 janvier 2006

- une attestation de M. [B] datée du 8 janvier 2006

- une attestation de M. [H] datée du 7 février 2006

- une attestation de M. [X] datée du 7 janvier 2006

- une attestation de M. [A] datée du 10 janvier 2008

- une attestation de M. [X] datée du 22 septembre 2008.

Il produit ainsi des éléments suffisamment précis pour que l'employeur puisse répondre.

La société Coop Saveurs indique que M. [D] a communiqué son tableau en 2009 pour une période de travail comprise entre 2002 et 2004 et que ce tableau n'indique ni les heures d'arrivée ni les heures de sortie mais seulement un nombre d'heures par jour. Elle rappelle que l'employeur n'a l'obligation de conserver les documents permettant de comptabiliser les heures travaillées que pour une durée d'un an. Elle soutient que le tableau comporte de nombreuses irrégularités. Elle indique à cet égard que M. [D] sollicite des heures supplémentaires en mai 2004 pour une période où il était en congés. Elle soutient que les attestations produites par M. [D] ne peuvent être retenues. Elle produit une attestation de Mme [T] qui indique que M. [D] n'a pas effectué d'heures supplémentaires et qu'il se permettait de ne pas revenir l'après-midi.

Mais les éléments versés aux débats par l'employeur ne permettent pas d'établir de manière objective et fiable le nombre d'heures de travail effectuées par le salarié. Il est, en outre, établi que la société Chevy n'avait pas mis en place de dispositif de contrôle du temps journalier du salarié. En cet état, il sera considéré que la société ne remplit pas la charge de la preuve qui lui revient, le salarié ayant de son côté apporté à la cour des éléments précis.

S'agissant du nombre d'heures supplémentaires accomplies, les éléments, il a déjà été rappelé que M. [Y] et M. [B] ont reconnu le caractère mensonger de leurs attestations. Il résulte du registre des entrées et sorties du personnel que M. [A] a quitté l'entreprise en septembre 1998 de sorte que son attestation, dont les termes sont en

outre particulièrement peu précis, est dépourvue de toute force probante. De même M. [X] a quitté l'entreprise en avril 2000.

Il est également relevé qu'il ressort des différentes attestations produites par M. [D] des horaires de travail parfaitement identiques avec une heure de prise de poste à 3 heures mais qu'aucun autre salarié n'a pu directement constater dès lors qu'aucun d'eux n'était présent à cette heure.

Au regard du peu de caractère probant des attestations produites par M. [D], il sera retenu que M. [D] a effectué des heures supplémentaires non rémunérées arbitrées à 252 heures de mai à décembre 2002, 360 heures au titre de l'année 2003 et 216 heures entre janvier et juillet 2004. Il lui sera donc alloué la somme de 15 752,70 euros outre 1 575,27 euros au titre des congés payés afférents.

Le jugement entrepris sera infirmé sur ce quantum.

Sur le travail de nuit

M. [D], à l'appui de cette demande, se borne à recopier l'arrêt objet de la demande de révision qui lui avait accordé un rappel de salaire au titre des heures effectuées avant 5 heures du matin en application de la convention collective dans sa version applicable aux faits de l'espèce.

La société Coop Saveurs produit plusieurs attestations dont il résulte qu'il n'y avait pas de personnel présent dans la boucherie, située au rez-de-chaussée d'un immeuble d'habitation, avant 6 heures du matin.

M. [D] sera donc débouté de sa demande au titre du travail de nuit et le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur le repos compensateur

M. [D] forme dans le dispositif de ses conclusions une demande au titre du repos compensateur dont il n'aurait pas bénéficié.

Aux termes de l'article L.212-5-1 du code du travail dans sa version applicable à l'espèce, «  Les heures supplémentaires effectuées au-delà du contingent conventionnel fixé selon les modalités prévues au deuxième alinéa de l'article L. 212-6 lorsqu'il existe, ou, à défaut, du contingent fixé par le décret prévu au premier alinéa de l'article L. 212-6, ouvrent droit à un repos compensateur obligatoire dont la durée est égale à 50 % de ces heures supplémentaires, pour les entreprises de vingt salariés au plus, et à 100 % pour les entreprises de plus de vingt salariés.

Compte tenu des heures supplémentaires retenues, M. [D] a effectué des heures supplémentaires au-delà du contingent de 220 heures pour les années 2002 et 2003. Il n'est pas allégué que la société Chevy comptait vingt salariés au plus. Il sera alloué la somme de 2 617,84 euros au titre du repos compensateur en repos non pris.

Sur le travail dissimulé

M. [D] revendique une somme de 37 432 ,80 euros à titre d'indemnité forfaitaire au titre du travail dissimulé en raison de la non-déclaration par l'employeur des heures supplémentaires non rémunérées réalisées.

Mais, à défaut d'une démonstration d'une volonté de l'employeur de dissimuler des heures supplémentaires non-rémunérées, il sera débouté de sa demande à ce titre.

Sur la demande de M. [D] au titre de la procédure abusive

Dès lors que le recours en révision a été jugé recevable et a conduit à statuer à nouveau sur le fond du litige, il ne peut être soutenu que la procédure initiée par la société Coop Saveurs serait abusive. M. [D] sera débouté de sa demande à ce titre.

Sur les demandes de dommages et intérêts formées par la société Coop Saveurs

La société Coop Saveurs forme deux demandes de dommages et intérêts :

- une demande à hauteur de 30 000 euros en indemnisation du préjudice souffert du fait de la décision obtenue par fraude,

- une demande à hauteur de 20 000 euros en indemnisation du préjudice souffert du fait des multiples mesures d'exécution et autres actions subies ou engagées par la société Chevy en exécution de la décision obtenue.

Toutefois, elle se prévaut dans les deux cas d'un seul et même préjudice résultant des mesures d'exécution mises en 'uvre.

Il ressort des pièces produites que M. [D] a mis en 'uvre de nombreuses mesures d'exécution de l'arrêt du 30 janvier 2014 qui lui était favorable mais qu'il avait obtenu en produisant des attestations qu'il savait mensongères.

Il sera alloué la somme de 5 000 euros à la société Coop Saveurs en réparation du préjudice subi à ce titre.

Sur la demande de restitution des sommes versées à M. [D] formée par la société Coop Saveurs

Le présent arrêt qui statue à nouveau sur les dispositions de l'arrêt révisé remises atteinte par la révision constitue un titre exécutoire permettant le recouvrement des sommes versées en exécution de la décision révisée.

Sur les frais de procédure

Compte tenu de la recevabilité du recours en révision et de ses conséquences, M. [D] sera condamné aux dépens de la présente instance. Il n'y a pas lieu de le condamner aux dépens de l'instance ayant donné lieu à l'arrêt révisé.

Il sera également condamné à payer à la société Coop Saveurs la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

M. [D] sollicite que les condamnations salariales soient assorties de dommages et intérêts au taux légal depuis la saisine du conseil de prud'hommes. Les intérêts ne commencent à courir qu'à compter de la date de la convocation de l'employeur devant le bureau de conciliaton.

PAR CES MOTIFS

La cour,

DIT l'instance non périmée,

REJETTE la demande de la société Coop Saveurs de déclarer irrecevables les exceptions de procédure soulevées par M. [D],

REJETTE la demande d'irrecevabilité de la saisine de la cour pour défaut de qualité pour agir,

REJETTE la demande d'irrecevabilité de la saisine de la cour pour absence d'arrêt de cassation annexé à la saisine de la cour de renvoi,

REJETTE la demande d'irrecevabilité de la saisine de la cour pour absence de remise de l'acte de saisine au greffier en chef,

REJETTE la demande d'irrecevabilité de la saisine de la cour pour absence de notification de l'arrêt de cassation,

DIT sa saisine recevable,

DIT le recours en révision contre l'arrêt rendu le 30 janvier 2014 recevable,

Statuant à nouveau en révision de l'arrêt rendu par la présente cour le 30 janvier 2014 et y ajoutant,

INFIRME le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Paris le 15 mars 2010 en ce qu'il a condamné la société Chevy, aux droits de laquelle vient la société Coop Saveurs à payer à M. [D] la somme de 10 000 euros au titre des heures supplémentaires,

CONDAMNE la société Coop Saveurs venant aux droits de la société Chevy à payer à M. [D] les sommes de :

* 15 752,70 euros au titre des heures supplémentaires non rémunérées

* 1 575,27 euros au titre des congés payés afférents

* 2 617, 814 euros au titre du repos compensateur

Avec intérêts au taux légal à compter de la date de la convocation de l'employeur devant le bureau de conciliation,

CONDAMNE M. [D] à payer à la société Coop Saveurs les sommes de :

* 5 000 euros de dommages et intérêts

* 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

RAPPELLE que le présent arrêt constitue un titre exécutoire permettant le recouvrement des sommes versées en exécution des chefs de dispositif de l'arrêt rendu le 10 janvier 2014 atteints par la révision,

DEBOUTE les parties du surplus de leurs demandes,

CONDAMNE M. [D] aux dépens de la présente procédure.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 10
Numéro d'arrêt : 19/08243
Date de la décision : 04/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 15/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-04;19.08243 ?
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