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03/07/2024 | FRANCE | N°23/17847

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 6, 03 juillet 2024, 23/17847


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 6



ARRET DU 03 JUILLET 2024



(n° , 7 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/17847 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CIPB5



Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 25 Octobre 2023 - juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Paris - 9ème chambre 2ème section - RG n° 22/13156





APPELANT



Monsieur [P] [E]

[Adresse 1]

[Adresse 1]



Représenté par Me Julie BARIANI, avocat au barreau de PARIS, toque : R234

Ayant pour avocat plaidant Me Arnaud DELOMEL, avocat au barr...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 6

ARRET DU 03 JUILLET 2024

(n° , 7 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/17847 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CIPB5

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 25 Octobre 2023 - juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Paris - 9ème chambre 2ème section - RG n° 22/13156

APPELANT

Monsieur [P] [E]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représenté par Me Julie BARIANI, avocat au barreau de PARIS, toque : R234

Ayant pour avocat plaidant Me Arnaud DELOMEL, avocat au barreau de RENNES, toque : 164

INTIMÉE

Société SANTANDER BANK POLSKA SA anciennement dénommée BANK ZACHODNI WBK S.A., société de droit polonais immatriculée sous le numéro KRS 0000008723 et NIP : 869 000 56 73

[Adresse 2]

[Adresse 2] - Pologne

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentée par Me Nathalie LESENECHAL, avocat au barreau de PARIS, toque : D2090

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 905 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 27 Mai 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. Marc BAILLY, président de chambre entendu en son rapport, et MME Laurence CHAINTRON, conseillère.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. Marc BAILLY, président de chambre

M. Vincent BRAUD, président

Madame Laurence CHAINTRON, conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Mélanie THOMAS

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Marc BAILLY, président de chambre et par Mélanie THOMAS, greffier, présent lors de la mise à disposition.

* * * * *

Se plaignant d'avoir été victime d'une escroquerie à l'investissement dans les crypto-monnaies à l'occasion de laquelle il a effectué vingt virements bancaires à partir de son compte dans les livres de la société La Banque Postale à destination d'un compte ouvert dans les livres de la société Santander Bank Polska, M. [P] [E] a assigné les deux banques devant le tribunal judiciaire par acte en date des 11 et 12 octobre 2022.

Saisi d'un incident, principalement une exception d'incompétence, subsidiairement une fin de non-recevoir tirée de la prescription par la société Santander Bank Polska, le juge de la mise en état, par ordonnance en date du 25 octobre 2023, a rejeté l'exception d'incompétence, dit M. [P] [E] irrecevable comme prescrit et l'a condamné à payer à la société Santander Bank Polska la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration au greffe en date du 7 novembre 2023, M. [P] [E] a interjeté appel à l'encontre de la société Santander Bank Polska de l'ordonnance en ce qu'elle l'a déclaré prescrit et l'a condamné au paiement des dépens et frais irrépétibles.

Par ses dernières conclusions en date du 30 janvier 2024, M. [P] [E] fait valoir :

- sur la compétence territoriale,

-à titre principal que la compétence des juridictions françaises en ce que tant l'article 46 du code de procédure civile français que l'article 7.2 du règlement « Bruxelles I Bis » retiennent, en matière délictuelle, le lieu de matérialisation du dommage qui, selon lui, s'appuyant sur des décisions des juridictions européennes et françaises et la doctrine, se réalise sur le compte bancaire de la victime,

- que la compétence territoriale tirée du lieu de domiciliation des comptes bancaires destinataires des fonds n'est pas pertinente dès lors que ceux-ci ne sont que des comptes où les fonds détournés transitent,

-qu'au critère du lieu du compte bancaire de départ des fonds, peut être ajouté, par analogie à la solution retenue en matière de cyber-délits d'atteinte aux droits de la personnalité commis sur internet, celui de la résidence habituelle du consommateur victime, et ce d'autant plus que la signature électronique d'un contrat avec un consommateur résidant en France, disposant de comptes bancaires en France et qui a déposé plainte en France, constituent autant de liens de rattachement du litige avec ce pays qui supplantent nécessairement le seul critère du compte bancaire de réception en Pologne.

- à titre subsidiaire, il conclut à la compétence des juridictions françaises en raison de l'option de compétence qui est offerte au demandeur en cas de pluralité de défendeurs par les articles 42 du code de procédure civile français et 8.1 du règlement « Bruxelles I Bis », s'appuyant sur des arrêts de la cour d'appel de Paris et de la Cour de cassation qui ont retenu l'existence d'un lien de connexité entre des actions en responsabilité intentées à l'encontre de plusieurs établissements bancaires en ce qu'elle s'inscrivaient dans une même situation de fait et de droit et qu'il y avait lieu de les juger ensemble pour éviter tout risque d'inconciliabilité des solutions,

- qu'au cas particulier, les défenderesses qui sont mises en cause sur le fondement de textes nationaux transposant les directives européennes dites « anti-blanchiment » ont toutes deux concouru à la réalisation de son préjudice en n'exerçant aucun contrôle ni aucune vigilance. Il estime dès lors que le litige présente des éléments de fait et de droit qui sont nécessairement liés, que les demandes se rapportent aux mêmes faits, tendent à des fins identiques et posent des questions communes qui appellent des réponses coordonnées notamment quant à la réparation intégrale de son préjudice et ce, afin d'éviter tout risque d'inconciliabilité des solutions,

- sur le droit applicable et la prescription de l'action, qu'une lecture combinée notamment de la directive (UE) n°2015/849 du Parlement européen et du Conseil du 20 mai 2015, qui explicite dans son considérant l'objectif de l'ensemble des directives européennes fondant le dispositif de LCB-FT de garantir notamment « une protection adéquate des déposants, des investisseurs et des consommateurs dans l'ensemble de l'Union » et de l'article 4§1 du règlement « Rome II », conduit à retenir l''application de la loi du pays du domicile de la victime lorsque le dommage allégué qui consiste en un préjudice financier se réalise directement sur un compte bancaire de celle-ci ouvert auprès d'une banque établie dans le pays de son domicile. Il expose ainsi que dès lors que son dommage s'est réalisé directement sur son compte domicilié dans les livres de la Banque postale en France, la loi française doit s'appliquer au détriment de la loi polonaise, de sorte qu'il demande à la cour de statuer ainsi :

'- Infirmer l'Ordonnance de première instance, en ce qu'elle a retenu l'application de la loi polonaise au litige opposant Monsieur [E] et la société SANTANDER BANK POLSKA,

- Infirmer l'Ordonnance de première instance, en ce qu'elle a retenu l'irrecevabilité de l'action de Monsieur [E] en raison de la prescription de celle-ci,

Et statuant a nouveau :

- Juger et retenir l'application de la Loi française au litige opposant Monsieur [E] et la société SANTANDER BANK POLSKA, considérant le lieu du dommage comme étant situé en France,

- Juger et retenir l'action de Monsieur [E] recevable, comme étant non prescrite.

- Principalement, juger la société SANTANDER BANK POLSKA irrecevable en sa demande d'incompétence territoriale ; subsidiairement, Juger et retenir la compétence des juridictions françaises pour avoir à statuer sur le litige.

- Débouter la société SANTANDER BANK POLSKA de l'ensemble de ses demandes.

- Condamner la société SANTANDER BANK POLSKA à verser à Monsieur [E] la somme de 2.000 € au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile'.

Par ses dernières conclusions en date du 26 avril 2024, la société Santander Bank Polska fait valoir :

- sur son appel incident relatif à la compétence, titre principal, sur le fondement de l'article 5.3 du règlement « Bruxelles I » et de l'article 7.2 du règlement « Bruxelles I Bis », qu'en matière délictuelle, la juridiction compétente est celle du lieu où le fait dommageable s'est produit ou risque de se produire,

- que selon une interprétation constante de ces textes par la Cour de justice de la Communauté européenne (CJCE) et la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE), retenue également par la Cour de cassation française, le lieu dommageable se détermine en fonction du lieu de l'événement causal allégué (en l'espèce le défaut de vigilance) ou celui où le fait dommageable s'est produit (en l'espèce, l'appréhension frauduleuse des sommes alléguées), ce dernier ne devant pas se confondre avec le centre des intérêts patrimoniaux de la victime en concluant dès lors à la compétence des juridictions polonaises dans le ressort desquelles se situe son établissement, lieu du défaut de vigilance et de la soustraction des fonds,

- qu'en pensant contracter avec une société située en Slovaquie disposant d'un compte bancaire en Pologne et en versant sur le compte d'un tiers situé lui aussi en Pologne, M. [E] a pleinement accepté la possibilité d'une compétence du juge polonais en cas de litige,

- que l'article 8.1 du règlement « Bruxelles I Bis » n'a pas vocation à s'appliquer ni à justifier la compétence des juridictions françaises en l'absence de lien de connexité entre les demandes formées à l'encontre de la Banque postale et elle-même, les faits générateurs à l'origine des prétendues fautes étant distincts et séparés, la première se voyant reprocher

l'exécution de virements et la seconde des manquements lors de l'ouverture de comptes à l'étranger. Elle conclut ainsi à une absence d'identité de faits, de fondements juridiques et de lois applicables.

-qu'il n'existe pas non plus de risque de décisions inconciliables, la reconnaissance de la responsabilité de plusieurs intervenants pouvant être recherchée devant des juridictions distinctes et l'hypothèse d'une double indemnisation portant sur une question de droit substantiel étant sans influence sur la compétence.

- qu'une banque étrangère ne peut se voir opposer le principe de prévisibilité d'être attraite devant une juridiction française dès lors que le manquement qui lui est reproché lors de l'ouverture du compte est antérieur au fonctionnement du compte,

' à titre subsidiaire, sur la prescription de l'action engagée par M. [E], que les conflits de lois au sein de l'Union européenne sont régis, en matière d'obligations non contractuelles, par les dispositions de l'article 4 du règlement « Rome II » qui dispose que la loi applicable à une obligation non contractuelle résultant d'un fait dommageable est celle du pays où le dommage survient et qu'au cas particulier, le fait dommageable, à savoir la perte des fonds, s'est produit au lieu des détournements allégués, soit en Pologne, en concluant ainsi à la nécessaire application de la loi polonaise pour déterminer si sa responsabilité délictuelle à l'égard du demandeur, et ce a fortiori en présence d'un probable contrat préexistant conclu entre la banque destinataire des fonds et le ou les auteurs de la supposée escroquerie sous couvert de la même loi,

- que M. [E] ne démontre pas l'applicabilité des textes français dont il entend se prévaloir et qu'en toute hypothèse, le juge français est compétent pour statuer sur des règles de droit étranger, ajoutant que la Cour de cassation a rappelé notamment par un arrêt du sa première chambre civile du 26 mai 2021 qu'il doit appliquer d'office un texte européen d'ordre public,

- que la notion de connexité qui peut être soulevée en matière de compétence territoriale n'a pas vocation à s'appliquer pour la détermination de la loi applicable,

- qu'elle conteste l'argument de M. [E] selon lequel le critère du fait dommageable étant un critère commun à la question de la compétence juridictionnelle et à celle de la loi applicable, il y a lieu de transposer la solution retenue pour la première à la seconde, faisant valoir que par un arrêt du 22 février 2023, postérieur aux décisions citées par le demandeur, la cour d'appel de Paris (Pôle 5 chambre 6) a considéré que la loi applicable était la loi étrangère,

- que le dispositif de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme (LCB-FT) a pour fondement les cinq directives européennes de 1991, 2001, 2005, 2015 et 2018 qui, comme l'a retenu notamment la Cour de cassation, n'ont pas pour objet la protection d'intérêts privés mais celui de répondre à un objectif d'intérêt général et d'ordre public, et qui ne sont pas directement opposables aux Etats-membres qui disposent d'une marge d'appréciation pour les transposer dans leur législation interne, comme l'illustre d'ailleurs le délai de prescription de trois ans en droit polonais pour les actions en responsabilité civile valable pour les actions en responsabilité contre les établissements bancaires.

- qu'ainsi, en application des dispositions de l'article 442 du code civil polonais, le délai de prescription concernant les virements litigieux effectués au mois de septembre 2018 courait jusqu'au 21 septembre 2021, et que l'action introduite par assignation en date du 11 octobre 2022 était dès lors prescrite, de sorte qu'elle demande à la cour de :

'- A titre principal, SUR APPEL INCIDENT

- INFIRMER l'Ordonnance du Juge de la Mise en état en ce qu'il a déclaré le Tribunal Judiciaire de Paris compétent pour statuer sur le litige dont il est saisi,

- DECLARER le Tribunal Judiciaire de Paris incompétent au profit des juridictions polonaises (Tribunal de Varsovie)

- RENVOYER Monsieur [E] à mieux se pourvoir,

A titre subsidiaire, SUR LA CONFIRMATION DE LA FIN DE NON RECEVOIR RETENUE

- CONFIRMER l'Ordonnance du Juge de la mise en état en ce qu'il a fait droit la fin de non-recevoir soulevée par la société SANTANDER BANK POLSKA S.A,

- CONSTATER la prescription de l'action engagée par Monsieur [E] à l'encontre de la société SANTANDER BANK POLSKA S.A,

DECLARER irrecevables les demandes de Monsieur [E] à l'encontre de la société SANTANDER BANK POLSKA S.A,

Et en toutes hypothèses :

DEBOUTER Monsieur [E] de ses demandes, fins et conclusions,

CONFIRMER l'ordonnance du Juge de la mise en état en ce qu'elle a condamné Monsieur [P] [E] à payer à la société SANTANDER BANK POLSKA S.A la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du CODE DE PROCÉDURE CIVILE, outre les dépens de première instance.

CONDAMNER Monsieur [E] à payer à la société SANTANDER BANK POLSKA S.A, à hauteur d'appel, la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, en cause d'appel'.

MOTIFS

Sur la compétence des juridictions françaises

L'ordonnance frappée d'appel n'est pas critiquée en ce qu'elle statue sur la compétence par application du règlement no 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale.

Aux termes de l'article 4, paragraphe premier, du chapitre II Compétence dudit règlement, sous réserve du présent règlement, les personnes domiciliées sur le territoire d'un État membre sont attraites, quelle que soit leur nationalité, devant les juridictions de cet État membre.

Aux termes de l'article 5, paragraphe premier, du chapitre II Compétence dudit règlement, les personnes domiciliées sur le territoire d'un État membre ne peuvent être attraites devant les juridictions d'un autre État membre qu'en vertu des règles énoncées aux sections 2 à 7 du présent chapitre.

M. [P] [E] se prévaut notamment de la compétence du tribunal judiciaire de Paris pour connaître de ses demandes dirigées contre la banque polonaise, sur le fondement de l'article 8, premièrement, de la section 2 Compétences spéciales du chapitre II du règlement susdit, aux termes duquel une personne domiciliée sur le territoire d'un État membre peut aussi être attraite, s'il y a plusieurs défendeurs, devant la juridiction du domicile de l'un d'eux, à condition que les demandes soient liées entre elles par un rapport si étroit qu'il y a intérêt à les instruire et à les juger en même temps afin d'éviter des solutions qui pourraient être inconciliables si les causes étaient jugées séparément.

En l'espèce, M. [P] [E] a assigné en responsabilité les sociétés Banque postale et Santander Bank Polska, en ce qu'elles ont concouru à la réalisation d'un même dommage, soit la perte des fonds investis entre le 28 mai et le 21 septembre 2018, par des virements effectués sur le compte d'une société fraudeuse. Il invoque contre elles des manquements à leurs obligations de surveillance et de vigilance issues notamment de la directive no 2005/60/CE du Parlement européen et du Conseil du 26 octobre 2005 relative à la prévention de l'utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme, de sorte que les demandes, qui se rapportent aux mêmes faits et qui tendent à des fins identiques, posent des questions communes qui appellent des réponses coordonnées, notamment sur la matérialité et l'étendue du préjudice, l'analyse des causes du dommage et la responsabilité éventuelle de chaque société. Par ailleurs, la société Santander Bank Polska, qui avait ouvert dans ses livres un compte à une société recevant des virements en provenance de France susceptibles d'avoir un caractère frauduleux, pouvait s'attendre à être attraite devant les juridictions françaises.

Il s'en déduit que les actions en responsabilité intentées contre les deux banques sont connexes en ce qu'elles s'inscrivent dans une même situation de fait et de droit et que, pour éviter tout risque d'inconciliabilité des solutions, il y a lieu de les juger ensemble, peu important que les demandes soient éventuellement fondées sur des lois différentes (1re Civ., 26 sept. 2012, no 11-26.022 ; 17 fév. 2021, no 19-17.345). L'ordonnance entreprise sera confirmée en ce qu'elle rejette l'exception d'incompétence.

Sur la prescription de l'action intentée contre la société Santander Bank Polka

C'est à juste titre que la banque polonaise se fonde sur l'article 4 du Règlement du

11 juillet 2007 sur la loi applicable aux obligations non contractuelles dit Rome II qui dispose que 'Sauf dispositions contraires du présent règlement, la loi applicable à une obligation non contractuelle résultant d'un fait dommageable est celle du pays où le dommage survient, quel que soit le pays où le fait générateur du dommage se produit et quels que soient le ou les pays dans lesquels des conséquences indirectes de ce fait surviennent' pour faire valoir que c'est la loi polonaise qui est applicable.

En l'espèce, le lieu de survenance du dommage est la Pologne où l'appropriation des fonds s'est produite et la seule circonstance que les effets de cette appropriation ont été ressentis en France à raison de ce que les fonds investis l'ont été par l'intermédiaire d'un ordre de virement à partir d'un compte ouvert en France, en l'absence de tout autre élément de rattachement produit attestant de liens plus étroits de nature à concourir à la désignation de la loi française, est insuffisante à justifier l'application de la loi française alors que, tout au contraire, ce sont les obligations de la banque polonaise à l'égard de sa propre cliente détenant un compte dans ses livres en Pologne sur le fondement de la Directive prévoyant la lutte contre le blanchiment et le terrorisme qui est invoquée.

C'est également à juste titre qu'elle fait valoir que le préjudice dont se plaint M. [E] s'est réalisé directement en l'espèce au lieu de l'appropriation indue des fonds sur le compte polonais du destinataire dans les livres de la société Santander Bank Polska, la loi polonaise étant donc applicable.

La banque produit aux débats la loi polonaise constituée de l'article 442 §1 du code civil qui dispose que 'L'action en réparation du dommage causé par un délit se prescrit par trois ans à compter du jour où la partie lésée a eu connaissance ou aurait dû avoir connaissance en faisant preuve de la diligence requise, du dommage et de la personne tenue de le réparer. Toutefois, ce délai ne peut excéder dix ans à compter de la date à laquelle s'est produit le fait générateur du dommage.'

En l'espèce, M. [E] se plaint des virements du mois de septembre 2018 qui ont été, à l'instigation de ses interlocuteurs, à destination d'un compte dans les livres de la Santander Bank Polska dont les références bancaires lui ont été données par eux.

La banque fait valoir, à juste titre, que ces opérations sont antérieures de plus de trois ans à l'assignation qui lui a été délivrée, M. [E] connaissant le nom de la banque destinataire et le dernier virement datant du 21 septembre 2018 alors que l'assignation introductive du litige a été requise le 11 octobre 2022, de sorte qu'à défaut que M. [E] objective différemment la date plus récente que celle du dernier virement à laquelle il aurait pris connaissance des faits lui permettant d'agir ou communique toute pièce à cet égard, il y a lieu - sans inversion de la charge de la preuve étant observé que les parties sont muettes sur la teneur de la loi polonaise à ce titre - de confirmer l'ordonnance entreprise.

En conséquence de ce qui précède, il y a lieu de confirmer l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions, de condamner M. [P] [E] aux dépens d'appel, l'équité commandant de ne pas ajouter de condamnation au titre des frais irrépétibles en sus de celle décidé en première instance.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant publiquement et contradictoirement,

CONFIRME l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions ;

DIT n'y avoir lieu au prononcé d'une condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;

CONDAMNE M. [P] [E] aux dépens d'appel recouvrés en application de l'article 699 du code de procédure civile.

* * * * *

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 6
Numéro d'arrêt : 23/17847
Date de la décision : 03/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 15/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-03;23.17847 ?
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