La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

03/07/2024 | FRANCE | N°22/12452

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 6, 03 juillet 2024, 22/12452


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 6



ARRET DU 03 JUILLET 2024



(n° , 19 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/12452 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGCZK



Décision déférée à la Cour : Jugement du 08 Juin 2022 - teibunal judiciaire de Paris - 9ème chambre 1ère section - RG n° 17/07403





APPELANTS



Monsieur [W] [C]

[Adresse 1]

[Localité 11]


>Madame [O] [F] épouse [C]

[Adresse 1]

[Localité 11]



Représentés par Me Dorothée LANTER, avocat au barreau de PARIS, toque : P0298





INTIMÉES



S.A. CREDIT LOGEMENT

[Adresse 7]

[Localité 9]

N° SI...

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 6

ARRET DU 03 JUILLET 2024

(n° , 19 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/12452 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGCZK

Décision déférée à la Cour : Jugement du 08 Juin 2022 - teibunal judiciaire de Paris - 9ème chambre 1ère section - RG n° 17/07403

APPELANTS

Monsieur [W] [C]

[Adresse 1]

[Localité 11]

Madame [O] [F] épouse [C]

[Adresse 1]

[Localité 11]

Représentés par Me Dorothée LANTER, avocat au barreau de PARIS, toque : P0298

INTIMÉES

S.A. CREDIT LOGEMENT

[Adresse 7]

[Localité 9]

N° SIRET : 302 493 275

Représentée par Me Denis LANCEREAU de l'AARPI Cabinet TOCQUEVILLE, avocat au barreau de PARIS, toque : R050, avocat plaidant

SOCIÉTÉ GÉNÉRALE venant aux droits de CREDIT DU NORD immatriculée sous le numéro 456 504 851 du registre du commerce et des sociétés de LILLE ayant son siège social [Adresse 5] et son siège central [Adresse 8] par suite d'une fusion absorption ayant fait l'objet d'un projet publié au BODACC le 29 juin 2022 et approuvé par une assemblée extraordinaire en date du 1er janvier 2023

[Adresse 6]

[Localité 10]

N° SIRET :552 120 222

agissant poursuite et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentée par Me Magali TARDIEU-CONFAVREUX de l'AARPI TARDIEU GALTIER LAURENT DARMON associés, avocat au barreau de PARIS, toque : R010

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 21 Mai 2024, en audience publique, devant la Cour composée de :

M. Vincent BRAUD, président chargé du rapport

M. Marc BAILLY, président

MME Laurence CHAINTRON, conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme Mélanie THOMAS

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Vincent BRAUD, président, et par Mélanie THOMAS, greffier, présent lors de la mise à disposition.

* * * * *

La société anonyme Crédit du Nord, agence de [Localité 13] Halle, a émis le 11 octobre 2012, au profit de [W] [C] et de [O] [F] épouse [C], emprunteurs solidaires, une offre de prêt destinée à financer l'acquisition d'un bien immobilier à usage d'habitation principale des emprunteurs situé [Adresse 4], à [Localité 11].

Cette offre de prêt a été reçue par [W] [C] et [O] [F] épouse [C] le 15 octobre 2012 et acceptée le 5 novembre 2012.

Le prêt est d'un montant en capital de 1 379 500,00 euros et d'une durée de 240 mois. Il est stipulé remboursable au taux annuel fixe de 3,70 % au moyen de onze premières mensualités d'un montant de 1 480,10 euros suivie d'une douzième mensualité de 901 480,10 euros, cette somme devant provenir de la vente d'un bien immobilier situé [Adresse 12]), d'une valeur estimée dans l'offre de prêt à 1 800 000 euros, puis, enfin, de 228 mensualités d'un montant unitaire de 3 138,26 euros.

Le remboursement du prêt était garanti par le cautionnement de la société Crédit Logement, donné par cette dernière par acte sous seing privé en date du 10 octobre 2012, annexé à l'offre de prêt.

Selon quittance de payement du 7 avril 2017, la société Crédit Logement a payé à la société Crédit du Nord la somme totale de 1 037 667,81 euros indiquée comme correspondant au montant des échéances impayées au 14 novembre 2013, soit 901 480,10 euros, et à des pénalités de retard d'un montant de 136 187,71 euros.

Par exploit en date du 12 mai 2017, la société Crédit Logement a assigné en payement [W] [C] et [O] [F] épouse [C] devant le tribunal de grande instance de Paris, sur le fondement de l'article 2305 du code civil.

Par exploit en date du 19 juin 2018, les époux [C] ont assigné en intervention forcée la société Crédit du Nord.

Par ordonnance du juge de la mise en état du 20 novembre 2019, la jonction des instances a été prononcée.

Par jugement contradictoire en date du 8 juin 2022, le tribunal judiciaire de Paris a :

' Condamné solidairement [W] [C] et [O] [F] épouse [C] à payer à la société Crédit Logement la somme de 1 037 667,81 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 7 avril 2017 ;

' Débouté [W] [C] et [O] [F] épouse [C] de leur demande de mainlevée de leur inscription au F. I. C. P. effectuée à l'initiative de la société Crédit Logement et de leur demande d'astreinte qui y était associée ;

' Débouté [W] [C] et [O] [F] épouse [C] de leur demande de dommages et interêts pour préjudice moral formée à l'encontre de la société Crédit Logement ;

' Dit n'y avoir lieu de statuer sur la demande de [W] [C] et [O] [F] épouse [C] de mainlevée du nantissement des parts sociales de la SCI JMOP pratiqué par la société Crédit Logement ;

' Déclaré forclose la demande de [W] [C] et [O] [F] épouse [C] de remboursement, par la société Crédit du Nord de la somme totale de 8 221,56 euros ;

' Déclaré [W] [C] et [O] [F] épouse [C] recevables en toutes leurs autres demandes formées à l'encontre de la société Crédit du Nord ;

' Débouté [W] [C] et [O] [F] épouse [C] de leur demande de dommages et intérêts pour cause de préjudice moral formée à l'encontre de la société Crédit du Nord ;

' Débouté [W] [C] et [O] [F] épouse [C] de leur demande d'annulation de la stipulation d'intérêts conventionnels contenue dans l'offre de prêt du 11 octobre 2012 ;

' Condamné in solidum [W] [C] et [O] [F] épouse [C] à payer la somme de 3 000 euros tant à la société Crédit Logement qu'à la société Crédit du Nord en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

' Débouté [W] [C] et [O] [F] épouse [C] de leur demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

' Ordonné la capitalisation des intérêts dus à la société Crédit Logement et dit que les intérêts échus pour une année entière depuis la demande en justice produiront eux-mêmes intérêts à compter du 12 mai 2018 pour la première fois pour les intérêts nés de la créance en principal et à compter de la date de prononcé de la présente décision pour ceux nés de l'indemnité de procédure prévue à l'article 700 du code de procédure civile ;

' Ordonné l'exécution provisoire des condamnations prononcées ci-dessus ;

' Condamné in solidum [W] [C] et [O] [F] épouse [C] aux dépens exposés par les sociétés Crédit Logement et Crédit du Nord, qui ne comprennent pas les frais des mesures d'exécution mises en 'uvre par la société Crédit Logement ;

' Rejeté toute autre demande plus ample ou contraire de la société Crédit Logement et de la société Crédit du Nord.

Par déclaration du 4 juillet 2022, [W] [C] et [O] [F] épouse [C] ont interjeté appel du jugement contre les sociétés Crédit Logement et Crédit du Nord.

Aux termes de leurs dernières conclusions déposées le 17 avril 2024, [W] [C] et [O] [C] demandent à la cour de :

CONFIRMER le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré les époux [C] recevables à agir contre la SOCIETE GENERALE venant aux droits du CREDIT DU NORD

INFIRMER le jugement entrepris pour le surplus

Statuant à nouveau

DEBOUTER le CREDIT LOGEMENT de l'ensemble de ses demandes à l'égard des époux [C] dès lors qu'en sa qualité de caution :

- Il ne démontre pas avoir payé le créancier ;

- Il a prétendument payé sans être poursuivi et sans en avertir les époux [C] au préalable, alors que les débiteurs principaux avaient les moyens de faire dire la dette éteinte pour cause de prescription et parce que le CREDIT DU NORD avait renoncé à la recouvrer pendant plus de deux ans ;

DEBOUTER le CREDIT LOGEMENT de sa demande de paiement de la somme de 136.187,71 € qui n'est justifiée ni en sa nature, ni en son montant ;

CONDAMNER le CREDIT LOGEMENT à verser aux époux [C] la somme de 10.000 € au titre du préjudice moral ;

CONDAMNER la SOCIETE GENERALE venant aux droits du CREDIT DU NORD à verser aux époux [C] la somme de 10.000 € au titre du préjudice moral ;

CONDAMNER la SOCIETE GENERALE venant aux droits du CREDIT DU NORD à rembourser aux époux [C] la somme de 8.221,56 € indûment prélevée par la banque à laquelle il conviendra de rajouter le taux légal à dater de chaque montant indûment prélevé avec capitalisation de ces intérêts sur chaque période ;

PRONONCER la nullité de la clause relative à la stipulation d'intérêt du fait de l'erreur commise par le CREDIT DU NORD dans la fixation du TEG à 5,297% et SUBSTITUER le taux d'intérêt contractuel au taux légal déterminé à l'époque de la signature du contrat de prêt par les époux [C] ;

APPLIQUER aux montants excédentaires qui auront été perçus par le CREDIT DU NORD, au titre de l'erreur sur le TEG, le taux d'intérêt légal avec capitalisation de ces intérêts sur chaque période. Les intérêts de chaque période seront incorporés au montant dû de la période précédente pour porter intérêts à leur tour ;

ORDONNER la mainlevée par le CREDIT LOGEMENT de l'inscription au FICP sous astreinte de 100 € par jour à compter de la décision à intervenir ;

ORDONNER la mainlevée par le CREDIT LOGEMENT du nantissement des parts des SCI dont les époux [C] sont actionnaires sous astreinte de 100 € par jour à compter de la décision à intervenir ;

CONDAMNER la partie qui succombera à verser aux époux [C] la somme de 10.000 € au titre de l'article 700 du CPC ainsi qu'aux entiers dépens.

Aux termes de ses dernières conclusions déposées le 18 avril 2024, la société anonyme Crédit Logement demande à la cour de :

Dire et juger recevable et bien fondée la Société CREDIT LOGEMENT en ses demandes.

Vu l'article 2305 du Code Civil dans sa rédaction applicable,

Vu les articles 1234 et 1342 du Code Civil, 1302 et suivants du Code civil (anciennement 1235 et suivants du même code)

Vu les articles 2240, 2245 al1, et 2308 (dispositions finales) et subsidiairement 1342 du Code Civil,

CONFIRMER le jugement entrepris en toutes ses dispositions

Débouter Monsieur [W] [C] et Madame [O] [C], née [F] de l'ensemble de leurs demandes fins et conclusions.

CONDAMNER solidairement Monsieur [W] [C] et Madame [O] [C], née [F] à payer à la société Crédit Logement la somme de 5000 € en application de l'article 700 du CPC.

A titre infiniment subsidiaire, si par impossible la cour devait débouter la Société CREDIT LOGEMENT de ses demandes en tant que dirigées à l'encontre des époux [C],

il lui est demandé, au visa de l'article 2308 in fine du Code civil dans sa rédaction applicable, et subsidiairement sur le fondement des articles 1302 et suivants du Code civil (anciennement 1235 et suivants du même code) de condamner de la Société Générale venant aux droits du CREDIT DU NORD à payer à la Société CREDIT LOGEMENT en vertu de l'action en répétition lui bénéficiant la somme de la somme de 1.037.872 ,50 € en principal, outre les intérêts au taux légal à compter du 07/04/2017, date de la quittance.

Toujours dans cette hypothèse, condamner la Société Générale venant aux droits le CREDIT DU NORD à payer à la Société CREDIT LOGEMENT la somme de 3.000 € en application de l'article 700 du CPC.

Condamner solidairement Monsieur [W] [C] et Madame [O] [C], née [F] aux entiers dépens en vertu des dispositions de l'article 696 du CPC, outre ceux relatifs aux frais des mesure conservatoire, sûreté judiciaire provisoire et définitives à régulariser en vertu de la décision à intervenir.

Aux termes de ses dernières conclusions déposées le 18 avril 2024, la société anonyme Société générale, venant aux droits de la société anonyme Crédit du Nord par suite d'une fusion absorption ayant fait l'objet d'un projet publié au Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales le 29 juin 2022 et approuvé par une assemblée extraordinaire du 1er janvier 2023, demande à la cour de :

- CONFIRMER le jugement entrepris en toutes ses dispositions.

- CONDAMNER solidairement [W] [C] et Madame [O] [F] épouse [C] à payer à SOCIETE GENERALE venant aux droits de CREDIT DU NORD la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens de l'instance.

Pour l'essentiel, les parties développent les moyens et arguments suivants.

Sur la recevabilité de la demande des époux [C] contre la Société générale venant aux droits du Crédit du Nord :

M. [C] et Mme [C] font valoir que contrairement à ce que prétendait le Crédit du Nord en première instance et conformément à la jurisprudence de la Cour de cassation, les tiers à un contrat sont fondés à invoquer des manquements contractuels, dès lors que ces manquements leur causent un préjudice. Ils ont donc un intérêt à voir la responsabilité délictuelle du Crédit du Nord engagée à leur égard en raison des fautes commises lors de l'exécution du cautionnement, et à tout le moins, de lui voir le jugement opposable. En outre, les époux [C] relevaient d'autres manquements contractuels commis par le Crédit du Nord à leur égard dans le cadre de ce même prêt dont ils demandent réparation.

Le Crédit logement et la Société générale n'ont pas conclu sur ce point.

Sur la demande en payement formulée par le Crédit logement à l'égard des époux [C] :

Sur la preuve du payement

M. [C] et Mme [C] font valoir qu'il appartient à Crédit Logement d'apporter la preuve qu'il a réglé le Crédit du Nord, or ce n'est pas le cas en l'espèce. Le chèque d'un montant de 1 037 667, 81 euros qu'aurait adressé Crédit Logement le 6 avril 2017 était destiné à être encaissé sur un compte numéroté [XXXXXXXXXX02]. Or il a été versé par le Crédit du Nord un extrait de relevé de compte numéroté [XXXXXXXXXX03] sur lequel apparaissent deux opérations datées du 13 avril 2017 pour un montant de 127 588,46 € et 910 079,35 € provenant prétendument du Crédit Logement. Dès lors, la quittance délivrée le 7 avril 2017 n'a aucune valeur juridique, puisqu'aucun règlement n'était intervenu à cette date. Le relevé de compte produit ne permet pas de s'assurer de la provenance des fonds, le numéro de compte n'est pas le bon et les montants crédités ne correspondent pas au détail des sommes réclamées par le Crédit du Nord au Crédit Logement de sorte qu'il n'est pas permis d'affirmer que ces sommes ont bien été réglées pour apurer la prétendue dette des époux [C].

Le Crédit Logement fait valoir que la délivrance de la quittance par le prêteur suffit à justifier du payement effectué par le Crédit Logement en sa qualité de solvens. Seule la banque serait fondée à prétendre ne pas avoir été désintéressée, or elle n'a jamais contesté avoir été désintéressé en intégralité par la société Crédit Logement. Il y a concordance entre les références mentionnées sur la quittance et celles figurant sur les mises en demeure dont il n'a jamais été contesté qu'elles se rapportaient bien au contrat de prêt. Contrairement aux affirmations des époux [C], il y a une concordance entre la somme réclamée par le Crédit du Nord à Crédit Logement et la somme décaissée par la société Crédit Logement dont il lui a été délivré quittance par le prêteur.

La Société générale n'a pas conclu sur ce point

Sur le payement du Crédit Logement sans être poursuivi

M. [C] et Mme [C] font valoir que par courrier du 1er mars 2017, le Crédit du Nord n'a fait qu'indiquer au Crédit Logement le montant des sommes prétendument dues par les époux [C], sans même lui en réclamer le payement. Dès lors, s'il y a eu payement de la part de Crédit Logement, celui-ci est spontané et ce faisant, la caution encourt le risque d'être déboutée de sa demande conformément aux dispositions de l'article 2308, alinéa 2, du code civil. Le prétendu courrier du 23 mars 2015 n'est pas versé aux débats et il n'est pas démontré que le courrier du 7 novembre 2016 ait été expédié et reçu par les époux [C]. Au demeurant, ce courrier n'informe par les emprunteurs que le Crédit Logement est poursuivi par le Crédit du Nord ni qu'il va procéder au payement.

Le Crédit Logement fait valoir que la demande effectuée par le Crédit du Nord contre lui caractérise une poursuite du créancier principal au sens de l'article 2308, alinéa 2, du code civil. La poursuite de la banque est en outre caractérisée par la quittance elle-même.

La Société générale n'a pas conclu sur ce point.

Sur l'absence d'information des débiteurs principaux

M. [C] et Mme [C] font valoir qu'ils n'ont pas été informés préalablement de la part de Crédit Logement du règlement. Selon la Cour de cassation, seule prévaut la date à laquelle le débiteur a effectivement été avisé du payement, et non la date à laquelle le courrier a été adressé. Contrairement à ce qu'a considéré le tribunal, le texte impose une information préalable du débiteur principal par la caution, et non une information à postériori ou par le créancier. Or l'ensembles des actes visés affirmant l'information des débiteurs par le Crédit Logement sont postérieurs au règlement prétendu de la dette, puisque le 15 mars 2017, le Crédit Logement informait les époux [C] que la somme litigieuse avait été prétendument réglée. Le fait que les consorts [C] n'aient pas retiré le second courrier à eux adressé par le Crédit Logement le 16 mars 2017 n'enlève rien au raisonnement puisqu'il s'agissait de les avertir d'un prétendu règlement qui était déjà intervenu. À supposer que le règlement soit intervenu le 6 avril 2017, le courrier adressé par le Crédit Logement aux époux [C] le 6 avril 2017 n'est pas un courrier d'information préalable puisqu'il les informe que le règlement est déjà intervenu. Les actes réalisés par le Crédit du Nord et non le Crédit Logement ne sont pas de nature à libérer la caution de son obligation d'information préalable puisqu'ils ont été réalisés par un tiers.

Le Crédit Logement fait valoir qu'il a adressé plusieurs avertissements aux époux [C], comme le démontrent les mises en demeures des 15 mars et 6 avril 2017, tout comme les lettres du 7 novembre 2017, les mises en demeure du 11 mars 2014 et du 23 mars 2015 et les lettres à M. et Mme [C] du 16 mars 2017, ainsi que ses correspondances des 23 mars 2015, 7 novembre 2016, 6 mars 2017, 15 mars 2017, 16 mars 2017, 6 avril 2017. Contrairement aux allégations des consorts [C], ces avertissements étaient antérieurs au payement par la caution. Les courriers différents de la même date invoqués ne sont pas surprenants car les uns contenaient la mise en demeure, les autres l'information de l'inscription au FICP que Crédit Logement était tenue d'effectuer en raison de son payement. La prétendue non-réception d'un courrier adressé à la bonne adresse n'est pas opérante car ce sont des LRAR retournées avec la mention « non réclamée » par la Poste. De surcroît la lettre des époux [C] du 2 avril 2015 mentionnait expressément la réception des correspondances de Crédit Logement du 23 mars 2015. En outre, à aucun moment, les époux [C] n'ont invoqué les moyens dont ils se prévalent en procédure avant l'engagement de celle-ci alors qu'à la date du payement, ils avaient reçu à minima cinq relances, et n'ont pas fait état du prétendu abandon de la dette et de sa prescription.

La Société générale n'a pas conclu sur ce point.

Sur la prescription de la dette

M. [C] et Mme [C] font valoir que le courrier du 3 avril 2017 est explicite en ce qu'il conteste le bien-fondé de la demande en payement, considérant que la créance, bien plus que simplement éteinte, n'existe pas, de sorte qu'ils ont mis le Crédit Logement en mesure de s'opposer au payement et l'ont valablement informé qu'ils disposaient de moyens pour faire déclarer la dette éteinte. Selon les articles L. 218-2 du code de la consommation, l'article 2240 du code civil et la jurisprudence de la Cour de cassation, le point de départ de la prescription de la créance doit être fixé au 14 novembre 2013 puisqu'aucun réaménagement, ni avenant de prorogation de la date d'exigibilité de cette échéance n'a jamais été formalisé par écrit entre les parties au sens de l'article 2233 du code civil. Dès lors la créance du Crédit du Nord était prescrite le 14 novembre 2015. La correspondance adressée par les époux [C] au Crédit du Nord le 27 mai 2015 ne peut valoir reconnaissance certaine et non équivoque d'une dette dont le montant prétendu de 901 480,10 € ne correspond pas au montant indiqué dans le courrier électronique de 1 385 000 €. De plus, par courrier du 3 avril 2017 adressé au Crédit Logement, les époux [C] ont contesté devoir la moindre somme à l'établissement de crédit. Ils ont également contesté devoir les sommes réclamées puisqu'ils ont saisi le juge de l'exécution par acte d'huissier en date du 6 avril 2017 d'une demande de mainlevée de la saisie conservatoire pratiquée le 3 mars précédent entre les mains d'AXA Banque, au motif précisément que la banque ne démontrait pas l'existence d'une créance apparemment fondée en son principe. Au demeurant, et à supposer que l'écrit du 27 mai 2015 soit une reconnaissance interruptive de prescription, il n'est pas démontré que Crédit Logement ait payé le Crédit du Nord avant le 27 mai 2017, date à laquelle la créance s'est alors trouvée prescrite. En outre, il est faux de soutenir que la procédure de suspension judiciaire de l'échéance litigieuse entamée en 2015 par les époux [C] aurait suspendu la prescription de la créance jusqu'au 17 mars 2016 car elle vaudrait reconnaissance de la dette pour les emprunteurs. Or ils se sont désistés de cette procédure, de sorte que conformément à l'article 2243 du code civil, l'effet interruptif de la procédure est considéré comme non avenu. Enfin, la circonstance que les époux [C] aient réglé chaque mois la partie amortissable de leur emprunt ne vaut pas reconnaissance qu'ils devraient l'échéance litigieuse, car cela reviendrait alors à dire que le prêt constitue un seul ensemble unique et indivisible, ce qui n'est pas le cas. Chaque échéance comporte en elle-même une date d'exigibilité, et donc de prescription, unique, et le sort de l'échéance de prêt in fine peut être contesté indépendamment de celui des autres. L'attitude procédurale de la Société générale et du Crédit Logement démontre que le sort de l'échéance in fine doit être décorrélé du reste du crédit et qu'ainsi, le règlement par les époux [C] des échéances dites « classiques » ne signifie certainement pas reconnaissance qu'ils doivent l'échéance litigieuse.

Le Crédit Logement fait valoir qu'aucune prescription ne peut être invoquée par les époux [C]. Aucun point de départ de cette prescription n'est mentionné par les consorts [C]. De plus le Crédit Logement a agi dans les deux ans de son payement et lorsqu'il a payé la dette de M. et Mme [C], celle-ci n'était pas prescrite. À titre surabondant, la lettre de M. [C] (et qui emporte le même effet à l'égard de Mme, débitrice solidairement engagée) du 27 mai 2015 a bien eu un effet interruptif à une date à laquelle la prescription n'était pas acquise, puisque celle-ci est explicite quant à « la reconnaissance du droit » du créancier au sens de l'article 2240 du code civil. Cette lettre du 27 mai 2015 qui a un effet interruptif pour deux ans à compter de sa date, est intervenue dans le délai de deux ans de l'exigibilité de la somme, que l'on prenne la date la plus favorable aux débiteurs du 14 octobre 2013 inscrite dans le contrat ou bien la date qui avait été reportée d'un an contractuellement par les parties à novembre 2014 ou bien encore avril 2014. L'ensemble des autres éléments avancés par la Société générale venant aux droits du Crédit du Nord sont des actes interruptifs, ainsi que le report d'exigibilité consenti par cette banque à octobre 2014 avançant d'autant jusqu'à cette date le point de départ de la prescription. Dès lors, le payement effectué par le Crédit Logement le 7 avril 2017 a été effectué dans le délai de deux ans de l'exigibilité de la dette et il a lui-même un délai de deux ans à compter du payement pour agir. Le courrier du 2 avril 2015 de reconnaissance de dette expresse et non équivoque de la part de M. [C] conforte l'absence de prescription. Contrairement aux affirmations des époux [C], et conformément à la jurisprudence de la Cour de cassation, ces écrits n'ont pas à répondre aux conditions de l'article 1326 du code civil pour avoir un effet interruptif au sens de l'article 2240 du même code. Selon l'article 2245 du code civil, l'acte interruptif de l'un des débiteurs emporte cet effet à l'égard des débiteurs solidaires. En outre, à titre infiniment subsidiaire, les époux [C] ont interrompu la prescription en saisissant le juge d'instance du 8e arrondissement de Paris par exploit du 27 mars 2014 aux fins de voir suspendues leurs obligations telles que résultant du contrat de prêt. Cette procédure constitue des actes interruptifs en 2014, 2015 et 2016 et une reconnaissance implicite de leur dette au sens de l'article 2240 du code civil. Enfin, la poursuite des règlements effectués par les époux [C] du chef de la part amortissable du crédit constitue une reconnaissance de dette de l'ensemble qui perdure encore à ce jour, ces payements étant autant d'actes interruptifs.

La Société générale fait valoir que conformément à l'article L.137-2 devenu L. 212-8 du code de la consommation, le délai de prescription est de 2 ans, son point de départ étant la dernière échéance de la partie « prêt relais » du crédit immobilier souscrit par les emprunteurs, soit le 14 novembre 2013. En application des articles 2234, 2240 et 2245 du code civil, la prescription a été suspendue et interrompue à plusieurs reprises avant le payement de Crédit Logement. La demande de suspension du 27 mars 2014 de l'exécution de l'obligation de remboursement de l'échéance litigieuse vaut selon la jurisprudence de la Cour de cassation, reconnaissance de l'existence de la dette et interrompt valablement la prescription. La prescription a donc été suspendue jusqu'au désistement d'appel du 17 novembre 2015 et à tout le moins interrompue une première fois le 27 mars 2014 lors de l'assignation. Par ailleurs, avec l'accord de Crédit Logement, le Crédit du Nord accepté de reporter l'exigibilité de l'échéance de novembre 2013 de six mois à compter du 31 avril 2014 soit jusqu'au 31 octobre 2014. Selon la jurisprudence de la Cour de cassation, le moratoire ayant pour effet de rendre la somme non exigible, empêche le créancier d'agir contre l'emprunteur, et suspend le délai de prescription jusqu'à ce que l'empêchement cesse, y compris lorsque l'acceptation du report de l'échéance est tacite. Si les époux [C] nient son existence, ils en avaient constitué une preuve par la transcription par huissier du message vocal accordant le délai. La prescription aura donc encore été suspendue jusqu'à la fin du moratoire soit le 31 octobre 2014. Le courriel du 27 mai 2015 dans lequel M. [C] annonce au Crédit du Nord avoir reçu une offre de vente qu'ils s'apprêtaient à signer et dont le prix devait être utilisé pour le remboursement de la dette vaut reconnaissance du droit contre lequel il prescrivait, c'est-à-dire notamment, de l'échéance de prêt relais impayée contestée. La somme reconnue n'est pas exacte mais d'une part il était précisé que ce montant se voulait approximatif et d'autre part la différence de 3 233,48 euros n'induit personne en erreur. En tout état de cause, la reconnaissance du droit même partiel valait reconnaissance de dette interruptive de prescription pour la part indiquée expressément, mais également pour les intérêts et pénalités non précisés par le courriel du 14 mai 2015. La prescription a été interrompue une nouvelle fois le 14 mai 2015, un nouveau délai de deux ans partant à compter de cette date jusqu'au 14 mai 2017, étant précisé que le payement de la caution a été fait le 7 avril 2017, soit dans le délai de la prescription. Contrairement aux allégations des époux [C], la reconnaissance de dette au sens de l'article 2240 du code civil soit la reconnaissance par le débiteur du droit de celui contre lequel il prescrivait, n'est pas la reconnaissance de dette au sens de l'article 1326 code civil soumise au formalisme ad validitatem de la mention manuscrite, car valant engagement unilatéral de payement. En vertu de la jurisprudence de la Cour de cassation, la reconnaissance du droit pour interrompre la prescription ne requiert pas de forme particulière et peut être tacite. Par ailleurs, la solidarité a également des effets sur la représentation entre les coobligés puisque selon la jurisprudence, la reconnaissance par le débiteur solidaire du droit de celui contre lequel il prescrivait interrompt le délai de prescription contre tous les autres. Les époux [C] reconnaissent n'avoir conclu qu'un seul contrat de prêt, dès lors les payements effectués au titre de la part amortissable du prêt dont ils attestent auront en tout état de cause valablement interrompu la prescription pour le crédit immobilier global. Ces payements spontanés apparaissent tout à fait contradictoires avec le moyen adverse consistant à soutenir que la créance est prescrite et constituent un aveu des appelants qu'elle ne l'est pas. Enfin, le payement par Crédit Logement est intervenu le 7 avril 2017 soit dans le délai de prescription. Crédit du Nord produit le courrier d'envoi du chèque correspondant aux sommes dues à cette date le 6 avril 2017, soit 1 037 667 euros. Ce payement est intervenu conformément aux engagements de la caution mutuelle de ce prêt.

Sur le renoncement de la dette de la part du Crédit du Nord

M. [C] et Mme [C] font valoir qu'en vertu de la jurisprudence de la Cour de cassation au visa de l'ancien article 1234 du code civil, « la renonciation à un droit ou une action ne peut se présumer et, pour être utilement opposée par celui qui s'en prévaut, elle doit être certaine, expresse et non équivoque ». Or entre le 14 novembre 2013, date de l'échéance litigieuse, et le 17 février 2017, le Crédit du Nord n'a pas poursuivi le payement et y a donc renoncé. Lors de l'audience de référé du 24 mars 2015, la banque s'est opposée à la demande de délais des époux [C] non pas car l'échéance était due depuis près de deux ans, mais bien parce qu'elle leur avait déjà accordé plus de deux ans de délai. Ainsi la banque a reconnu que l'échéance était exigible depuis deux ans et qu'elle avait renoncé à en poursuivre le règlement. La banque ne s'est pas non plus inquiétée du recouvrement de sa créance car elle n'a jamais répondu au courrier du 27 mai 2015 l'informant de la vente du bien immobilier et n'a jamais contacté le notaire. Le Crédit du Nord a également remis aux emprunteurs des pièces comptables qui font apparaitre que la banque a amorti l'échéance litigieuse de 901 480,10 € dans ses livres dès le 14 novembre 2013. De même, la banque a adressé des relevés de prêt sur lesquels apparaissent un capital amorti de 903 729,76 € en 2015, de 925 863,20 € en 2016 et de 936 381,27 € en 2017. Dès lors, comptablement, l'échéance a été considéré comme payée par le Crédit du Nord dès sa date d'exigibilité. L'absence de quittance n'est pas pertinente car le Crédit du Nord a quittancé le Crédit Logement alors qu'aucun règlement n'avait été effectué. La jurisprudence invoquée par la Société générale est inopérante car relative aux seuls courriers d'information annuelle adressés aux cautions. Enfin, au 3 décembre 2015, les époux [C] n'étaient pas inscrits au FICP, le Crédit du Nord considérant que les emprunteurs étaient à jour de leur prêt immobilier.

Le Crédit Logement fait valoir qu'à la date du payement, il n'avait pas connaissance de la thèse des époux [C] selon laquelle la banque leur aurait fait cadeau d'un million d'euro. En vertu des articles 1234 et 1342 du code civil, seule la preuve du payement libère le débiteur de l'obligation. De même, en vertu de l'article 1353, alinéa 2, du code civil, il appartient aux époux [C] de justifier de leur payement ou du fait qui a produit l'extinction alléguée de leur obligation. Or cette preuve n'est pas rapportée. De plus, le fait

que le Crédit du Nord n'ait pas répondu à une sollicitation de ses débiteurs concernant leur projet d'optimisation de leur patrimoine immobilier avec le maintien des apports à des SCI qui peut-être l'aurait désintéressé en partie, ne constitue en rien une renonciation non équivoque à un droit et particulièrement celui de revendiquer le payement des sommes dues résultant d'un crédit immobilier, ni une cause d'extinction de la dette. L'article 1234 du code civil ne prévoit pas la renonciation implicite d'un créancier à sa créance résultant de captures d'écran. Les mentions portées sur les écrans informatiques et qui sont fournies « à titre indicatif » n'ont pas de valeur contractuelle, et sont destinées non pas à faire état de l'amortissement réel du prêt mais de l'amortissement prévu selon le cours normal de celui-ci. Aussi, ces captures d'écran sont sans aucune portée juridique. S'il était retenu une autre interprétation, il s'agit d'une erreur de la banque et il est constant que celle-ci n'est pas créatrice de droit et qu'il n'y a aucune renonciation non équivoque et certaine de cette dernière à se prévaloir de sa créance de plus de 900 000 €, le document produit par les époux [C], non signé, n'ayant pas de valeur juridique ni de portée juridique. Il appartient aux époux [C] d'établir la réalité de leur payement libératoire de leurs obligations en vertu de l'article 1353, alinéa 2, du code civil, ce qu'ils ne font pas. Enfin, la lettre de la société Crédit Logement du 6 avril contient une mise en demeure d'avoir à payer la somme d'un peu plus de 1 000 000 € qui constitue l'objet de la présente instance.

La Société générale fait valoir que le Crédit du Nord n'a jamais renoncé à la créance. Les captures d'écran produites indiquent que ce sont des données fournies à titre indicatif, au contraire des situations de prêt que les époux [C] auraient pu obtenir pour confirmer le contenu des mises en demeure, sollicitations qu'ils ont reçues et contestées judiciairement. Celles-là ne font pas état de l'amortissement réel du prêt mais de l'amortissement prévu selon le cours normal du prêt à l'instar des informations contenues dans le tableau d'amortissement. Les lettres annuelles quant à elles, ne sont pas les lettres d'information sur la défaillance, les impayés, le capital ou les intérêts dus, mais reflètent les données issues du site. Le Crédit du Nord n'a jamais été payé avant que ne le fasse Crédit Logement. Les consorts [C] ne peuvent convaincre qu'ils aient pu croire que l'échéance de 901 480,10 € ait fait l'objet d'un payement à la fin 2014, sans aucune intervention de leur part. De plus, conformément à la jurisprudence de la Cour de cassation, la renonciation peut être tacite mais ne se présume pas et sa preuve par celui qui l'invoque doit être celle d'une volonté univoque du créancier d'abdiquer son droit de créance, la seule omission de certaines sommes exigibles au sein de réclamations de la banque n'en est pas une, tout comme l'envoi d'une lettre d'information erronée dès lors qu'elle est contredite par des mises en demeure du créancier, et sans courrier explicite signé par un représentant habilité s'agissant d'une créance bancaire importante. Usuellement la renonciation prend la forme d'une remise de dette, laquelle doit également être expresse, et dans la plupart des cas acceptée par le débiteur. Concernant la preuve de cette remise expresse, il incombe, en vertu de l'article 1353, alinéa 2, du code civil, à celui qui se prétend libéré de prouver le fait qui a produit l'extinction de son obligation et s'agissant d'un acte juridique, la preuve doit être rapportée par écrit au-dessus d'une somme ou d'une valeur actuellement fixée par décret à 1 500 euros. Or en l'espèce, le montant apparaissant comme capital amorti au sein du fichier informatique et de la lettre d'information produite est une erreur résultant d'une discordance informatique venant du fait que le payement aurait dû intervenir par la vente du bien objet du prêt relais au plus tard au 31 octobre 2014 comme le prévoyait le moratoire accepté entre les parties. Le fichier n'a pas été mis à jour de l'absence de payement de l'échéance en question à cette date, et les données en ligne ont été maintenues telles que prévues contractuellement. Avant et après cette date, un moratoire et plusieurs mises en demeure de payer ont été adressés aux époux [C] par la banque les 18 mars 2014 et 7 mars 2017, de plus une saisie conservatoire a été pratiquée le 10 mars 2017. Si la banque avait envisagé cette remise de dette, il n'y aurait pas eu lieu de proroger l'exigibilité de l'échéance du prêt relais au 31 octobre 2014, ce que M. et Mme [C] ont fait constater par procès-verbal d'huissier de justice et la banque n'aurait pas contesté les demandes judiciaires de suspension que les époux [C], dans une telle hypothèse, n'auraient pas formées. De même le Crédit du Nord n'aurait pas adressé une mise en demeure le 6 mars 2017, reçue le 7 mars 2017. Enfin le Crédit du Nord a fait pratiquer une saisie conservatoire de compte le 3 mars dénoncée le 10 mars 2017 pour le montant des sommes restant dues au titre du prêt, soit 1 037 667,81 €, laquelle a été contestée devant le juge de l'exécution de Paris, qui a radié l'affaire en l'absence de mise en état du demandeur à l'audience de plaidoirie. Les emprunteurs n'apportent aucune preuve de renonciation à la dette par le prêteur, sans compter que celle-ci devait en tout état de cause être univoque, ce qui est en l'espèce exclu puisqu'il ne peut être soutenu que l'abandon de cette créance résulterait d'une omission de mise à jour de la situation de prêt en ligne répercutée au sein de l'envoi automatique du courrier simple non signé d'information annuelle. Au surplus, les mises en demeure, saisie conservatoire, moratoire ou procédures initiées par les emprunteurs eux-mêmes étaient parfaitement connus de M. et Mme [C], et ils n'ont pu valablement croire que cette dette faisait l'objet d'une remise à leur profit.

Sur le quantum de la créance :

M. [C] et Mme [C] font valoir qu'en vertu de l'article 1353 du code civil, il appartient à celui qui réclame l'exécution d'une obligation d'en rapporter la preuve. Or la somme de 136 187,71 € n'est déterminée ni dans son calcul, ni dans sa nature, car elle est mentionnée comme correspondant à des intérêts, puis à des pénalités de retard qui sont deux créances se calculant différemment. En outre, ce n'est pas cette somme que le Crédit Logement a prétendument payé car, à supposer que les sommes mentionnées sur le relevé du Crédit du Nord le 13 avril 2017 proviennent de la caution et qu'elles aient été versées dans le cadre du dossier [C], elle n'aurait alors versé que la somme de 127 588,46 euros. En toute hypothèse, ni le Crédit Logement, ni la Société générale ne s'expliquent sur la nature et le calcul de cette somme.

Le Crédit Logement fait valoir qu'il est bien fondé à réclamer la somme de 136 187,71 euros aux époux [C] car il est caution solidaire de ces derniers et donc tenu au payement de toutes les sommes dues par eux au titre du prêt dont s'agit. De plus cette somme est due par les époux [C] en vertu de l'article 9.2 des conditions générales du prêt, et correspond à des pénalités de retard, calculés au taux de 6,7 %. En outre, les époux [C] ne motivent ni en fait ni en droit leur contestation. Enfin, le Crédit Logement ne comprend pas ce qui lui est contesté sur le quantum de la créance.

La Société générale n'a pas conclu sur ce point.

Sur les dommages-intérêts dus par Crédit Logement et la Société générale venant aux droits du Crédit du Nord pour avoir engagé leur responsabilité à l'égard des époux [C] :

M. [C] et Mme [C] font valoir qu'en ne les avertissant pas du payement prétendu de l'échéance contestée au Crédit du Nord, le Crédit Logement a commis une faute en sa qualité de caution. En outre, le Crédit Logement a ensuite poursuivi abusivement les consorts [C] en payement et a sollicité de nombreuses mesures conservatoires. Le Crédit du Nord a également causé un préjudice aux époux [C] en réclamant le payement d'une dette inexistante au Crédit Logement, ce qui a entraîné la présente procédure. Enfin les époux [C] ont subi de multiples opérations de saisies conservatoires initiées par le Crédit du Nord alors que la banque ne disposait plus de créance à leur égard.

Le Crédit Logement fait valoir que puisque les époux [C] succombent, cette demande reconventionnelle n'est fondée sur aucun moyen juridique et est dans objet. De plus cette demande est malvenue au regard de l'importance de la dette des époux par rapport à leur important patrimoine.

La Société générale fait valoir que les difficultés dans lesquelles M. et Mme [C] se retrouvent aujourd'hui leur sont imputables, puisqu'ils n'avaient pas, contrairement à ce qui était prévu lors de l'acquisition et de l'octroi du prêt, vendu leur appartement en novembre 2013. Ils ont bénéficié de tolérances et reports d'exigibilité consentis par la banque et ont clairement exprimé la volonté de payer cette échéance, notamment par leur annonce le 27 mai 2015, de la réception d'une offre d'acquisition d'un autre bien. Parallèlement, ils ont exercé des actions judiciaires afin d'obtenir des délais de payement. Mais après avoir consulté les situations du prêt affichant par erreur l'amortissement de l'échéance de prêt relais, ils ont choisi de vendre l'essentiel des biens immobiliers financés sans rien payer au détriment des droits de leurs créanciers et ont constitué une SCI, la SCI JMOP dont ils se sont désignés co-associés afin d'y transférer les biens restants, et de les faire sortir du gage général de leurs créanciers. Or la vente du bien immobilier [Adresse 14] annoncée dans le courriel du 27 mai 2015 et réalisée le 24 mars 2016 aurait permis d'apurer l'entière échéance de prêt relais, et une partie de la dette restant due au titre du prêt amortissement. Le bien dont la vente était prévue par le prêt relais constitue le siège social de l'activité de Monsieur [C], de location de meublés qu'il exerce au moyen du patrimoine immobilier professionnel direct et indirect qu'il s'est constitué avec son épouse, notamment grâce aux présents crédits. Par ailleurs, les dommages allégués par les époux [C] sont évolutifs et le préjudice moral invoqué n'est justifié par rien. Au-delà, et surtout, le prétendu préjudice d'espoirs déçus placés dans une tentative déloyale d'échapper au payement d'une dette au moyen d'une erreur informatique de la banque, n'est pas réparable.

Sur les sommes perçues par la Société générale venant aux droits du Crédit du Nord au préjudice des époux [C] :

M. [C] et Mme [C] font valoir que contrairement à ce qu'a considéré le tribunal judiciaire, ces demandes ne se fondent pas sur les dispositions du code monétaire et financier, puisque ces derniers réclamaient le remboursement de sommes indument prélevées sur leur compte par le Crédit du Nord. Dès lors, ces demandes s'analysent au regard des dispositions relatives à la répétition de l'indu, sur le fondement des articles 1376 ancien et 1302-1 du code civil, dont le régime de prescription est de cinq ans conformément à l'article L. 110-4 du code de commerce. Toutes les opérations ont fait l'objet d'une contestation écrite de la part des époux [C] les 9 mars 2015, 20 mars 2015, 15 avril 2015, 18 mai 2020 et 15 novembre 2020 et ont formulé leur demande de répétition de l'indu dans le cadre de la présente procédure par conclusions en date du 1er décembre 2020, de sorte que ces demandes ne sont pas prescrites.

La Société générale fait valoir que ces demandes sont forcloses et infondées. Par application de l'article L. 133-24 du code monétaire et financier, les demandes concernant les opérations datant de plus de 13 mois, sont prescrites. Or à l'exception des opérations des 11 mars, 3 mars et 14 avril 2015 et qui ont fait l'objet d'opération de recrédit, le Crédit du Nord n'a pas reçu ces contestations dans le délai légal de 13 mois. En vertu de l'adage specialia generalibus derogant, les consorts [C] sont mal fondés à invoquer les dispositions en répétition de l'indu. La forclusion de l'article L. 133-24 est une sanction prévue par le droit spécial et conduisant à ne plus pouvoir contester les opérations litigieuses à l'issue d'un délai de 13 mois. Selon la Cour de cassation et la Cour de justice de l'Union européenne, en matière d'opérations de payement réalisées aux moyens de virements, de cartes bancaires ou encore de prélèvements, le régime de responsabilité des prestataires de service de payement institué par la directive 2007/64/CE est exclusif de tout régime national de responsabilité civile contractuelle.

À titre superfétatoire, même sur le fondement de la répétition de l'indu, leurs demandes seraient en tout état de cause prescrites s'agissant des opérations du mois de mars 2015 au mois de janvier 2016 dès lors que leur demande additionnelle a été formée par conclusions du 6 janvier 2021, soit tardivement par application du délai de 5 ans issu du régime de la prescription de droit commun des articles 110-4 du code de commerce, et 2224 du code civil. Par ailleurs, lorsqu'une échéance n'est pas payée pour défaut de provision, son montant est viré au débit du compte d'impayés 891. Or, les montants prélevés supérieurs à ceux de l'échéance mensuelle de 3 138,26 euros s'expliquent par le fait que tant que les impayés ne sont pas réglés, leur total est présenté chaque mois au débit du compte 044 sous la forme d'un débit de ce montant. Si la provision n'est pas suffisante pour cette somme totale, cette somme est annulée sur le compte courant et le montant correspondant est débité sur le compte d'impayé pour éviter l'impayé susceptible d'être passé en incident. Toutefois, en cas d'impayé, le montant de l'échéance payée en retard est augmenté d'intérêts de retard ce qui explique les frais et pénalités. Dès lors, il n'existe aucun prélèvement indu de pénalités et intérêts. Au contraire, la banque a permis aux époux [C] d'éviter la déchéance du terme du prêt et la clôture du compte, en payant l'impayé à bonne date au moyen du solde de leur compte courant, et en le régularisant lorsque le solde du compte le permettait. Enfin les époux [C] ne peuvent pas feindre d'ignorer les retards de payement courant sur ce prêt alors qu'ils reçoivent chaque mois les extraits de relevés d'un compte qu'ils consultaient également très souvent en ligne, que ces extraits comportaient la totalité des opérations ainsi que des frais et intérêts décomptés, et qu'ils connaissaient la date de quantième de remboursement.

Le Crédit Logement n'a pas conclu sur ce point.

Sur l'erreur de TEG :

M. [C] et Mme [C] font valoir qu'en matière d'assurance, la jurisprudence de la Cour de cassation considère que la prime d'assurance décès-invalidité contractée à l'occasion d'un prêt doit être incluse dans le TEG, si elle est imposée par le prêteur. Or en l'espèce, le Crédit du Nord a conditionné l'octroi du prêt aux époux [C] à la souscription d'une assurance dont le coût n'a été que partiellement pris en compte dans le calcul du TEG. Comme le démontre Monsieur [V], expert financier près la cour d'appel de Paris, le Crédit du Nord n'a pas tenu compte d'un montant de 7 euros pour des frais d'association requis par l'assureur et du fait que les frais d'assurances sont amortissables et non pas perçus en une seule fois. En corrigeant ces deux erreurs, le TEG est calculé à 4,839 % au lieu du TEG à 5,297 % indiqué par le Crédit du Nord. Dès lors l'écart entre le TEG mentionné dans le contrat de prêt et le TEG réel est bien supérieur à la décimale spécifiée dans l'annexe D de l'article R. 313-1 du code de la consommation.

Le Crédit Logement et la Société générale n'ont pas conclu sur ce point.

Sur la mainlevée de leur inscription au FICP par le Crédit Logement :

M. [C] et Mme [C] font valoir que cette mainlevée s'induit de l'infirmation du jugement.

Le Crédit Logement et la Société générale n'ont pas conclu sur ce point.

Sur la mainlevée du nantissement pris par le Crédit Logement sur les parts sociales de la SCI JMOP :

M. [C] et Mme [C] font valoir que cette mainlevée s'induit de l'absence de créance de la part de Crédit Logement et donc de la caducité de la mesure conservatoire prise. Or, en l'absence de mesure conservatoire ou d'exécution forcée valide, ou encore de titre exécutoire, le juge de l'exécution ne peut statuer car il n'est plus compétent.

Le Crédit Logement et la Société générale n'ont pas conclu sur ce point.

Sur l'action en répétition contre la Société générale venant aux droits du Crédit du Nord :

Le Crédit Logement fait valoir à titre infiniment subsidiaire, dans l'hypothèse où la cour considérerait fondé l'argument consistant à dire que Crédit Logement aurait payé au prêteur une dette éteinte, on serait dans le cas prévu par les articles 2308 et 1302 et suivant du code civil, ouvrant au créancier une action en répétition contre le créancier. Cette action n'est pas conditionnelle et est prévue par l'article 2308, alinéa 2, du code civil, et est ouverte dès lors que la caution qui a payé une première fois n'a point de recours contre le débiteur principal qui a payé une seconde fois, lorsqu'elle ne l'a point averti du payement par elle fait. Les époux [C] se prévalent de l'article 2308 du code civil car il figure dans le corps et le dispositif de leurs écritures. La recevabilité de cette action n'est pas conditionnée par l'absence de contrat. Enfin le Crédit Logement doit bénéficier de son action en répétition indépendamment de toute faute de la banque, or toute cause d'extinction de la dette, si celle-ci était retenue, ne peut être que le fait et de la faute de la banque.

La Société générale fait valoir que ce n'est pas l'article 2308 du code civil qui ouvre à la caution solvens une action en répétition de l'indu contre le créancier, mais le droit des quasi-contrats issu de l'article 1235 du même code. L'article 2308 a pour objet de sanctionner la caution (par la déchéance de son recours contre le débiteur) pour avoir intempestivement payé le bénéficiaire sans informer le débiteur principal avant de s'exécuter. Par ailleurs, il existe un contrat entre le créancier et la caution mutuelle qui exclut une action en répétition de l'indu, de nature résiduelle. De plus, si la faute du solvens ne fait pas obstacle à l'action en répétition, elle peut engager sa responsabilité envers l'accipiens, laquelle peut conduire à le priver de son droit à répétition. Or en l'espèce, à défaut de prouver l'existence de poursuites contre la caution, les époux [C] ont été avisés du payement de la caution et selon la jurisprudence, en cas d'avertissement, quand bien même la dette aurait été éteinte, la caution dispose du droit de se prévaloir de son recours contre le débiteur. De même, la réunion des autres conditions du texte ne sont pas même examinées s'il est établi que la caution a averti le débiteur. Dès lors l'article 1302 du code civil est inapplicable. Enfin, et à considérer que le payement serait indu, la caution, professionnelle, partie prenante dans le financement garanti, y compris les modalités de son exécution, qui paierait une dette éteinte sans vérifications, commettrait une faute, la privant de son droit à répétition.

M. [C] et Mme [C] n'ont pas conclu sur ce point.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux dernières conclusions écrites déposées en application de l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 23 avril 2024 et l'audience fixée au 21 mai 2024.

CELA EXPOSÉ,

Sur la demande en payement du Crédit Logement contre les époux [C] :

Les époux [C] s'opposent au recours de la caution aux motifs que :

1) le Crédit Logement n'apporte pas la preuve de son payement ;

2) le Crédit Logement a perdu son recours en vertu des dispositions de l'article 2308, alinéa 2, du code civil dans sa rédaction applicable à l'espèce, dans la mesure où ils auraient eu des moyens pour faire déclarer la dette éteinte, à savoir (a) la prescription de la créance et (b) la renonciation du prêteur à sa créance ;

3) la somme de 136 187,71 euros n'est justifiée ni dans sa nature, ni dans son montant.

1)La preuve du payement de la somme de 1 037 667,81 au titre du prêt en cause résulte de la quittance délivrée le 7 avril 2017 au Crédit Logement par le Crédit du Nord (pièce no 4 du Crédit Logement). Sont indifférents à cet égard le numéro du compte sur lequel le chèque remis en payement a été encaissé, la date à laquelle ce payement a été porté au crédit du compte, ou la ventilation de la somme opérée dans ses comptes par le Crédit du Nord. Au surplus, ce dernier confirme dans ses écritures la réalité du payement.

2) Le tribunal a, par des motifs circonstanciés, écarté l'application de l'article 2308, alinéa 2, du code civil en retenant que la caution avait payé après avoir averti les débiteurs principaux par deux lettres recommandées du 16 mars 2017, présentées le 22 mars 2017, date à laquelle les époux [C] sont réputés avoir été informés, faute de les avoir retirées (pièce no 38 du Crédit Logement).

Par ailleurs, le tribunal a non moins exactement jugé que les emprunteurs n'auraient eu aucun moyen pour faire déclarer la dette éteinte.

a) Sur la prescription de la mensualité de 901 480,10 euros venue à échéance le 14 novembre 2013 (pièce no 2 du Crédit Logement : tableau d'amortissement), le délai biennal a effectivement été interrompu en application de l'article 2240 du code civil par la reconnaissance de dette du 27 mai 2015 (pièce no 7 du Crédit Logement), de sorte que la créance du Crédit du Nord n'était pas éteinte à la date du payement par la caution, le 7 avril 2017.

Au surplus, les époux [C] ont saisi le 27 mars 2014 le président du tribunal d'instance du VIIIe arrondissement de Paris en suspension du payement de l'échéance susdite sur le fondement de l'article L. 313-12 ancien du code de la consommation (pièces nos 5a et 5b des appelants). Cette demande de délai de grâce avait pour objet d'obtenir des délais pour payer la somme due en exécution du prêt, dont ils se reconnaissaient coemprunteurs solidaires. Elle valait reconnaissance par eux de l'existence de la dette, interruptive de la prescription. Cette interruption n'est pas non avenue du fait que les époux [C] se soient désistés de l'appel formé le 24 septembre 2015 contre l'ordonnance de rejet du président du tribunal d'instance (pièces nos 5a et 5b des appelants). En effet, l'article 2243 du code civil aux termes duquel l'interruption est non avenue si le demandeur se désiste de sa demande, s'applique à la demande en justice introduite par le créancier dont le droit se prescrit, reconnue comme cause d'interruption de la prescription par l'article 2241 du même code, non à la demande judiciaire de délai valant reconnaissance par le débiteur du droit de celui contre lequel il prescrit, reconnue comme cause d'interruption de la prescription par l'article 2240 précité. Le délai de prescription ayant été derechef interrompu le 24 septembre 2015 par la demande des époux [C] portée en cause d'appel, la créance du Crédit du Nord n'était pas éteinte à la date du 7 avril 2017.

b) Sur l'abandon de la créance de 901 480,10 euros, les époux [C] ne font pas valoir en appel de nouvel argument ou de nouvelles pièces de nature à remettre en cause l'exacte analyse des premiers juges qui ont considéré que les demandeurs ne caractérisaient aucun acte du Crédit du Nord manifestant sans équivoque sa volonté de renoncer à sa créance. D'une part, les appelants ne sont pas fondés à se prévaloir du fait que le prêteur n'ait pas poursuivi le recouvrement de sa créance avant le 17 février 2017, date à laquelle le Crédit du Nord fut autorisé à pratiquer une saisie conservatoire (pièces nos 11a à 11c des appelants). En effet, la renonciation à un droit ne se déduit pas de la seule inaction ou du silence de son titulaire (3e Civ., 5 juin 2013, no 12-19.634). D'autre part, la volonté du Crédit du Nord de renoncer à sa créance n'est pas démontrée par les situations du prêt obtenues en ligne entre le 17 juin 2015 et le 22 mars 2017, faisant apparaître un « capital amorti » comprenant l'échéance litigieuse (pièces nos 7a, 7c, 7e à 7h, 7j, 7k des appelants), non plus que par les lettres d'information non signées reprenant automatiquement ces états (pièces nos 7b, 7d, 7i des appelants). Ces situations sont expressément fournies « à titre indicatif », et sont manifestement erronées puisqu'il est constant que ladite échéance n'avait pas été amortie. Le Crédit du Nord explique que ces pages d'écran ne font pas état de l'amortissement réel du prêt mais de l'amortissement prévu selon le cours normal du prêt à l'instar des informations contenues dans le tableau d'amortissement, et qu'à la suite du défaut de payement, l'échéance de 901 480,10 euros fut placée dans un compte d'impayé. Il convient d'observer que cette erreur a persisté après le 17 février 2017, alors que le prêteur avait entrepris de recouvrer sa créance. N'est pas plus révélatrice de la volonté du Crédit du Nord, l'absence d'inscription des époux [C] au fichier national des incidents de remboursement des crédits aux particuliers à la date du 3 décembre 2015 (pièce no 8b des appelants). Le jugement mérite donc confirmation en ce qu'il conclut qu'aucune renonciation non équivoque du prêteur n'est démontrée à la date du 7 avril 2017.

3) Le montant de la somme de 136 187,71 euros réclamée par le Crédit Logement aux époux [C] est justifié par la quittance du 7 avril 2017. Comme le précise ladite quittance, il s'agit des pénalités de retard, calculées au taux de 6,7 % conformément à l'article 9.2 des conditions générales du prêt.

Le jugement querellé sera confirmé en ce qu'il fait droit au recours du Crédit Logement.

Sur les demandes reconventionnelles des époux [C] contre le Crédit Logement :

À titre reconventionnel, les appelants sollicitent :

' la condamnation du Crédit Logement à payer la somme de 10 000 euros au titre du préjudice moral ;

' la mainlevée de l'inscription au fichier national des incidents de remboursement des crédits aux particuliers ;

' la mainlevée du nantissement des parts de sociétés civiles immobilières.

Constatant le bien-fondé de la créance du Crédit Logement, et l'absence corrélative de faute dans l'exercice de son recours contre les débiteurs principaux, le tribunal n'a pu que débouter ceux-ci de leur action en responsabilité comme de leur demande de mainlevée de leur inscription au fichier des incidents de remboursement.

En application de l'article L. 213-6, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire, le juge de l'exécution autorise les mesures conservatoires et connaît, de manière exclusive, des contestations relatives à leur mise en 'uvre. Par suite, le tribunal judiciaire ne pouvait se prononcer sur la mainlevée du nantissement provisoire des parts de la société civile immobilière JMOP, autorisé par ordonnance du juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Paris.

Le jugement entrepris sera confirmé sur ces chefs.

Sur les demandes des époux [C] contre le Crédit du Nord :

Sur la demande de dommages et intérêts :

Les appelants recherchent la responsabilité pour faute du Crédit du Nord, pour avoir réclamé à la caution le payement d'une dette inexistante, et pour avoir procédé à des saisies conservatoires. Il a été précédemment jugé que la dette des emprunteurs n'était pas éteinte, de sorte qu'aucune faute ne peut être reprochée à l'établissement de crédit dans le recouvrement des causes du prêt. Le jugement attaqué sera confirmé en ce qu'il débouté les époux [C] de leur demande de dommages et intérêts pour préjudice moral.

Sur la demande de remboursement :

Les appelants sollicitent sur le fondement des articles 1376 ancien et 1302-1 nouveau du code civil la restitution d'une somme totale de 8 221,56 euros, résultant de prélèvements indus opérés sur leur compte entre le 16 mars 2015 et le 14 mars 2017 au titre de l'emprunt du 5 novembre 2012.

Ce faisant, ils ne prétendent pas que les opérations de payement en cause n'aient pas été autorisées ou aient été mal exécutées, mais ils contestent l'existence de l'obligation sous-jacente. Ils n'exercent donc pas une action en responsabilité dirigée contre le Crédit du Nord pris en qualité de prestataire de services de payement, action soumise au délai de forclusion de l'article L. 133-24 du code monétaire et financier, mais une action en répétition de l'indu dirigée contre le Crédit du Nord pris en qualité de prêteur, action soumise au délai de prescription quinquennal de l'article L. 110-4 du code de commerce.

Les époux [C] ont formé leur demande par conclusions du 1er décembre 2020 (pièce no 13 de la Société générale), de sorte qu'ils sont prescrits en leur action pour les prélèvements antérieurs au 1er décembre 2015.

Versant aux débats les relevés de leur compte no 044 de 2014 à 2017, et leurs réclamations afférentes (pièces nos 19a à 19f des appelants), les époux [C] soutiennent qu'il en ressort que de multiples opérations injustifiées ont été enregistrées :

' annulation d'échéance de remboursement ;

' prélèvement de deux échéances au lieu d'une ;

' prélèvement d'un montant ne correspondant pas à une échéance ;

' rejet d'un prélèvement d'échéance alors que le compte est provisionné.

Pour sa part, la Société générale produit un extrait des relevés du compte d'impayés no 891 du prêt amortissable (pièce no 15 de la Société générale). Elle explique que, lorsqu'une échéance n'est pas payée pour défaut de provision, son montant est viré au débit du compte d'impayés 891.

Il ressort du rapprochement de ces pièces que les montants prélevés supérieurs à ceux de l'échéance mensuelle de 3 138,26 euros s'expliquent par le fait que tant que les impayés ne sont pas réglés, leur total est présenté chaque mois au débit du compte 044 sous la forme d'un débit de ce montant. Si la provision n'est pas suffisante pour cette somme totale, cette somme est annulée sur le compte 044 et le montant correspondant est débité sur le compte 891 pour éviter l'impayé susceptible d'être passé en incident. Toutefois, en cas d'impayé, le montant de l'échéance payée en retard est augmenté d'intérêts de retard, ce qui explique les frais et pénalités dont les emprunteurs demandent le remboursement. Les exemples chiffrés donnés par l'intimée ne sont pas critiqués par les appelants. En définitive, ceux-ci ne démontrent pas l'existence de prélèvements indus de pénalités et intérêts. Ils seront déboutés de ce chef.

Sur la demande d'annulation de la stipulation d'intérêts conventionnels :

Les époux [C] maintiennent en appel leurs prétentions initiales tendant à l'annulation de la clause d'intérêts conventionnels en raison de l'indication d'un taux effectif global erroné, et à la substitution du taux d'intérêt légal. Ils font valoir que le taux effectif global réel est calculé à 4,839 % au lieu du taux de 5,297 % indiqué dans l'acte de prêt. À la suite des premiers juges, la cour rappelle qu'en application de l'article L. 313-2 ancien du code de la consommation, dans sa rédaction applicable à l'espèce, l' erreur affectant la mention du taux effectif global dans l'écrit constatant un contrat de crédit n'est sanctionnée que lorsqu'elle vient au détriment de l'emprunteur, ce qui suppose que le taux effectif global mentionné dans cet écrit soit inférieur au taux effectif global correctement calculé. En conséquence, le tribunal a bien jugé. Le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur les dépens et les frais irrépétibles :

Aux termes de l'article 696, alinéa premier, du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie. Les appelants en supporteront donc la charge.

La société Crédit Logement a été autorisée, par ordonnances du juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Paris en date du 17 février 2017 et du 26 mai 2017, à inscrire un nantissement judiciaire provisoire et à saisir à titre conservatoire les parts sociales détenues par les époux [C] au sein de la société civile immobilière JMOP (pièces no 18 des appelants, nos 22 et 24 du Crédit Logement).

Les frais de ces mesures conservatoires sont relatifs à une instance ayant préparé celle dont le tribunal de grande instance de Paris, juge du principal, a été saisi. Ils seront donc compris dans les dépens de la présente instance (2e Civ., 28 mai 2003, no 01-12.612).

En application de l'article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer :

1o À l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

2o Et, le cas échéant, à l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle partielle ou totale une somme au titre des honoraires et frais, non compris dans les dépens, que le bénéficiaire de l'aide aurait exposés s'il n'avait pas eu cette aide. Dans ce cas, il est procédé comme il est dit aux alinéas 3 et 4 de l'article 37 de la loi no 91-647 du 10 juillet 1991.

Dans tous les cas, le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à ces condamnations.

Les parties peuvent produire les justificatifs des sommes qu'elles demandent.

La somme allouée au titre du secundo ne peut être inférieure à la part contributive de l'État majorée de 50 %.

Sur ce fondement, les époux [C] seront condamnés in solidum à payer à chacune des parties intimées la somme de 4 000 euros au titre des frais irrépétibles.

LA COUR, PAR CES MOTIFS,

INFIRME PARTIELLEMENT le jugement en ce qu'il déclare forclose la demande de [W] [C] et [O] [F] épouse [C] de remboursement, par la société Crédit du Nord, de la somme totale de 8 221,56 euros ;

Statuant à nouveau dans cette limite,

DÉCLARE prescrite la demande de [W] [C] et [O] [F] épouse [C] de remboursement, par la Société générale venant aux droits du Crédit du Nord, de la somme totale de 8 221,56 euros pour les prélèvements opérés avant le 1er décembre 2015 ;

DÉCLARE recevable la demande de [W] [C] et [O] [F] épouse [C] de remboursement, par la Société générale venant aux droits du Crédit du Nord, de la somme totale de 8 221,56 euros pour les prélèvements opérés à partir du 1er décembre 2015 ;

DÉBOUTE [W] [C] et [O] [F] épouse [C] de leur demande de remboursement, par la Société générale venant aux droits du Crédit du Nord, de la somme totale de 8 221,56 euros ;

CONFIRME toutes les autres dispositions non contraires ;

Y ajoutant,

CONDAMNE in solidum [W] [C] et [O] [F] épouse [C] à payer à la société Crédit Logement et à la Société générale venant aux droits du Crédit du Nord la somme de 4 000 euros chacune sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE in solidum [W] [C] et [O] [F] épouse [C] aux dépens, en ce compris les frais de nantissement judiciaire provisoire de parts sociales et de saisie conservatoire de parts sociales autorisés par ordonnances du juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Paris en date du 17 février 2017 et du 26 mai 2017 ;

REJETTE toute autre demande plus ample ou contraire.

* * * * *

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 6
Numéro d'arrêt : 22/12452
Date de la décision : 03/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 15/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-03;22.12452 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award