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03/07/2024 | FRANCE | N°22/10369

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 6, 03 juillet 2024, 22/10369


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 6



ARRET DU 03 JUILLET 2024

(n° , 20 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/10369 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CF4WG



Décision déférée à la Cour : Jugement du 03 Mars 2022 - tribunal judiciaire d'Evry - RG n° 17/03415





APPELANTS



Madame [X] [W] épouse [F]

[Adresse 1]

[Localité 4]



Monsieur [V] [F]

[Adresse 1]

[Localité 4]



Représentée par Me Frédéric LALLEMENT de la SELARL BDL AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : P0480

Ayant pour avocat plaidant Me Xavi...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 6

ARRET DU 03 JUILLET 2024

(n° , 20 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/10369 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CF4WG

Décision déférée à la Cour : Jugement du 03 Mars 2022 - tribunal judiciaire d'Evry - RG n° 17/03415

APPELANTS

Madame [X] [W] épouse [F]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Monsieur [V] [F]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Frédéric LALLEMENT de la SELARL BDL AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : P0480

Ayant pour avocat plaidant Me Xavier SKOWRON-GALVEZ, avocat au barreau de PARIS, toque : C0067, substitué à l'audience par Me Noémie LALANDE, avocat au barreau de PARIS, toque : D09696

INTIMÉE

LE CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE DEVELOPPEMENT (CIFD) venant aux droits de CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE RHONE ALPES AUVERGNE (CIFRAA) ensuite d'une fusion au 1er juin 2015 par voie d'absorption, société venant elle-même aux droits de CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE FINANCIERE RHONE AIN

[Adresse 2]

[Localité 3]

N°SIRET : B 379 502 644

agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

Représentée par Me Jean-François PUGET de la SELARL CVS, avocat au barreau de PARIS, toque : P0098, substitué à l'audience par Me Yasmine LEZHARI, avocat au barreau de Paris, du même cabinet

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 29 Avril 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. Marc BAILLY, président de chambre, et Mme Pascale SAPPEY-GUESDON, conseillère,entendue en son rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. Marc BAILLY, président de chambre

Madame Pascale SAPPEY-GUESDON, conseillère

Madame Laurence CHAINTRON, conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Mélanie THOMAS

ARRET :

- Contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Marc BAILLY, président de chambre, et par Mélanie THOMAS, greffier, présent lors de la mise à disposition.

* * * * *

PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES

Par déclaration reçue au greffe de la cour le 25 mai 2022, M. [V] [F] et Mme [X] [W], son épouse, ont interjeté appel du jugement du tribunal judiciaire d'Evry rendu le 3 mars 2022 dans l'instance les opposant à la société Crédit immobilier de France Développement (CIFD) venant aux droits de la société Crédit immobilier de France Rhône Alpes Auvergne (CIFRAA), et dont le dispositif est ainsi rédigé :

'CONSTATE que l'exception de nullité du prêt pour dol est prescrite et déclare en conséquence les demandes à ce titre irrecevables ;

DÉCLARE la demande de déchéance des intérêts irrecevable car prescrite ;

CONDAMNE solidairement Monsieur [V] [Y] [F] et Madame [X] [I] [W] épouse [F] à payer au CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE DEVELOPPEMENT - (CIFD), les sommes de :

- au titre du prêt de 150.000 euros : 145.420,37 euros, outre les intérêts au taux contractuel de 2,20 % l'an à compter du 17 novembre 2010, ce jusqu'à parfait paiement ;

- au titre du prêt de 155.767 euros : 146.528,09 euros, outre les intérêts au taux contractuel de 2,30 % l'an à compter du 17 novembre 2010, ce jusqu'à parfait paiement ;

ORDONNE la capitalisation des intérêts dès lors qu'ils seront dus depuis plus d'un an à compter du 12 avril 2013 ;

CONDAMNE Monsieur [V] [Y] [F] et Madame [X] [I] [W] épouse [F] aux dépens de l'instance, ainsi qu'à payer au CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE DEVELOPPEMENT (CIFD) une somme de trois mille euros (3.000 €), en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

SE DESSAISIT des demandes reconventionnelles en responsabilité formées à l'encontre du CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE DEVELOPPEMENT (CIFD) par Monsieur [V] [Y] [F] et Madame [X] [I] [W] épouse [F] au profit du Tribunal Judiciaire de MARSEILLE, déjà saisi au fond des mêmes demandes ;

ORDONNE l'exécution provisoire de la présente décision ;

DÉBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.'

***

À l'issue de la procédure d'appel clôturée le 23 avril 2024 les prétentions des parties s'exposent de la manière suivante.

Au dispositif de leurs dernières conclusions, communiquées par voie électronique le 2 avril 2024, les appelants

présentent, en ces termes, leurs demandes à la cour :

'Il est demandé à la Cour d'appel de PARIS de :

Vu l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme ;

Vu les articles 1108, 1116, 1382 et 1384 du Code civil en leur rédaction alors en vigueur ;

Vu l'article 1147 du code civil ;

Vu l'article 1244-1/1343-5 du Code civil ;

Vu l'article 909 du Code de procédure civile ;

Vu les articles 100 et 102 du Code de procédure civile

Vu les articles 969 et 700 du Code de procédure civile ;

Recevoir les époux [F] en leur appel et les y déclarant bien fondés,

Au préalable : sur l'étendue de la saisine de la Cour quant aux demandes la Cour :

Déclarer irrecevables, comme constituant des appels incidents formés hors délai, les demandes du CIFD de voir le jugement infirmé en ce qu'il a condamné les époux [F] à lui payer au titre du prêt de 150 000 € : 145 420,37 €, outre des intérêts au taux contractuel de 2,20 % l'an à compter du 17 novembre 2010, ce jusqu'à parfait paiement, et au titre du prêt de 155 767 € : 145 528 €, outre les intérêts au taux contractuel de 2,30 % l'an à compter du 17 novembre 2010, ce jusqu'à parfait paiement, et en ce qu'il a réduit la somme due au titre de l'indemnité conventionnelle à 3 000 € pour chacun des deux prêts, et de voir la Cour statuer à nouveau et condamner les époux [F] à lui payer au titre du prêt n°25990 de 150 000 € la somme de 153 048,46 € assortie des intérêts au taux contractuel de 3,47 % (E6M au 17/11/2010 + 2,20 %) à compter du 17 novembre 2010, ce jusqu'à parfait paiement et au titre du prêt n°12796 de 155 767 € : 154 019,95 €, assorti des intérêts au taux contractuel de 3,84 % (E12M au 17/11/2010 + 2,30 %) l'an à compter du 17 novembre 2010, ce jusqu'à parfait paiement.

Puis :

Infirmer le jugement entrepris,

A titre principal sur la nullité des prêts :

1/ Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a constaté que l'exception de nullité des prêts pour dol est prescrite et déclaré les époux [F] irrecevables en leurs demandes,

Statuant à nouveau,

Constater que l'action en nullité des prêts litigieux n'est pas prescrite.

Dire les époux [F] recevables en leur action en nullité des prêts litigieux,

Juger que le dol commis par la société Apollonia est opposable à CIFD (Cifraa) ;

Juger que CIFD (Cifraa) a commis à titre personnel un dol également,

Juger que le dol commis par la société Apollonia entraîne l'annulation des contrats de prêts.

Prononcer l'annulation des contrats de prêts litigieux, ainsi que des intérêts au taux conventionnel, y compris les intérêts intercalaires, les frais de cotisations d'assurance, les

majorations et la capitalisation, au titre de ces prêts.

Condamner CIFD (Cifraa) à restituer aux époux [F] les sommes perçues au titre des intérêts conventionnels, y compris les intérêts intercalaires.

Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il s'est dessaisi des demandes reconventionnelles en responsabilité formées à l'encontre du CIFD par les époux [F], au profit du Tribunal judiciaire de MARSEILLE,

Statuant à nouveau,

Dire n'y avoir litispendance ;

Dire le Tribunal judiciaire d'Evry valablement saisi de la demande de dommages-intérêts des époux [F],

Renvoyer les parties devant le Tribunal judiciaire d'Evry, pour qu'il y soit statué sur les mérites de l'action en dommages-intérêts des époux [F], dans l'hypothèse où la cour constaterait la nullité pour dol des prêts litigieux.

A titre subsidiaire si la Cour devait évoquer, sur ce point :

Condamner le CIFD à payer aux époux [F] :

- 145 420,37 € au titre du prêt de 150 000 € et de 146 528,09 € au titre du prêt de 155 767 €, à titre de dommages et intérêts, au titre du préjudice financier.

- 80 000 à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral

A titre subsidiaire sur la responsabilité du CIFD

Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il s'est dessaisi des demandes reconventionnelles en responsabilité formées à l'encontre du CIFD par les époux [F], au profit du Tribunal judiciaire de MARSEILLE,

Statuant à nouveau,

Dire n'y avoir litispendance ;

Dire le Tribunal judiciaire d'Evry valablement saisi de la demande de dommages-intérêts des époux [F],

Renvoyer les parties devant le Tribunal judiciaire d'Evry, pour qu'il y soit statué sur les mérites de l'action en dommages-intérêts des époux [F].

Si la Cour devait évoquer sur ce point :

Condamner CIFD (Cifraa) à verser aux époux [F] à titre de dommages et intérêts au titre de la perte de chance de ne pas contracter résultant du préjudice financier :

- Au titre du premier prêt de 150 000 €, la somme de 145 420,37 €, augmentée des intérêts au taux contractuel de 2,20 % à compter du 17 novembre 2010, dont la compensation sera ordonnée avec le montant du paiement demandé.

- Au titre du second prêt de 155 767 €, la somme de 146 528,09 €, augmentée des intérêts au taux contractuel de 2,30 % à compter du 17 novembre 2010, dont la compensation sera ordonnée avec le montant du paiement demandé.

Condamner CIFD (Cifraa) à verser aux époux [F] la somme de 80 000 euros au titre du préjudice moral.

En tout état de cause

Confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté la demande de dommages et intérêts du CIFD.

Débouter CIFD (Cifraa) en toutes ses demandes, prétentions, fins et conclusions plus amples ou contraires aux présentes.

Infirmer le jugement en ce qu'il a condamné les époux [F] à payer à CIFD la somme de 3 000 € pour chacun des prêts au titre de la clause pénale.

Si la Cour devait entrer en voie de condamnation octroyer les plus larges délais de paiement aux époux [F].

Condamner CIFD à verser aux époux [F] la somme de 15.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Condamner CIFD (Cifraa) aux dépens.

Ordonner la compensation entre les sommes dues entre les parties.'

Au dispositif de ses dernières conclusions, communiquées par voie électronique le 19 avril 2024, l'intimé

présente, en ces termes, ses demandes à la cour :

'Vu les articles 1108, 1116, 1134, 1147, 1154, 1319, 1351 et 2224 du Code civil,

Vu les articles L. 137-2 et suivants du Code de la consommation

Vu les articles L. 312-7, L. 312-10, L. 312-33 anciens du Code de la consommation

Vu la jurisprudence,

Vu les pièces versées aux débats,

Il est demandé à la Cour d'appel de Paris de :

À titre liminaire :

- DEBOUTER Monsieur et Madame [F] de leur demande tendant à voir déclarer irrecevables les demandes de CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE DEVELOPPEMENT portant sur une modification du taux contractuel et l'application de l'indemnité contractuelle de 7 % prévue aux contrats de prêt ;

Puis :

- CONFIRMER le Jugement rendu par le Tribunal judiciaire d'EVRY le 3 mars 2022 (RG n°17/03415) en ce qu'il :

- CONSTATE que l'exception de nullité du prêt pour dol est prescrite et déclare en conséquence les demandes à ce titre irrecevables ;

- DECLARE la demande de déchéance des intérêts irrecevable car prescrite ;

- ORDONNE la capitalisation des intérêts dès lors qu'ils seront dus depuis plus d'un an à compter du 12 avril 2013 ;

- CONDAMNE Monsieur [V] [Y] [F] et Madame [X] [I] [W] épouse [F] aux dépens de l'instance, ainsi qu'à payer au CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE DEVELOPPEMENT (CIFD) une somme de trois mille euros (3.000 €) en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- SE DESSAISIT des demandes reconventionnelles en responsabilité formées à l'encontre du CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE DEVELOPPEMENT (CIFD) par Monsieur [V] [Y] [F] et Madame [X] [I] [W] épouse [F] au profit du Tribunal judiciaire de Marseille, déjà saisi au fond des mêmes demandes ;

- ORDONNE l'exécution provisoire de la présente décision.

- INFIRMER le Jugement rendu par le Tribunal judiciaire d'EVRY le 3 mars 2022 (RG n°17/03415) en ce qu'il a :

' CONDAMNE solidairement Monsieur [V] [Y] [F] et Madame [X]

[I] [W] épouse [F] à payer au CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE DEVELOPPEMENT (CIFD), les sommes de :

- Au titre du prêt de 150.000 € : 145.420,37 €, outre les intérêts au taux contractuel de 2,20 % l'an à compter du 17 novembre 2010, ce jusqu'à parfait paiement ;

- Au titre du prêt de 155.767 € : 145.528 euros, outre les intérêts au taux contractuel de 2,30 % l'an à compter du 17 novembre 2010, ce jusqu'à parfait paiement ;

' DEBOUTE le CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE DEVELOPPEMENT de sa demande de dommages intérêts à hauteur de 60.000 € à l'encontre de Monsieur [V] [Y] [F] et Madame [X] [I] [W] épouse [F] ;

' REDUIT la somme due au titre de l'indemnité conventionnelle à 3.000 € pour chacun des deux prêts ;

' DEBOUTE le CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE DEVELOPPEMENT du surplus de ses demandes.

STATUANT A NOUVEAU :

' CONDAMNER solidairement Monsieur [V] [Y] [F] et Madame [X] [I] [W] épouse [F] à payer au CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE DEVELOPPEMENT (CIFD), les sommes de :

- Au titre du prêt n° 25990 de 150.000 € : 153.048,46 € assorti des intérêts au taux contractuel de 3,47 % (E6M au 17/11/2010 + 2,20 %) à compter du 17 novembre 2010, ce jusqu'à parfait paiement ;

- Au titre du prêt n° 112796 de 155.767 € : 154.019,95 €, assorti des intérêts au taux contractuel de 3,84 % (E12M au 17/11/2010 + 2,30 %) l'an à compter du 17 novembre 2010 ce jusqu'à parfait paiement ;

' CONDAMNER Monsieur [V] [Y] [F] et Madame [X] [I] [W] épouse [F] à verser à la société CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE DEVELOPPEMENT la somme de 60.000 € en réparation de son préjudice financier ;

' DEBOUTER Monsieur [V] [Y] [F] et Madame [X] [I] [W] épouse [F] de toutes leurs demandes, fins et conclusions ;

' CONDAMNER Monsieur [V] [Y] [F] et Madame [X] [I] [W] épouse [F] à verser à la société CIFD la somme de 10.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens, conformément à l'article 699 du Code de procédure civile.

Par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé, pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, à leurs conclusions précitées.

MOTIFS DE LA DECISION

M. [V] [F] et Mme [X] [W], son épouse, par l'intermédiaire de la société Apollonia, ont fait l'acquisition, en vente en l'état de futur achèvement, de deux lots de copropriété dans une résidence à [Localité 5] (Haute-Savoie) au prix de 150 000 euros, et d'un lot de copropriété dans une résidence à [Localité 6] (Bouches-du-Rhône) au prix de 155 767 euros.

Pour financer ces opérations la société Crédit Immobilier de France Financière Rhône Ain a consenti à MMme [F] :

- selon offre préalable émise le 17 septembre 2003 et acceptée par les emprunteurs le 30 septembre suivant, un premier prêt, n°25990, destiné à financer l'acquisition des deux lots dans la résidence située à [Localité 5] ; ce prêt a été consenti pour un montant de 150 000 euros, au taux nominal inital de 4,70 % l'an révisable à partir du 10 novembre 2004 sur la base de l'Euribor 6 mois majoré d'une partie fixe de 2,20 points ; il était remboursable en 240 échéances mensuelles d'un montant de 1 055,41 euros ; le prêt a été réitéré par acte authentique le 8 octobre 2003 ;

- selon offre préalable émise le 2 mars 2007 et acceptée par les emprunteurs le 16 mars suivant, un second prêt, n°112796, destiné à financer l'acquisition du lot dans la résidence située à [Localité 6] ; ce prêt a été consenti pour un montant de 155 767 euros, au taux nominal inital de 4,70 % l'an révisable sur la base de l'Euribor 12 mois majoré d'une partie fixe de 2,30 points à partir du quatrième mois civil suivant l'anniversaire de l'acceptation de l'offre ; il était remboursable en 300 échéances mensuelles d'un montant de 951,60 euros ; le prêt a été réitéré par acte authentique le 29 novembre 2007.

Ces deux prêts font partie des dix prêts contractés par MMme [F] dans une optique de défiscalisation, entre 2003 et 2007 auprès de sept établissements bancaires, toujours par l'intermédiaire de la société Apollonia.

Par acte d'huissier de justice en date du 25 février 2010, MMme [F] ont fait assigner en responsabilité, devant le tribunal de grande instance de Marseille, les différents intervenants aux contrats de vente et de prêt ayant permis la réalisation de leurs opérations

immobilières, dont la banque. MMme [F] ont alors cessé de verser à la banque les échéances des prêts, laquelle en a prononcé la déchéance du terme, par lettres recommandées avec accusé de réception datées du 17 novembre 2010 pour le prêt n°25990, et du 27 août 2010 pour le prêt n°112796.

Une information judiciaire avait été ouverte au tribunal de grande instance de Marseille, en 2003, aux fins d'enquête sur des escroqueries multiples mettant en cause la société Apollonia ainsi que des notaires et des promoteurs immobiliers, commises au préjudice de particuliers qui, au vu de la défiscalisation et du montage d'autofinancement promis, ont contracté des emprunts démesurés compte tenu de leur capacité de paiement. Les 11 et 30 octobre 2019, les juges d'instruction ont rendu un avis de fin d'information, en application des dispositions de l'article 175 du code de procédure pénale.

Par acte d'huissier de justice en date du 12 avril 2013, la société Crédit immobilier de France Développement ' venant aux droits de la société Crédit immobilier de France Rhône Alpes Auvergne - CIFRAA, en suite de la fusion, au 1er juin 2015, par voie d'absorption de la société CIFRAA, laquelle société venait elle-même aux droits de la société Crédit Immobilier de France Financière Rhône Ain, suite à la fusion par absorption intervenue suivant procès-verbal d'assemblée générale extraordinaire du 24 décembre 2007 ' a fait assigner en paiement MMme [F] devant le tribunal judiciaire d'Evry aux fins de les voir condamner au paiement des sommes restant dues au titre des prêts consentis.

******

Sur l'étendue de la saisine de la Cour

Les appelants à titre liminaire demandent à la cour de :'Déclarer irrecevables, comme constituant des appels incidents formés hors délai, les demandes du CIFD de voir le jugement infirmé en ce qu'il a condamné les époux [F] à lui payer au titre du prêt de 150 000 € : 145 420,37 €, outre des intérêts au taux contractuel de 2,20 % l'an à compter du 17 novembre 2010, ce jusqu'à parfait paiement, et au titre du prêt de 155 767 € : 145 528 €, outre les intérêts au taux contractuel de 2,30 % l'an à compter du 17 novembre 2010, ce jusqu'à parfait paiement, et en ce qu'il a réduit la somme due au titre de l'indemnité conventionnelle à 3 000 € pour chacun des deux prêts, et de voir la Cour statuer à nouveau et condamner les époux [F] à lui payer au titre du prêt n°25990 de 150 000 € la somme de 153 048,46 € assortie des intérêts au taux contractuel de 3,47 % (E6M au 17/11/2010 + 2,20 %) à compter du 17 novembre 2010, ce jusqu'à parfait paiement et au titre du prêt n°12796 de 155 767 € : 154 019,95 €, assorti des intérêts au taux contractuel de 3,84 % (E12M au 17/11/2010 + 2,30 %) l'an à compter du 17 novembre 2010, ce jusqu'à parfait paiement.

À l'appui de leur demande, MMme [F] font valoir que dans ses conclusions du 19 mars 2024, la société Crédit immobilier de France développement demande, pour la première fois, l'infirmation du jugement sur les condamnations en paiement prononcées au titre des prêts et de l'indemnité conventionnelle. Ces demandes d'infirmation et de statuer à nouveau constituent, au regard de l'article 909 du code de procédure civile, des appels incidents, sur deux chefs du jugement. Or, ces nouvelles demandes d'infirmation du jugement quant au quantum des condamnations concernant les indemnités conventionnelles au titre des clauses pénales et des taux d'intérêts conventionnels afférents, constituant des appels incidents formés hors délai, elles sont, partant, irrecevables.

La société Crédit immobilier de France développement fait valoir qu'elle sollicite la confirmation du jugement de première instance en ce qu'il a condamné Mme [F] à rembourser les prêts aux taux contractuels. Elle explique ne faire que formuler une observation sur une erreur de fait et non une demande d'infirmation sur ce chef de jugement. Elle demande la confirmation du principe de la condamnation au remboursement des prêts assorti du taux contractuel, mais non du taux en lui-même, qui était erroné. Concernant la réduction de l'indemnité forfaitaire, ce motif n'a pas fait l'objet d'un chef de jugement spécifique, de sorte que la société Crédit immobilier de France développement devait faire un choix entre la confirmation ou l'infirmation d'un chef de jugement seulement partiellement favorable pour elle. Ainsi, puisque la réduction de cette indemnité faisait déjà l'objet d'une contestation dans les premières conclusions, il était plus lisible de solliciter dans ses deuxièmes conclusions l'infirmation du chef de jugement afin que soit maintenue sa demande de condamnation à l'indemnité contractuelle totale de 7 % prévue aux contrats de prêts. Les demandes ne sont donc pas irrecevables.

SUR CE

Selon l'article 909 du code de procédure civile, l'intimé dispose, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, d'un délai de trois mois à compter de la notification des conclusions de l'appelant prévues à l'article 908 ' c'est à dire : les conclusions que l'appelant doit remettre au greffe dans les trois mois de la déclaration d'appel ' pour remettre ses conclusions au greffe et former le cas échéant appel incident ou appel provoqué.

En l'espèce, la déclaration d'appel de MMme [F] du 25 février 2022 comporte les énonciations suivantes :

'Objet/Portée de l'appel : Appel annulation et/ou réformation à l'encontre des dispositions du jugement qui ont : - Constaté que l'exception de nullité du prêt pour dol est prescrite et déclare en conséquence les demandes à ce titre irrecevables - Déclaré la demande de déchéance des intérêts irrecevable car prescrite - Condamné solidairement les époux [F] à payer au CIFD les sommes de : *au titre du prêt de 150 000 € : 145 420,37 €, outre les intérêts au taux contractuel de 2,20 % l'an à compter du 17 novembre 2010, ce jusqu'à parfait paiement, *au titre du prêt de 155 767 € : 146 528,09 €, outre les intérêts au taux contractuel de 2,30 % l'an à compter du 17 novembre 2010 - Ordonné la capitalisation des intérêts dès lors qu'ils sont dus depuis plus d'un an à compter du 12 avril 2013 - Condamné Monsieur et Madame [F] à payer au CIFD la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 et aux dépens - S'est dessaisi des demandes reconventionnelles en responsabilité formées à l'encontre du CIFD par Monsieur et Madame [F] au profit du TJ de MARSEILLE déjà saisi au fond des mêmes demandes et notamment des demandes tendant à voir ordonner une expertise et condamner CIFD à leur payer les sommes de 100 000 € au titre de la perte de chance, 30 000 € au titre du préjudice moral, 10 000 € au titre de l'article 700 et les dépens - Ordonné l'exécution provisoire.'

Par suite, les premières conclusions de l'appelant ont été déposées, le 24 août 2022, et leur dispositif se présente ainsi :

' Par ces motifs

Il est demandé à la Cour d'appel de PARIS de :

Vu l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme ;

Vu les articles 1108, 1116, 1382 et 1384 du Code civil en leur rédaction alors en

vigueur ;

Vu les articles L. 312-7 et L. 312-10 du Code de la consommation en leur rédaction

en vigueur ;

Vu l'article 1244-1/1343-5 du Code civil ;

Vu les articles 969 et 700 du Code de procédure civile ;

Vu les arrêts de la Cour de cassation des 24 mai 1994, pourvoi n°92-14.344 ; 13 juin 1995, pourvoi n°93-17.409 et pourvoi n°93-17.353 ; 3 janvier 1996, pourvoi n°93-17.579.

Recevoir les époux [F] en leur appel et les y déclarant bien fondés,

Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a constaté que l'exception de nullité des prêts pour dol est prescrite et déclarés les époux [F] irrecevables en leurs demandes,

Statuant à nouveau,

Constater que les prêts ont été souscrits par l'intermédiaire de la société Apollonia.

Constater que l'action en nullité des prêts litigieux n'est pas prescrite.

Dire les époux [F] recevables en leur action en nullité des prêts litigieux,

Juger que le dol commis par la société Apollonia est opposable à CIFD (Cifraa) ;

Juger que le dol commis par la société Apollonia entraîne l'annulation des contrats de prêts.

Prononcer l'annulation des contrats de prêts litigieux, ainsi que des intérêts aux taux conventionnels, y compris les intérêts intercalaires, les frais de cotisations d'assurance, les majorations et la capitalisation, au titre de ces prêts.

Condamner CIFD (Cifraa) à restituer aux époux [F] les sommes perçues au titre des intérêts conventionnels, y compris les intérêts intercalaires.

Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné solidairement les époux [F] à payer au CIFD les sommes de :

- 145 420,37 € au titre du prêt de 150 000 € et de 146 528,09 € au titre du prêt de 155 767 €, outre les intérêts au taux contractuels à compter du 17 novembre 2010 et jusqu'à parfait paiement,

- 3.000 € au titre des frais irrépétibles et aux dépens.

Statuant à nouveau,

Débouter CIFD (Cifraa) en toutes ses demandes, prétentions, fins et conclusions.

À titre subsidiaire, sur ce point,

Faire droit à la demande des époux [F] s'agissant de l'octroi d'un délai de paiement de deux ans.

Par ailleurs,

Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il s'est dessaisi des demandes reconventionnelles en responsabilité formées à l'encontre du CIFD par les époux [F], au profit du Tribunal judiciaire de MARSEILLE,

Statuant à nouveau,

Constater qu'en application du principe du procès équitable, il appartient à la juridiction saisie de l'action en nullité pour dols des prêts litigieux de statuer sur les conséquences des nullités qui seraient prononcées, parmi lesquelles la réparation des préjudices en découlant.

Dire n'y avoir litispendance ;

Dire le Tribunal judiciaire d'Evry valablement saisi de la demande de dommages-intérêts des époux [F], consécutive à leur demande en nullité pour dols des prêts litigieux ;

Renvoyer les parties devant le Tribunal judiciaire d'Evry, pour qu'il y soit statué sur les mérites de l'action en dommages-intérêts des époux [F], dans l'hypothèse où la cour constaterait la nullité pour dol des prêts litigieux.

À titre subsidiaire, sur la demande de dommages et intérêts

Condamner CIFD (Cifraa) à verser aux époux [F] la somme de 290 478 euros à titre de dommages et intérêts résultant du préjudice financier.

Condamner CIFD (Cifraa) à verser aux époux [F] la somme de 100 000 euros au titre de la perte de chance de ne pas contracter.

Condamner CIFD (Cifraa) à verser aux époux [F] la somme de 80 000 euros au titre du préjudice moral.

À titre plus subsidiaire,

Nommer tel expert, qu'il plaira à la cour afin de donner son avis sur le montant du préjudice financier des époux [F].

En tout état de cause

Condamner CIFD (Cifraa) à verser aux époux [F] la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Condamner CIFD (Cifraa) aux dépens.

Ensuite, la société Crédit immobilier de France Développement, conformément aux dispositions de l'article 909 précité a déposé ses premières conclusions d'intimé, le 17novembre 2022, dont le dispositif est rédigé en ces termes :

'PAR CES MOTIFS

Vu les articles 1103, 1116, 1144, 1185, 1240, 2224 du Code civil,

Vu les articles L. 313-1, L. 312-7, L.312-10 du Code de la consommation,

Vu l'article L. 519-1 du Code Monétaire et Financier,

Vu les articles 100, 101, 367 et 700 du Code de Procédure civile,

Le CIFD demande à la Cour d'appel de Paris de :

* CONFIRMER le Jugement rendu par le Tribunal judiciaire d'EVRY le 3 mars 2022 (RG n°17/03415) en ce qu'il a :

- CONSTATE que l'exception de nullité du prêt pour dol est prescrite et déclaré en conséquence les demandes à ce titre irrecevables ;

- DECLARE la demande de déchéance des intérêts irrecevable car prescrite ;

- CONDAMNE solidairement Monsieur [V] [Y] [F] et Madame [X] [I] [W] épouse [F] à payer au CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE DEVELOPPEMENT (CIFD), les sommes de :

Au titre du prêt de 150 000 € : 145 420,37 €, outre les intérêts au taux contractuel de 2,20 % l'an à compter du 17 novembre 2010, ce jusqu'à parfait paiement ;

Au titre du prêt de 155 767 € : 145 528 euros, outre les intérêts au taux contractuel de 1,20 % l'an à compter du 17 novembre 2010 ce jusqu'à parfait paiement ;

- ORDONNE la capitalisation des intérêts dès lors qu'ils seront dus depuis plus d'un an à compter du 12 avril 2013 ;

- CONDAMNE Monsieur [V] [Y] [F] et Madame [X] [I] [W] épouse [F] aux dépens de l'instance, ainsi qu'à payer au CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE DEVELOPPEMENT (CIFD) une somme de trois mille euros (3 000 €) en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- SE DESSAISIT des demandes reconventionnelles en responsabilité formées à l'encontre du CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE DEVELOPPEMENT (CIFD) par Monsieur [V] [Y] [F] et Madame [X] [I] [W] épouse [F] au profit du Tribunal judiciaire de Marseille, déjà saisi au fond des mêmes demandes ;

- ORDONNE l'exécution provisoire de la présente décision.

* INFIRMER le Jugement rendu par le Tribunal judiciaire d'EVRY le 3 mars 2022 (RG n°17/03415) en ce qu'il a :

- DEBOUTE le CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE DEVELOPPEMENT de sa demande de dommages intérêts à hauteur de 60 000 € à l'encontre de Monsieur [V] [Y] [F] et Madame [X] [I] [W] épouse [F] ;

- DEBOUTE le CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE DEVELOPPEMENT du surplus de ses demandes.

STATUANT A NOUVEAU :

- CONDAMNER Monsieur [V] [Y] [F] et Madame [X] [I] [W] épouse [F] à verser à la société CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE DEVELOPPEMENT la somme de 60 000 € en réparation de son préjudice financier ;

- DEBOUTER Monsieur [V] [Y] [F] et Madame [X] [I] [W] épouse [F] de toutes leurs demandes, fins et conclusions ;

- CONDAMNER Monsieur [V] [Y] [F] et Madame [X] [I] [W] épouse [F] à verser à la société CIFD la somme de 10 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens, conformément à l'article 699 du Code de procédure civile.'

Comme indiqué par les appelants, ce n'est que postérieurement à ces premières conclusions d'intimé du 17 novembre 2022, en elles-mêmes recevables en ce qu'elles ont été déposées dans le délai de trois mois imparti par l'article 909 du code de procédure civile, que l'intimé a formulé des demandes constituant appel incident à hauteur des sommes à présent demandées, cette fois hors délai : le 19 mars 2024, conclusions n°2.

Or, il appartenait à l'intimé de rédiger le dispositif de ses conclusions de manière à y faire apparaître l'intégralité de ses prétentions faisant l'objet de son appel incident.

Les conclusions du 19 mars 2024 et du 19 avril 2024 seront donc déclarées irrecevables en ce qu'il y est demandé la condamnation de MMme [F] à supporter au titre de chacun des deux prêts un taux d'intérêt tenant compte de l'application de l'indice Euribor.

En revanche, la déclaration d'appel de MMme [F] porte sur un montant de condamnation incluant la condamnation au titre de l'indemnité de résiliation, ramenée par le juge à la somme fofaitaire de 3 000 euros pour chacun des deux prêts. La question de la modération de la clause pénale est donc dans le débat dès le début de la procédure d'appel, et les prétentions de la banque intimée, à ce titre, ne constituent pas un appel incident, mais une simple réponse à la demande adverse, qui tend à l'infirmation de la décision du premier juge, et par conséquent, il n'y a pas lieu de faire application sur ce point, de la sanction prévue à l'article 909 du code de procédure civile.

Sur la nullité des contrats de prêt pour vice du consentement

En l'espèce, MMme [F] soutiennent qu'ils ont été victimes de dol de la part de la société Apollonia et de la banque, ce qui doit entraîner la nullité des contrats de prêt, la prescription n'étant pas acquise, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal.

MMme [F] soutiennent que leur demande d'annulation des prêts a été présentée par voie d'action et non par voie d'exception, il est dès lors indifférent que les actes aient commencé à être exécutés. S'agissant de l'action en nullité pour dol, l'article 1304 du code civil dispose que la prescription de cinq ans ne commence à courir que du jour où le dol a été découvert. La plainte pénale déposée par MMme [F] ne vise pas les man'uvres dolosives commises par les banques, qui ont été dénoncées pour la première fois le 22 février 2010, par le moyen de l'assignation à comparaître devant le tribunal de Marseille, délivrée notamment au CIFD, pour répondre de sa responsabilité. La seule date certaine de la connaissance par MMme [F] des man'uvres dolosives du CIFD, est le 22 février 2010. MMme [F] ont sollicité dans le cadre du présent litige que soit prononcée la nullité des prêts litigieux dès le 5 février 2015, soit avant l'expiration du délai de prescription quinquennale qui était le 22 février 2015. Dès lors la demande d'annulation pour dol n'est pas prescrite.

Le Crédit Immobilier de France Développement fait valoir qu'une demande en nullité peut suivre un régime juridique différent selon qu'elle constitue une demande reconventionnelle en nullité ou une défense au fond. S'il s'agit d'une demande reconventionnelle, elle est soumise au régime de la prescription quinquennale ; s'il s'agit d'une exception de nullité, elle est perpétuelle mais n'est invocable qu'à la seule condition que l'acte dont la nullité est requise, n'ait pas reçu de commencement d'exécution. MMme [F] qualifient, en l'espèce, leur demande de nullité de 'demande reconventionnelle'. Or, il résulte de la combinaison des articles 2224 et 1144 du code civil que la demande de nullité fondée sur le dol se prescrit par cinq ans, et que ce délai commence à courir à compter du jour où celui qui s'en prévaut a connaissance des faits dénoncés. Or, les faits invoqués sont inhérents au processus de souscription des prêts, connu dès la signature des prêts litigieux les 30 septembre 2003 et 16 mars 2007. Dès lors, en application de la prescription quinquennale, MMme [F] étaient recevables jusqu'en septembre 2008 et mars 2012 respectivement, à soulever la nullité du prêt pour dol. De surcroît, ils ne peuvent prétendre avoir ignoré que la banque leur avait consenti deux prêts qui n'auraient pas correspondu à leurs capacités financières ou que l'acquisition des biens immobiliers financés et dont les ventes ont été régularisées par actes notariés en 2003 et 2007, MMme [F] ne correspondait pas à leurs attentes, alors qu'ils ont procédé au versement des échéances des prêts jusqu'en 2010 et qu'ils ne concluent pas à la nullité de la vente immobilière. Dès lors, MMme [F] étaient recevables jusqu'en 2008 et 2012, respectivement, à soulever la nullité du prêt pour dol. En outre, les faits que MMme [F] caractérisent comme constituant une man'uvre dolosive, sont les mêmes que ceux qu'ils dénonçaient déjà dans leur plainte pénale du 12 décembre 2008 de sorte que s'il était retenu la date de la plainte pénale comme point de départ de la prescription de leur demande reconventionnelle sur le fondement du dol, soit le 12 décembre 2008, en application de prescription quinquennale ils étaient recevables jusqu'en décembre 2013 à soulever la nullité du prêt pour dol. Néanmoins ce fondement a été évoqué pour la première fois par conclusions du 5 février 2015 de sorte que leur demande reconventionnelle en nullité est prescrite. De plus, la plainte pénale du 12 décembre 2008 vise également les banques et la partie civile a accès au dossier pénal à tout moment. Dans le cadre de l'assignation du 22 février 2010, MMme [F] ne sollicitent ni la nullité, ni la rescision de prêts. Le seul visa de l'article 1116 du code civil dans une instance visant d'autres parties à l'encontre desquelles d'autres demandes sont formulées, n'interrompt pas la prescription de la demande de nullité du prêt accordé par la banque, une telle demande n'ayant jamais été formée.

SUR CE

Le tribunal a exactement rappelé les principes de droit applicables aux faits de la cause :

' L'article 1116 ancien (devenu l'article 1135) du code civil, dans sa version applicable à l'espèce, dispose que le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manoeuvres pratiquées par l'une des parties sont telles qu'il est évident que sans ces manoeuvres l'autre partie n'aurait pas contracté. Il ne se présume pas et doit être prouvé.

' L'article 1304 ancien du code civil prévoit que l'action en nullité se prescrit par cinq ans à compter, dans le cas d'erreur ou de dol, du jour où ils ont été découverts.

' Il est acquis que si l'exception de nullité, c'est à dire le moyen de défense tiré de la nullité de l'acte opposé dans le cadre d'une action en exécution de celui-ci, est perpétuelle, cette exception ne peut plus être soulevée si ledit acte a reçu un commencement d'exécution.

En l'espèce, la présente instance a été introduite par la banque et c'est en qualité de défendeurs que MMme [F] ont opposé la prescription de l'action en paiement de la banque.

Ensuite, le premier juge a justement relevé qu'il ressort des éléments du dossier que MMme [F] se sont constitués partie civile dans le cadre de l'instruction ouverte pour escroquerie en 2008 et, surtout, qu'ils ont engagé en 2010 une action en indemnisation visant notamment l'article 1116 du code civil (sans demande d'annulation du prêt), en sorte qu'ils avaient donc nécessairement connaissance à ce moment, du vice susceptible d'affecter la validité de leur consentement. Ils ne justifient pas avoir soulevé l'exception de nullité pour dol du prêt litigieux avant l'introduction de l'action en paiement engagée par la banque en 2013. Dès lors que le prêt litigieux a été exécuté jusqu'en 2010, il ne peuvent plus se prévaloir de l'exception de nullité après l'expiration du délai de prescription. En conséquence, il y a lieu de constater que l'exception de nullité du prêt pour dol est prescrite, et par suite de déclarer les demandes à ce titre irrecevables.

C'est encore à raison dans le principe que le tribunal a jugé que les mêmes moyens soulevés à l'encontre de la société Apollonia qui n'a pas été mise dans la cause, ne sauraient être examinés, la procédure en sa responsabilité engagée à son encontre étant en cours devant le Tribunal Judiciaire de Marseille.

Sur la déchéance du droit aux intérêts

Le tribunal a retenu ce qui suit :

'Les époux [F] soutiennent d'une part que la Loi Scrivener n'a pas été respectée, notamment le délai de réflexion d.e 10 jours, et qu'en conséquence la banque devra être déchue de son droit aux intérêts contractuels, d'autre part que le TEG est erroné.

La banque, sans contester à titre principal l'application de la loi Scrivener, alors que les emprunteurs ont souscrits les emprunts litigieux à usage professionnel, leur oppose la prescription.

Conformément aux dispositions de l'article 2224 du code civil, 'Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.'

Les demandes formées sur les contrats de prêt se prescrivent par 5 ans à compter de la conclusion du prêt.

En l'espèce, les contrats de prêt ont été conclus les 30 septembre 2003 et 16 mars 2007.

Les époux [F] disposaient donc d'un délai de 5 ans à compter de ces dates pour agir, soit jusqu'au 30 septembre 2008 pour le premier prêt et jusqu'au 16 mars 2012 pour le second. Or, ils n'ont formés cette demande qu'à compter du 5 février 2015.

Contrairement à ce qu'ils soutiennent, ils n'ont pas sollicité l'annulation des intérêts conventionnels, ni contesté le calcul du TEG, dans leur assignation du 22 février 2010 et ne justifient pas d'une demande en ce sens avant leur conclusions du 5 février 2015, de sorte qu'elle a été présentée après l'expiration du délai de prescription et n'est plus recevable.'

Pour commentaire de cette décision la société Crédit Immobilier de France Développement fait valoir qu'en vertu de l'article 2224 du code civil, les demandes fondées sur les dispositions des articles L. 312-7, L. 312-10, L. 312-33 du code de la consommation se prescrivent par cinq ans à compter de la conclusion des prêts litigieux. En l'espèce, ceux-ci ont été conclus respectivement les 30 septembre 2003 et le 16 mars 2007 suivant l'acceptation des emprunteurs desdites offres de prêt. MMme [F] disposaient donc jusqu'au 30 septembre 2008 et 16 mars 2012 respectivement pour présenter leurs demandes reconventionnelles sur ces fondements. Dès lors ces demandes sont prescrites.

MMme [F] qui ne présentent à hauteur de cour aucun développement sur ce point, ne justifient donc pas d'un fait précis qui établirait une connaissance différée au delà de l'acceptation des offres de prêt, des irrégularités dont ils se prévalent.

Le jugement est donc confirmé de ce chef.

Sur les fautes alléguées de la banque

Le tribunal a essentiellement retenu :

'L'article 101 du code de procédure civile dispose que 'Si le même litige est pendant devant deux juridictions de même degré également compétentes pour en connaître, la juridiction saisie en second lieu doit se dessaisir au profit de l'autre si l'une des parties le demande . À défaut elle peut le faire d'office.'

L'article 102 du même code précise que 'S'il existe entre des affaires portées devant deux juridictions distinctes un lien tel qu'il soit de l'intérêt d'une bonne justice de les faire instruire et juger ensemble, il peut être demandé à l'une de ces juridictions de se dessaisir et de renvoyer en l'état la connaissance de l'affaire à l'autre juridiction.'

Les époux [F] reprochent à la banque d'avoir commis des fautes en sa qualité de mandataire de la société Apollonia.

Or ils ont déjà présenté cette demande dans le cadre de l'action en responsabilité intentée devant le Tribunal Judiciaire de Marseille selon assignation du 24 février 2010.

L'objet de la demande reconventionnelle des époux [F] est le même que celui de la demande principale formée devant le tribunal judiciaire de Marseille, à savoir la mise en jeu de la responsabilité de la banque, de la société Apollonia et de divers intervenants à l'opération.

Il convient donc, sur le fondement des articles 100 et 101 du code de procédure civile de se dessaisir des dites demandes reconventionnelles dans le cadre de l'action en responsabilité à l'égard de la banque des époux [F] au profit du tribunal judiciaire de Marseille, déja saisi de l'examen de ces demandes, notamment dans le but d'éviter toute contrariété de décisions.'

Pour critique de cette motivation MMme [F] font valoir qu'il n'y a pas de litispendance avec les demandes qu'ils ont présentées devant le tribunal judiciaire de Marseille car dans la présente instance, ils ne reprochent pas au CIFD d'avoir commis des fautes en sa qualité de mandataire d'Apollonia mais des agissements fautifs qui lui sont propres. De plus, selon la jurisprudence de la cour de cassation, il ne peut y avoir de litispendance, si l'ensemble des parties attraites dans l'une et l'autre des instances en cours ne sont pas strictement les mêmes. En l'espèce, MMme [F] ont saisi le tribunal judiciaire de Marseille d'une demande de dommages et intérêts en réparation de leur préjudice du fait des man'uvres dolosives, dirigée, certes contre le CIFD, mais également contre quatorze autres personnes physiques et morales, et dont il est demandé leur condamnation solidaire en paiement de dommages et intérêts. Ainsi, faute d'une stricte identité de parties dans l'instance introduite devant le tribunal de Marseille et dans la présente instance, il ne peut y avoir de litispendance. En tout état de cause, le principe de l'égalité des armes issu du droit au procès équitable prévu par l'article 6-1 de la convention européenne des droits de l'Homme impose que la demande reconventionnelle de MMme [F] en dommages et intérêts soit examinée concomitamment à la demande en paiement de la banque. Que le prêt soit valide ou non, MMme [F] seront tenus au versement du capital du prêt à la banque, soit à titre de paiement, soit à titre de restitution. Le seul moyen juridique efficace pour faire échec, totalement ou partiellement, mais de façon efficiente, au versement du capital du prêt, et aux intérêts le cas échéant, est, pour MMme [F], de faire reconnaître la responsabilité du CIFD à leur égard pour obtenir de lui le paiement de dommages et intérêts qui viendront se compenser avec le capital du prêt dû, et les intérêts qui pourraient être dus. L'exception de litispendance aurait pour conséquence de différer dommageablement leur demande de dommages-intérêts. Cette demande n'a d'efficacité, en ce qu'elle leur éviterait d'avoir à verser le montant du capital du prêt, que si elle peut être opposée simultanément à la demande en paiement du CIFD. La concomitance de l'examen des demandes respectives des parties assure l'égalité des parties. La Convention européenne des droits de l'homme est d'application directe en France, et dans le cadre de son contrôle de conventionnalité, le juge doit écarter l'application de la loi interne incompatible avec elle, en se fondant sur le principe de primauté du droit international. En l'occurrence, les règles relatives à la litispendance doivent être écartées, en ce qu'elles portent une atteinte disproportionnée au droit de MMme [F] à l'égalité des armes. Enfin, les règles relatives à la litispendance ont pour finalité d'éviter une contrariété de jugements. Or un tel risque ne se réalisera pas en l'espèce, parce que celle des parties qui y aura intérêt, si ce n'est les deux, ne manquera pas de verser aux débats devant le tribunal judiciaire de Marseille la décision à intervenir, et d'opposer l'autorité de la chose jugée. Une bonne justice commande que MMme [F] puissent bénéficier concrètement du double degré de juridiction, il convient de renvoyer les parties devant le tribunal judiciaire d'Evry.

Le Crédit Immobilier de France Développement (CIFD) fait valoir que la litispendance prévue par les articles 100 et 101 du code de procédure civile repose notamment sur l'identité de litige. Selon la jurisprudence, elle s'apprécie au regard des parties, de l'objet et du fondement du litige. Or MMme [F] ont présenté ces demandes dans le cadre de leur action en responsabilité devant le tribunal de grande instance de Marseille le 24 février 2010. Les parties à ce litige sont les mêmes, le fait qu'il y est ait d'autres parties est indifférent dans la mesure où les parties en cause sont opposées l'une à l'autre dans les deux litiges ; l'objet de la demande reconventionnelle devant le tribunal d'Evry est identique à celui de la demande principale formée devant le tribunal de grance instance de Marseille car MMme [F] demandent l'indemnisation d'un même prétendu préjudice résultant de la conclusion des mêmes contrats de prêt par l'octroi de dommages et intérêts. Enfin le fondement juridique est identique, à savoir la responsabilité civile de la banque pour une faute qu'elle aurait commise dans le cadre de la conclusion du contrat de prêt. Les conditions de la litispendance sont donc réunies. Pour se prévaloir de ses demandes, MMme [F] peuvent se désister de ces demandes formées dans le cadre de l'action en responsabilité qu'ils ont introduite devant le tribunal judiciaire de Marseille. A défaut, la litispendance sur ces demandes est parfaitement fondée, comme l'a retenu le tribunal judiciaire d'Evry.

SUR CE

Le jugement est confirmé en ce qu'il a considéré que les conditions de la litispendance telles que définies par les articles précités, sont réunies, peu important que d'autres parties soient présentes dans la procédure introduite devant le tribunal judiciaire de Marseille, par MMme [F], l'identité exigée et suffisante pour caractériser la situation de litispendance, étant établie en ce qui concerne les rapports entre MMme [F] d'une part, et la banque d'autre part.

Sur la demande en paiementde la banque

1- Sur la modération de la clause pénale

MMme [F] font valoir que la clause prévoyant l'indemnité de résiliation est une clause pénale pouvant être modérée par le juge si manifestement excessive, conformément à l'article 1152 ancien du code civil. Or tel est le cas en l'espèce : les prêts contractés sont des prêts coûteux, en ce que le capital comprenait, outre le prix des biens immobiliers, celui de la TVA à acquitter, de 24 782 euros pour le premier prêt, et de 25 527 euros pour le second, et ce, alors que la TVA était immédiatement récupérable et n'avait donc pas à être empruntée, et s'y ajoutent les intérêts conventionnels, respectivement de 2,20 % pour le premier prêt et 2,30 % pour le second, en sorte qu'en définitive l'indemnité de 7 % est, manifestement, excessive.

Le Crédit Immobilier de France Développement pour en solliciter l'entière application répond que l'indemnité de résiliation de 7 %, prévue aux contrats de prêt, a été mentionnée dans les lettres de déchéance du terme. Une telle indemnité vise à prémunir la banque contre un risque de non-remboursement des prêts, conformément aux stipulations de l'article 4 du cahier des charges annexé aux conditions particulière des contrats de prêts. Elle n'est pas excessive.

SUR CE

Le tribunal a statué ainsi :

'À l'examen des actes de prêt et des décomptes de créance produits par la demanderesse, il est établi que lui sont dues les sommes de :

au titre du prêt de 150 000 euros (déchéance du terme le 17 novembre 2010) :

* 133 714,23 euros au titre du capital restant dû,

* 8 706,14 euros au titre des échéances échues impayées à la date de déchéance du terme (février à novembre 2010),

* indemnité de 7 % : 9 987,66 euros ;

au titre du prêt de 155 767 euros (déchéance du terme le 17 novembre 2010) :

* 155 767 euros au titre du capital restant dû,

* 3 337,79 euros au titre des échéances impayées à la date de déchéance du terme (février à novembre 2010),

* indemnité de 7 % : 10 056,45 euros.

L'ancien article 1152 du code civil, applicable au présent litige, permet au juge, même d'office, d'augmenter ou de modérer la peine prévue par la convention à titre de dommages et intérêts alloués par celui qui a manqué à son exécution si elle est manifestement excessive ou dérisoire.

La clause pénale se caractérise par deux éléments : une indemnisation forfaitaire prenant la forme d'une peine privée, à laquelle le créancier pourra prétendre en cas d'inexécution, et par la même, une contrainte, exercée sur le débiteur pour l'amener à s'exécuter.

Elle présente donc à la fois un intérêt indemnitaire et un intérêt comminatoire.

En l'espèce, la clause prévoyant l'indemnité de 7 % constitue une clause pénale, puisqu'elle a un caractère indemnitaire de par son appellation même d'indemnité et un caractère comminatoire par son effet d'augmentation de la dette sanctionnant le débiteur et l'incitant à respecter ses engagements.

La pénalité stipulée par l'acte de prêt ne se justifie que par son caractère comminatoire, le dommage lié au défaut de remboursement du prêt, qui ne consiste qu'en des frais exposés pour le recouvrement des sommes dues, étant couvert par les intérêts de retard produits et capitalisés ainsi que par la mise à la charge des débiteurs desdits frais.

Il convient par conséquent de réduire la somme due au titre de l'indemnité conventionnelle à 3.000 € pour chacun des deux prêts.

Il est relevé enfin que la demande au titre de la majoration de 3 % des intérêts légaux est sans objet dès lors que la dette produit des intérêts conventionnels fixes.

En conséquence, les débiteurs, engagés solidairement, seront condamnés à payer une somme de :

au titre du prêt de 150.000 euros : 133.714,23 euros + 8.706,14 euros + 3.000 euros = 145.420,37. euros, outre les intérets au taux contractuel de 2,20 % l'an à compter du 17 novembre 2010,

au titre du prêt de 155.767 euros : 155.767 euros - 15.576,70 euros (somme restant à débloquer) + 3.337,79 euros + 3.000 euros = 146.528,09 euros, outre les intérêts au taux contractuel de 2,30 % l'an à compter du 17 novembre 2010.'

Il y a lieu à confirmation du jugement de ce chef, les motifs retenus par le premier juge, exacts en droit et appropriés en fait, méritant entière approbation.

2- Sur la capitalisation des intérêts

Le tribunal a jugé que la capitalisation des intérêts, qui est de droit, sera ordonnée dès lors qu'ils seront dus depuis plus d'un an, à compter de la demande en ce sens par assignation du 12 avril 2013.

MMme [F] opposent que compte tenu des fautes du CIFD, il ne saurait y avoir capitalisation des intérêts.

La société Crédit Immobilier de France Développement soutient que l'article 1154 du code civil prévoit la capitalisation des intérêts et selon la jurisprudence, le juge ne dispose d'aucun pouvoir d'appréciation en la matière dès lors qu'elle est demandée.

Cependant la société Crédit Immobilier de France Développement ne peut qu'être déboutée de sa demande de confirmation du jugement déféré s'agissant de la capitalisation des intérêts puisque en droit la règle, d'ordre public, selon laquelle aucune indemnité ni aucun coût autres que ceux qui sont mentionnés aux articles L. 312-21 et L. 312-22 du code de la consommation ne peuvent être mis à la charge de l'emprunteur dans les cas de remboursement par anticipation d'un prêt immobilier ou de défaillance prévus par ces articles, fait obstacle à l'application de l'article 1343-2 du code civil.

Il y a donc lieu d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il a ordonné la capitalisation des intérêts conformément à cet article.

Sur la demande de dommages et intérêts de la banque

Le Crédit Immobilier de France Développement (CIFD) à l'appui de sa demande indemnitaire fait valoir que MMme [F] n'ont jamais informé la banque de ce qu'ils souscrivaient à d'autres prêts auprès d'autres établissements bancaires, augmentant par là même leur état d'endettement. En dissimulant à la banque leur état d'endettement réel au moment de la souscription des deux prêts, les emprunteurs ont privé cette dernière d'une chance de ne pas contracter. De plus les emprunteurs n'ont pas exécuté de bonne foi le contrat de prêt conclu avec la banque en obtenant un financement à 100 % de leur acquisition immobilière (tout en conservant le montant de la TVA récupérée au titre de ladite acquisition effectuée en régime LMP, et les loyers qu'elle lui procure) et en ne remboursant qu'une infime partie des mensualités du prêt conclu. Par ailleurs, le modèle économique du CIFD est spécifique car son champ d'activité est restreint, elle n'ouvre pas de compte courant et n'a donc pas de dépôt pour se financer. Son chiffre d'affaires résulte des intérêts tirés des prêts accordés. En décidant de cesser le paiement des mensualités du prêt, après n'en avoir payé qu'une partie dérisoire, les emprunteurs ont causé à la banque un préjudice financier certain et important. La banque n'a pas à supporter les conséquences pécuniaires des investissements immobiliers réalisés. En pleine possession des informations bancaires réelles la banque n'aurait jamais accordé les prêts, de sorte que MMme [F] l'ont privée d'une chance de ne pas contracter, en dissimulant un certain nombre d'informations relatives à leur état d'endettement réel. Cette perte de chance s'indexe directement sur les frais importants qu'a dû engager la banque pour faire valoir ses droits de sorte que le CIFD est fondé à solliciter une réparation en dommage et intérêts et à demander la condamnation des emprunteurs en réparation du préjudice subi et qu'elle continue de subir.

MMme [F] répondent qu'il n'y a eu aucune dissimulation de leur état d'endettement pour le premier prêt, s'agissant de leur premier prêt souscrit à l'instigation de la société Apollonia, et les prêts précédemment contractés pour l'acquisition de leur résidence principale étaient mentionnés. Le second dossier de prêt n'a pas été monté par MMme [F] mais par la société Apollonia, et quoi qu'il en soit, l'état d'endettement excessif des emprunteurs résultait déjà de l'octroi du premier prêt contracté avec le CIFD, ce qu'il ne pouvait ignorer. Les autres prêts n'ont fait qu'augmenter un état d'endettement que les prêts du CIFD avaient, préalablement et à eux seuls, rendu excessif. Enfin, comme l'a retenu le jugement, le CIFD 'ne démontre (') pas un préjudice distinct qui ne soit déjà réparé par le sens de la présente décision'.

SUR CE

Il convient de confirmer le jugement déféré en ce que le tribunal a exactement jugé que la banque ne démontre pas de préjudice distinct indépendant du retard des emprunteurs dans le remboursement de leurs prêts, et qui ne soit déjà réparé par les condamnations prononcées à son profit.

Sur la demande de délais de grâce

En vertu de l'article 1343-5 du code civil, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, le juge peut, dans la limite de deux années, reporter ou échelonner le paiement des sommes dues. Tel aménagement de la dette n'est envisageable que si son montant le permet eu égard aux facultés contributives du débiteur et si les propositions faites pour son apurement permettent à celui-ci de s'en acquitter dans le respect des droits du créancier. En outre, l'octroi d'un délai de paiement, qui n'est pas de plein droit ne peut bénéficier qu'au débiteur de bonne foi.

MMme [F] font valoir qu'ils ont souscrit dix prêts dans le cadre de cette escroquerie dont ils sont les victimes, pour un montant de 3 229 644 euros et qu'ils sont à présent poursuivis par les différents établissements prêteurs. Tous leurs revenus et biens font l'objet de voies d'exécution ou d'hypothèques, y compris le salaire de M. [F], seul revenu de la famille. Les biens financés par les prêts du CIFRAA ont été vendus aux enchères, ils ne peuvent plus rien vendre pour désintéresser le CIFD et se trouvent dans l'impossibilité d'exécuter toute condamnation qui ne serait pas compensée par des dommages et intérêts. Par ailleurs, l'information judiciaire touche à sa fin et les auteurs et complices de cette escroquerie seront jugés en 2025, de sorte qu'une décision définitive sur le volet pénal interviendra raisonnablement dans un délai de deux ans. Le CIFD qui a été mis définitivement hors de cause d'une complicité pénale et s'érige désormais en victime de l'escroquerie commise, va réclamer réparation de son préjudice qu'il définit comme étant le montant de prêts non-remboursés. Parmi les complices renvoyés devant le tribunal correctionnel se trouvent trois notaires, dont l'assurance est illimitée et qui a déjà provisionné le montant de l'enjeu du procès qui avoisine le milliard d'euros. Un report du paiement de la dette ne préjudicierait pas outre mesure au CIFD qui a pris les garanties nécessaires à la préservation de ses intérêts, et qui actuellement perçoit tous les loyers de tous les lots 'Apollonia' y compris ceux des lots financés par les autres banques.

La société Crédit Immobilier de France Développement fait valoir que MMme [F] se sont discrétionnairement accordé un délai de grâce de neuf ans en ne remboursant pas les deux prêts octroyés par CIFD et dont la déchéance du terme a été prononcée il y a plus de 13 ans. Aucune pièce n'est produite à l'appui de cette demande et la banque n'a pas à accepter un délai de deux ans dans l'attente que les notaires fassent, ou non, jouer leurs assurances.

SUR CE

Le tribunal a pertinemment retenu qu'outre le fait qu'ils ne produisent aucune pièce à l'appui de leur demande, il y a lieu de rappeler que MMme [F], qui se sont eux-mêmes accordés les plus larges délais de paiement, ont cessé tout remboursement en 2010 alors que les biens acquis sont en location, et n'ont effectué aucun réglement depuis lors.

En outre, une demande de report de paiement de la dette pour être reçue doit être appuyée par des éléments suffisamment précis, tangibles, et certains, permettant de croire à un désintéressement du créancier à l'expiration du délai de grâce.

En l'état, MMme [F], qui en définitive ne proposent rien pour désintéresser proprio motu leur créancier, ne peuvent qu'être déboutés de leur demande.

Le jugement déféré est donc confirmé de ce chef.

*******

Sur les dépens et les frais irrépétibles

MMme [F] qui échouent en leurs demandes, supporteront la charge des dépens et ne peuvent prétendre à aucune somme sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. En revanche pour des raisons tenant à l'équité il y a lieu de faire droit à la demande de l'intimé formulée sur ce même fondement, mais uniquement dans la limite de la somme de 3 000 euros.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant dans les limites de l'appel,

DÉCLARE irrecevables les conclusions de la société Crédit Immobilier de France Développement du 19 mars 2024 et du 19 avril 2024 en ce qu'il y est demandé la condamnation de M. [V] [F] et Mme [X] [W] péouse [F] à supporter des taux d'intérêt tenant compte de l'application de l'indice Euribor ;

CONFIRME le jugement déféré, sauf en ce que la capitalisation des intérêts a été prononcée,

Et statuant à nouveau du chef infirmé,

DÉBOUTE la société Crédit Immobilier de France Développement de sa demande de confirmation du jugement de ce chef de condamnation ;

Et y ajoutant

CONDAMNE in solidum M. [V] [F] et Mme [X] [W] épouse [F] à payer à la société Crédit Immobilier de France Développement la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile à raison des frais irrépétibles exposés en cause d'appel ;

DÉBOUTE M. [V] [F] et Mme [X] [W] épouse [F] de leur propre demande formulée sur ce même fondement ;

CONDAMNE M. [V] [F] et Mme [X] [W] épouse [F] aux entiers dépens d'appel et dit qu'il sera fait application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

* * * * *

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 6
Numéro d'arrêt : 22/10369
Date de la décision : 03/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 15/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-03;22.10369 ?
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