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03/07/2024 | FRANCE | N°22/07795

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 6, 03 juillet 2024, 22/07795


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 6



ARRET DU 03 JUILLET 2024



(n°2024/ 269 , 8 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/07795 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGKMV



Décision déférée à la Cour : Jugement du 12 Août 2022 -Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de FONTAINEBLEAU - RG n° F 20/00134





APPELANT



Monsieur [E] [DA]

[A

dresse 1]

[Adresse 1]

Représenté par Me Elisabeth LEROUX, avocat au barreau de PARIS, toque : P 0268





INTIMEE



S.A.S. CORNING agissant poursuites et diligences en la personne de...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 6

ARRET DU 03 JUILLET 2024

(n°2024/ 269 , 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/07795 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGKMV

Décision déférée à la Cour : Jugement du 12 Août 2022 -Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de FONTAINEBLEAU - RG n° F 20/00134

APPELANT

Monsieur [E] [DA]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représenté par Me Elisabeth LEROUX, avocat au barreau de PARIS, toque : P 0268

INTIMEE

S.A.S. CORNING agissant poursuites et diligences en la personne de son président domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Luca DE MARIA, avocat au barreau de PARIS, toque : L0018

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 03 Juin 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Christophe BACONNIER, Président de chambre, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Monsieur Christophe BACONNIER, Président de chambre, Président de formation

Monsieur Didier LE CORRE, Président de chambre

Monsieur Stéphane THERME, Conseiller

Greffier, lors des débats : Madame Philippine QUIL

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Christophe BACONNIER, Président de chambre et par Madame Philippine QUIL, greffière présente lors de la mise à disposition.

RAPPEL DES FAITS, PROCEDURE ET MOYENS DES PARTIES

La société Corning (SAS) a employé M. [DA] [E], par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 24 février 1969 et jusqu'au 31 décembre 2002 en qualité de fondeur au sein de son établissement de [Localité 3].

La société Corning met au point et fabrique différentes spécialités en verre, ses produits étant destinés à d'autres industries. Les produits fabriqués passent dans des fours qui fonctionnent à des températures allant de 1 000 à 1 600 degrés et nécessitent des dispositifs de calorifugeage et les salariés portent des équipements pour se protéger des hautes températures. Jusqu'à ce qu'elle soit remplacée en 1996, l'amiante était le matériau utilisé dans les dispositifs de calorifugeage et les équipements de protection.

M. [DA], qui ne fait plus partie des effectifs de la société Corning, a saisi le 4 novembre 2020 le conseil de prud'hommes de Fontainebleau aux fins d'obtenir l'indemnisation d'un préjudice d'anxiété en raison d'une exposition au risque d'inhalation de poussières d'amiante. M. [DA] a formé les demandes suivantes :

« Dire et juger recevable et non prescrite sa demande,

Ordonner à la société Corning de lui remettre une attestation d'exposition aux CMR telle que définie par l'article R. 231-56-11 du code du travail sous astreinte de 20 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt et jusqu'à remise de l'attestation,

Dire et juger qu'il a été exposé à l'inhalation de fibres d'amiante au sein de la société Corning dans des conditions constitutives d'un manquement à l'obligation contractuelle de sécurité de son employeur et qu'il subit un préjudice qu'il convient de réparer sous forme de dommages et intérêts,

Condamner la société Corning à l'indemniser à hauteur de 20 000 € en réparation de son préjudice d'anxiété,

Condamner en outre la société Corning à lui payer la somme de 1 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et de la condamner aux dépens. »

Par jugement rendu en formation de départage du 20 juin 2022, le conseil de prud'hommes a rendu la décision suivante :

« Dire recevable la demande de M. [DA] ;

Déboute M. [DA] de ses demandes ;

Laisse les dépens à la charge de M. [DA] ;

Dit n'y avoir lieu à faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Dit n'y avoir lieu à l'exécution provisoire de la présente décision. »

M. [DA] a relevé appel de ce jugement par déclaration transmise par voie électronique le 23 août 2022.

La constitution d'intimée de la société Corning a été transmise par voie électronique le 6 octobre 2022.

L'ordonnance de clôture a été rendue à la date du 30 avril 2024.

L'affaire a été appelée à l'audience du 3 juin 2024.

Par conclusions n° 5 communiquées par voie électronique en date du 9 février 2024 auxquelles la cour se réfère expressément pour l'exposé des moyens, M. [DA] demande à la cour de :

« LE CONFIRMER en ce qu'il a déclaré recevable le recours de Messieurs [S] [T], [BS] [G], [FA] [Y], [N] [M], [CI] [C], [X] [O], [CI] [A], [P] [K], [GI] [U], [D] [I], [R] [V], [B] [L], [KI] [Z], [E] [DA], [J] [LR], [D] [ZZ], [D] [YP], [B] [IZ],

LE REFORMER pour le surplus,

STATUANT DE NOUVEAU,

DIRE ET JUGER que Messieurs [S] [T], [BS] [G], [FA] [Y], [N] [M], [CI] [C], [X] [O], [CI] [A], [P] [K], [GI] [U], [D] [I], [R] [V], [B] [L], [KI] [Z], [E] [DA], [J] [LR], [D] [ZZ], [D] [YP], [B] [IZ] ont été exposés à l'inhalation de fibres d'amiante au sein de la société CORNING dans des conditions constitutives d'un manquement à l'obligation contractuelle de sécurité de leur employeur,

DIRE ET JUGER que Messieurs [S] [T], [BS] [G], [FA] [Y], [N] [M], [CI] [C], [X] [O], [CI] [A], [P] [K], [GI] [U], [D] [I], [R] [V], [B] [L], [KI] [Z], [E] [DA], [J] [LR], [D] [ZZ], [D] [YP], [B] [IZ] présentent un risque élevé de développer une pathologie grave,

DIRE ET JUGER que les requérants rapportent la preuve d'un préjudice d'anxiété personnellement subi,

CONDAMNER la société CORNING à indemniser les demandeurs de la manière suivante :

1°) Monsieur [S] [T], RG 22/07781

10.000 € en réparation de son préjudice d'anxiété

2°) Monsieur [BS] [G], RG 22/07782

10.000 € en réparation de son préjudice d'anxiété

3°) Monsieur [FA] [Y], RG 22/07783 et RG 22/07784

10.000 € en réparation de son préjudice d'anxiété

4°) Monsieur [N] [M], RG 22/07785

10.000 € en réparation de son préjudice d'anxiété

5°) Monsieur [CI] [C], RG 22/07786

10.000 € en réparation de son préjudice d'anxiété

6°) Monsieur [X] [O], RG 22/07787

10.000 € en réparation de son préjudice d'anxiété.

7°) Monsieur [CI] [A], RG 22/077828

10.000 € en réparation de son préjudice d'anxiété

8°) Monsieur [P] [K], RG 22/07789

10.000 € en réparation de son préjudice d'anxiété

9°) Monsieur [GI] [U], RG 22/07790

10.000 € en réparation de son préjudice d'anxiété

10°) Monsieur [D] [I], RG 22/07791

10.000 € en réparation de son préjudice d'anxiété

11°) Monsieur [R] [V], RG 22/07792

10.000 € en réparation de son préjudice d'anxiété

12°) Monsieur [B] [L], RG 22/07793

10.000 € en réparation de son préjudice d'anxiété

13°) Monsieur [KI] [Z], RG 22/07794

10.000 € en réparation de son préjudice d'anxiété

14°) Monsieur [E] [DA], RG 22/07795

10.000 € en réparation de son préjudice d'anxiété

15° Monsieur [J] [LR], RG 22/07796

10.000 € en réparation de son préjudice d'anxiété

16°) Monsieur [D] [ZZ], RG 22/07797

10.000 € en réparation de son préjudice d'anxiété

17°) Monsieur [D] [YP], RG 22/07798

10.000 € en réparation de son préjudice d'anxiété

18°) Monsieur [B] [IZ], RG 22/07799

10.000 € en réparation de son préjudice d'anxiété

CONDAMNER en outre la société CORNING à payer à chacun des appelants la somme de 2.000 Euros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile, ainsi qu'aux dépens. »

Par conclusions communiquées par voie électronique en date du 8 mars 2024 auxquelles la cour se réfère expressément pour l'exposé des moyens, la société Corning demande à la cour de :

« A TITRE PRINCIPAL,

Infirmer le jugement du Conseil de prud'hommes de Fontainebleau en ce qu'il a jugé recevable les demandes de M. [DA],

Et

Juger irrecevables car prescrites l'ensemble des actions de M. [DA], celui-ci ayant saisi le conseil des prud'hommes plus de 2 ans après qu'il ait eu ou aurait dû avoir connaissance des faits qu'il allègue.

En conséquence :

Le débouter de toutes ses demandes, fins et conclusions.

A TITRE SUBSIDIAIRE,

Confirmer le jugement du Conseil de prud'hommes de Fontainebleau en ce qu'il a débouté M. [DA] de ses demandes,

Et

Juger non fondées les demandes de M. [DA], l'en débouter ou à tout le moins, ramener à de plus justes proportions le montant de l'indemnisation qui pourrait lui être alloué. »

Lors de l'audience, le président rapporteur a fait un rapport et les conseils des parties ont ensuite plaidé par observations et s'en sont rapportés pour le surplus à leurs écritures ; l'affaire a alors été mise en délibéré à la date du 3 juillet 2024 par mise à disposition de la décision au greffe (Art. 450 CPC).

MOTIFS,

Sur la prescription

L'article L. 1471-1 du code du travail dispose « Toute action portant sur l'exécution du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit ».

Par ailleurs, en application des règles de droit commun régissant l'obligation de sécurité de l'employeur, le salarié qui justifie d'une exposition à l'amiante, générant un risque élevé de développer une pathologie grave, et d'un préjudice d'anxiété personnellement subi résultant d'une telle exposition, peut agir contre son employeur pour manquement de ce dernier à son obligation de sécurité.

Le point de départ du délai de prescription de l'action par laquelle un salarié d'une entreprise non inscrite sur la liste des établissements ouvrant droit à l'ACAATA demande à son employeur, auquel il reproche un manquement à son obligation de sécurité, réparation de son préjudice d'anxiété, est la date à laquelle le salarié a eu connaissance du risque élevé de développer une pathologie grave résultant de son exposition à l'amiante. Ce point de départ ne peut être antérieur à la date à laquelle cette exposition a pris fin.

A l'examen des pièces produites et des moyens débattus, la cour retient que M. [DA] démontre avoir eu une exacte connaissance du risque auquel il était exposé à l'occasion de l'action de sensibilisation des anciens salariés de la société Corning menée par l'ARDEVA 77 en décembre 2019 comme cela ressort des attestations de Mme [HR] et de M. [H], membres de l'ARDEVA 77 (pièces salarié n° 37 et 38).

Il appartient donc à la société Corning qui soulève la fin de non-recevoir tirée de l'article L.1471-1 du code du travail d'établir que M. [DA] a eu ou aurait dû avoir personnellement connaissance du risque élevé de développer une pathologie grave résultant d'une exposition à ce risque plus de deux ans avant la saisine de la juridiction prud'homale.

Cependant c'est en vain que la société Corning soutient que les appelants ont été informés le 19 juillet 1978 par un document élaboré par le syndicat CFDT (pièce Appelants PSE 17), et aussi, en 1977 par la demande de l'entreprise d'établissement de la liste des personnels exposés au risque d'inhalation de poussières d'amiante (pièce employeur n° 1), en 1982 par la création au sein du CHSCT d'une « commission amiante » (pièce employeur n° 2), en 1997 par les opérations de désamiantage des carcaises, des fours de recuisson, etc., travaux auxquels était associé le CHSCT comme cela ressort des comptes rendus de réunion du 24 avril 1997 ou du 23 octobre 1997 (pièces employeur n° 8 à 9), en novembre 2004 puis en octobre 2006 par la lettre « Usine Infos » qui informait tous les salariés sur les travaux de désamiantage en cours (pièces employeur n° 12 à 14) ; en effet, la cour retient que ce moyen est mal fondé au motif qu'aucun de ces éléments produits par la société Corning ne permet de retenir que M. [DA] avait, à une de ces dates, une connaissance personnelle et complète du risque élevé de développer une pathologie grave résultant de son exposition à l'amiante.

C'est aussi en vain que la société Corning soutient que les appelants ont été informés par l'attestation d'exposition à l'amiante délivrée à M. [DA] le 20 décembre 2002 (pièce employeur n° 17) ; en effet, la cour retient que ce moyen est mal fondé au motif que la société Corning ne démontre pas avoir remis à M. [DA] l'attestation d'exposition à l'amiante après son établissement le 20 décembre 2002 où à la date de son départ de l'entreprise.

C'est encore en vain que la société Corning soutient que les salariés n'ont pas attendu l'année 2019 pour être informés des risques liés à l'amiante du fait que leur collègue, M. [H] a déclaré une asbestose, maladie professionnelle liée à l'amiante, le 23 octobre 2017 ; en effet, la cour retient que ce moyen est mal fondé au motif que l'attestation de M. [H] (pièce salarié n° 38) contredit le moyen dès lors que le témoin atteste avoir été informé par l'ARDEVA 77, comme d'autres anciens salariés de la société Corning, des risques encourus du fait de l'exposition à l'amiante, peu important que la société Corning justifie qu'il a déclaré une asbestose le 23 octobre 2017 (pièce employeur n° 21) dès lors qu'aucun des éléments produits par la société Corning ne permet de retenir que M. [H] a communiqué sur sa maladie des informations telles que M. [DA] a alors eu une connaissance personnelle et complète du risque élevé de développer une pathologie grave résultant de son exposition à l'amiante.

C'est enfin en vain que la société Corning soutient que la pratique de l'entreprise était de remettre aux salariés exposés au risque d'inhalation de poussières d'amiante l'attestation d'exposition à l'amiante comme cela ressort de l'attestation de l'infirmière de l'établissement (pièces employeur n° 23 et 25) étant ajouté qu'à l'époque, aucune obligation n'existait relativement à la preuve de cette remise : la seule obligation était de remettre l'attestation d'exposition à l'amiante au salarié à son départ de l'entreprise ; en effet, la cour retient que ce moyen est mal fondé au motif que l'attestation de Mme [F] (pièce employeur n° 23) est un élément de preuve dépourvu de valeur probante au motif qu'il s'agit d'un témoignage imprécis et général. Au surplus, cette attestation est contredite par le fait que la société Corning a établi pour M. [G] l'attestation d'exposition à l'amiante le 27 juin 2019 alors qu'il a quitté l'entreprise le 25 mai 1994 et celle de M. [V] le 13 septembre 2019 alors qu'il a quitté l'entreprise le 13 septembre 2014.

Compte tenu de ce qui précède, la cour déclare que M. [DA] est recevable en son action en indemnisation.

Le jugement déféré est donc confirmé en ce qu'il a déclaré que M. [DA] est recevable.

Sur le préjudice d'anxiété

En application des règles de droit commun régissant l'obligation de sécurité de l'employeur, le salarié qui justifie d'une exposition à l'amiante, générant un risque élevé de développer une pathologie grave, peut agir contre son employeur pour manquement de ce dernier à son obligation de sécurité.

Le salarié doit justifier d'un préjudice d'anxiété personnellement subi résultant d'un tel risque.

Le préjudice d'anxiété, qui ne résulte pas de la seule exposition au risque créé par une substance nocive ou toxique, est constitué par les troubles psychologiques qu'engendre la connaissance du risque élevé de développer une pathologie grave par les salariés.

En ce qui concerne l'exposition à l'amiante générant un risque élevé de développer une pathologie grave et le manquement à l'obligation de sécurité, la cour constate qu'il est produit de nombreuses pièces sur les dangers de l'amiante pour la santé des personnes exposées à l'inhalation des poussières d'amiante (pièces salarié n° 1 à 34) et, s'agissant de l'usine de [Localité 3], les pièces intitulées « Réunion du 21/04/82 » (PSE 2), « Réunion du 14/06/85 » (PSE 3), « Tableau récapitulatif du suivi de I 'amiante » (PSE 4), « Inventaire du magasin général » (PSE 5), « Rapport annuel d'activité du service médical de l'année 2000 » (PSE 15) dont il ressort qu'en 1982, 11 salariés affectés à la fabrication des tubes et au finissage finition travaillaient directement l'amiante (PSE 2), que l'amiante était utilisée dans des quantités de plusieurs tonnes dans l'usine pour la fabrication des plaques en amiante (protection isolante pour la réparation des fours), des bandes de toiles sur les convoyeurs, des cordonnets, des gaines et des tresses (près de 9 tonnes en 1976, plus de 3,5 tonnes en 1979, et prés de 7 tonnes en 1981) sans compter les 10 000 paires de moufles (PSE 2) qui correspondent à plus de 6 tonnes (PSE 3), et qu'en 2000, sur 655 salariés pris en charge par le service médical, 447 faisaient l'objet d'une surveillance médicale particulière dont 203 du fait des risques de maladie professionnelle indemnisable liée à l'amiante (PSE 15).

La cour retient que ces éléments de preuve établissent que l'exposition aux risques d'inhalation des poussières d'amiante concernait 203 salariés sur 655 en 2000, cette exposition résultant d'une part du travail de découpe des plaques d'amiante par les mécaniciens fumistes chargés de l'entretien des fours, et d'autre part de l'utilisation de l'amiante pour fabriquer les bandes de toiles utilisées sur les convoyeurs, des cordonnets, des gaines et des tresses en amiante et dans les moufles, tous ces éléments étant destinés à protéger les salariés des hautes températures des produits qui sortent des fours de l'usine.

En ce qui concerne M. [DA], il ressort des attestations de MM. [W] et [V] (pièces salariés n° 5 et 3), que M. [DA] a été exposé à l'amiante, et que cette exposition a généré pour lui un risque élevé de développer une pathologie grave dans les postes qu'il a occupés dans l'usine, notamment de fondeur du fait de l'utilisation de l'amiante pour fabriquer les bandes de toiles utilisées sur les convoyeurs, des cordonnets, des gaines et des tresses en amiante et dans les moufles étant ajouté que l'attestation d'exposition à l'amiante établie le 20 décembre 2002 remise à M. [DA] établit aussi son exposition à l'amiante générant un risque élevé de développer une pathologie grave.

La cour retient que cette exposition à l'amiante, générant un risque élevé de développer une pathologie grave, constitue un manquement de la société Corning à son obligation de sécurité.

En ce qui concerne le préjudice d'anxiété, il ressort des attestations de Mmes [DA] et [HS] (pièces salarié n° 6 et 7) et du certificat médical du Dr [JA] (pièce salarié n°9) que M. [DA] justifie des troubles psychologiques qu'a engendré pour lui la connaissance du risque élevé de développer une pathologie grave liée à son exposition à l'amiante, du fait de l'anxiété et du stress qu'il éprouve notamment à l'approche des examens médicaux.

La cour retient que l'indemnité à même de réparer intégralement le préjudice d'anxiété subi par M. [DA] doit être évaluée à la somme de 8 000 €.

Le jugement déféré est donc infirmé en ce qu'il a débouté M. [DA] de sa demande de dommages et intérêts en réparation de son préjudice d'anxiété, et statuant à nouveau de ce chef, la cour condamne la société Corning à payer à M. [DA] la somme de 8 000 € à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice d'anxiété.

Sur les autres demandes

La cour condamne la société Corning aux dépens de la procédure de première instance et de la procédure d'appel en application de l'article 696 du code de procédure civile.

Le jugement déféré est confirmé en ce qui concerne l'application de l'article 700 du code de procédure civile.

Il n'apparaît pas inéquitable, compte tenu des éléments soumis aux débats, de laisser à la M. [DA] les frais irrépétibles de la procédure d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Infirme le jugement mais seulement en ce qu'il a débouté M. [DA] de sa demande de dommages et intérêts en réparation de son préjudice d'anxiété.

Statuant à nouveau de ce chef,

Condamne la société Corning à payer à M. [DA] la somme de 8 000 € à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice d'anxiété.

Déboute M. [DA] de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamne la société Corning aux dépens de première instance et d'appel.

LA GREFFIÈRE, LE PRÉSIDENT.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 6
Numéro d'arrêt : 22/07795
Date de la décision : 03/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 15/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-03;22.07795 ?
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