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03/07/2024 | FRANCE | N°21/07662

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 6, 03 juillet 2024, 21/07662


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 6 - Chambre 6



ARRET DU 03 JUILLET 2024



(n° 2024/ 247 , 15 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/07662 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEI2G



Décision déférée à la Cour : Jugement du 30 Juillet 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de FONTAINEBLEAU - RG n° 19/00039





APPELANTE



S.E.L.A.R.L. ARCHIBALD Es qualité de « Mandataire liquidateur » de la

« EURL [T] »

[Adresse 2]

[Adresse 2]



Représentée par Me Angélique PESCAY, avocat au barreau de FONTAINEBLEAU





INTIMES



Monsieur [G] [R]

[Adresse 1]

[Adresse ...

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 6

ARRET DU 03 JUILLET 2024

(n° 2024/ 247 , 15 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/07662 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEI2G

Décision déférée à la Cour : Jugement du 30 Juillet 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de FONTAINEBLEAU - RG n° 19/00039

APPELANTE

S.E.L.A.R.L. ARCHIBALD Es qualité de « Mandataire liquidateur » de la « EURL [T] »

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Angélique PESCAY, avocat au barreau de FONTAINEBLEAU

INTIMES

Monsieur [G] [R]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représenté par Me Etienne BATAILLE, avocat au barreau de PARIS, toque : P0320

AGS CGEA DE [Localité 7]

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Représentée par Me Claude-marc BENOIT, avocat au barreau de PARIS, toque : C1953

Monsieur [J] [T]

[Adresse 6]

[Adresse 6]

Représenté par Me Fabienne FENART, avocat au barreau d'ESSONNE

S.E.L.A.R.L. SELARL MJC2A

[Adresse 5]

[Adresse 5]

Représentée par Me Fabienne FENART, avocat au barreau d'ESSONNE

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 26 Mars 2024, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Christophe BACONNIER, Président de la chambre

Monsieur Didier LE CORRE, Président de la chambre

Monsieur Stéphane THERME, Conseiller de la chambre

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Monsieur Didier LE CORRE dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Madame Camille BESSON

ARRET :

- Contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, initialement prévue le 05 juin 2024 et prorogée au 3 juillet 2024, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Didier LE CORRE, Président de la chambre et par Madame Philippine QUIL, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCEDURE ET MOYENS DES PARTIES :

Par contrat du 1er juillet 2008, M. [T] a donné en location-gérance à la société [T] le fonds artisanal d'entreprise générale du bâtiment qu'il exploitait.

Selon contrat de travail à durée indéterminée, M. [R] a été engagé en qualité de maçon le 16 mars 2015 par la société [T].

M. [T], en sa qualité d'associé unique et de gérant de la société [T], a saisi le tribunal de commerce de Melun d'une demande d'ouverture d'une procédure collective à l'égard de celle-ci.

Par jugement du 16 juillet 2018, le tribunal de commerce de Melun a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société [T]. Par jugement du 21 janvier 2019, elle a été convertie en liquidation judiciaire avec poursuite d'activité jusqu'au 31 janvier 2019, la société Archibald, prise en la personne de Mme [D], étant désignée en qualité de liquidateur.

Par lettre du 23 janvier 2019, le liquidateur a notifié à M. [T], propriétaire du fonds, la résiliation du contrat de location-gérance du fonds artisanal, avec effet au 31 janvier 2019, et le transfert des contrats de travail des salariés de la société [T] en application de l'article L.1224-1 du code du travail.

Par lettre du 30 janvier 2019, M. [T] a refusé que les contrats de travail lui soient transférés et a demandé au liquidateur de procéder au licenciement de l'ensemble des salariés dont M. [R].

Par lettre du 12 février 2019, le liquidateur a confirmé à M. [T] que le fonds artisanal lui était restitué et que les contrats de travail des salariés de la société [T] lui étaient dès lors transférés.

Après avoir adressé des lettres à M. [T] qui sont restées sans réponse, M. [R] a saisi le 1er avril 2019 le conseil de prud'hommes de Fontainebleau afin de voir prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail.

Par jugement du 4 janvier 2021, le tribunal de commerce de Melun a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de M. [T], la société MJC2A, prise en la personne de M. [U], étant désignée en qualité de mandataire judiciaire.

Par jugement du 30 juillet 2021, le conseil de prud'hommes de Fontainebleau a rendu la décision suivante:

« FIXE la créance de Monsieur [G] [R] au passif de la liquidation de l'EURL [T], opposable aux AGS CGEA.

FIXE l'ancienneté de Monsieur [G] [R] à six ans et quatre mois.

FIXE le salaire mensuel moyen de Monsieur [G] [R], à 1 521,25 €.

CONSTATE que la résiliation du contrat de location gérance, conclu entre l'EURL [T] et Monsieur [J] [T], prononcé par Maître [D], le 22 janvier 2019, à effet du 31 janvier 2019, n'a pu entraîner de retour du fonds de commerce dans le patrimoine du bailleur, Monsieur [J] [T] puisque ledit fonds n'était plus exploitable.

DIT qu'aucun contrat de travail n'a été transféré au profit de Monsieur [J] [T], en vertu de l'article L 1224-1 du code du travail.

DIT que les demandes de Monsieur [G] [R] sont dirigées contre Maître [D], ès qualités de liquidateur judiciaire de l'EURL [T].

DIT que la responsabilité de Maître [D], es qualité, est engagée de par son manquement délibéré de procéder aux licenciements économiques de l'ensemble des salariés de l'EURL [T],

PRONONCE la résiliation judiciaire du contrat de travail de Monsieur [G] [R] aux torts de l'EURL [T], représentée par la SELARL Archibald, es-qualité de liquidateur judiciaire, à la date du 30 juillet 2021.

FIXE la créance de Monsieur [G] [R] au passif de la liquidation de l'EURL [T], opposable aux AGS CGEA, aux sommes suivantes :

9 127,50 € Au titre des de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

3 042,50 € Au titre des d'indemnité compensatrice de préavis.

2 281,87 € Indemnité légale de licenciement.

45 637,50 € Au titre des salaires (brut).

4 563,75 € Au titre d'indemnité de congés payés sur rappel de salaires.

ORDONNE la remise des fiches de paie, du certificat de travail et de l'attestation Pôle Emploi, sous astreinte de 100 € par jour de retard, à compter de la décision.

ORDONNE la capitalisation de l'intérêt légal.

CONDAMNE Maître [D], es qualité, au paiement de la somme de 5 000 € au titre de dommages et intérêts lies au préjudice moral subi par Monsieur [G] [R]

CONDAMNE l'EURL [T], représentée par la SELARL ARCHIBALD, es qualité de liquidateur judiciaire, à payer à Monsieur [G] [R], la somme de 3 000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du CPC,

CONDAMNE Maître [D], es qualité, au paiement de la somme de 3 000 € au titre de dommages et intérêts lies au préjudice subi par Monsieur [J] [T],

CONDAMNE l'EURL [T], représentée par la SELARL ARCHIBALD, es qualité de liquidateur judiciaire, à payer à Monsieur [J] [T], la somme de 5 000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du CPC,

DEBOUTE l'EURL [T] représentée par la SELARL ARCHIBALD de toutes ses demandes reconventionnelles.

DEBOUTE Monsieur [G] [R] du surplus de ses demandes.

DEBOUTE Monsieur [J] [T] du surplus de ses demandes.

CONDAMNE l'EURL [T], représentée par la SELARL ARCHIBALD, es qualité de liquidateur judiciaire, aux entiers dépens.»

Le liquidateur de la société [T] a relevé appel de ce jugement par déclaration transmise par voie électronique le 30 août 2021.

Les constitutions d'intimée ont été transmises par voie électronique le 10 septembre 2021 pour l'AGS CGEA IDF Ouest, le 20 septembre 2021 pour M. [R], et le 29 septembre 2021 pour le mandataire judiciaire de M. [T].

Dans ses dernières conclusions communiquées par voie électronique le 20 février 2024, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé des moyens, le liquidateur de la société [T] demande à la cour de:

« INFIRMER le jugement rendu par le Conseil de Prud'hommes de Fontainebleau le 30/07/21 en toutes ses dispositions,

CONSTATER l'incompétence du conseil de prud'hommes pour connaître des demandes dirigées contre Me [D],

Statuant sur le fond concernant ces demandes,

DECLARER irrecevables les demandes dirigées contre Me [D] à titre personnel ou encore contre la SELARL ARCHIBALD, faute de mise en cause,

A défaut, DEBOUTER Monsieur [T] et Monsieur [R] de leur demande de dommages et intérêts à défaut de démonstration d'une faute commise par la SELARL ARCHIBALD ou Me [D],

A titre principal, en cas de transfert du contrat,

CONSTATER le transfert du contrat de travail de Monsieur [R] à Monsieur [T] à la date du 01/02/19,

En conséquence,

METTRE hors de cause l'EURL [T],

DEBOUTER Monsieur [T] représentée par la SELARL MJC2A es qualité de mandataire judiciaire de l'ensemble de ses demandes,

DEBOUTER Monsieur [R] de l'ensemble de ses demandes,

CONDAMNER Monsieur [R] à régler à l'EURL [T] la somme de 1.500,00 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,

FIXER au passif de Monsieur [T] représentée par la SELARL MJC2A la somme de 1.500,00 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNER Monsieur [R] et Monsieur [T] aux entiers dépens.

A titre subsidiaire, en cas d'absence de transfert du contrat

FIXER la date d'effet de la résiliation judiciaire au 31/01/19,

FIXER l'ancienneté de Monsieur [R] à 3 ans et 10 mois,

FIXER au passif de la liquidation les sommes suivantes :

- indemnité légale de licenciement : 1.456,60 €

- indemnité de préavis : 3.042,50 €

- dommages et intérêts pour licenciement abusif : 2.281,88 €

DEBOUTER Monsieur [R] de ses autres demandes,

DEBOUTER Monsieur [T] représenté par la SELARL MJC2A de l'ensemble de ses demandes,

STATUER ce que de droit quant aux dépens. »

Dans ses dernières conclusions communiquées par voie électronique le 9 janvier 2022, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé des moyens, l'AGS CGEA IDF Ouest demande à la cour de:

« En absence de retour des contrats au propriétaire du fond,

Confirmer les jugements en ce qu'ils ont fixé la date de résiliation judiciaire au 30 juillet 2021,

Réformer les jugements entrepris

Vu l'article L 3253-8, 2 c) du code du travail,

Exclure la garantie de l'AGS sur les indemnités de rupture,

Vu l'article L 3253-8 5 du code du travail,

Limiter l'intervention de l'AGS à 45 jours de salaire durant la période d'observation,

En présence d'un transfert des contrats de travail au propriétaire du fonds

Réformer les jugements entrepris,

Débouter les salariés de leurs demandes salariales

Dans tous les cas,

Rendre opposable à l'AGS dans les limites et plafonds de sa garantie, toutes créances brutes confondues, déduction faite des créances déjà versées,

Exclure de l'opposabilité à l'AGS la créance éventuellement fixée au titre de l'article 700 du CPC,

Vu l'article L 621-48 du code de commerce,

- Rejeter la demande d'intérêts légaux,

- Dire ce que de droit quant aux dépens sans qu'ils puissent être mis à la charge de l'AGS. »

Dans ses dernières conclusions communiquées par voie électronique le 7 février 2022, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé des moyens, M. [R] demande à la cour de:

« A titre principal,

CONFIRMER le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

En conséquence,

CONFIRMER la résiliation judiciaire du contrat de travail de Monsieur [R] aux torts de l'EURL [T], représentée par la SELARL ARCHIBALD ès qualité de liquidateur judiciaire, à la date du 30 juillet 2021,

FIXER la créance de Monsieur [R] au passif de la liquidation de l'EURL [T] opposable aux AGS CGEA aux sommes suivantes :

- 9.127,50 euros au titre des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 3.042,50 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 2.281,87 euros à titre d'indemnité légale de licenciement,

- 45.637,50 euros au titre des salaires

- 4.563,75 euros au titre des congés payés sur rappel de salaires.

CONDAMNER Me [D] ès qualité au paiement de la somme de 5.000 euros au titre des dommages-intérêts liés au préjudice moral subi par Monsieur [R]

CONDAMNER l'EURL [T], représentée par la SELARL ARCHIBALD, ès qualité de liquidateur judiciaire, à payer à Monsieur [R] la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile

A titre subsidiaire,

PRONONCER la résiliation judiciaire du contrat de travail de Monsieur [R] aux torts de Monsieur [J] [T] représenté par la SELARL MJC2A ès qualité de mandataire judiciaire, à la date du 30 juillet 2021,

FIXER au passif du redressement de Monsieur [J] [T] représenté par la SELARL MJC2A ès qualité de mandataire judiciaire opposable aux AGS CGEA aux sommes suivantes:

- 9.127,50 euros au titre des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 3.042,50 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 2.281,87 euros à titre d'indemnité légale de licenciement,

- 45.637,50 euros au titre des salaires

- 4.563,75 euros au titre des congés payés sur rappel de salaires,

- 3.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile

- 5.000 euros au titre des dommages-intérêts liés au préjudice moral subi par Monsieur [R]

FIXER au passif de la liquidation de l'EURL [T] représentée par la SELARL ARCHIBALD ès qualité de liquidateur judiciaire ou subsidiairement au passif du redressement de Monsieur [J] [T] représenté par la SELARL MJC2A ès qualité de mandataire judiciaire à la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique,

CONDAMNER l'EURL [T] représentée par la SELARL ARCHIBALD ès qualité de liquidateur judiciaire ou subsidiairement Monsieur [J] [T] représenté par la SELARL MJC2A ès qualité de mandataire judiciaire aux entiers dépens.»

Dans ses dernières conclusions communiquées par voie électronique le 5 février 2024, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé des moyens, le mandataire judiciaire du redressement judiciaire de M. [T] demande à la cour de:

« A TITRE PRINCIPAL

- CONFIRMER le jugement du Conseil de prud'hommes de Fontainebleau du 30 juillet 2021 en ce qu'il a :

FIXE la créance de Monsieur [G] [R] au passif de la liquidation de l'EURL [T], opposable aux AGS CGEA.

FIXE l'ancienneté de Monsieur [G] [R] à six ans et quatre mois.

FIXE le salaire mensuel moyen, de Monsieur [G] [R], à 1 521,25 €.

CONSTATE que la résiliation du contrat de location gérance, conclu entre l'EURL [T] et Monsieur [J] [T], prononcé par Maître [D], le 22 janvier 2019, à effet du 31 janvier 2019, n'a pu entraîner de retour du fonds de commerce dans le patrimoine du bailleur, Monsieur [J] [T] puisque ledit fonds n'était plus exploitable.

DIT qu'aucun contrat de travail n'a été transféré au profit de Monsieur [J] [T], en vertu de l'article L 1224-1 du code du travail.

DIT que les demandes de Monsieur [G] [R] sont dirigées contre Maître [D], es qualité de liquidateur judiciaire de l'EURL [T].

DIT que la responsabilité de Maître [D], es qualité, est engagée de par son manquement délibéré de procéder aux licenciements économiques de l'ensembles des salariés de l'EURL [T],

PRONONCE la résiliation judiciaire du contrat de travail de Monsieur [G] [R] aux torts de l'EURL [T], représentée par la SELARL Archibald, es qualité de liquidateur judiciaire, à la date du 30 juillet 2021.

FIXE la créance de Monsieur [G] [R] au passif de la liquidation de l'EURL [T], opposable aux AGS CGEA, aux sommes suivantes:

9 127,50 € Au titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

3 042,50 € Au titre d'indemnité compensatrice de préavis.

2 281,87 € Indemnité légale de licenciement.

45 637,50 € Au titre des salaires (brut).

4 563,75 € Au titre d'indemnité de congés payés sur rappel de salaires.

ORDONNE la remise des fiches de paie, du certificat de travail et de l'attestation Pôle Emploi, sous astreinte de 100 € par jour de retard, à compter de la décision.

ORDONNE la capitalisation de l'intérêt légal.

CONDAMNE Maître [D], es qualité, au paiement de la somme de 5 000 € au titre de dommages et intérêts lies au préjudice moral subi par Monsieur [G] [R]

CONDAMNE l'EURL [T], représentée par la SELARL ARCHIBALD, es qualité de liquidateur judiciaire, à payer à Monsieur [G] [R], la somme de 3 000€ sur le fondement des dispositions de l'article 700 du CPC,

CONDAMNE Maître [D], es qualité, au paiement de la somme de 5 000 € au titre de dommages et intérêts lies au préjudice subi par Monsieur [G] [R],

CONDAMNE l'EURL [T], représentée par la SELARL ARCHIBALD, es qualité de liquidateur judiciaire, à payer à Monsieur [G] [R], la somme de 3 000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du CPC,

CONDAMNE Maître [D], es qualité, au paiement de la somme de 3 000 € au titre de dommages et intérêts lies au préjudice subi par Monsieur [J] [T],

CONDAMNE l'EURL [T], représentée par la SELARL ARCHIBALD, es qualité de liquidateur judiciaire, à payer à Monsieur [J] [T], la somme de 5 000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du CPC,

DEBOUTE l'EURL [T] représentée par la SELARL ARCHIBALD de toutes ses demandes reconventionnelles.

DEBOUTE Monsieur [G] [R] du surplus de ses demandes.

DEBOUTE Monsieur [J] [T] du surplus de ses demandes.

CONDAMNE l'EURL [T], représentée par la SELARL ARCHIBALD, es qualité de liquidateur judiciaire, aux entiers dépens.

- INFIRMER le jugement du Conseil de prud'hommes de Fontainebleau du 30 juillet 2021 en ce qu'il a :

REJETTE la demande de jonction de l'ensemble des procédures ;

STATUANT A NOUVEAU,

- JOINDRE les procédures enrôlées sous les numéros de R.G. N° : 21/07659, R.G. N° : /07661, R.G. N° : 21/07655, R.G. N° : 21/7666, R.G. N° : 21/07656 , R.G. N° : 21/07665, R.G. N° : 21/07654, R.G. N° : 21/07667, R.G. N° : 21/07657, R.G. N° : 21/07664, R.G. N° : 21/07658, R.G. N° : 21/07662, R.G. N° : 20/02902 et R.G. N° : 20/03212

A TITRE SUBSIDIAIRE,

- FIXER au passif de la procédure de redressement judiciaire de Monsieur [J] [T] les sommes de 1 457,85 euros à titre d'indemnité légale de licenciement et de 3.042,50 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis qui pourraient être dues ;

FIXER au passif de la procédure de redressement judiciaire de Monsieur [J] [T] un montant cumulé de dommages-intérêts qui ne saurait excéder 1.521,25 euros et ce en vertu de l'article L.1253-3 du Code du travail dans une entreprise de moins de 11 salariés pour une ancienneté de 3 ans et 10 mois;

FIXER au passif de la procédure de redressement judiciaire de Monsieur [J] [T] un montant de rappel de salaires de 2.636,83 euros bruts correspondant à la période du 1er février 2019 à la date du 22 mai 2019;

Débouter les autres demandes injustifiées de Monsieur [G] [R];

En tout état de cause,

Condamner la société ARCHIBALD au paiement de la somme de 5.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile à hauteur d'appel ainsi qu'aux entiers dépens. »

L'ordonnance de clôture a été rendue le 30 janvier 2024.

MOTIFS :

Les demandes des salariés n'étant pas strictement identiques, la demande par le mandataire judiciaire de M. [T] d'une jonction des différentes procédures concernant chacun de ces salariés est rejetée car elle n'est pas dans l'intérêt d'une bonne justice.

Sur la détermination de l'employeur du salarié

L'article L.1224-1 du code du travail dispose que:

« Lorsque survient une modification dans la situation juridique de l'employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société de l'entreprise, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise. »

Ce texte s'applique en cas de transfert d'une entité économique autonome, constituée par un ensemble organisé de personnes et d'éléments corporels ou incorporels poursuivant un objectif économique propre, qui conserve son identité et dont l'activité est poursuivie.

Il est de jurisprudence constante qu'à la fin d'un contrat de location-gérance, et notamment en cas de résiliation de celui-ci, le fonds de commerce, auquel est assimilé le fonds artisanal, retourne à son bailleur et les contrats de travail attachés à ce fonds sont alors de plein droit transférés au bailleur. Ce n'est que lorsque le fonds donné en location-gérance est en ruine et n'est plus exploitable que le transfert des contrats de travail n'opère pas (Soc., 29 juin 2017, pourvoi n° 16-12.622; Soc., 20 mars 2019, pourvoi n° 17-27.647). Lorsque le contrat de location-gérance a été résilié, entraînant le retour du fonds au bailleur, c'est au jour de cette restitution que s'apprécie le caractère exploitable du fonds, lequel relève de l'appréciation souveraine des juges du fond (Soc. 15 mai 2002, n° 99-45.971, Bull. V n° 158; Soc., 17 janvier 2018, pourvoi n°16-21.332). C'est au bailleur ou propriétaire du fonds qu'il appartient de rapporter la preuve que le fonds n'est plus exploitable ou est en ruine (Soc., 22 novembre 1988, pourvoi n° 86-41.250). En outre, le fait que le locataire-gérant soit mis en liquidation judiciaire ou cesse son activité n'est pas suffisant pour faire obstacle au retour du fonds au bailleur et au transfert de l'entité économique (Soc., 11 mai 1999, pourvoi n° 97-42.026, Bull. V n° 210; Soc, 14 mars 2012, pourvoi n° 11-12.883).

En l'espèce, il ressort des éléments versés aux débats que M. [T], qui était le propriétaire du fonds artisanal de maçonnerie et gros oeuvre dans le bâtiment, avait d'abord donné à bail ce fonds à la SARL [T], laquelle a été placée en liquidation judiciaire en 2008. Après le retour du fonds à M. [T] et le transfert des salariés de la SARL à celui-ci, M. [T] a créé le 1er août 2008 l'EURL [T] (la société [T]), dont il était l'unique gérant selon son extrait Kbis.

M. [T], représenté par son mandataire judiciaire, expose que le contrat de travail de M. [R], et celui des autres salariés, n'a pu lui être transféré, par l'effet de la résiliation du contrat de location-gérance par le liquidateur de la société [T], car le fonds artisanal était inexploitable en raison non seulement des graves difficultés rencontrées par la société ayant conduit à sa procédure de liquidation judiciaire mais aussi de l'absence de transfert d'éléments corporels et incorporels significatifs nécessaires à l'exploitation du fonds artisanal.

M. [T] fait valoir qu'il n'avait aucun droit ni titre pour occuper les locaux nécessaires à l'exploitation du fonds car l'acte de renouvellement du bail commercial avait été consenti par les consorts [S] à la société [T].

Toutefois, le contrat du 1er juillet 2008 par lequel M. [T] a donné le fonds en location-gérance à la société [T], avant donc la constitution de celle-ci, prévoyait en son article 3 l'exploitation par celle-ci du fonds dans les locaux dont M. [T] avait la jouissance en vertu du bail qu'il avait conclu avec les consorts [S] le 26 avril 1999 pour les locaux situés [Adresse 4] (pièce n°31 de M. [T]). Il en résulte que ces locaux avaient été utilisés pour l'exploitation du fonds bien avant la création de l'EURL [T] et avaient notamment été utilisés par la précédente société de M. [T] ainsi qu'après le retour du fonds et la poursuite de son exploitation par celui-ci consécutivement à la liquidation judiciaire de la SARL [T] en 2008. Outre que le renouvellement du bail pour ces locaux ne pouvait valablement intervenir entre les consorts [S] et la société [T] puisque celle-ci n'était donc pas le titulaire initial du bail commercial, il n'est pas démontré qu'à la date de la résiliation du contrat de location-gérance les locaux avaient été immédiatement reloués par les consorts [S] à une société tierce, de sorte que le propriétaire du fonds artisanal, à savoir M. [T], qui avait signé tant le bail initial sous son nom propre que son renouvellement en tant que gérant, pouvait demander aux consorts [S], dont il avait été l'interlocuteur sous ses différentes qualités depuis 1999, la poursuite de l'exploitation du fonds artisanal dans les locaux.

En ce qui concerne le fait invoqué par M. [T] que les locaux en cause ne disposaient plus de l'électricité ni de la téléphonie, il ressort de ses pièces n°32 et 33 que c'est M. [T] lui-même en sa qualité de gérant de la société [T], et non le liquidateur de celle-ci, qui a demandé par lettres du 20 février 2019 la résiliation à EDF du contrat d'électricité et à Orange de l'abonnement téléphonique, de sorte qu'il pouvait lui-même sous son autre qualité juridique demander à EDF et Orange le rétablissement ultérieur d'abonnements. De surcroît, cette résiliation des abonnements ayant été faite le 20 février 2019, les locaux étaient exploitables et encore pourvus d'électricité et du téléphone quand le liquidateur de la société [T] a notifié le 23 janvier 2019 à M. [T], propriétaire du fonds, la résiliation du contrat de location-gérance du fonds artisanal, avec effet au 31 janvier 2019, date de la restitution du fonds. En outre, il ressort de la lettre adressée le 20 février 2019 à EDF par M. [T] que celui-ci, dans la mesure où il demandait la venue d'un technicien, disposait encore à cette date de la clé des locaux de la société [T], le liquidateur précisant que cette clé n'a été restituée qu'en septembre 2019 par M. [T] sans que celui-ci ne démontre avoir rendu avant cette date la clé des locaux situés [Adresse 4].

M. [T], qui indique lui-même en page 12 de ses conclusions que selon certains salariés le sort des locaux en cause était indifférent, ne rapporte de toute façon pas la preuve que les locaux en cause étaient nécessaires à l'exploitation du fonds artisanal, et ce d'autant, d'une part, qu'une partie des actifs et du matériel étaient situés sur un site appartenant personnellement à M. [T] selon l'état descriptif des actifs de la procédure judiciaire réalisé par le commissaire-priseur judiciaire (pièce n°4 de M. [T]), et d'autre part, que peu de temps après la liquidation judiciaire de la société [T], M. [T] a continué en février 2019 une activité dans le domaine de la maçonnerie sous une nouvelle forme juridique et que ses déclarations à l'URSSAF (pièce n°34 de M. [T]) mentionnent une domiciliation du nouvel établissement à son adresse personnelle dans la même ville de [Localité 9].

En ce qui concerne le matériel et le mobilier de la société [T], M. [T] expose que l'intégralité du matériel, des stocks et des véhicules a été listé dans l'inventaire du commissaire-priseur et que seuls certains éléments corporels tels que du petit outillage lui appartenaient et ont été conservés par lui mais sans permettre la poursuite d'exploitation du fonds, le reste ayant été vendu aux enchères le 4 septembre 2018 en présence notamment de M. [T].

Toutefois, au contrat par lequel M. [T] avait donné son fonds artisanal en location-gérance à la société [T] le 1er juillet 2008 était annexée une très longue liste des éléments corporels dépendant de ce fonds. L'inventaire dressé le 31 juillet 2018 par le commissaire-priseur des actifs de la société [T], en présence de M. [T], ne comporte que 18 éléments hors stock de matériaux et véhicules et dont 7 de ces éléments correspondent à du mobilier ou matériel informatique. Le commissaire-priseur a précisé sur son état descriptif que selon les dires de M. [T] « L'ensemble du matériel non inventorié et situé sur le site appartient à M. [T] » (pièce n°4 de M. [T]). Cependant, M. [T] n'explique pas la disparition d'un nombre très important d'éléments corporels qui figuraient sur l'annexe du 1er juillet 2008 comme dépendant du fonds artisanal, et il ne justifie ni de ce qu'il était le propriétaire légitime de tous les éléments manquants ni de ce que les 18 éléments inventoriés le 31 juillet 2018, dans le cadre du redressement judiciaire, n'avaient pas suffi après le 31 juillet 2018 à la poursuite, avérée, de l'exploitation du fonds artisanal par la société [T] employant encore sept salariés début 2019. M. [T], qui gardait de nombreux éléments corporels qui avaient été utilisés par la société [T] pour l'exploitation du fonds artisanal en application du contrat de location-gérance, n'établit pas que ces éléments attachés au fonds artisanal lui appartenaient personnellement avant même la liquidation judiciaire de la société [T].

S'agissant de la clientèle et des marchés en cours à la date de la liquidation judiciaire, M. [T] expose qu'un seul chantier de la société [T] pouvait être repris, celui de la commune d'[Localité 8], mais qu'il avait été conclu intuitu personae par la société avec la commune et qu'aucune activité ne pouvait être finalement confiée aux salariés après la liquidation judiciaire.

Toutefois, dans un courriel adressé le 24 janvier 2019 au liquidateur de la société [T], M. [T] écrit que « je vous informe que tout mes salariés ont arrêtés leur poste le mercredi 23 janvier 2019, a l'exception de Mr [P] [Z], qui lui a été absent les 22 et 23 janvier » (pièce n°6 de la société [T]). Il en résulte donc que tous les salariés de la société [T] travaillaient encore sur des chantiers le 23 janvier 2019 et que c'est seulement parce que M. [T] leur a demandé, à l'exception de M. [P], de cesser leur travail qu'ils ont quitté leur poste le 23 janvier 2019 et non parce que la société [T] ne disposait plus de prestation de travail en cours à leur fournir.

En outre, dans un courriel adressé au liquidateur de la société [T] le 25 janvier 2019, l'adjoint au maire de la commune d'[Localité 8] écrivait que M. [T] lui avait indiqué au téléphone le 23 janvier ne pas être autorisé à « poursuivre ses chantiers », l'adjoint au maire décrivant ensuite les travaux restant à réaliser sur le chantier de la commune « sans que cela soit une liste exhaustive », précisant que « L'avancement des règlements est d'environ 94% sur un marché de 276 8902 € TTC », et ajoutant être « Dans l'attente de l'établissement d'un constat d'avancement dans les meilleurs délais ». Il en résulte que la commune souhaitait que les travaux soient continués, avec le paiement par celle-ci du solde des règlements, et ne demandait pas la rupture des relations avec M. [T] et avec le fonds artisanal qui avait jusqu'au 23 janvier 2019 mené les travaux, en sorte que ce chantier pouvait être terminé après le retour du fonds à M. [T], lequel était l'interlocuteur physique de la commune depuis le début du chantier et son obtention.

Il ressort aussi des éléments produits que M. [T], qui ne travaillait avant la liquidation judiciaire de la société [T] que dans le cadre de celle-ci, a créé dès février 2019 une nouvelle structure juridique dans le même secteur d'activité que la société [T]. Cette nouvelle structure a permis immédiatement de générer du chiffre d'affaires, ce qui confirme que des chantiers, qui ne pouvaient plus être assurés par la société [T] à la suite de la demande de placement en liquidation judiciaire de celle-ci faite par M. [T], ont été repris par la nouvelle structure constituée par ce dernier.

Enfin, concernant la situation financière de la société [T], M. [T] expose que les difficultés rencontrées par la société rendaient impossible la poursuite de l'exploitation du fonds.

Cependant, la liquidation judiciaire d'une société exploitant en location-gérance un fonds de commerce ou artisanal ne fait pas disparaître celui-ci et il est de jurisprudence constante que la circonstance que le locataire-gérant soit mis en liquidation judiciaire n'est pas suffisante pour faire obstacle au retour du fonds au bailleur. De plus, comme le fait valoir à juste titre le liquidateur de la société [T], le retour du fonds au bailleur après la liquidation judiciaire du locataire-gérant n'entraîne pas le transfert au bailleur du passif de la société placée en liquidation judiciaire hormis pour la partie du passif correspondant à des dettes liées aux contrats de travail, or de telles dettes n'existent pas en l'espèce.

Il résulte de tous les éléments qui précèdent qu'à la date d'effet de la résiliation du contrat de location-gérance, le 31 janvier 2019, en application duquel la société [T] exploitait le fonds artisanal de maçonnerie et de travaux du bâtiment qui lui avait été confié par M. [T], la société disposait d'éléments corporels et incorporels permettant la poursuite de l'exploitation d'une activité de maçonnerie et de travaux du bâtiment. La cour constate que M. [T] ne rapporte pas la preuve de la ruine à cette date du fonds artisanal qu'il avait donné en location-gérance à la société [T]. Dès lors, le fonds artisanal, toujours exploitable, et constituant une entité économique autonome, est bien retourné le 31 janvier 2019 à M. [T] qui était son propriétaire-bailleur, de sorte que les contrats de travail en cours des salariés de la société [T] lui ont ensuite été transférés de plein droit.

En conséquence, la cour constate le transfert légal du contrat de travail de M. [R] le 1er février 2019 à M. [T]. Le jugement, en ce qu'il a dit que le fonds artisanal n'était plus exploitable et que le contrat de travail n'avait pas été transféré à M. [T], est infirmé.

Sur la résiliation du contrat de travail

Il est de jurisprudence constante qu'un salarié peut demander la résiliation judiciaire de son contrat de travail en raison de manquements de son employeur à ses obligations, suffisamment graves pour rendre impossible la poursuite du contrat de travail. C'est au salarié qui sollicite la résiliation judiciaire du contrat de travail qu'il incombe de rapporter la preuve que l'employeur a commis des manquements suffisamment graves à ses obligations de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail.

En l'espèce, M. [R] invoque et justifie qu'à la suite de la résiliation du contrat de location-gérance, M. [T] ne lui pas fourni de prestation de travail ni versé de salaire malgré le transfert à celui-ci de son contrat de travail.

La cour constate ainsi l'existence de manquements suffisamment graves de M. [T] à ses obligations contractuelles pour rendre impossible la poursuite du contrat de travail de M. [R].

Il convient donc, par infirmation du jugement, de prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail de M. [R] aux torts de M. [T], cette résiliation produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Le refus express qui avait été opposé par M. [T] au transfert du contrat de travail constitue une rupture de fait de ce contrat, en sorte que, par infirmation du jugement sur ce point aussi, la résiliation judiciaire est prononcée à la date du 1er février 2019, le salarié ne justifiant pas être resté au service de M. [T] après cette date. La résiliation judiciaire produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

En outre, dès lors que la résiliation judiciaire est prononcée aux torts de M. [T], les condamnations du liquidateur de la société [T], à savoir la société Archibald, prise en la personne de Mme [D], à payer différentes sommes à M. [R] et à M. [T] sont infirmées.

Sur la demande en rappel de salaire

Cette demande, qui porte sur la période postérieure à la date de transfert du contrat de travail, est rejetée puisqu'elle porte également sur une période postérieure à la date retenue pour la rupture dudit contrat.

Sur les conséquences financières de la rupture

a) La résiliation judiciaire prononcée produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, le salarié peut prétendre à une indemnité compensatrice de préavis.

En application de l'article L.1234-1 du code du travail, le salarié ayant une ancienneté d'au moins deux ans a droit à un préavis de deux mois.

En l'état des documents produits, il est retenu un salaire mensuel moyen de 1 521,25 euros bruts pour M. [R].

L'indemnité compensatrice de préavis est égale à la rémunération totale qui aurait été perçue si le salarié avait accompli son préavis.

Par conséquent, il convient, par infirmation du jugement, de fixer au passif de M. [T] la créance de M. [R] à la somme de 3 042,50 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre la somme de 304,25 euros au titre des congés payés afférents.

b) Aux termes de l'article L.1234-9 du code du travail, « Le salarié titulaire d'un contrat de travail à durée indéterminée, licencié alors qu'il compte 8 mois d'ancienneté ininterrompus au service du même employeur, a droit, sauf en cas de faute grave, à une indemnité de licenciement ».

L'article R.1234-2 du même code dispose que:

« L'indemnité de licenciement ne peut être inférieure aux montants suivants :

1° Un quart de mois de salaire par année d'ancienneté pour les années jusqu'à dix ans;

2° Un tiers de mois de salaire par année d'ancienneté pour les années à partir de dix ans. »

Par conséquent, eu égard à l'ancienneté de M. [R] en y incluant la durée de préavis, il convient, par infirmation du jugement, de fixer au passif de M. [T] la créance de M. [R] à la somme de 1 530 euros à titre d'indemnité légale de licenciement.

c) Les dispositions de l'article L.1253-3 du contrat de travail, dans leur rédaction issue de l'ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017, applicable au litige, prévoient l'octroi au salarié, dans les entreprises de moins de 11 salariés, d'une indemnité à la charge de l'employeur dont le montant est compris entre un minimum et un maximum de mois de salaire brut selon l'ancienneté du salarié dans l'entreprise, celle-ci n'étant calculée que sur le fondement d'années complètes.

M. [R] ayant été engagé le 16 mars 2015 et la résiliation de son contrat de travail étant prononcée à la date du 1er février 2019, son ancienneté est donc de 3 années complètes. Le montant minimal de l'indemnité est ainsi un mois de salaire brut et le montant maximal prévu est de quatre mois de salaire brut.

En considération des circonstances de la rupture ainsi que de la situation particulière du salarié tenant notamment à son âge et à sa capacité à retrouver un emploi, il convient de fixer au passif de M. [T] la créance de M. [R] à la somme de 6 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur la demande de dommages-intérêts pour préjudice moral

Il est de jurisprudence constante que le salarié justifiant, en raison des circonstances vexatoires ou brutales de la rupture de son contrat de travail, d'un préjudice distinct de la rupture elle-même, peut obtenir des dommages et intérêts en réparation de ce préjudice.

En l'espèce, M. [R] justifie avoir dû quitter du jour au lendemain son poste de travail, et ce à la demande de M. [T], ce qui caractérise des circonstances d'autant plus brutales de la rupture que M. [T] avait été à l'initiative de la liquidation judiciaire de la société [T].

En considération des éléments versés aux débats, le préjudice caractérisé par cette éviction de M. [R] est évalué à la somme de 1 000 euros.

Par infirmation du jugement, il convient de fixer au passif de M. [T] la créance de M. [R] à la somme de 1 000 euros à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral distinct.

Sur les autres demandes

Le présent arrêt est déclaré commun à l'UNEDIC délégation AGS CGEA Ile-de-France Ouest et les sommes allouées au salarié seront garanties par cet organisme dans les conditions légales et les limites du plafond qui sont applicables à la date de la rupture, étant précisé que ni les sommes allouées en application de l'article 700 du code de procédure civile ni les dépens ne sont garantis par ledit organisme.

Les créances du salarié trouvent leur origine dans la rupture de son contrat de travail, laquelle est antérieure au jugement d'ouverture de la procédure collective, de sorte que s'appliquent en l'espèce les dispositions des articles L.622-28 et L.641-3 du code de commerce selon lesquelles le jugement d'ouverture de la procédure collective arrête le cours des intérêts légaux et conventionnels ainsi que de tous les intérêts de retard et majorations.

Le redressement judiciaire de M. [T] succombant, la société MJC2A, ès qualités de mandataire judiciaire, est condamnée aux dépens de la procédure de première instance et de la procédure d'appel en application de l'article 696 du code de procédure civile.

Il paraît équitable de fixer au passif du redressement judiciaire de M. [T] la créance de M. [R] à la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, pour la procédure d'appel. La demande sur le même fondement formée par le liquidateur de la société [T] à l'encontre du redressement judiciaire de M. [T] est rejetée.

PAR CES MOTIFS,

Infirme le jugement en toutes ses dispositions.

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés, dans les limites de l'appel, et y ajoutant,

Prononce la résiliation judiciaire du contrat de travail de M. [R], aux torts de M. [T], à la date du 1er février 2019.

Dit que cette résiliation judiciaire produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Fixe au passif du redressement judiciaire de M. [T] les créances de M. [R] aux sommes de :

- 3 042,50 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis;

- 304,25 euros au titre des congés payés sur préavis;

- 1 530 euros à titre d'indemnité légale de licenciement;

- 6 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse;

- 1 000 euros à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral distinct;

- 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Dit que le jugement d'ouverture de la procédure collective arrête le cours des intérêts légaux et conventionnels ainsi que de tous les intérêts de retard et majorations.

Déboute les parties du surplus de leurs demandes.

Déclare le présent arrêt commun à l'UNEDIC délégation AGS CGEA Ile-de-France Ouest, qui sera tenu de garantir les sommes allouées à M. [R] dans les conditions légales et les limites du plafond applicable à la date de la rupture.

Condamne la société MJC2A, ès qualités de mandataire judiciaire du redressement judiciaire de M. [T], aux dépens de la procédure de première instance et de la procédure d'appel.

LA GREFFIÈRE, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 6
Numéro d'arrêt : 21/07662
Date de la décision : 03/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 15/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-03;21.07662 ?
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