Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 1 - Chambre 3
ARRÊT DU 02 JUILLET 2024
(n° 279,6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/18931 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CISTE
Décision déférée à la cour : ordonnance du 10 octobre 2023 - JCP du TJ de Paris - RG n°23/03900
APPELANTE
Mme [X] [U] [I] [C]
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me Alexandra BOISSET, avocat au barreau de PARIS, toque : D0368
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2023/507927 du 03/11/2023 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de PARIS)
INTIMEE
Mme [Y] [V] épouse [H]
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentée par Me Lucien BÔLE-RICHARD, avocat au barreau de PARIS, toque : W12
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 04 juin 2024, en audience publique, rapport ayant été fait par Jean-Christophe CHAZALETTE, président de chambre, conformément aux articles 804, 805 et 905 du CPC, les avocats ne s'y étant pas opposés.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Jean-Christophe CHAZALETTE, président de chambre
Anne-Gaël BLANC, conseillère
Valérie GEORGET, conseillère
Greffier lors des débats : Jeanne PAMBO
ARRÊT :
- CONTRADICTOIRE
- rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Jean-Christophe CHAZALETTE, président de chambre et par Jeanne PAMBO, greffier, présent lors de la mise à disposition.
Par acte sous seing privé du 8 novembre 2016 à effet du 9 novembre 2016, Mme [V] épouse [H] a consenti à Mme [C] et à sa fille Mme [G] un « contrat de location ou de colocation de logement meublé » pour une durée d'un an renouvelable par tacite reconduction, portant un appartement situé [Adresse 2], moyennant un loyer mensuel de 940 euros, augmenté d'une provision pour charges de 60 euros.
Par acte d'huissier du 26 juillet 2022, Mme [H] a fait délivrer un congé pour vendre à Mme [C] et Mme [G] à la date d'expiration du bail, le 8 novembre 2022.
Faisant valoir que Mme [C] refusait de quitter les lieux, par acte extrajudiciaire du 25 avril 2023, Mme [H] a fait assigner en référé Mmes [C] et [G] devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Paris, en lui demandant de :
constater la validité du congé pour vente délivré aux locataires par acte d'huissier du 26 juillet 2022 ;
constater la résiliation du bail à la date du 8 novembre 2022 ;
juger que Mmes [C] et [G] occupent le logement sans droit ni titre depuis cette date ;
ordonner la libération des lieux par les défenderesses et toute personne introduite de leur chef ainsi que la remise des clés après établissement d'un état des lieux de sortie ;
assortir l'obligation pour les défenderesses de libérer les lieux d'une astreinte d'un montant de 100 euros par jour de retard à compter du prononcé de la décision à intervenir et ce jusqu'au jour de complète libération des lieux et de remise des clés ;
ordonner à défaut l'expulsion de Mmes [C] et [G] des locaux sis [Adresse 2] et de toutes les personnes dans les lieux de leur fait avec, au besoin, le concours de la force publique ;
ordonner l'enlèvement et le dépôt des meubles et objets mobiliers garnissant les lieux loués et appartenant aux occupantes en un lieu approprié, aux frais, risques et périls des défenderesses ;
condamner solidairement Mmes [C] et Mme [G] au paiement d'une indemnité mensuelle d'occupation de 1 000 euros, à compter du mois de février 2023 jusqu'à la libération effective des lieux et la restitution des clés, indemnité à indexer selon les clauses du contrat résilié ;
condamner solidairement Mmes [C] et [G] au paiement de la somme de 4 000 euros à titre de provision sur les dommages et intérêts tirés de la perte de chance pour la demanderesse de vendre son appartement à bref délai et à un meilleur prix ;
condamner solidairement Mmes [C] et [G] au paiement de la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, et aux dépens.
Le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Paris a, par ordonnance de référé réputée contradictoire du 10 octobre 2023, en l'absence de Mme [G] :
constaté que les conditions de délivrance à Mmes [C] et [G] d'un congé pour vendre relatif au bail du 8 novembre 2016 et concernant l'appartement à usage d'habitation meublé situé au [Adresse 2] sont réunies et que le bail a ainsi expiré le 8 novembre 2022 ;
accordé à Mmes [C] et [G] un délai pour quitter les lieux jusqu'au 10 avril 2024 ;
dit qu'à défaut de départ volontaire des lieux et restitution des clés dans ce délai, Mme [V] épouse [H] pourra deux mois après signification d'un commandement de quitter les lieux faire procéder à son expulsion ainsi qu'à celle de tous occupants de son chef avec concours d'un serrurier et de la force publique ;
rappelé que le sort du mobilier garnissant le logement est prévu par les articles L. 433-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution ;
condamné in solidum Mmes [C] et [G] à verser à Mme [V] épouse [H] une indemnité mensuelle d'occupation d'un montant équivalent à celui du loyer et des charges, tel qu'il aurait été si le contrat s'était poursuivi, à compter du 9 novembre 2022 et jusqu'à la date de la libération effective et définitive des lieux, caractérisée par la restitution des clés ;
rejeté le surplus des demandes ;
dit n'y avoir lieu à paiement d'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile
condamné in solidum Mmes [C] et [G] aux dépens ;
rappelé que la décision est assortie de l'exécution provisoire.
Par déclaration du 24 novembre 2023, Mme [C] a interjeté appel de cette décision, sans intimer Mme [G], en ce qu'elle a :
constaté que les conditions de délivrance à Mmes [C] et [G] d'un congé pour vendre relatif au bail du 8 novembre 2016 et concernant l'appartement à usage d'habitation meublé situé au [Adresse 2] sont réunies et que le bail a ainsi expiré le 8 novembre 2022 ;
dit qu'à défaut de départ volontaire des lieux et restitution des clés dans ce délai, Mme [V] pourra deux mois après signification d'un commandement de quitter les lieux faire procéder à son expulsion ainsi qu'à celle de tous occupants de son chef avec concours d'un serrurier et de la force publique ;
condamné Mme [V] (sic) au paiement d'une indemnité d'occupation mensuelle ;
condamné Mme [C] aux dépens.
Aux termes de ses dernières conclusions en date du 3 avril 2024 auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé des moyens développés, elle demande à la cour de :
vu la dénégation d'écriture de Mme [C], procéder à la vérification d'écriture prévue à l'article 1373 du code civil, après production de l'original du bail et de ses annexes, et notamment l'inventaire sur lequel l'appelante conteste avoir apposé son écriture ;
infirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle :
a constaté que les conditions de délivrance d'un congé pour vente sont réunies et que le bail a expiré le 8 novembre 2022 ;
ordonné l'expulsion de Mme [C] ;
condamné Mme [C] au paiement d'une indemnité mensuelle d'occupation d'un montant équivalent au montant du loyer et des charges tel qu'il aurait été si le contrat s'était poursuivi à compter du 9 novembre 2022 et ce jusqu'à la date de libération des lieux caractérisée par la restitution des lieux ;
condamné Mme [C] aux dépens ;
statuant à nouveau
juger qu'il existe des contestations sérieuses sur la qualification du bail et la validité du congé délivré dépassant les pouvoirs des juges des référés ;
ce faisant,
débouter Mme [V] épouse [H] de l'ensemble de ses demandes ;
débouter Mme [V] épouse [H] de sa demande de condamnation à la somme de 5 421,60 euros au titre des arriérés locatifs et d'indemnité d'occupation et de dépens ;
débouter Mme [V] épouse [H] de ses demandes de condamnation provisionnelles à titre de dommages intérêts pour procédure abusive et dénonciation téméraire ;
débouter Mme [V] épouse [H] de sa demande de condamnation à amende civile pour procédure abusive ;
confirmer l'ordonnance entreprise pour le surplus ;
condamner Mme [V] épouse [H] à payer à Me Boisset, avocat intervenant au titre de l'aide juridictionnelle la somme de 3 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile et l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 ;
condamner Mme [V] épouse [H] aux entiers dépens.
Mme [V] épouse [H], aux termes de ses dernières conclusions en date du 3 avril 2024 auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé des moyens développés, demande à la cour de :
à titre principal
confirmer la décision déférée en toutes ses dispositions et notamment en ce qu'elle a :
constaté que les conditions de délivrance à Mmes [C] et [G] d'un congé pour vendre relatif au bail conclu le 8 novembre 2016 et concernant l'appartement à usage d'habitation meublé situé au [Adresse 2] sont réunies et que le bail a ainsi expiré le 8 novembre 2022 ;
accordé à Mmes [C] et [G] un délai pour quitter les lieux jusqu'au 10 avril 2024 ;
dit qu'à défaut pour Mmes [C] et [G] d'avoir volontairement libéré les lieux et restitué les clés dans ce délai, elle pourra, deux mois après la signification d'un commandement de quitter les lieux, faire procéder à son expulsion ainsi qu'à celle de tous occupants de son chef, y compris le cas échéant avec le concours d'un serrurier et de la force publique ;
condamné in solidum Mmes [C] et [G] à lui verser une indemnité mensuelle d'occupation d'un montant équivalent à celui du loyer et des charges, tel qu'il aurait été si le contrat s'était poursuivi, à compter du 9 novembre 2022 et jusqu'à la date de la libération effective et définitive des lieux, caractérisée par la restitution des clés ;
débouter l'appelante de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
en tout état de cause,
condamner Mme [C] à lui verser la somme de 4 921,60 euros à titre de provision sur les sommes dues au titre de l'arriéré des paiements de l'indemnité d'occupation mensuelle et au titre des dépens exposés en première instance ;
condamner Mme [C] à lui verser la somme de 3 000 euros à titre de provision sur les dommages et intérêts sur le fondement des articles 1240 et 1241 du code civil pour dénonciation téméraire ;
condamner Mme [C] à lui verser la somme de 3 000 euros à titre de provision sur les dommages et intérêts sur le fondement de l'article 32-1 du code de procédure civile pour procédure abusive ;
condamner Mme [C] au paiement d'une amende civile d'un montant de 500 euros sur le fondement de l'article 32-1 du code de procédure civile pour procédure abusive ;
condamner Mme [C] à lui payer la somme de 4 000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
condamner Mme [C] aux entiers dépens de la présente instance, qui seront recouvrés par Me Bôle-Richard, avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 4 avril 2024.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties susvisées pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.
Sur ce,
En vertu de l'article 834 du code de procédure civile, dans tous les cas d'urgence, le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence, peut ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend.
En vertu de cette disposition, il est possible, dans le cadre d'une procédure en référé, de constater la résiliation d'un bail à l'issu d'un délai légal suivant la notification d'un congé pour vendre, en l'absence de contestation sérieuse.
Le juge des référés peut procéder incidemment à une vérification des écritures sous seing privé dès lors que cette contestation n'est pas sérieuse.
En l'espèce, il y a lieu de constater que les paraphes apposés sur l'inventaire litigieux sont identiques à ceux qui figurent sur l'état des lieux d'entrée du 8 novembre 2016 fourni par la bailleresse. Dans ces conditions, l'obligation invoquée au titre du caractère apocryphe des paraphes de l'inventaire n'est pas sérieusement contestable.
En revanche, selon l'article 25-4 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989, un logement meublé est un logement décent équipé d'un mobilier en nombre et en qualité suffisants pour permettre au locataire d'y dormir, manger et vivre convenablement au regard des exigences de la vie courante. La liste des éléments que doit comporter ce mobilier est fixée par décret.
En l'espèce, l'inventaire signé par les parties et produit par Mme [H] permet de vérifier qu'il n'est pas mentionné la présence, conformément aux dispositions de l'article 2 du décret n° 2015-981 du 31 juillet 2015 fixant la liste des éléments de mobilier d'un logement meublé, d'un réfrigérateur et congélateur ou, au minimum, un réfrigérateur doté d'un compartiment permettant de disposer d'une température inférieure ou égale à - 6 °C (5° de l'article 2 du décret précité), d'un four ou four à micro-ondes (4° de l'article 2 du décret précité) ; d'une literie comprenant couette ou couverture (1° de l'article 2 du décret précité), seule la présence d'un matelas étant mentionnée.
Mme [C] a donc caractérisé une contestation sérieuse en critiquant la nature de bail meublé conforme aux articles 25-3 et suivants de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989, dès lors que son moyen concernant l'équipement du logement au sens du décret n° 2015-981 du 31 juillet 2015 n'apparaît pas immédiatement vain (Civ. 3e, 9 février 2005, 03-15.128 P), et laisse subsister un doute sur le sens de la décision au fond, qui pourrait éventuellement intervenir par la suite sur ce point, si les parties entendaient saisir le juge du fond. Il apparaît opportun de rappeler que le bail non meublé est conclu pour une durée au moins égale à trois ans pour les bailleurs personnes physiques, renouvelable par tacite reconduction pour une durée égale, et que le congé pour vendre d'un logement non meublé doit être donné au plus tard 6 mois avant la fin du bail (articles 10 et 15 de la loi du 6 juillet 1989).
L'ordonnance entreprise sera donc infirmée en ce qu'elle a constaté que le bail était expiré depuis le 8 novembre 2022, ordonné l'expulsion de l'appelante et de sa fille et condamné in solidum l'appelante et Mme [G] au paiement d'une indemnité mensuelle d'occupation à compter du 9 novembre 2022. Par voie de conséquence, il n'y a lieu à référé sur la demande de provision portant sur les sommes dues au titre de l'arriéré de l'indemnité d'occupation, ni sur la provision au « titre des dépens exposés en première instance » qui n'est pas fondée en droit, puisque le recouvrement des dépens obéit aux dispositions des articles 697 et suivants du code de procédure civile.
Compte tenu du sens du présent arrêt, il n'y aura pas plus lieu à référé sur les demandes de provision de Mme [H] à titre de dommages intérêts pour dénonciation téméraire, et de dommages intérêts pour procédure abusive. Par ailleurs, la demande de condamnation à une amende civile sera rejetée, alors que, surabondamment, l'intimée n'a pas qualité à agir pour réclamer la condamnation à une amende civile, qui est recouvrée par le seul Trésor public.
Mme [H] sera tenue des entiers dépens de première instance et d'appel, ainsi que d'une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, qui pourra être recouvrée par Me Alexandra Boisset, avocat de Mme [C] au titre de l'aide juridictionnelle, dans les conditions du 3e alinéa de l'article 37 de la loi n° 91-647du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
PAR CES MOTIFS
Statuant dans les limites de l'appel,
Infirme l'ordonnance entreprise ;
Statuant à nouveau,
Dit n'y avoir lieu à référé ;
Y ajoutant,
Dit n'y avoir lieu à référé sur les demandes additionnelles de Mme [V] épouse [H] ;
Déboute Mme [V] épouse [H] de sa demande concernant l'amende civile ;
Condamne Mme [V] épouse [H] à payer à Mme [C] une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, et dit que cette somme pourra être recouvrée par Me Alexandra Boisset, avocat, dans les conditions du 3e alinéa de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
Condamne Mme [V] épouse [H] aux entiers dépens de première instance et d'appel.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT