La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

02/07/2024 | FRANCE | N°21/06598

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 11, 02 juillet 2024, 21/06598


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 11



ARRET DU 02 JUILLET 2024



(n° , 2 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/06598 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEC73



Décision déférée à la Cour : Jugement du 24 Juin 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LONGJUMEAU - RG n° 19/00479



APPELANT



Monsieur [U] [T]

[Adresse 2]

[Localité

3]

Représenté par Me Mathieu LAJOINIE, avocat au barreau de MARSEILLE



INTIMEE



S.A.S. CSF

[Adresse 5]

[Localité 1]

Représentée par Me Marie-Catherine VIGNES, avocat au barrea...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 11

ARRET DU 02 JUILLET 2024

(n° , 2 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/06598 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEC73

Décision déférée à la Cour : Jugement du 24 Juin 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LONGJUMEAU - RG n° 19/00479

APPELANT

Monsieur [U] [T]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représenté par Me Mathieu LAJOINIE, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMEE

S.A.S. CSF

[Adresse 5]

[Localité 1]

Représentée par Me Marie-Catherine VIGNES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0010

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 14 Mars 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Isabelle LECOQ-CARON, Présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Madame Isabelle LECOQ-CARON, Présidente de chambre,

Madame Anne HARTMANN, Présidente de chambre,

Madame Catherine VALANTIN, Conseillère,

Greffier, lors des débats : Madame Manon FONDRIESCHI

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Isabelle LECOQ-CARON, Présidente de chambre, et par Madame Manon FONDRIESCHI, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

RAPPEL DES FAITS, PROCÉDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES

M. [U] [T], né en 1974, a été engagé par la S.A.S. CSF (exploitant les magasins sous l'enseigne Carrefour Market), par un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 28 mai 1996 en qualité de stagiaire manager de rayons. Dans le dernier état des relations contractuelles régies par la convention collective nationale du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire, il exerçait les fonctions de manager de magasin au statut cadre niveau 7B, dans le magasin de [Localité 4].

Demandant la résiliation judiciaire de son contrat de travail et diverses indemnités, et souhaitant qu'elle produise les effets d'un licenciement nul et à défaut sans cause réelle et sérieuse, et souhaitant voir annuler sa convention de forfait jour, M. [T] a saisi le 2 août 2019 le conseil de prud'hommes de Longjumeau qui, par jugement du 24 juin 2021, auquel la cour se réfère pour l'exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, a statué comme suit :

- dit qu'il n'y a pas d'élément permettant de caractériser le harcèlement moral dont M. [T] se dit victime,

- dit en conséquence que la résiliation judiciaire du contrat de travail de M. [T] n'a pas lieu d'être prononcée,

- déboute M. [T] de l'ensemble de ses demandes,

- déboute les parties de leur demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- laisse à chaque partie la charge de ses éventuels dépens.

Par déclaration du 20 juillet 2021, M. [T] a interjeté appel de cette décision, notifiée par lettre du greffe adressée aux parties le 28 juin 2021.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 19 octobre 2021, M. [T] demande à la cour de :

- infirmer en toutes ses dispositions, le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Longjumeau en ce qu'il a :

- indiqué qu'il n'y avait pas d'élément pour caractériser le harcèlement moral dont M. [T] se disait victime,

- indiqué en conséquence que la demande de résiliation judiciaire n'avait pas à être prononcée,

- débouté M. [T] de l'ensemble de ses demandes,

statuer à nouveau, et :

- constater que la demande de résiliation judiciaire de M. [T] est fondée,

- constater que la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail de M. [T] produit les effets d'un licenciement nul (à défaut sans cause réelle et sérieuse),

- condamner la société aux sommes suivantes :

- 9.504,00 euros titre d'indemnité de préavis, outre 950,40 euros au titre des congés payés afférents,

- 27.561,60 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

- 57.000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- juger que la convention de forfait jours est nulle,

en conséquence,

- condamner la société à la somme de :

- 27.554,40 euros bruts au titre des heures supplémentaires effectuées non payées, outre les congés payés afférents à hauteur de 2.755,44 euros,

- 16.074,00 euros à titre d'indemnité forfaitaire de travail dissimulé,

- juger que la demande du salarié concernant le harcèlement moral est justifiée,

en conséquence,

- condamner la société à la somme de 19.000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral,

en tout état de cause,

- condamner la société au versement de la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- assortir la condamnation des intérêts au taux légal,

- condamner la société aux entiers dépens.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 18 janvier 2022, la société CSF demande à la cour de :

- dire irrecevable, comme nouvelle, la demande de M. [T] afférente aux prétendues heures supplémentaires réalisées et aux congés payés afférents,

à titre subsidiaire :

- l'en débouter,

sur les autres demandes :

- débouter M. [T] de son appel et de toutes ses demandes, fins et conclusions,

- confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Longjumeau, le 24 juin 2021, en toutes ses dispositions,

en conséquence,

- juger que M. [T] n'a été l'objet d'aucun fait de harcèlement moral de la part de Mme [B],

- juger que la société CSF n'a commis aucun manquement à son obligation de sécurité vis à vis de M. [T],

- juger que la société CSF n'a commis aucun manquement suffisamment grave de nature à justifier la résiliation judiciaire de la relation de travail entre la société CSF et M. [T] aux torts exclusifs de la société,

- juger que la convention individuelle de forfait annuel en jours applicable à M. [T] est parfaitement valable,

en conséquence,

- débouter M. [T] de l'intégralité de ses demandes en tout état de cause,

- condamner M. [T] à verser à la société CSF la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

Par une ordonnance sur incident rendue le 5 avril 2022, le conseiller de la mise en état a déclaré recevable la demande de M. [T] de condamnation de la société CSF à verser la somme de 27 554,40 euros bruts au titre des heures supplémentaires effectuées non payées outre les congés payés afférents à hauteur de 2755,44 euros.

Une ordonnance d'injonction aux parties d'entrer en médiation rendue par la cour d'appel de Paris le 5 octobre 2023 s'est avérée infructueuse.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 7 février 2024 et l'affaire a été fixée à l'audience du 14 mars 2024.

Pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur le forfait en jours et les heures supplémentaires

Pour infirmation de la décision déférée, M. [T] fait essentiellement valoir que le forfait en jours est nul aux motifs qu'il ne disposait d'aucune autonomie réelle et dans l'exécution de ses fonctions, ni d'aucun suivi concernant sa surcharge de travail ; qu'il est donc en droit de réclamer le paiement des heures supplémentaires réalisées.

La société CSF rétorque qu'elle a respecté les dispositions légales et conventionnelles ; que lors de l'entretien de performance de mars 2019, il a déclaré que sa charge de travail lui permettait d'avoir un équilibre entre sa vie professionnelle et sa vie personnelle.

La société CSF soutient également que la demande de paiement des heures supplémentaires est irrecevable aux motifs que le salarié avait abandonné expressément cette demande devant le conseil de prud'hommes lors de l'audience du 25 mars 2021, raison pour laquelle elle n'est pas mentionnée dans le jugement au titre des demandes du salarié et pour laquelle la juridiction ne s'est pas prononcée ; que s'agissant donc d'une demande nouvelle, elle est irrecevable.

L'alinéa 11 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 ainsi que l'article 151 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, qui se réfère à la Charte sociale européenne ainsi qu'à la Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs, garantissent le droit à la santé et au repos de tout travailleur.

En application des articles L.3121-38 et suivants du code du travail dans leur rédaction issue de la loi n°2008-780 du 20 août 2008, et des articles L.31121-53 et suivants du code du travail dans leur version issue de la loi n°2016-1088 du 8 août 2016, la conclusion de conventions individuelles de forfait, en heures ou en jours, sur l'année est prévue par un accord collectif d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut, par une convention ou un accord de branche. Cet accord collectif préalable détermine les catégories de salariés susceptibles de conclure une convention individuelle de forfait, ainsi que la durée annuelle du travail à partir de laquelle le forfait est établi, et fixe les caractéristiques principales de ces conventions. La conclusion d'une convention individuelle de forfait requiert l'accord du salarié. La convention est établie par écrit. Peuvent conclure une convention de forfait en jours sur l'année, dans la limite de la durée annuelle de travail fixée par l'accord collectif prévu à l'article L. 3121-39, d'une part les cadres qui disposent d'une autonomie dans l'organisation de leur emploi du temps et dont la nature des fonctions ne les conduit pas à suivre l'horaire collectif applicable au sein de l'atelier, du service ou de l'équipe auquel ils sont intégrés et d'autre part, les salariés dont la durée du temps de travail ne peut être prédéterminée et qui disposent d'une réelle autonomie dans l'organisation de leur emploi du temps pour l'exercice des responsabilités qui leur sont confiées. Un entretien annuel individuel est organisé par l'employeur, avec chaque salarié ayant conclu une convention de forfait en jours sur l'année. Il porte sur la charge de travail du salarié, l'organisation du travail dans l'entreprise, l'articulation entre l'activité professionnelle et la vie personnelle et familiale, ainsi que sur la rémunération du salarié.

L'article L. 3121-62 du même code dispose que 'les salariés ayant conclu une convention de forfait en jours ne sont pas soumis aux dispositions relatives :

1° A la durée quotidienne maximale de travail effectif prévue à l'article L. 3121-18 ;

2° Aux durées hebdomadaires maximales de travail prévues aux articles L. 3121-20 et L. 3121-22 ;

3° A la durée légale hebdomadaire prévue à l'article L. 3121-27.'

L'article L.3121-63 du même code précise que 'les forfaits annuels en heures ou en jours sur l'année sont mis en place par un accord collectif d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut, par une convention ou un accord de branche'.

Aux termes de l'article L.3121-64 du code du travail :

'I.-L'accord prévoyant la conclusion de conventions individuelles de forfait en heures ou en jours sur l'année détermine :

1° Les catégories de salariés susceptibles de conclure une convention individuelle de forfait, dans le respect des articles L. 3121-56 et L. 3121-58 ;

2° La période de référence du forfait, qui peut être l'année civile ou toute autre période de douze mois consécutifs ;

3° Le nombre d'heures ou de jours compris dans le forfait, dans la limite de deux cent dix-huit jours s'agissant du forfait en jours ;

4° Les conditions de prise en compte, pour la rémunération des salariés, des absences ainsi que des arrivées et départs en cours de période ;

5° Les caractéristiques principales des conventions individuelles, qui doivent notamment fixer le nombre d'heures ou de jours compris dans le forfait.

II.-L'accord autorisant la conclusion de conventions individuelles de forfait en jours détermine:

1° Les modalités selon lesquelles l'employeur assure l'évaluation et le suivi régulier de la charge de travail du salarié ;

2° Les modalités selon lesquelles l'employeur et le salarié communiquent périodiquement sur la charge de travail du salarié, sur l'articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle, sur sa rémunération ainsi que sur l'organisation du travail dans l'entreprise;

3° Les modalités selon lesquelles le salarié peut exercer son droit à la déconnexion prévu au 7° de l'article L. 2242-17.

L'accord peut fixer le nombre maximal de jours travaillés dans l'année lorsque le salarié renonce à une partie de ses jours de repos en application de l'article L. 3121-59. Ce nombre de jours doit être compatible avec les dispositions du titre III du présent livre relatives au repos quotidien, au repos hebdomadaire et aux jours fériés chômés dans l'entreprise et avec celles du titre IV relatives aux congés payés.'

L'article L.3121-65 du même code précise que :

'I.-A défaut de stipulations conventionnelles prévues aux 1° et 2° du II de l'article L. 3121-64, une convention individuelle de forfait en jours peut être valablement conclue sous réserve du respect des dispositions suivantes :

1° L'employeur établit un document de contrôle faisant apparaître le nombre et la date des journées ou demi-journées travaillées. Sous la responsabilité de l'employeur, ce document peut être renseigné par le salarié ;

2° L'employeur s'assure que la charge de travail du salarié est compatible avec le respect des temps de repos quotidiens et hebdomadaires ;

3° L'employeur organise une fois par an un entretien avec le salarié pour évoquer sa charge de travail, qui doit être raisonnable, l'organisation de son travail, l'articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle ainsi que sa rémunération.

II.-A défaut de stipulations conventionnelles prévues au 3° du II de l'article L. 3121-64, les modalités d'exercice par le salarié de son droit à la déconnexion sont définies par l'employeur et communiquées par tout moyen aux salariés concernés. Dans les entreprises d'au moins cinquante salariés, ces modalités sont conformes à la charte mentionnée au 7° de l'article L. 2242-17.'

L'accord d'entreprise du 30 décembre 2008 prévoit le forfait en jours à hauteur de 216 jours pour les cadres relevant des niveaux 7 et 8 de la grille de la classification de la convention collective nationale et précise que le respect des repos quotidiens et hebdomadaires fera l'objet d'une déclaration mensuelle de chaque cadre concerné ; que le salarié relevant d'une convention de forfait en jours bénéficiera d'un entretien semestriel avec la direction au cours duquel seront évoquées l'organisation, la charge et l'amplitude de travail de l'intéressé ; qu'il bénéficiera de 14 jours de repos supplémentaires qui seront pris obligatoirement dans l'année et ne peuvent en aucun cas donner lieu à paiement supplémentaire sauf l'hypothèse de rupture des relations contractuelles ; que le forfait en jours s'accompagne d'un contrôle du nombre de jours travaillés au moyen d'un système auto-déclaratif mensuel ; que chaque mois les cadres devront remettre à la direction un état indiquant le nombre de journées de travail et le nombre de jours non travaillés au titre du repos supplémentaire.

L'avenant du 26 avril 2010 au contrat de travail stipule qu'à compter du 1er juin 2010, M. [T] est manager magasin statut cadre niveau 7 et qu'au regard de la nature des fonctions, de l'étendue de ses responsabilités, du degré d'autonomie dont il bénéficie dans l'organisation de son emploi du temps, il effectuera sa mission sans référence horaire et relèvera pour le calcul de son temps de travail d'un forfait annuel en jours de 216 jours travaillés dans l'année ; que le contrôle de la durée annuelle de travail est assuré par le biais des fiches mensuelles tenues à la disposition du salarié et complétées par ses soins ; que le collaborateur prendra toutes dispositions pour assurer son activité dans le cadre du nombre de jours défini annuellement.

Si l'accord d'entreprise répond aux exigences de la loi, il n'en demeure pas moins que la société ne verse aux débats qu'un seul compte rendu de performance pour l'année 2018 et ne justifie pas avoir organisé une fois par an un entretien avec le salarié sur sa charge de travail, sur l'articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle, sur sa rémunération ainsi que sur l'organisation du travail dans l'entreprise.

En conséquence, la cour retient que la convention de forfait en jours est inopposable au salarié.

M. [T] est donc en droit de réclamer le paiement des heures supplémentaires éventuellement réalisées, étant rappelé que par ordonnance du 5 avril 2022, le conseiller de la mise en état a jugé recevable cette demande nouvelle en cause d'appel, décision dont il n'a pas été interjeté appel.

L'article L.3121-27 du code du travail dispose que la durée légale de travail effectif des salariés à temps complet est fixée à 35 heures par semaine.

L'article L.3121-28 du même code précise que toute heure accomplie au delà de la durée légale hebdomadaire ou de la durée considérée comme équivalente est une heure supplémentaire qui ouvre droit à une majoration salariale ou, le cas échéant, à un repos compensateur équivalent.

En application de l'article L.3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

En l'espèce, à l'appui de sa demande, M. [T] présente dans ses conclusions des modalités de calcul des heures supplémentaires à hauteur de 10 heures par semaines pour la période d'août 2016 à août 2019, soit une durée moyenne de travail de 45 heures, ainsi qu'un calendrier rempli de manière manuscrite.

Le salarié présente ainsi des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il dit avoir réalisées, permettant à la société CSF qui assure le contrôle des heures effectuées d'y répondre utilement.

A cet effet, la société fait valoir que M. [T] ne démontre, à aucun titre, avoir accompli des heures supplémentaires ; que le calendrier versé aux débats ne concerne pas M. [T], est imprécis et parcellaire, ne démontre pas la réalisation d'heures supplémentaires

En conséquence, eu égard aux éléments présentés par le salarié et l'employeur, la cour a la conviction que M. [T] a exécuté des heures supplémentaires qui n'ont pas été rémunérées et après analyse des pièces produites, par ajout au jugement déféré, condamne la société CSF à verser au salarié la somme 7 948,80 brut à ce titre outre la somme de 794,88 brut de congés payés afférents.

Sur la résiliation judiciaire du contrat de travail

Pour infirmation de la décision, M. [T] soutient en substance qu'il a été victime de harcèlement moral ce qui a eu pour effet une dégradation de ses conditions de travail et de son état de santé ; que dès lors la résiliation judiciaire de son contrat de travail doit être pronooncée et produire les effets d'un licenciement nul.

La société CSF réplique qu'il appartient au demandeur en résiliation judiciaire du contrat de travail de démontrer la réalité des manquements graves commis par son employeur justifiant une rupture du contrat ; que le doute doit profite à l'employeur ; que le salarié ne démontre par aucune pièce la réalité du harcèlement dont il se dit victime.

Aux termes de l'article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Dès lors que sont caractérisés ces agissements répétés, fussent sur une brève période, le harcèlement moral est constitué indépendamment de l'intention de son auteur.

En application des articles L.1152-1 et L.1154-1 du code du travail, pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments présentés par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis pris dans leur ensemble, laissent supposer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L.1152-1 du code du travail. Dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Sous réserve d'exercer son office dans les conditions qui précèdent, le juge apprécie souverainement si le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et si l'employeur prouve que les agissements invoqués sont étrangers à tout harcèlement.

En l'espèce, M. [T] fait valoir que, à compter de juillet 2018 et l'arrivée de sa nouvelle responsable hiérarchique il a subi :

- Une grande détérioration de ses conditions de travail consécutive à :

* la modification de ses plannings le week-end pour la semaine suivante, sans respecter le délai de prévenance, en violation des obligations légales et conventionnelles ;

* le retrait de l'ensemble de ses prérogatives et autonomie, en violation de son statut et de sa position conventionnelle ;

* le non remplacement des salariés quittant son équipe, conduisant ainsi le salarié à réaliser de nombreuses heures supplémentaires afin d'effectuer des missions ne relevant, en aucun cas, de sa classification ;

* l'envoi de nombreux messages en dehors de ses heures de travail, faisant état de reproches injustifiés ;

* De nombreuses brimades.

- Un isolement croissant, sa nouvelle directrice tentant de l'exclure régulièrement des pauses effectuées avec les autres salariés, cette dernière lui retirant même son ordinateur de fonction.

Il présente à l'appui de sa demande les pièces suivantes :

- un document non daté de Mme [O] qui formule des griefs à l'encontre de M. [F] à son égard, mais qui n'évoque ni la situation de M. [T], ni les agissements de Mme [B], nouvelle hiérarchie de M. [T], envers celui-ci ;

- un document de M. [X] du 15 juin 2019 dénonçant les agissements de M. [F] à son encontre, et non envers M. [T] et sans mentionner un quelconque agissement de Mme [B] ;

- un courrier adressé à 'DR' par Mme [C] non daté, dénonçant les agissements de M. [F] à son encontre sans mentionner M. [T] ou Mme [B] ;

- un courrier de M. [G] du 16 septembre 2019 dénonçant les agissements de M. [F], mais également de Mme [B] et indiquant qu'il a été également témoin de plusieurs actes de harcèlement de la part de ces derniers, 'certains d'entre eux n'osent pas parler de peur de subir des représailles' et précisant avoir vu 'à plusieurs reprises [M] (M. [F]) et la directrice (Mme [B]) prendre des photos du rayon du manager du secteur frais [U] [T] (M. [T]), l'exclure de certaines réunions avec tous les managers et se moquer ouvertement de lui pendant ses pauses' et avoir signalé avec d'autres les difficultés rencontrées avec M. [F] à Mme [B] qui a cependant toujours soutenu ce dernier ;

- le courrier de M. [K] non daté, dénonçant précisément les agissements, la pression et le harcèlement subis par M. [F] et 'la directrice' ;

- le courrier de Mme [V], qui dit se joindre à M. [T] afin de dénoncer les injustices du magasin de [Localité 4] précisant que pour 'les dates périmées...on rejette la faute sur M. [T] alors qu'il était en vacances...' ;

- le courrier de Mme [D] qui se 'joint à ses collègues pour dénoncer les agissements et le mal être qui règne dans l'entreprise depuis plus d'an', précisant que depuis l'arrivée du nouveau manager M. [F] au secteur traditionnel, l'ambiance générale du magasin n'a cessé de 'décliner' ; que celui-ci 'détruit le moral des employés', 'empoisonne la vie', indiquant qu'en l'absence du manager de son secteur (le secteur frais avec pour manager M. [T]), M. [F] se permettait de changer l'organisation ; qu'il les surveillait constamment, demandant de ne pas rigoler, de ne pas parler, de ne pas mettre de la musique, même d'aller aux toilettes hors nos temps de pause ; que 'cette surveillance constante et ce harcèlement étaient contenus par le directeur (M. [S]), mais quand celui-ci est parti, M. [F] n'avait plus de limite' ; qu'il 'oblige les employés à venir les jours fériés... ; que 'ces 12 derniers mois sont devenus insoutenables, les conditions de travail se sont dégradées depuis l'arrivée de la nouvelle directrice Mme [B] qui a soutenu et accentué le comportement de [M. [F]]' ; que la directrice 'fait énormément de différence entre les employés mais aussi entre les managers et donc créée des tensions supplémentaires, elle a notamment mis de côté le manager M. [T] [U], le conviait plus au réunion café avec son équipe d'encadrement, elle le réprimande souvent pour des motifs non fondés (des produits manquants donc trous dans les rayons mais ceux sont des produits en rupture entrepôt), elle a supprimé des postes donc elle demande de fournir deux fois plus de boulot, là où on était 2 par rayons, maintenant nous devons faire pratiquement 2 rayons pour une seule personne' ;

- le courrier de M. [R] se joignant à ses anciens collègues pour dénoncer le harcèlement subi de la part de son ancien manager de la zone marché M. [F] [M] ;

- le courrier de M. [Y] dénonçant les agissements du carrefour [Localité 4], M. [M] [[F]] à son encontre ;

- la pétition générale dénonçant le comportement de M. [F] cautionné par la direction;

- un arrêt de travail à compter du 19 juin 2019 ;

- un courrier de Mme [B], directrice de magasin adressé le 16 mai 2019 à M. [T] aux termes duquel 'au cours de ces dernières semaines [elle a ] constaté des manquements dans l'exercice des missions qui [lui] incombent en tant que manager magasin. Ainsi malgré de multiples rappels oraux, force est de constater que la situation ne s'améliore pas...' ;

- une copie d'échange de message sur un changement de planning ;

- copie du SMS adressé par M. [T] à la directrice régionale Mme [H] le 7 juin 2019 l'alertant sur sa situation et dénonçant les brimades dont il se dit victime ;

- un courrier de la médecine du travail du 18 juin 2019 à l'attention du 'médecin' indiquant que M. [T] présente très probablement un syndrome anxio dépressif, qu'il lui est conseillé de prolonger son arrêt, de voir un psychiatre et de voir l'assistante sociale pour faire le point sur un bilan de compétence et demander l'avis du médecin sur la capacité du salarié à reprendre son poste de travail actuel.

Les pièces versées aux débats par M. [T] établissent la réalité d'une ambiance générale délétère dont ont souffert de nombreux salariés de l'entreprise. Pour autant, n'est pas établie la matérialité du retrait de l'ensemble de ses prérogatives et autonomie, en violation de son statut et de sa position conventionnelle, l'exécution de missions ne relevant pas de sa classification, l'envoi de nombreux messages en dehors de ses heures de travail faisant état de reproches injustifiés et le retrait de l'ordinateur.

Les autres faits dénoncés, à savoir les brimades et l'isolement, matériellement établis, pris dans leur ensemble permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral.

Il incombe donc à l'employeur de prouver que les agissements invoqués sont étrangers à tout harcèlement.

A cet effet, la société CSF fait valoir que M. [T] n'a pas daigné se présenter au rendez-vous fixé par Mme [H] à la suite de l'alerte du 7 juin 2019, que la pétition versée aux débats n'a pas été signée par M. [T] et ne concerne pas Mme [B], que les remarques faites par la directrice dans son courrier du 16 mai 2019 sont justifiées et ne doivent pas être confondues avec du harcèlement moral, que le salarié n'a jamais alerté la direction des faits dont il se dit victime depuis juillet 2018 avant le mois de juin 2019, qu'il est toujours dans les effectifs de la société, que les attestations versées démontrent l'absence de tout comportement harcelant de Mme [B].

La société CFS verse aux débats des photos des rayons dont M. [T] a la charge et révélant 'des trous'.

Elle produit également un courriel de Mme [B] du 3 novembre 2018 adressé à Mme [W] et à Mme [H] selon lequel, 'le 11 octobre, vers 10h00 matin, alors que [elle] réalise son tour du magasin journalier, [elle] remarque que les rayons sont dans un état pire que celui de la veille, les ruptures sont encore plus nombreuses. [Elle] appelle alors [U] afin d'échanger avec lui sur l'état de ses rayons. A peine [a t'elle] eu le temps de lui demander pourquoi ses rayons sont-ils dans cet état-là, qu'il se « braque », il se met directement sur la défensive, hausse le ton et me dit que ce n'est pas de sa faute, mais « de la faute de l'entrepôt » [elle] lui réponds alors qu'une partie des ruptures est bien de la faute de l'entrepôt, mais qu'en revanche, l'autre partie est présente en réserve et qu'il aurait dû la faire sortir. Il [lui] a alors répondu « bah puisque l'équipe ne sait pas faire, je vais le faire moi-même ». [Elle] lui explique que ce n'est pas le but, [elle] lui rappelle qu'il est responsable, et qu'il se doit donc, en tant que manager, d'indiquer à ses équipes le travail à réaliser et la manière de le faire. Suite à cet échange, [elle] continue [son] tour de magasin et arrive au rayon Snacking. Ce dernier était dans un très mauvais état. Une employée était présente, [elle lui a ] demandé si on a passé tous l'arrivage, elle [lui] a répondu qu'il manquait un support et [elle] lui ai demandé si on a fait la réclamation, elle [lui] a répondu qu'elle ne savait pas. [Elle] appelle alors [U], à nouveau, à peine [a t'elle] eu le temps de lui demander si la réclamation avait été faite, qu'il s'est emporté. Il s'est mis à crier, [elle] lui repose la même question, n'obtient pas de réponse. Il continu de crier, à ce moment [elle] lui rappelle que [ils se trouvent] sur la surface de vente, le convoque au bureau mais il ne se présente pas...['] Je tiens également à préciser à [U] qu'étant directrice, je suis sa supérieure hiérarchique et que si je lui fais des remarques, c'est uniquement dans le but d'améliorer notre magasin et notre travail, et non pas pour le « saquer » comme il a l'air de le penser ».'

La société verse également aux débats une lettre du 3 juillet 2014 remise à M. [T] et lui reprochant plusieurs manquements au sein de l'ensemble des rayons dont il avait la responsabilité en tant que manager magasin, notamment l'absence d'élaboration des plan d'occupation des sols, de nombreuses ruptures (114) et étiquettes manquantes aux rayons Epicerie, ces manquements étant dus en partie à un manque de suivi et d'organisation des tâches à accomplir et à un manque d'anticipation sur les priorités des rayons, un remplissage et un 'facing' des rayons saisonniers non satisfaisants, absence de consignes claires données au gestionnaire de stock et à l'approvisionneur principal pour la bonne tenue et le remplissage des rayons, le courrier rédigé, par le directeur de magasin M. [J], de conclure que 'ces constats reflètent votre manque d'implication, d'organisation et de rigueur dans la mise en oeuvre des tâches qui vous incombent en tant que manager magasin'.

L'attestation de Mme [L], gestionnaire rayons frais pendant deux ans sous l'autorité de M. [T] révèle que celui-ci a décidé de ne plus lui parler pour une raison inconnue, sans explication et qu'elle a du demander à changer de rayon.

Mme [A], manager magasin atteste de ce que Mme [B] est très à l'écoute et très arrangeante, qu'elle a tout fait pour intégrer M. [T] mais ce dernier est toujours resté à l'écart;

Mme [I] [E], manager administrative et élue au CHSCT indique dans son attestation n'avoir jamais constaté d'attitude d'harcèlement à l'encontre de M. [T] de la part de Mme [B] et 'confirme qu'à plusieurs reprises, elle a demandé à M. [T] des explications sur le suivi les ruptures des rayons dont il avait la charge jusqu'à son arrêt maladie', tenant à préciser qu'elle n'aurait jamais laissé agir Mme [B] si elle avait constaté ce harcèlement moral et aurait fait remonter l'information en réunion de CHSCT.

Au constat que M. [T] se plaint de la dégradation de ses conditions de travail depuis juillet 2018 et l'arrivée de la nouvelle directrice Mme [B] ; que des manquements de M. [T] dans l'exécution de ses tâches avaient déjà été relevés en 2014 par un directeur précédent autre que Mme [B], élément non contesté par le salarié ; que des collaborateurs témoignent des difficultés de comportement de M. [T] et de ce que Mme [B] lui a demandé des explications sur le suivi des ruptures d'approvisionnement des rayons, ce qui est corroboré par les photos non discutées, manquements également relevés en 2014, la cour en déduit que les agissements invoqués par le salarié et retenus par la cour, sont étrangers au harcèlement moral.

En conséquence, c'est à juste titre que les premiers juges ont dit que le harcèlement moral n'était pas établi et ont débouté le salarié de sa demande de dommages-intérêts à ce titre et de sa demande de résiliation judiciaire du contrat de travail.

La décision sera confirmée de ces chefs.

Sur le travail dissimulé

Aux termes de l'article L.8223-1 du code du travail, le salarié auquel l'employeur a recours dans les conditions de l'article'L.8221-3 ou en commettant les faits prévus à l'article'L.8221-5 du même code relatifs au travail dissimulé a droit, en cas de rupture de la relation de travail, à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

En l'espèce, le contrat de travail de M. [T] n'est pas résilié. En conséquence, en l'absence de rupture du contrat de travail, M. [T] doit être débouté de sa demande d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé. Il sera ajouté en ce sens à la décision critiquée.

Sur les frais irrépétibles

La société CSF sera condamnée aux entiers dépens et devra verser à M. [T] la somme de 2000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et mis à disposition au greffe,

CONFIRME le jugement déféré en ce qu'il a débouté M. [U] [T] de ses demandes au titre du harcèlement moral et de résiliation judiciaire de son contrat de travail ;

INFIRME le jugement pour le surplus ;

Statuant à nouveau et y ajoutant ;

JUGE le forfait en jours inopposable à M. [U] [T] ;

CONDAMNE la SAS CSF à payer à M. [U] [T] la somme de 7 948,80 brut au titre des heures supplémentaires pour la période d'août 2016 à août 2019, outre la somme de 794,88 brut de congés payés afférents ;

RAPPELLE que les sommes de nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter de la date de réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation du conseil des prud'hommes ;

ORDONNE la capitalisation des intérêts ;

DÉBOUTE M. [U] [T] de sa demande d'indemnité forfaitaire au titre du travail dissimulé;

CONDAMNE la SAS CSF aux entiers dépens ;

CONDAMNE la SAS CSF à verser à M. [U] [T] la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

La greffière, La présidente.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 11
Numéro d'arrêt : 21/06598
Date de la décision : 02/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 08/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-02;21.06598 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award