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02/07/2024 | FRANCE | N°21/06413

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 11, 02 juillet 2024, 21/06413


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 11



ARRET DU 02 JUILLET 2024



(n° , 13 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/06413 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CECFE



Décision déférée à la Cour : Jugement du 22 Juin 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'EVRY-COURCOURONNES - RG n°



APPELANTE



S.C.M. CERBALLIANCE

[Adresse 4]

[Local

ité 2]

Représentée par Me Nicolas CZERNICHOW, avocat au barreau de PARIS, toque : L0305



INTIMEE



Madame [U] [E]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Inès PLANTUREUX, a...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 11

ARRET DU 02 JUILLET 2024

(n° , 13 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/06413 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CECFE

Décision déférée à la Cour : Jugement du 22 Juin 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'EVRY-COURCOURONNES - RG n°

APPELANTE

S.C.M. CERBALLIANCE

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représentée par Me Nicolas CZERNICHOW, avocat au barreau de PARIS, toque : L0305

INTIMEE

Madame [U] [E]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Inès PLANTUREUX, avocat au barreau de PARIS, toque : B0171

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 12 Mars 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Isabelle LECOQ-CARON, Présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Madame Isabelle LECOQ-CARON, Présidente de chambre,

Madame Anne HARTMANN, Présidente de chambre,

Madame Catherine VALANTIN, Conseillère,

Greffier, lors des débats : Madame Manon FONDRIESCHI

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Isabelle LECOQ-CARON, Présidente de chambre, et par Madame Manon FONDRIESCHI, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

RAPPEL DES FAITS, PROCÉDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES

Mme [U] [E], née en 1986, a été engagée par la SCM groupe Bio7, par un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 8 février 2016 en qualité de responsable des ressources humaines.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale des laboratoires d'analyses médicales extra hospitaliers.

La société groupe Bio7 a été absorbée par la SCM Cerballiance en mai 2018.

Suite à cette fusion, la gestion des personnels entre les deux entités a été harmonisée.

Par lettre datée du 20 août 2019, Mme [E] a été convoquée à un entretien préalable fixé au 29 août 2019.

Mme [E] a ensuite été licenciée pour faute par lettre datée du 18 septembre 2019.

Le 25 septembre 2019, Mme [E], par lettre recommandée avec accusé de réception, a contesté son licenciement et a demandé à son employeur de préciser les motifs énoncés dans la lettre de licenciement.

La société Cerballiance n'a jamais répondu à ce courrier.

A la date du licenciement, Mme [E] avait une ancienneté de 3 ans et 7 mois, et la société Cerballiance occupait à titre habituel plus de dix salariés.

Contestant la légitimité de son licenciement et réclamant diverses indemnités,outre des rappels de salaires pour heures supplémentaires, Mme [E] a saisi le 22 juin 2021 le conseil de prud'hommes d'Evry-Courcouronnes qui, par jugement du 22 juin 2021, auquel la cour se réfère pour l'exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, a statué comme suit :

- ne fait pas droit à la révocation de l'ordonnance sollicitée par la société Cerballiance,

- fixe la moyenne des salaires des douze derniers mois de Mme [E] à la somme de 5193,69 euros,

- requalifie le licenciement de Mme [E] en licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- condamne la société Cerballiance à verser à Mme [E] les sommes suivantes :

- 69 330,42 euros au titre des heures supplémentaires sur la période de janvier 2017 à juillet 2019,

- 6933 euros au titre des congés payés afférents,

- 20 774,76 euros au titre de l'indemnité pour travail dissimulé,

- 31 162,17 euros pour exécution déloyale du contrat de travail,

- 20 774,76 euros au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 928,46 euros au titre du reliquat d'indemnité de licenciement,

- 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonne à la société Cerballiance de remettre à Mme [E] les documents sociaux sous astreinte de 50 euros par jour de retard et par document à compter du huitième jour suivant la notification du présent jugement et pour une durée de 30 jours,

- se réserve le droit de liquider l'astreinte,

- ordonne l'exécution provisoire de ce jugement sur le fondement de l'article 515 du code de procédure civile,

- déboute Mme [E] du surplus de ses demandes,

- condamne la société Cerballiance aux entiers dépens.

Par déclaration du 27 juillet 2021, la société Cerballiance a interjeté appel de cette décision, notifiée le 30 juin 2021.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 13 février 2024, la société Cerballiance demande à la cour de :

- déclarer recevable et bien fondé la société SCM Cerballiance en son appel partiel de la décision rendue le conseil de prud'hommes d'Evry en date du 22 juin 2021,

Statuant sur l'appel interjeté par la société SCM Cerballiance :

- infirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes d'Evry en date du 22 juin 2021 en ce qu'il :

- n'a pas fait droit à la révocation de l'ordonnance sollicitée par la société Cerballiance,

- fixe la moyenne des salaires des douze derniers mois de Mme [U] [E] à la somme de 5.193,69 euros,

- requalifie le licenciement de Mme [U] [E] en licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- condamne la société Cerballiance à verser à Mme [U] [E] les sommes suivantes :

- 69.330,42 euros au titre des heures supplémentaires sur la période de janvier 2017 à juillet 2019,

- 6.933 euros au titre des congés payés afférents,

- 20.774,76 euros au titre de l'indemnité pour travail dissimulé,

- 31.162,17 euros pour exécution déloyale du contrat de travail,

- 20.774,76 euros au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 928,46 euros au titre du reliquat d'indemnité pour licenciement,

- 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonne à la société Cerballiance de remettre à Mme [U] [E] les documents sociaux sous astreinte de 50 euros par jour de retard et par document à compter du 8 ème jour suivant la notification du présent jugement et pour une durée de 30 jours,

- réserve le droit de liquider l'astreinte,

- ordonne l'exécution provisoire du jugement sur le fondement de l'article 515 du code de procédure civile,

- condamne la société Cerballiance aux entiers dépens,

- confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes d'Evry en date du 22 juin 2021 en ce qu'il déboute Mme [U] [E] du surplus de ses demandes,

Et statuant à nouveau :

- déclarer la société SCM Cerballiance recevable et bien fondée en ses écritures,

- fixer le salaire moyen mensuel brut à hauteur de 4.418,58 euros,

sur les heures supplémentaires réclamées par Mme [E],

- juger que Mme [E] ne fournit aucun élément de nature à étayer ses horaires de travail,

- juger que la société SCM Cerballiance n'a pas sollicité la réalisation d'heures supplémentaires,

en conséquence,

- débouter Mme [E] de ses demandes à titre de rappel d'heures supplémentaires et congés afférents,

- débouter Mme [E] de sa demande à titre de reliquat d'indemnité de licenciement à hauteur de 928,46 euros,

sur le travail dissimulé,

- juger que Mme [E] n'a pas effectué d'heures supplémentaires sollicitées par la société SCM Cerballiance,

- juger que l'intention de dissimuler de la société SCM Cerballiance n'est pas caractérisée,

En conséquence,

- débouter Mme [E] de sa demande à titre d'indemnité pour travail dissimulé,

sur les demandes indemnitaires portant sur l'exécution loyale du contrat de travail,

- juger que la société SCM Cerballiance a exécuté de manière loyale le contrat de travail,

En conséquence,

- débouter Mme [E] de sa demande à titre d'indemnité pour exécution déloyale du contrat de travail,

sur les demandes indemnitaires portant sur la rupture du contrat de travail,

A titre principal,

- juger justifié le licenciement de Mme [E],

en conséquence,

- débouter Mme [E] de sa demande à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

A titre subsidiaire,

- condamner la société SCM Cerballiance au paiement d'une indemnité à hauteur de 13.255,74 euros à titre de licenciement sans cause réelle et sérieuse,

sur la demande au titre de l'égalité de traitement,

- juger que Mme [E] n'est pas victime d'inégalité de traitement,

en conséquence,

- débouter Mme [E] de sa demande à titre de dommages et intérêts pour inégalité de traitement,

En toute hypothèse :

- débouter Mme [E] de sa demande au titre de la délivrance des documents sociaux et bulletin de paie conforme à la décision à intervenir sous astreinte de 50 euros par jour de retard et par document,

- débouter Mme [E] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile à l'encontre de la société SCM Cerballiance,

- la condamner à verser à la société SCM Cerballiance la somme de 2.500 euros au titre du même article,

- condamner Mme [E] aux entiers dépens.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 23 janvier 2024, Mme [E] demande à la cour de :

- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société Cerballiance à verser à Mme [E] les sommes suivantes :

- 69 330,42 euros au titre des heures supplémentaires de janvier 2017 à juillet 2019,

- 6 933 euros au titre des congés payés afférents,

- dire et juger que ces sommes porteront intérêt à compter de la réception par l'employeur de la saisine du conseil de prud'hommes le 17 janvier 2020 avec anatocisme,

- confirmer le jugement en ce qu'il a jugé que le travail dissimulé était caractérisé,

- l'infirmer quant au quantum des sommes allouées au titre du travail dissimulé et condamner la société Cerballiance à verser à Mme [E] la somme de 31 162,17 euros au titre des indemnités pour travail dissimulé,

- confirmer le jugement en ce qu'il a fixé la moyenne des salaires des 12 derniers mois à la somme de 5 193,69 euros,

- confirmer le jugement en ce qu'il a jugé que l'employeur a exécuté le contrat de travail de manière déloyale et en ce qu'il a condamné la société Cerballiance à verser à Mme [E] 31 162,17 euros au titre des dommages et intérêts,

- confirmer le jugement en ce qu'il a jugé que le licenciement de Mme [E] sans cause réelle ou sérieuse,

- l'infirmer quant au quantum des sommes allouées au titre des dommages intérêts et condamner

la société Cerballiance à verser à Mme [E] la somme de :

- 31 162,17 euros au titre des dommages et intérêts,

- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société Cerballiance à verser à Mme [E] 928,46 euros au titre du reliquat d'indemnité de licenciement,

subsidiairement,

- constater que la procédure de licenciement est irrégulière,

- condamner la société Cerballiance à verser à Mme [E] 5 193,69 euros au titre de la procédure irrégulière,

-infirmer le jugement en ce qu'il débouté Mme [E] de sa demande au titre de la différence de traitement et statuant à nouveau condamner la société Cerballiance à verser à Mme [E] les sommes suivantes :

- 2999,97 euros au titre rappel de salaire pour la période du 1er janvier 2019 jusqu'à son licenciement,

- 3000 euros au titre de rappel de la prime sur objectifs,

- confirmer le jugement en ce qu'il a ordonné la remise sous astreinte de 50 euros par jour de retard et par document des documents sociaux et du bulletin de salaire conforme au jugement à intervenir,

- condamner la société Cerballiance à verser à Mme [E] 6000 euros au titre de l'article 700,

- condamner la société Cerballiance aux dépens y compris d'exécution forcée,

- débouter la société Cerballiance de toutes ses demandes plus amples ou contraires.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 14 février 2024, et l'affaire a été fixée à l'audience du 12 mars 2024.

Pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur les heures supplémentaires

Pour infirmation de la décision entreprise, la société Cerballiance soutient en substance que qu'elle ne peut pas être condamnée à un rappel de salaire pour une période au titre de laquelle elle n'était pas encore l'employeur de Mme [E] ; que le bénéficie du forfait en jours exclut toute demande de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires ; que la convention de forfait en jours est parfaitement valable et opposable à la salariée ; qu'en tout état de cause, la réalisation de prétendue heures supplémentaires n'est pas démontrée et que la salariée n'avait pas l'autorisation de son employeur.

Mme [E] rétorque qu'elle ne bénéficiait pas de convention de forfait en jours ; que la réalisation d'heures supplémentaires étaient nécessaires à la réalisation des tâches qui lui étaient confiées.

Selon l'article L.1224-1 du code du travail, lorsque survient une modification dans la situation juridique de l'employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société de l'entreprise, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise.

L'article L. 1224-2 du même code précise que le nouvel employeur est tenu, à l'égard des salariés dont les contrats de travail subsistent, aux obligations qui incombaient à l'ancien employeur à la date de la modification, sauf dans les cas suivants :

1° Procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire ;

2° Substitution d'employeurs intervenue sans qu'il y ait eu de convention entre ceux-ci.

Le premier employeur rembourse les sommes acquittées par le nouvel employeur, dues à la date de la modification, sauf s'il a été tenu compte de la charge résultant de ces obligations dans la convention intervenue entre eux.

Il est admis que la société SCM Groupe Bio 7 a été rachetée par la société Cerballiance de telle sorte que les contrats de travail des salariés de la première ont été transférés de plein droit vers la seconde et que la société Cerballiance tenue des obligations qui incombaient à la société Groupe Bio 7 au jour de la fusion absorption, ne peut opposer à Mme [E] qu'elle n'était pas son employeur durant la période pendant laquelle elle dit avoir réalisé des heures supplémentaires.

L'article L. 3121-55 du code du travail dispose que la forfaitisation de la durée du travail doit faire l'objet de l'accord du salarié et d'une convention individuelle de forfait établie par écrit.

En l'espèce le contrat de travail de Mme [E] du 8 février 2016 stipule que la durée du travail est de 1 589 heures annuelles. Il ne prévoit aucun forfait annuel en jours.

A la suite du rachat de la société Groupe Bio 7 par la société Cerballiance, il n'est pas établi, ni au demeurant contesté que la salariée n'a signé aucune convention de forfait. La société Cerballiance ne peut opposer un prétendu accord verbal qui serait intervenu à l'occasion du transfert des contrats de travail, ni la mention sur les bulletins de salaire d'un temps de travail de 213 jours, à défaut d'accord express de la salariée résultant d'une convention de forfait signée par elle.

En conséquence, c'est à tort que la société Cerballiance se prévaut de l'existence d'un forfait en jours et la salariée est en droit de réclamer le paiement des heures supplémentaires éventuellement réalisées.

En application de l'article L.3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

En l'espèce, à l'appui de sa demande, la salariée présente les éléments suivants :

- une multitude d'e-mails ;

- un décompte des heures supplémentaires annuelles.

Mme [E] présente ainsi des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il dit avoir réalisées, permettant à la société Cerballiance qui assure le contrôle des heures effectuées d'y répondre utilement.

A cet effet, la société fait valoir que la salariée n'a jamais réclamé le paiement des heures supplémentaires ; que les e-mails produits n'établissent pas ses horaires de travail ; que la salariée ne démontre pas que la société avait sollicité de sa part la réalisation d'heures supplémentaires.

La cour retient que c'est en vain que l'employeur oppose l'absence d'autorisation de réaliser des heures supplémentaires sans démontrer que les missions confiées à la salariée ne nécessitaient pas le dépassement de la durée de travail convenue ; que si les e-mails produits par la salariée ne caractérisent pas l'amplitude horaire de ses journées de travail, ils révèlent cependant sa charge de travail.

En conséquence, eu égard aux éléments présentés par la salariée et l'employeur, la cour a la conviction que la salariée a exécuté des heures supplémentaires qui n'ont pas été rémunérées et après analyse des pièces produites, confirme le jugement déféré qui a condamné la société à verser à Mme [E] la somme de 69 330,42 euros brut à ce titre outre la somme de 6 933 euros brut de congés payés afférents pour la période de janvier 2017 à juillet 2019.

Sur le travail dissimulé

Aux termes de l'article L.8223-1 du code du travail, le salarié auquel l'employeur a recours dans les conditions de l'article'L.8221-3 ou en commettant les faits prévus à l'article'L.8221-5 du même code relatifs au travail dissimulé a droit, en cas de rupture de la relation de travail, à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

L'article'L.8221-5, 2°, du code du travail dispose notamment qu'est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour un employeur de mentionner sur les bulletins de paie un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli.

Toutefois, la dissimulation d'emploi salarié prévue par ces textes n'est caractérisée que s'il est établi que l'employeur a agi de manière intentionnelle.

En l'espèce la société ne pouvait ignorer ni l'absence de convention de forfait en jours signée par la salariée, ni la charge de travail de celle-ci. Dès lors, la cour retient que c'est de manière intentionnelle qu'elle a dissimulé une partie de l'activité de la salariée et par infirmation de la décision entreprise, condamne la société Cerballiance à lui verser la somme de 31 162,17 euros d'indemnité forfaitaire correspondant à 6 mois de salaire, en ce compris les heures supplémentaires.

Sur l'exécution déloyale du contrat de travail

Pour infirmation de la décision sur ce point, la société Cerballiance soutient en substance que l'exécution déloyale du contrat de travail n'est pas établie par la salariée à qui incombe la charge de la preuve ; que les missions énumérées par Mme [E] relèvent de l'exercice normal des fonctions d'une responsable des ressources humaines ; qu'elle était associée aux différents projets relevant de son périmètre d'intervention ; qu'elle n'a jamais fait part de la réalisation d'heures supplémentaires ; qu'il n'est pas établi que la société est à l'origine de l'altération de son état de santé, ni que les conditions de son licenciement sont intervenues dans des circonstances vexatoires.

Mme [E] rétorque qu'en conséquence de la fusion des services des ressources humaines des deux sociétés Cerballiance et Bio7, les tâches confiées ont augmenté ; que les moyens ont été diminués ; que sa supérieure hiérarchique l'a isolée progressivement de ses équipes.

En application de l'article L.1222-1 du code du travail, le contrat de travail est présumé exécuté de bonne foi, de sorte que la charge de la preuve de l'exécution de mauvaise foi dudit contrat incombe à celui qui l'invoque.

Il résulte du courriel du 20 juin 2018 adressé par le consultant KPMG à différents collaborateurs de la société Cerballiance dont Mme [E] et sa supérieure hiérarchique, Mme [X], Directrice des ressources humaines que des tâches ont été confiées à Mme [E] dans le cadre de la réorganisation du groupe : prévoir des recrutements de gestionnaires de paie, préparer les données requises pour la bascule de Sage vers ADP (logiciels de paie) pour fin septembre, dénoncer les mutuelles actuelles de CBiop et Laboteam pour passage sur Mercer, prendre connaissance des process groupe définis et contrôlés annuellement par PWC. En outre, avec Mme [X], elle devait définir le lieu de travail des chargés de recrutement, gérer le passage de Cbiop/Laboteam sur la mutuelle Mercer au forfait famille le 1er janvier, déterminer une compensation à la suppression des tickets restaurants pour les équipes CBiop, réaliser une étude démographique pour estimer les coûts éventuels d'un passage à un autre forfait pour SCM, GIE et BCL, estimer le coût d'un éventuel changement de prévoyance, chiffrer l'impact d'une unification.

La société Cerballiance n'établit pas qu'elle a mis à disposition de sa salariée les moyens nécessaires à l'exécution des tâches ainsi confiées dans un contexte de fusion de deux sociétés étant relevé que le projet de réorganisation transmis par courriel du 8 juin 2018 par Mme [E] à Mme [X] et à Mme [K], directrice des ressources humaines de Cerba-HealthCare est une proposition élaborée 'suite aux échanges avec [N]' (Mme [X]) et révèle la suppression de plusieurs postes.

Les éléments versés établissent que dès le mois d'octobre 2018, Mme [E] a interpellé sa supérieure hiérarchique sur sa charge de travail eu égard à la reprise de la partie gestion des biologistes, la refonte de la paie de la formation et du recrutement, précisant qu'elle n'avait pas encore eu le temps de s'y consacrer ; qu'elle a sollicité de l'aide sans réponse ; qu'elle a sollicité en vain une formation au nouveau logiciel ADP.

Les attestations de Mme [F] et de M. [Z] révèlent que Mme [E] n'était plus conviée par Mme [X] aux points organisés avec l'équipe formation alors qu'elle était présente dans les locaux et en avait la charge. Il appert également que la directrice des ressources humaines a négocié la rémunération d'un membre de l'équipe de Mme [E] sans lui en faire part.

La cour déduit de ces éléments que l'exécution déloyale du contrat de travail de Mme [E] par la société Cerballiance est établie, ce qui a eu pour effet une détérioration des conditions de travail dont la directrice des ressources humaines avait nécessairement connaissance, eu égard notamment au courriel du 17 mai 2019 dans lequel Mme [E] faisait état de ses inquiétudes à la suite de l'annonce sur la recherche d'un responsable Développement RH, de ses interrogations sur l'organisation souhaitée et précisant qu'elle vivait très mal la situation. Mme [E] a été placée en arrêt de travail à compter du 18 juillet 2019 jusqu'au 30 août 2019.

En réparation du préjudice subi, la cour condamne la société Cerballiance à verser à Mme [E] la somme de 10 000 euros. La décision déférée sera réformée de ce chef.

Sur l'inégalité de traitement

Pour infirmation de la décision, Mme [E] fait valoir qu'il appartient à l'employeur de justifier que les salariés occupant le même poste connaissent des différences de traitement ; que la société ne démontre pas que les salariés recrutés au même poste qu'elle seraient soit plus diplômés soit plus expérimentés.

La société Cerballiance rétorque qu'il appartient au salarié de soumettre au juge des éléments de faits susceptibles de caractériser une inégalité de traitement avec les salariés auxquels il se compare ; que les salariés auxquels elle se compare exercent leurs fonctions sur un périmètre d'intervention différent de celui précédemment occupé par elle de sorte que leur situation ne sont pas comparables et ne permettent de caractériser une situation d'inégalité de rémunération ; qu'en tout état de cause, elle bénéficiait d'une rémunération supérieure à celle allouée aux autres responsables des ressources humaines.

En application du principe « A travail égal, salaire égal », il est de droit que tout employeur est tenu d'assurer, pour un même travail ou pour un travail de valeur égale, l'égalité de rémunération entre tous ses salariés placés dans une situation identique et effectuant un même travail ou un travail de valeur égale.

L'article L.3221-4 du code du travail précise que sont considérés comme ayant une valeur égale, les travaux qui exigent des salariés un ensemble comparable de connaissances professionnelles consacrées par un titre, un diplôme ou une pratique professionnelle, de capacités découlant de l'expérience acquise, de responsabilités et de charge physique ou nerveuse.

Le salarié qui invoque une atteinte au principe 'A travail égal, salaire égal' doit présenter les éléments de fait laissant supposer l'existence d'une inégalité de traitement. Au vu de ces éléments, il incombe à l'employeur de rapporter la preuve d'éléments objectifs justifiant cette inégalité.

Il s'en déduit qu'il incombe de vérifier si les salariés concernés présentent la même ancienneté et une formation comparable, et exercent des fonctions impliquant un niveau de responsabilité et de capacité comparable pour pouvoir prétendre à la perception d'un même salaire sauf pour l'employeur à pouvoir justifier de l'existence de différences fondées sur des éléments objectifs, pertinent et vérifiables.

En l'espèce, à l'appui de sa demande, Mme [E] produit le contrat de travail de Mme [H] et de M. [C], embauchés tous les deux en qualité de responsable des ressources humaines par la société Cerballiance respectivement le 11 et le 4 juin 2019 au coefficient 400 position cadre I, pour une rémunération brute de base de 4 583,33 euros par mois, outre une prime annuelle d'objectif de 3 000 euros pour l'une et de 5 000 euros pour l'autre.

Cependant, la cour relève que si ces deux salariés sont engagés dans les mêmes fonctions que comme Mme [E], selon le même coefficient et le même statut, la durée du travail de ces deux salariés est fixée selon une convention de forfait en jours, contrairement à Mme [E].

Il s'en déduit que ces deux salariés ne sont pas dans une situation comparable à celle de Mme [E].

C'est donc à juste titre que les premiers juge sont débouté Mme [E] de ses demandes au titre de l'inégalité de traitement. La décision sera confirmée de ce chef.

Sur le licenciement

Selon l'article L.1235-1 du code du travail, en cas de litige relatif au licenciement, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, au besoin après toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles'; si un doute subsiste, il profite au salarié.

Ainsi l'administration de la preuve en ce qui concerne le caractère réel et sérieux des motifs du licenciement n'incombe pas spécialement à l'une ou l'autre des parties, l'employeur devant toutefois fonder le licenciement sur des faits précis et matériellement vérifiables.

En application de l'article L.1332-4 du code du travail, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales.

Il est constant que ce n'est pas la date des faits qui constitue le point de départ du délai mais celle de la connaissance par l'employeur des faits reprochés. Cette connaissance par l'employeur s'entend d'une 'connaissance exacte de la réalité, de la nature et de l'ampleur des faits'. Cette connaissance peut dépendre de la réalisation de vérifications auxquelles l'employeur doit procéder pour s'assurer de la réalité, de la nature et de l'ampleur des faits reprochés

La lettre de licenciement du 18 septembre 2019 est rédigée en ces termes :

'...Vous occupez les fonctions de responsable RH au sein de la SCM depuis le 8 février 2016. Dans le cadre de la fusion intervenue entre Cerballiance et le groupe BIO7 vous avez conservé votre poste de responsable RH et la gestion des équipes de paies, recrutement et formation.

Dans le cadre de ce dernier, je vous ai à plusieurs reprises interpellé sur les disfonctionnements importants au niveau de la paie et du recrutement notamment.

Vous n'avez pas tenu compte d'aucune de ces remarques et continué dans les mêmes modalités de fonctionnement occasionnant des problématiques importantes.

Au niveau de la paie, nous avons une équipe qui n'est pas managée et des conséquences qui sont que nous avons des collaborateurs non payés, des erreurs de paie, des sujets non gérés alors que tous ces faits ont des impacts importants au niveau des personnes mais aussi au niveau même du fonctionnement pérenne de la société.

Outre le fait que ce n'est pas la raison qui explique des disfonctionnements liés à des process dont vous aviez la charge et qui n'existent pas pour l'équipe que vous managez, la société a toujours été claire sur cette attente et sur les moyens humains ou autres possibles à mettre en oeuvre pour gérer cette situation.

D'autre part, vous n'avez jamais indiqué que cela ne serait pas gérable en l'état et ça l'est.

Le problème vient de votre implication insuffisante sur la gestion des sujets paies et de l'animation de l'équipe qui ne consiste pas à transférer des mails mais à expliquer des situations et à participer à leur gestion si nécessaire.

Vous choisissez les sujets dont vous souhaitez vous occuper et ne gérer pas l'ensemble des situations.

Sur certains sujets importants vous prenez des positions sans m'en faire part et vous dédouanez des impacts comme celui des heures supplémentaires effectuées par les équipes.

Au niveau du recrutement, vous ne managez pas les équipes ou ne proposez aucune action.

Vous êtes toutes les semaines informée du reporting des postes pourvus ou en cours.

A aucun moment vous n'avez proposé de solution pour essayer de résorber le nombre de postes vacants, ne vous inquiétant nullement des conséquences sur le fonctionnement des sites.

J'ai dû proposer des nouveaux partenaires, proposer des actions aux équipes et gérer dans les structures avec les équipes en place comment assurer le fonctionnement en l'absence des postes pourvus.

Lors de cet entretien, vous m'avez indiqué que vous m'aviez interpelé et que je vous ai évité. Je ne partage pas votre appréciation de la situation.

J'ai été présente à [Localité 2] à minima 1 fois par semaine, vous ne fonctionnez qu'en m'adressant des mails, et généralement après les problèmes non gérés.

Je vous ai aussi interpellé sur votre contractualisation d'une prestation d'avocat pour Viabo et BCL d'une valeur de 3750 euros ht sans m'en avertir.

Vous m'avez indiqué que vous pensiez pourvoir le faire sans me consulter.

Nous avions évoqué ensemble que pour les dossiers en cours, vous gardiez le même prestataire pas que vous contractualisiez un contrat sans m'en informer alors que nous avons un prestataire identifié.

Sur certains sujets vous vous investissez et mettez en place des actions ; sur d'autres qui sont prioritaires non.

Ces situations ne sont pas adaptées au bon fonctionnement du service RH.

Aussi nous vous notifions votre licenciement pour faute simple...'

Par courrier recommandé avec accusé de réception du 25 septembre 2019, Mme [E] a contesté les faits reprochés et demandé à la société de préciser la date et les faits qui lui seraient imputables et qui seraient à l'origine de dysfonctionnements dans le traitement de la paye.

Il est admis que la société n'a pas répondu à ce courrier.

Il est reproché à Mme [E] de ne pas manager son équipe, ce qui a entraîné des dysfonctionnements importants relatifs à la paie des collaborateurs et au fonctionnement pérenne de la société, une implication insuffisante sur la gestion des sujets paies et de l'animation de l'équipe qui ne consiste pas à transférer des mails mais à expliquer des situations et à participer à leur gestion si nécessaire, de ne pas proposer de solution pour essayer de résorber le nombre de postes vacants, la contractualisation d'une prestation d'avocat pour Viabo et BCL d'une valeur de 3750 euros ht sans en avertir Mme [X], directrice des ressources humaines de la société. Ces griefs constituent des faits précis et matériellement vérifiables selon les règles de preuve rappelées ci-avant.

A l'appui du licenciement pour faute simple, la société invoque la demande d'envoi d'indicateurs sur l'absentéisme adressée par Mme [W], responsable administration RH et avantages sociaux en date du 25 avril 2019 à 18H49 pour le 6 mai. Il résulte des échanges de courriels que Mme [E] a traité la demande le jour même à 20H58 en sollicitant la nature de l'absentéisme (maternité, congé parental, congé sans solde, maladie...) et en faisant observer que dans la société BIO7, beaucoup d'absences étaient neutralisées par la compensation des heures supplémentaires et que la recherche des indicateurs par laboratoire allait être compliquée eu égard à la date fixée de retour ; que Mme [E] s'est vue refuser la possibilité de recourir aux RH des différentes entités Cerballiance concernées.

La société se prévaut également d'un retard quant à la remise de documents à 'ADP' dans le cadre de la reprise de données Laboteam, M. [G], responsable développement SIRH Groupe 'invitant' Mme [E] le vendredi 9 novembre 2018 à 'mettre quelqu'un à 200% sur ce fichier pour qu'on puisse lundi ou mardi l'envoyer à ADP'. Mme [E] a répondu le jour même qu'elle ne pouvait pas inventer des ressources humaines supplémentaires dans un service pourvu du même nombre de gestionnaires paie alors que son périmètre s'est élargi. C'est à juste titre que la salariée souligne qu'il n'est pas établi de décalage de fin de projet, ni que l'employeur avait mis les moyens nécessaires à sa disposition pour l'accomplissement de sa mission.

S'agissant de la gestion de la paie et de l'animation de l'équipe, la société met en avant la gestion de la participation et de l'intéressement sans que les courriels versés aux débats ne caractérisent de difficultés imputables à Mme [E].

S'agissant du recrutement et du manque d'implication pour proposer des solutions, il résulte des éléments versés aux débats que Mme [E] a proposé à Mme [X] une organisation du service pour l'été 2019 dès le mois d'avril 2019 pour assurer la clôture de paie durant la période estivale ainsi qu'un recrutement.

Enfin, s'agissant de la contractualisation d'une prestation d'un avocat, la société ne produit aucune pièce à ce sujet.

En tout état de cause, comme le souligne la salariée, la cour retient que l'employeur ne démontre pas avoir mis à la disposition de celle-ci les moyens de réaliser de manière efficace les différentes tâches qui lui étaient imparties, notamment en terme de formation aux logiciels et en terme d'effectifs, étant rappelé que celles-ci s'inscrivent dans une fusion absorption de la société Bio7 à laquelle appartenait Mme [E], par la société Cerballiance.

En conséquence, la cour retient que les griefs formés à l'encontre de Mme [E] ne sont pas démontrés et que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse. La décision sera confirme de ce chef.

Sur les conséquences financières

Compte tenu de l'ancienneté de Mme [E], des bulletins de salaire produits et des heures supplémentaires retenues, c'est à juste titre que les premiers juges ont condamné la société Cerballiance à lui verser la somme de 928,46 euros de solde d'indemnité légale de licenciement. La décision sera confirmée de ce chef.

Sur la demande d'indemnité au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse, la salariée conteste l'application du barème prévu par l'article L.1235.3 du code du travail motifs pris que seule la juridiction prud'homale est à même de juger d'une indemnisation appropriée conforme à l'article 24 de la Charte des droits sociaux et à l'article 10 de la convention de l'OIT.

Aux termes de l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, la loi doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse.

Les stipulations de l'article 10 de la Convention n° 158 de l'Organisation internationale du travail, qui créent des droits dont les particuliers peuvent se prévaloir à l'encontre d'autres particuliers et qui, eu égard à l'intention exprimée des parties et à l'économie générale de la convention, ainsi qu'à son contenu et à ses termes, n'ont pas pour objet exclusif de régir les relations entre Etats et ne requièrent l'intervention d'aucun acte complémentaire, sont d'effet direct en droit interne.

Les dispositions des articles L. 1235-3, L. 1235-3-1 et L. 1235-4 du code du travail, dans leur rédaction issue de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, qui permettent raisonnablement l'indemnisation de la perte injustifiée de l'emploi et assurent le caractère dissuasif des sommes mises à la charge de l'employeur, sont de nature à permettre le versementd'une indemnité adéquate ou une réparation considérée comme appropriée au sens de l'article 10 de la Convention n° 158 de l'Organisation internationale du travail.

Il en résulte que les dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail sont compatibles avec les stipulations de l'article 10 de la Convention précitée.

Sous réserve des cas où est en cause un traité international pour lequel la Cour de justice de l'Union européenne dispose d'une compétence exclusive pour déterminer s'il est d'effet direct, les stipulations d'un traité international, régulièrement introduit dans l'ordre juridique interne conformément à l'article 55 de la Constitution, sont d'effet direct dès lors qu'elles créent des droits dont les particuliers peuvent se prévaloir et que, eu égard à l'intention exprimée des parties et à l'économie générale du traité invoqué, ainsi qu'à son contenu et à ses termes, elles n'ont pas pour objet exclusif de régir les relations entre Etats et ne requièrent l'intervention d'aucun acte complémentaire pour produire des effets à l'égard des particuliers.

Les dispositions de la Charte sociale européenne selon lesquelles les Etats contractants ont entendu reconnaître des principes et des objectifs poursuivis par tous les moyens utiles, dont la mise en 'uvre nécessite qu'ils prennent des actes complémentaires d'application et dont ils ont réservé le contrôle au seul système spécifique visé par la partie IV, ne sont pas d'effet direct en droit interne dans un litige entre particuliers.

L'invocation de son article 24 ne peut dès lors pas conduire à écarter l'application des dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail.

En application de l'article L.1235-3 du code du travail dans sa rédaction issue de la loi n°2008-217 du 29 mars 2018, si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis. Si l'une ou l'autre des parties refuse cette réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant, eu égard à son ancienneté, est compris entre 3 mois et 4 mois de salaire.

Compte tenu notamment de l'effectif de l'entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à la salariée, de son âge, de son ancienneté, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu'ils résultent des pièces et des explications fournies, c'est à juste titre que les premiers juges ont alloué à Mme [E] la somme de 20 774,76 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, en application de l'article L.1235-3 du code du travail. La décision sera confirmée de ce chef.

Sur les indemnités chômage

En application de l'article L.1235-4 du code du travail, la cour ordonne le remboursement par la société Cerballiance des indemnités chômage perçues par Mme [E] à hauteur de 6 mois.

Sur les documents de fin de contrat

La société Cerballiance devra remettre à Mme [E] un certificat de travail, une attestation France Travail, un bulletin de salaire récapitulatif et un solde de tout compte conformes à la présente décision dans un délai de deux mois à compter de sa signification sans qu'il y ait lieu à astreinte.

Sur les frais irrépétibles

La société Cerballiance sera condamnée aux entiers dépens et devra verser à Mme [E] la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, la condamnation prononcée par les premiers juges de ce chef étant confirmée ;

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et mis à disposition au greffe,

CONFIRME le jugement déféré sauf en ce qu'il a condamné la SCM Cerballiance à verser à Mme [U] [E] la somme de 20 774,76 euros au titre du travail dissimulé, la somme de 31 162,17 euros au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail et en ce qu'il a prononcé une astreinte pour la remise des documents de fin de contrat ;

Statuant à nouveau sur les chefs de jugement infirmés et y ajoutant ;

CONDAMNE la SCM Cerballiance à verser à Mme [U] [E] les sommes suivantes:

- 31 162,17 euros d'indemnité forfaitaire au titre du travail dissimulé ;

- 10 000 euros au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail ;

RAPPELLE que les sommes de nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter de la date de réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation du conseil des prud'hommes, les autres sommes à caractère indemnitaire porteront intérêts au taux légal à compter de la décision qui les alloue ;

ORDONNE le remboursement par la SCM Cerballiance à France Travail des indemnités chômage perçues par Mme [U] [E] à hauteur de 6 mois ;

ORDONNE la remise par la SCM Cerballiance à Mme [U] [E] d'un certificat de travail, d'une attestation France Travail, d'un bulletin de salaire récapitulatif et d'un solde de tout compte conformes à la présente décision dans un délai de deux mois à compter de sa signification sans qu'il y ait lieu à astreinte ;

CONDAMNE la SCM Cerballiance aux entiers dépens ;

CONDAMNE la SCM Cerballiance à verser à Mme [E] la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

La greffière, La présidente.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 11
Numéro d'arrêt : 21/06413
Date de la décision : 02/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 08/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-02;21.06413 ?
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