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27/06/2024 | FRANCE | N°21/17003

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 10, 27 juin 2024, 21/17003


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 4 - Chambre 10



ARRET DU 27 JUIN 2024



(n° , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/17003 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEMR6



Décision déférée à la Cour : Jugement du 09 Juin 2021 -Tribunal Judiciaire de MEAUX RG n° 21/01044





APPELANTE



Madame [F] [V]

née le [Date naissance 2] 1966 à [Localité 4]

[Adresse 5]

[Localité

4]



Représentée et assistée par Me Blandine ARENTS de la SCP ARENTS-TRENNEC, avocat au barreau de MEAUX



(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2021/037878 du 04/10/2021 accordée par le...

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 10

ARRET DU 27 JUIN 2024

(n° , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/17003 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEMR6

Décision déférée à la Cour : Jugement du 09 Juin 2021 -Tribunal Judiciaire de MEAUX RG n° 21/01044

APPELANTE

Madame [F] [V]

née le [Date naissance 2] 1966 à [Localité 4]

[Adresse 5]

[Localité 4]

Représentée et assistée par Me Blandine ARENTS de la SCP ARENTS-TRENNEC, avocat au barreau de MEAUX

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2021/037878 du 04/10/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de PARIS)

INTIMÉE

Madame [U] [L]

née le [Date naissance 1] 1992 à [Localité 4]

[Adresse 3]

[Localité 4]

Défaillante, régulièrement avisée le 2 février 2022 par procès-verbal de recherches infructueuses

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été appelée le 02 Mai 2024, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Florence PAPIN, Présidente

Madame Valérie MORLET, Conseillère

Madame Anne ZYSMAN, Conseillère

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Madame Anne ZYSMAN dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.

Greffier lors des débats : Mme Catherine SILVAN

ARRET :

- défaut

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Florence PAPIN, Présidente et par Catherine SILVAN, Greffier, présent lors de la mise à disposition.

***

EXPOSE DU LITIGE

Par acte d'huissier du 15 mars 2021, Mme [F] [V] a fait assigner Mme [U] [L], sa fille, devant le tribunal judiciaire de Meaux aux fins de la voir condamner à lui rembourser la somme de 7.400 euros qu'elle prétend lui avoir prêtée, avec intérêts au taux légal à compter du 21 octobre 2019 et capitalisation des intérêts, ainsi qu'à lui payer la somme de 2.000 euros à titre de dommages et intérêts, outre les dépens.

Mme [L] n'étant pas présente ni représentée à l'audience du 7 avril 2021, le tribunal, par jugement réputé contradictoire du 9 juin 2021, a :

- débouté Mme [F] [V] de l'intégralité de ses demandes, en ce compris celle fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,

- dit que Mme [F] [V] supportera la charge de ses dépens,

- dit n'y avoir lieu a exécution provisoire.

Pour débouter Mme [V] de sa demande de remboursement, le tribunal a retenu que Mme [V] démontrait avoir versé à Mme [L] la somme totale de 7.400 euros et qu'étant la mère de Mme [L], elle justifiait d'une impossibilité morale de se procurer un écrit au sens de l'article 1359, alinéa 2, du code civil et pouvait prouver l'existence du prêt allégué par tous moyens. Il a toutefois considéré que cette preuve n'était pas rapportée.

Par déclaration du 28 septembre 2021, Mme [F] [V] a interjeté appel de ce jugement.

Par conclusions notifiées au greffe par voie électronique le 15 décembre 2021, Mme [F] [V] demande à la cour de :

Vu le jugement rendu le 9 juin 2021,

Vu la déclaration d'appel de Mme [F] [V] du 28 septembre 2021,

Vu les articles 1103, 1104, 1231-1, 1343-1 et suivants, 1359, 1360, 1362 et suivants

du code civil,

Vu l'article 515 du code de procédure civile,

- Déclarer recevable en son appel Mme [F] [V] et la dire bien fondée,

- Infirmer en toutes ses dispositions le jugement dont appel rendu le 9 juin 2021 par la chambre de proximité près le tribunal judiciaire de Meaux en ce qu'il a :

' débouté Mme [F] [V] de l'intégralité de ses demandes, en ce compris celle fondée sur l'article 700 du code de procédure civile

' dit que Mme [F] [V] supportera la charge de ses dépens,

' dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.

- Constater l'existence d'un prêt de la somme de 7.400 euros effectué par différents virements par Mme [F] [V] au bénéfice de Mme [U] [L],

- Condamner Mme [U] [L] à payer à Mme [F] [V] la somme principale de 7.400 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 21 octobre 2019, date de la mise en demeure, et capitalisation à compter du 21 octobre 2020,

- Condamner Mme [U] [L] à payer à Mme [F] [V] la somme de 2.000 euros au titre des dommages et intérêts pour résistance abusive,

- Condamner Mme [U] [L] aux entiers dépens de l'appel qui seront recouvrés aux formes de l'aide juridictionnelle (sic).

Mme [U] [L] n'a pas constitué avocat. Mme [V] lui a fait signifier la déclaration d'appel et ses conclusions par acte d'huissier du 2 février 2022, remis par procès-verbal de recherches infructueuses selon les modalités de l'article 659 du code de procédure civile.

Le présent arrêt sera rendu par défaut conformément aux dispositions de l'article 473 du code de procédure civile.

La clôture a été prononcée le 21 février 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la demande en remboursement d'un prêt

Au soutien de son appel, Mme [V] explique qu'elle a prêté à sa fille, par virements des 12 octobre 2018, 21 novembre 2018, 23 février 2019 et 12 mars 2019 effectués sur son compte, la somme totale de 7.400 euros ; que le 13 mai 2019, elle a été hospitalisée d'office au centre hospitalier de [Localité 4] pour des soins psychiatriques et a alors, à plusieurs reprises, oralement ou par mail puis par courrier recommandé du 21 octobre 2019, demandé à sa fille de lui rembourser la somme prêtée, en vain.

Elle invoque l'impossibilité morale pour elle d'établir un écrit eu égard à la relation d'affection et de confiance existant entre elle et sa fille et estime que l'obligation de remboursement de cette dernière est caractérisée par les éléments de preuve qu'elle produit aux débats, notamment les justificatifs de virements qui constituent un commencement de preuve par écrit, ainsi que les messages qu'elle a pu échanger avec sa fille au sujet du prêt, qui ne présentent aucune équivoque sur la nature des relations contractuelles.

Sur ce

En application de l'article 1353 du code civil, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver.

En matière de prêt, la preuve doit être rapportée, par celui qui en réclame le remboursement, de la remise des sommes et de l'obligation de restitution. La remise de fonds à une personne ne suffit pas à justifier l'obligation de celui qui les a reçus à les restituer.

En l'espèce, comme l'a justement retenu le premier juge, la remise de la somme totale de 7.400 euros par Mme [V] à sa fille, Mme [L], par virements bancaires des 12 octobre 2018 (2.000 euros), 21 novembre 2018 (4.500 euros), 23 février 2019 (400 euros) et 12 mars 2019 (500 euros), est établie. Il appartient donc à Mme [V] de rapporter la preuve de l'obligation de Mme [L] de lui rembourser cette somme.

Il résulte des dispositions de l'article 1359 du code civil et du décret n° 2004-836 du 20 août 2004 que l'acte juridique portant sur une somme ou valeur excédant 1.500 euros doit être prouvé par écrit sous signature privée ou authentique.

L'article 1360 du code civil prévoit toutefois que cette règle reçoit exception en cas d'impossibilité matérielle ou morale de se procurer un écrit. Cette impossibilité matérielle ou morale ne dispense pas celui qui réclame l'exécution d'une obligation de la prouver.

L'article 1361 du même code énonce qu'il peut alors être suppléé à l'écrit, notamment, par un commencement de preuve par écrit corroboré par un autre moyen de preuve.

Selon l'article 1362 du même code, constitue un commencement de preuve par écrit tout écrit qui, émanant de celui qui conteste un acte ou de celui qu'il représente, rend vraisemblable ce qui est allégué.

En l'espèce, un écrit est exigé par les dispositions précitées au regard du montant de la demande mais il y a lieu de retenir, comme l'a fait le premier juge, que Mme [V] s'est trouvée dans l'impossibilité morale de solliciter de sa fille une reconnaissance de dette et que, dès lors, la preuve de l'existence du prêt et de l'obligation pour Mme [L] de rembourser la somme de 7.400 euros peut être rapportée par tous moyens.

Pour ce faire, elle verse aux débats des messages SMS échangés avec sa fille entre le mois d'avril et le mois de juillet 2019, soit postérieurement à la remise des fonds, dans lesquels elle lui demande à plusieurs reprises de lui rembourser l'argent qu'elle lui a prêté. Dans ces messages, Mme [V] indique notamment à sa fille : « penses à commencer à me rembourser l'argent que je t'ai prêté 6900 euros. Merci », « J'ai prêté de l'argent, pas donné », « je t'envoie mon RIB dans la journée », « voilà mon RIB. Je couperai court à notre relation à la fin du remboursement des 6900 euros que je t'ai PRÊTÉ. Demandes gentiment à ton père qu'il te DONNE de l'argent pour me rembourser ça sera plus rapide », « pardon qui est venue pleurer pour qu'on lui prête de l'argent...C'est pas moi... », « tu vas commencer à me rembourser quand '''' Il me reste 20 euros 45 centimes sur mon compte...Et toujours en HP mais toujours avec de la mémoire et de la lucidité », « je ne vois toujours pas de virement de ta part sur mon compte comment cela se fait il ''' Ma situation financière devient critique...Tu dois bien t'en douter (...) Tu m'as interné en psychiatrie ce que tu attendais vu que tu me l'a dit face à face (...) Sur ce j'attends les virements de ta part rapidement nous sommes en début de mois et vu que tu as plusieurs emplois donc plusieurs salaires tu dois pouvoir me rembourser », « Je ne lâcherai pas l'affaire tu me dois 6900 euros...demandes de l'argent à ta mamie, ton père ou je ne sais qui...Pour me rembourser au plus vite ».

A ces messages, Mme [L] a notamment répondu : « T'inquiète pas je vais te le rendre ton pognon », « Envoie moi ton rib et je te virais (sic) de l'argent quand je peux », « ne t'inquiète pas ton argent tu vas le revoir ».

Il résulte de ces différents échanges entre les parties qu'en réponse aux demandes en paiement de Mme [V] de la somme de 6.900 euros, Mme [L] n'a jamais contesté devoir effectuer le remboursement sollicité.

Il s'en déduit que Mme [V] démontre que la remise des fonds a été faite à charge de remboursement par Mme [L], à hauteur toutefois de la seule somme de 6.900 euros mentionnée dans les messages ci-dessus repris.

Le jugement, qui a débouté Mme [V] de sa demande de remboursement, sera en conséquence infirmé. Statuant à nouveau, la cour condamnera Mme [L] à payer à Mme [V] la somme de 6.900 euros avec intérêts au taux légal à compter du 23 octobre 2019, date de réception de la mise en demeure conformément aux dispositions de l'article 1231-6 du code civil.

En application de l'article 1343-2 du code civil, il y a lieu d'ordonner la capitalisation des intérêts échus et dus pour au moins une année.

Sur les dommages et intérêts

Mme [V] ne justifiant pas d'un préjudice indépendant du simple retard de remboursement, lequel est déjà indemnisé par les intérêts moratoires, elle doit être déboutée de sa demande de dommages et intérêts fondée sur la résistance abusive.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Le jugement étant infirmé, il le sera également pour ses dispositions relatives aux dépens, laissés à la charge de Mme [V].

Statuant de ce chef pour la première instance et en appel, Mme [L], qui succombe, sera condamnée aux dépens en application de l'article 696 du code de procédure civile, qui seront recouvrés, s'agissant des dépens d'appel, comme en matière d'aide juridictionnelle.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Infirme le jugement déféré sauf en ce qu'il a débouté Mme [F] [V] de sa demande de dommages et intérêts fondée sur la résistance abusive,

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

Condamne Mme [U] [L] à payer à Mme [F] [V] la somme de 6.900 euros avec intérêts au taux légal à compter du 23 octobre 2019,

Ordonne la capitalisation des intérêts échus et dus pour au moins une année,

Condamne Mme [U] [L] aux dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés, s'agissant des dépens d'appel, comme en matière d'aide juridictionnelle.

LE GREFFIER, LA PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 10
Numéro d'arrêt : 21/17003
Date de la décision : 27/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 08/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-27;21.17003 ?
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