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26/06/2024 | FRANCE | N°23/15687

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 13, 26 juin 2024, 23/15687


Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 4 - Chambre 13



ARRÊT DU 26 JUIN 2024



(n° , 8 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/15687 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CIIXJ



Décision déférée à la Cour : Décision du 28 Août 2023 -Bâtonnier de l'ordre des avocats de PARIS



APPELANT



M. [K] [Z]

Elisant domicile au cabinet de la SCP AFG
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[Localité 3]

Non comparant et représenté par Me Camille DOUTRELUIGNE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0044, avocat plaidant et Me Arnaud GUYONNET, avocat au barreau de Paris,...

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 13

ARRÊT DU 26 JUIN 2024

(n° , 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/15687 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CIIXJ

Décision déférée à la Cour : Décision du 28 Août 2023 -Bâtonnier de l'ordre des avocats de PARIS

APPELANT

M. [K] [Z]

Elisant domicile au cabinet de la SCP AFG

[Adresse 2]

[Localité 3]

Non comparant et représenté par Me Camille DOUTRELUIGNE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0044, avocat plaidant et Me Arnaud GUYONNET, avocat au barreau de Paris, avocat postulant

INTIME

M. [B] [O]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Comparant en personne

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 24 Avril 2024, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Sophie VALAY-BRIERE, Première Présidente de chambre

Mme Estelle MOREAU, Conseillère, chargée du rapport

Mme Nicole COCHET, Magistrate Honoraire juridictionnel,

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Victoria RENARD

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 26 juin 2024, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Sophie VALAY-BRIERE, Première Présidente de chambre, et par Victoria RENARD, greffier présent lors de la mise à disposition.

***

M. [B] [O] a conclu avec M. [K] [Z], avocat exerçant à titre individuel, un contrat de collaboration libérale à temps plein et à durée indéterminée à compter du 1er février 2001, moyennant une rétrocession d'honoraires fixe mensuelle de 11 000 francs, portée à 15 000 francs quelques mois plus tard puis à 4 250 euros ht au moins jusqu'en 2017. En mai 2022, les parties sont convenues d'un exercice à temps partiel sur la base de trois jours par semaine et moyennant une rétrocession d'honoraires de 2 666 euros ht soit 3 200 euros ttc.

A la suite de retards de paiement de sa rétrocession d'honoraires, M. [O] a saisi le bâtonnier de l'ordre des avocats du barreau de Paris en qualité d'arbitre en octobre 2012, décembre 2013 et janvier 2017, cette dernière procédure ayant donné lieu à la conclusion d'un accord de règlements échelonnés le 6 mars 2017.

Par requête du 1er juin 2022, M. [O] a saisi la bâtonnière en qualité d'arbitre en paiement d'un arriéré de rétrocession d'honoraires de 87 600 euros ttc.

A l'issue de l'audience aux fins de conciliation du 6 juillet 2022, M. [Z] a adressé M. [O] le SMS suivant : 'Notre relation de confiance étant rompue je te demande de ne plus te rendre à mon cabinet', puis lui a confirmé le lendemain qu'il mettait fin au contrat de collaboration sans préavis.

Par décision du 28 août 2023, la bâtonnière a :

- constaté que la rétrocession d'honoraires mensuelle de M. [O] était de :

- 4 250 euros ht soit 5100 euros de janvier 2018 à avril 2022 inclus

- 2 666 euros ht soit 3 200 euros ttc de mai 2022 à la fin de la collaboration ,

- condamné M. [Z] à verser à M. [O] les sommes suivantes :

- 49 981 euros ht soit 59 977 euros ttc au titre de l'arriéré de rétrocessions d'honoraires sur la période de 2018 à 2021,

- 15 996 euros ht soit 19 195 euros ttc au titre du délai de prévenance,

- 444,34 euros ht soit 533 euros ttc au titre du reliquat de rétrocession d'honoraires qui ne lui a pas été versée entre le 1er et le 6 juillet 2022 conformément au commun accord des parties,

- 1 333 euros ht soit 1 600 euros ttc au titre de l'indemnité compensatrice de congés, conformément au commun accord des parties,

- condamné M. [Z] à communiquer à M. [O] les actes selon la liste produite pièce 7bis,

- débouté les parties de toutes demandes plus amples ou contraires,

- dit n'y avoir lieu d'accorder quelque somme que ce soit au titre des frais irrépétibles et laissé à chacune des parties la charge de ses dépens éventuels,

- rappelé que sont de droit exécutoires à titre provisoire les décisions du bâtonnier qui ordonnent le paiement de sommes au titre des rémunérations dans la limite maximale de neuf mois de rétrocession d'honoraires.

M. [Z] a formé un recours contre cette décision par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 27 septembre 2023.

Par conclusions notifiées le 17 avril 2024, déposées et développées oralement à l'audience, M. [K] [Z] demande à la cour de :

- infirmer la décision en ce qu'elle l'a condamné :

- à verser à M. [O] les sommes de :

- 49 981 euros ht soit 59 977 euros ttc au titre de l'arriéré de rétrocessions d'honoraires sur la période 2018 à 2021,

- 15 996 euros ht soit 19 195 euros ttc au titre du délai de prévenance,

- à communiquer à M. [O] les actes demandés selon la liste produite par ce dernier,

- infirmer la décision en ce qu'elle l'a débouté de sa demande de dommages-intérêts et de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- confirmer la décision en ce qu'elle l'a condamné à verser à M. [O] les sommes de :

- 444,34 euros ht soit 533 euros ttc au titre du reliquat de rétrocession d'honoraires qui ne lui a pas été versé entre le 1er et le 6 juillet 2022 conformément au commun accord des parties,

- 1 333 euros ht soit 1 600 euros ttc au titre de l'indemnité compensatrice de congés conformément au commun accord des parties,

- confirmer la décision en ce qu'elle a débouté M. [O] de ses demandes de dommages-intérêts et au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- plus généralement débouter M. [O] de toutes ses demandes.

Par conclusions notifiées le 18 avril 2024, déposées et développées oralement à l'audience, M. [B] [O] demande à la cour de :

- le déclarer recevable et bien fondé en son appel incident de la décision,

- déclarer M. [Z] mal fondé en son appel dilatoire et frustratoire et le débouter de l'ensemble de ses demandes, moyens et fins, sauf en ce qu'il reconnaît devoir 533 euros de reliquat de rétrocession de juillet 2022 et 1 600 euros d'indemnité compensatrice de congés,

- confirmer la décision en ce qu'elle a :

- constaté le caractère fixe et mensuel de sa rétrocession d'honoraires qui était de :

- 4 250 euros ht soit 5100 euros ttc de janvier 2018 à avril 2022 inclus

- 2 666 euros ht soit 3 200 euros ttc de mai 2022 à la fin de la collaboration ,

- constaté un arriéré de rétrocessions d'honoraires pour la période de 2018 à 2021 dû par M. [Z],

- condamné M. [Z] à lui verser :

- 15 996 euros ht soit 19 195 euros ttc au titre du délai de prévenance, après avoir jugé qu'aucun manquement grave flagrant aux règles professionnelles ne peut être retenu à son encontre pour le priver du délai de prévenance,

- 444,34 euros ht soit 533 euros ttc au titre du reliquat de la rétrocession d'honoraires qui ne lui a pas été versée entre le 1er et le 6 juillet 2022,

- 1 333 euros ht soit 1 600 euros ttc au titre de l'indemnité compensatrice de congés, conformément au commun accord des parties,

- condamné M. [Z] à lui communiquer les actes à la rédaction desquels il a participé, selon la liste produite pièce 7bis,

- débouté M. [Z] de sa demande de dommages et intérêts à hauteur de 50 000 euros, après avoir relevé qu'il n'apportait aucun élément de preuve des faits qu'il allègue en ce qui concerne un supposé détournement de clientèle, voire une tentative,

- infirmer pour le surplus la décision,

statuant à nouveau :

- condamner M. [Z] à lui payer :

- 73 945 euros ttc au titre de l'arriéré de rétrocession d'honoraires de 2018 à 2022,

- 50 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation des préjudices subis,

le tout avec intérêts légaux à compter du 1er juin 2022, date de la saisine du bâtonnier.

- condamner M. [Z] à lui payer 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

SUR CE :

Sur la rétrocession d'honoraires :

La bâtonnière, faisant le constat d'une rétrocession d'honoraires fixe de 4 250 euros ht (5100 euros ttc) jusqu'en 2017 inclus, a retenu, compte tenu du désaccord des parties sur de nouvelles modalités de fixation de la rétrocession d'honoraires à compter de 2018, de l'absence d'avenant au contrat et de l'impossibilité de fixer une rétrocession d'honoraires uniquement variable, que devait s'appliquer la rétrocession mensuelle de 4 250 euros ht pour cette période, dont le montant figure au demeurant sur le grand livre comptable de M. [Z]. Il a retenu un arriéré de rétrocession d'honoraires de 49 981 euros ht de janvier 2018 à 2021, rejetant toute demande de M. [O] à compter de 2022 à défaut de justifier des montants effectivement perçus durant cet exercice.

M. [Z] conteste devoir un arriéré de rétrocession d'honoraires compte tenu de l'accord verbal conclu avec l'intimé en 2017 prévoyant que sa rétrocession d'honoraires serait désormais fixée à environ 30% du chiffre d'affaires du cabinet, de l'absence de fondement et de justification de l'envoi de sa facturation d'honoraires sur la base de 4250 euros ht et de l'absence de réclamation formée par M. [O] pendant plus de quatre ans.

M. [O], appelant incident, fait valoir, sur la base du montant de rétrocession d'honoraires retenu par la bâtonnière, un arriéré de rétrocession d'honoraires de 73 945 euros ttc de janvier 2018 à juillet 2022 inclus au vu des extraits du grand livre comptable de l'intimé pour l'exercice 2022 établi par l'expert comptable agréé du cabinet, produit en cause d'appel, et justifiant des montants perçus par ses soins.

Le contrat de collaboration prévoit en son article 5 une rétrocession d'honoraires fixe et mensuelle, initialement fixée à 11 000 francs, puis à 15 000 francs et à 4 500 euros ht (5100 euros ttc) au moins jusqu'en 2017. Les parties sont convenues à compter de mai 2022 d'un temps partiel moyennant une rétrocession d'honoraires de 2666 euros ht soit 3 200 euros ttc.

Le point de désaccord des parties a trait au montant de la rétrocession d'honoraires mensuelle de M. [O] durant la période de janvier 2017 à avril 2022, M. [Z] faisant valoir une rémunération variable de 30% du chiffre d'affaires du cabinet, tandis que M. [O] allégue du maintien des modalités de sa rémunération.

Ainsi que l'a retenu la bâtonnière, M. [Z] ne justifie aucunement d'un accord sur une rémunération variable de 30% du chiffre d'affaires du cabinet en 2017. Outre qu'il n'est produit aucun avenant au contrat, une rémunération variable exclusive de toute rémunération fixe est prohibée par l'article 14.3 du réglement intérieur de la profession d'avocat (RIN).

A défaut d'établir une modification des modalités de rétribution de M. [O], la bâtonnière a à bon droit retenu que la rétrocession d'honoraires de ce dernier était de 4 250 euros ht de janvier 2018 à avril 2022 inclus.

Au regard des décomptes des sommes perçues et des justificatifs du montant des rétrocessions d'honoraires versé à M. [O] au cours de l'année 2022, ressortant du grand livre comptable de l'intimé au titre de cet exercice, le solde dû à M. [O], de janvier 2018 à avril 2022, est de 73 945 euros ttc.

Il convient de condamner M. [Z] au paiement de cette somme avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision, en infirmation de la sentence arbitrale.

Sur l'indemnité compensatrice de préavis :

La bâtonnière a retenu qu'il n'était justifié d'aucun manquement grave flagrant aux règles de la profession justifiant la rupture du contrat de collaboration libérale sans délai de prévenance et qu'en particulier :

- le fait de saisir le bâtonnier en qualité d'arbitre en paiement d'une rétrocession d'honoraires, sans en informer le cabinet collaborant au préalable ni le relancer, aussi peu délicat soit-il, ne constitue pas un manquement grave flagrant,

- M. [Z] se borne à alléguer sans le démontrer un supposé détournement de clientèle ou une tentative de détournement, alors que M. [O] établit que les deux dossiers dans lesquels il lui a succédé personnellement lui ont été confiés de plein gré par les clients.

Jugeant que M. [O] aurait dû bénéficier d'un délai de prévenance de 6 mois après 21 années de collaboration, il lui a alloué une somme de 15 996 euros ht (19 195 euros ttc) sur la base de la rétrocession d'honoraires de 2 666 euros ht alors applicable.

M. [Z] soutient qu'il pouvait être mis fin au contrat sans délai de prévenance dès lors que :

- les liens de confiance entre lui et M. [O] étaient rompus à la suite de la demande infondée d'arriérés de rétrocession d'honoraires formée par ce dernier à l'occasion d'une procédure d'arbitrage engagée en juin 2022, sans réclamation préalable ni l'en informer alors qu'il savait le cabinet incapable de régler les sommes demandées,

- dans ce contexte, il était fondé à croire qu'après 20 ans de collaboration, M. [O], qui n'avait développé aucune clientèle personnelle, risque grandement de s'approprier la clientèle du cabinet acquise en 40 ans, lequel risque s'est réalisé, M. [O] ayant commis des actes de concurrence déloyale en lui succédant dans deux dossiers, dont les clients l'ont dessaisi au profit de M. [O] sans raison apparente.

M. [O] sollicite la confirmation de la décision de ce chef aux motifs que :

- M. [Z] ne lui a jamais fait grief de manquements graves et n'a évoqué aucun détournement de clientèle lors de la rupture du contrat, mais de manière opportune et six mois après, dans son mémoire en réplique devant la bâtonnière ayant rendu la décision dont appel,

- il n'est justifié d'aucune faute grave de sa part dispensant du respect d'un délai de prévenance, alors qu'il s'est borné à faire valoir ses droits au titre de sa rétrocession d'honoraires et qu'aucun détournement de clientèle n'est établi.

Selon l'article 14.4.1 du RIN, 'Sous réserve des dispositions relatives à la rupture du contrat en cas de parentalité et sauf meilleur accord des parties, chaque cocontractant peut mettre fin au contrat de collaboration en avisant l'autre au moins trois mois à l'avance.

Ce délai est augmenté d'un mois par année au delà de trois ans de présence révolus, sans qu'il puisse excéder six mois.

Ces délais n'ont pas à être observés en cas de manquement grave flagrant aux règles professionnelles'.

L'article 10.2 du contrat de collaboration prévoit que :

'Sauf accord plus favorable entre les parties au moment de la rupture, le délai de prévenance de rupture de la collaboration est de 8 jours pendant les 2 premiers mois d'exercice, de 15 jours pendant entre 2 et 4 mois d'exerice et d'au moins 2 mois au-delà de 4 mois de collaboration, ce délai étant porté à 3 mois s'il commence à courir en mai, juin et juillet.

Ces délais sont doublés au delà de 5 ans de collaboration.

Ces délais n'ont pas à être observés en cas de manquement grave flagrant aux règles professionelles.

La rémunération reste due pendant ce délai, même en cas de non-exercice effectif de la collaboration du fait de Maître [K] [Z]'.

Ainsi que l'a très justement retenu la bâtonnière, le délai de prévenance applicable au regard de l'ancienneté du contrat de collaboration libérale était de six mois, sauf à rapporter la preuve d'un manquement grave flagrant aux règles de la profession.

En premier lieu, le défaut d'information de M. [Z] préalablement à l'exercice d'une procédure d'arbitrage aux fins de paiement du solde de rétrocessions d'honoraires dû, alors que le principe de confraternité aurait justifié une telle information, ne caractérise pas un manquement grave flagrant aux règles de la profession.

En second lieu, les actes de concurrence déloyale par détournement de clientèle, relevant de la responsabilité délictuelle, nécessitent la démonstration d'une faute, d'un lien de causalité et d'un préjudice.

Le principe de la liberté du travail et celui de la libre concurrence impliquent la faculté pour tout avocat d'assurer la défense d'un client l'ayant librement choisi.

Le fait pour une clientèle de suivre spontanément un avocat ayant quitté son ancien cabinet n'est pas suffisant pour caractériser un acte de concurrence déloyale. La clientèle ne faisant l'objet d'aucun droit privatif, constitue un acte de concurrence déloyale un détournement de clientèle procédant de procédés déloyaux.

Ni la suspicion de détournement de clientèle, qui n'est fondée sur aucun élément et ne saurait résulter de ce que M. [O] a sollicité la communication des actes rédigés par ses soins, ni les allégations d'un tel détournement ne sont établies, alors que les deux clients ont fait le libre choix de confier la défense de leurs intérêts à M. [O] sans que soit caractérisé un quelconque procédé déloyal de la part de ce dernier. Il n'est donc démontré aucun manquement grave flagrant aux règles de la profession de ce chef.

C'est dès lors à bon droit que la bâtonnière a condamné M. [Z] à une indemnité au titre du délai de prévenance de six mois non respecté.

Sur la communication de pièces :

La bâtonnière a accueilli favorablement la demande formée par M. [O], de communication d'actes à la rédaction desquels il a participé, aux motifs que cette contribution n'est pas discutée et que le secret professionnel ne peut donc lui être opposé.

M. [Z] soutient que dans le contexte de suspicion de détournement de clientèle par M. [O], lequel a en outre passé deux heures au cabinet sur son ordinateur pour copier les dossiers informatiques, et compte tenu de l'atteinte au secret professionnel, du conflit existant entre eux et du refus de certains clients quant à la communication d'actes dans leurs dossiers, il était fondé à ne pas communiquer les pièces sollicitées.

M. [O] sollicite la confirmation de la décision de ce chef, rappelant l'engagement de M. [Z], selon le procès-verbal de non conciliation du 26 juillet 2022, à lui communiquer sous quinze jours les documents listés par le collaborateur, et dont la liste lui a été adressée le 29 juillet 2022 et la vaine relance qu'il lui a adressée le 17 août 2022 sans réponse de sa part.

L'article 14.4.4 du RIN énonce que :

'A la demande de l'avocat collaborateur, le cabinet au sein duquel il exerce lui remet, sous format exploitable, tout document ou acte professionnel à l'élaboration duquel celui-ci a concouru, dans la limite du respect du secret professionnel'.

M. [O] est en droit de solliciter la communication des documents auxquels il a concouru, sans qu'il puisse lui être opposé à ce titre le secret professionnel et les allégations infondées de M. [Z], de même que les courriels ou attestations de quatre clients des mois d'avril et mai 2023, très postérieurs à la demande formée par M. [O] consécutivement à l'audience de conciliation du 26 juillet 2022, et s'opposant à la communication de 'leur dossier', sont inopérantes à faire échec à cette communication.

La décision est donc confirmée à ce titre.

Sur les demandes de dommages et intérêts :

La bâtonnière a débouté les demandes de dommages et intérêts respectivement formées par les parties aux motifs que :

- M. [O] ne justifie d'aucune mésentente, ni d'aucun mauvais traitement de la part de M. [Z] à son encontre durant 21 années de collaboration, était informé des difficultés financières de ce dernier puisqu'il a saisi le bâtonnier à plusieurs reprises au titre du non-paiement de sa rétrocession d'honoraires, a a minima accepté la réduction de celles-ci moyennant une diminution de son temps de travail, n'a pas exercé sa faculté de mettre un terme au contrat de collaboration et ne justifie pas du préjudice allégué,

- M. [Z] n'établit aucun détournement de clientèle.

M. [Z] soutient qu'il est fondé en sa demande indemnitaire au titre du détournement de clientèle et sollicite la confirmation de la décision pour le surplus.

M. [O] réplique que :

- M. [Z] a fait preuve de résistance abusive et injustifiée dans l'exécution de ses obligations contractuelles, en effectuant des règlements de rétrocessions d'honoraires erratiques et partiels en violation de son obligation essentielle de payer en priorité son collaborateur qui, après le licenciement de la secrétaire, demeurait la seule personne à travailler avec lui, lui causant des difficultés financières en l'absence de toute autre source de revenus, ces retards de paiement ayant entrainé des majorations de cotisations, diverses pénalités, d'importants agios, frais bancaires et le recours à des emprunts,

- la décision de la bâtonnière est afférente au seul préjudice né des retards de paiement de sa rétrocession d'honoraires, sans évoquer les conséquences de la rupture brutale du contrat de collaboration, alors qu'il s'est retrouvé du jour au lendemain privé de revenus, de surcroît en période d'été et que M. [Z], manifestant une intention de lui nuire, a tout fait pour entraver la poursuite de son activité en s'opposant à ce qu'il prenne sa succession dans deux dossiers et n'a pas exécuté la décision du bâtonnier assortie de l'exécution provisoire de droit malgré trois courriers officiels des 20 octobre, 3 et 17 novembre 2023,

- il a également subi un préjudice moral en raison des conditions de travail déplorables au sein du cabinet dans les cris, les hurlements et les accès de colère, voire les gestes de M. [Z], du caractère brutal et vexatoire de la rupture du contrat de collaboration d'une durée de 21 ans, au sortir de la tentative de conciliation ordinale, des relances des différents organismes professionnels et de l'avis à tiers détenteur dont il a fait l'objet en raison des retards de paiement de sa rétrocession d'honoraires alors que M. [Z], qui perçoit la retraite depuis une dizaine d'années, lui avait toujours assuré qu'il lui paierait l'arriéré dû,

- la demande indemnitaire de M. [Z] est infondée.

Aucun acte de concurrence déloyale par détournement de clientèle n'étant caractérisé, la demande indemnitaire de M. [Z] de ce chef n'est pas fondée.

S'agissant du paiement irrégulier et partiel des rétrocessions d'honoraires de M. [O], ce dernier connaissait les difficultés financières du cabinet et ne justifie pas, par les pièces qu'il produit aux débats, d'un préjudice matériel en lien causal avec ces retards de paiement.

Il n'établit pas davantage les conditions déplorables d'exercice au sein du cabinet alors qu'il s'est maintenu dans les liens de la collaboration durant 21 ans et n'a invoqué, à l'occasion des procédures arbitrales initiées, aucun grief autre que le défaut de paiement de sa rétrocession d'honoraires.

En revanche, la rupture du contrat de collaboration libérale de particulière longue durée, à l'issue de l'audience de conciliation préalable à la procédure d'arbitrage engagée par M. [O] compte tenu de nouveaux retards de paiement de rétrocessions d'honoraires, qui s'est tenue le 6 juillet 2022, par courriel de M. [Z] du même jour à 20 heures 33 lui intimant 'Notre relation étant rompue je te demande de ne plus te rendre à mon cabinet', présente un caractère brutal et vexatoire eu égard à ses circonstances. M. [O] a ainsi été remercié sine die à l'issue de 21 années de collaboration sans embuche, alors qu'il ne lui était fait aucun grief au cours de la procédure d'arbitrage, qu'une conciliation au moins partielle était en cours et que rompre le contrat dans de telles conditions, en période estivale, obérait de facto ses chances de retrouver une collaboration à bref délai alors qu'il était déjà confronté à d'importants impayés de rétrocessions d'honoraires imputables à M. [Z] et subissait de ce fait diverses procédures de recouvrement de taxes et cotisations professionnelles.

Le caractère particulièrement brutal et vexatoire de cette rupture et les importantes difficultés financières et divers tracas que les modalités de cette rupture ont causés à M. [O], lesquels ont été aggravés par l'opposition infondée de M. [Z] à sa succession dans de deux dossiers, ainsi que la résistance abusive de M. [Z] qui n'a pas exécuté la décision du bâtonnier exécutoire de plein droit, en ce compris pour les condamnations dont il a reconnu le bien fondé devant le délégué de la bâtonnière et qu'il ne discute pas en cause d'appel, alors qu'il connaissait les difficultés éprouvées par M. [O] en raison des impayés de sa rétrocession d'honoraires, ce dernier ayant subi divers rappels de cotisations et procédures de recouvrement, justifient la condamnation de M. [Z] à lui payer une indemnité de 15 000 euros en réparation de son préjudice matériel et 5 000 euros en réparation de son préjudice moral, en infirmation de la décision, lesquelles sommes doivent être assorties des intérêts au taux légal à compter de la présente décision.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :

M. [Z] échouant en ses prétentions est condamné aux dépens d'appel et à payer à M. [O] une indemnité de procédure de 3 000 euros.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Confirme la décision sauf en ce qu'elle a :

- condamné M. [K] [Z] à verser à M. [B] [O] la somme de 49 981 euros soit 59 977 euros TTC au titre de l'arriéré de rétrocessions d'honoraires sur la période de 2018 à 2021, déboutant M. [B] [O] de sa demande pour la période de janvier à avril 2022 inclus,

- débouté M. [B] [O] de sa demande de dommages et intérêts,

statuant de nouveau,

Condamne M. [K] [Z] à payer à M. [B] [O] la somme de 73 945 euros au titre des rétrocessions d'honaires pour la période de janvier 2018 à avril 2022 inclus,

Condamne M. [Z] à payer à M. [O], à titre de dommages et intérêts, une somme de 15 000 euros en réparation de son préjudice matériel et 5 000 euros en réparation de son préjudice moral,

Dit que toutes ces sommes produiront intérêts au taux légal à compter de la présente décision,

Condamne M. [K] [Z] à payer à M. [B] [O] une somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne M. [K] [Z] aux dépens d'appel.

LA GREFFI'RE LA PR''SIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 13
Numéro d'arrêt : 23/15687
Date de la décision : 26/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 03/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-26;23.15687 ?
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