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26/06/2024 | FRANCE | N°23/03658

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 6, 26 juin 2024, 23/03658


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 6



ARRET DU 26 JUIN 2024



(n° , 7 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/03658 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CHFNX



Décision déférée à la Cour : Jugement du 15 Décembre 2022 - tribunal judiciaire d'Evry - 8ème chambre - RG n° 18/00440





APPELANT



Monsieur [P] [Y] [W] [R]

[Adresse 1]

[Loc

alité 4]



Représenté par Me Frédérique ETEVENARD, avocat au barreau de PARIS, toque : K0065

Ayant pour avocat plaidant Me Olivier DESANDRE NAVARRE, avocat au barreau de PARIS, toque :...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 6

ARRET DU 26 JUIN 2024

(n° , 7 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/03658 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CHFNX

Décision déférée à la Cour : Jugement du 15 Décembre 2022 - tribunal judiciaire d'Evry - 8ème chambre - RG n° 18/00440

APPELANT

Monsieur [P] [Y] [W] [R]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représenté par Me Frédérique ETEVENARD, avocat au barreau de PARIS, toque : K0065

Ayant pour avocat plaidant Me Olivier DESANDRE NAVARRE, avocat au barreau de PARIS, toque : B0187

INTIMÉE

S.A. SOCIÉTÉ GÉNÉRALE venant aux droits et obligations du CREDIT DU NORD, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Lille Métropole sous le numéro 456 504 851, à la suite d'une fusion-absorption intervenue suivant publication BODACC n°2138 en date du 29 juin 2022 et prenant effet à compter du 1er janvier 2023

[Adresse 2]

[Localité 3]

N°SIRET : 552 120 222

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentée par Me Eric ENTHOVEN de l'AARPI ENTHOVEN & GIRARD, avocat au barreau de PARIS, toque : C0741, substitué à l'audience par Me Xavier ROBIN, avocat au barreau de Paris, du même cabinet

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 16 Mai 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Laurence CHAINTRON,conseillère entendue en son rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. Marc BAILLY, président de chambre

MME Pascale SAPPEY-GUESDON, conseillère

MME Laurence CHAINTRON, conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Mélanie THOMAS

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Marc BAILLY, président de chambre, et par Mélanie THOMAS, greffier, présent lors de la mise à disposition.

* * * * *

M. [P] [Y] [W] [R] était gérant et associé de la SARL Luton immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Bobigny sous le numéro 326 876 521 dont le siège social était situé à [Localité 5] et qui avait, notamment, pour activité la fabrication et le négoce d'articles textile, le linge de maison et le prêt à porter.

Par deux actes sous seing privé en date du 9 septembre 2011 et du 12 février 2013, M. [P] [Y] [W] [R], s'est porté caution personnelle et solidaire de tous engagements souscrits par la SARL Luton au profit de la S.A. Crédit du Nord à hauteur des sommes respectives de 126 000 euros et 20 020 euros.

Par jugement du 2 octobre 2013, le tribunal de commerce de Bobigny a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'encontre de la SARL Luton, Me [Z] ayant été désigné en qualité d'administrateur et Me [K] en qualité de mandataire judiciaire.

Le 13 décembre 2013, la société Crédit du Nord a déclaré sa créance au passif de la procédure de redressement judiciaire ouverte à l'encontre de la SARL Luton, à hauteur des sommes de :

- 471 033,45 euros à titre chirographaire définitif échu,

- 52 068,92 euros, à titre chirographaire définitif à échoir,

soit un montant total TTC de 523 102,37 euros.

Le 22 octobre 2014, le tribunal de commerce de Bobigny a arrêté un plan de cession de la société Luton au profit de la SA Falua Real pour le compte de la SAS SNT.

Par jugement du 12 novembre 2014, le tribunal de commerce de Bobigny a prononcé la liquidation judiciaire de la société Luton et désigné Me [K] en qualité de liquidateur judiciaire.

Par courrier du 16 décembre 2013, la société Crédit du Nord a rappelé à M. [Y] [W] [R] ses engagements de caution personnelle et solidaire pour le compte de la société Luton.

Par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 26 octobre 2017, la société Crédit du Nord a vainement mis en demeure M. [Y] [W] [R] d'avoir à exécuter ses engagements au titre des actes de caution et de procéder au règlement de la somme de 146 020 euros dans un délai de 8 jours à compter de la réception de ce courrier.

Par exploit d'huissier du 12 janvier 2018, la société Crédit du Nord a fait assigner en paiement M. [Y] [W] [R] devant le tribunal judiciaire d'Evry au titre de ses engagements de cautionnement.

Par ordonnance du 20 décembre 2018, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire d'Evry a débouté M. [Y] [W] [R] de sa demande visant à la nullité de l'assignation.

Le 8 juillet 2022, le liquidateur judiciaire de la SARL Luton a adressé à la société Crédit du Nord un certificat d'irrecouvrabilité de la totalité de sa créance vérifiée le 1er juillet 2016 à hauteur de la somme de 523 102,37 euros.

Par jugement rendu le 15 décembre 2022, le tribunal judiciaire d'Evry a :

- condamné M. [P] [Y] à payer à la SA Crédit du Nord la somme globale de 146 020 euros correspondant à la somme de (126 000 euros au titre de l'engagement de caution qu'il a contracté le 9 septembre 2011 et 20 020 euros au titre de l'engagement de caution qu'il a contracté le 12 février 2013), avec intérêt au taux légal à compter de la signification de la décision ;

- débouté M. [P] [Y] de sa demande visant à constater que la SA Crédit du Nord n'a pas déclaré sa créance au passif de la SARL Luton ;

- condamné M. [P] [Y] à payer à la SA Crédit du Nord la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné M. [P] [Y] aux entiers dépens, dont distraction à l'avocat qui en fera la demande ;

- rappelé que la décision est exécutoire à titre provisoire en application des dispositions de l'article 514 du code de procédure civile ;

- rejeté le surplus des demandes des parties.

Par déclaration du 16 février 2023, M. [P] [Y] [W] [R] a relevé appel de cette décision.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 2 novembre 2023, M. [P] [Y] [W] [R] demande au visa de l'article L. 332-1 (anciennement L. 341-4) du code de la consommation, à la cour de :

- le déclarer recevable et bien fondé en son appel et y faisant droit,

- infirmer le jugement du tribunal de commerce d'Evry du 15 décembre 2022 en toutes ses dispositions,

- débouter la Société Générale, venant aux droits de la société Crédit du Nord, en toutes ses demandes, fins et conclusions,

- condamner la Société Générale, venant aux droits de la société Crédit du Nord à lui payer une somme de 4 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 9 août 2023, la Société Générale demande, au visa des articles 2288 et suivants du code civil, L. 332-1 (anciennement L. 341-4) du code de la consommation et 1240 du code civil à la cour de :

- la dire recevable et bien fondée en ses conclusions,

- débouter M. [Y] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- confirmer à son bénéfice le jugement du tribunal judiciaire d'Evry Courcouronnes en date du 15 décembre 2022 en ce qu'il a :

- condamné M. [P] [Y] à payer à la SA Crédit du Nord la somme globale de 146 020 euros correspondant à la somme de (126.000 euros au titre de l'engagement de caution qu'il a contracté le 9 septembre 2011 et 20 020 euros au titre de l'engagement de caution qu'il a contracté le 12 février 2013), avec intérêt au taux légal à compter de la signification de la décision ;

- débouté M. [P] [Y] de sa demande visant à constater que la SA Crédit du Nord n'a pas déclaré sa créance au passif de la SARL Luton ;

- condamné M. [P] [Y] à payer à la SA Crédit du Nord la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné M. [P] [Y] aux entiers dépens, dont distraction à l'avocat qui en fera la demande ;

- rappelé que la présente décision est exécutoire à titre provisoire en application des dispositions de l'article 514 du code de procédure civile ;

- condamner M. [Y] à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l'article 1240 du code de procédure civile pour dommages et intérêts,

- condamner M. [Y] à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M. [Y] aux entiers dépens d'instance.

MOTIFS

Sur la disproportion des cautionnements

M. [Y] [W] [R] critique le jugement déféré en ce qu'il l'a débouté de sa demande visant à le voir décharger de ses engagements de caution souscrits les 9 septembre 2011 et 12 février 2013.

Il soutient que ces engagements étaient manifestement disproportionnés lors de leur souscription à ses biens et revenus ainsi que cela ressort de la fiche de renseignements qu'il a signée le 25 août 2011. Il relève que la banque ne lui a pas fait remplir de fiche de renseignements préalablement à la signature de l'acte de caution du 12 février 2013.

Il allègue ensuite que la banque ne rapporte pas la preuve, dont la charge lui incombe, qu'au moment où la caution a été appelée, il disposait d'un patrimoine lui permettant de faire face à son engagement, ce qui n'est pas le cas.

La banque sollicite la confirmation du jugement déféré en l'ensemble de ses dispositions. Elle rappelle que la charge de la preuve d'une disproportion incombe à l'appelant et relève qu'en l'espèce, M. [Y] [W] [R] ne rapporte pas la preuve ni, d'une anomalie apparente figurant sur la fiche de renseignement du 25 août 2011, ni d'une disproportion de ses engagements de cautionnement à ses biens et revenus.

Elle expose ensuite que dans l'hypothèse où la cour de céans devait considérer que les engagements de caution de l'appelant étaient disproportionnés à la date de leur souscription à ses biens et ses revenus, son patrimoine au jour où son engagement de caution a été appelé, lui permettait en toute hypothèse d'y faire face.

En application des dispositions de l'article L. 341-4 ancien du code de la consommation devenu l'article L. 332-1 du même code, un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.

Il appartient à la caution qui entend opposer au créancier les dispositions des textes précités du code de la consommation, de rapporter la preuve du caractère disproportionné du cautionnement à ses biens et revenus. La disproportion manifeste du cautionnement aux biens et revenus de la caution suppose que cette dernière se trouve, lorsqu'elle s'engage, dans l'impossibilité manifeste de faire face à son obligation avec ses biens et revenus (Com., 28 fév. 2018, no 16-24.841). Cette disproportion s'apprécie lors de la conclusion de l'engagement, au regard du montant de l'engagement, de l'endettement global, des biens et revenus déclarés par la caution, dont le créancier, en l'absence d'anomalies apparentes, n'a pas à vérifier l'exactitude.

Aux termes des actes de cautionnement souscrits par M. [P] [Y] [W] [R] les 9 septembre 2011 et 12 février 2013, Mme [Y] a donné son 'consentement express à l'engagement pris par la Caution, sans toutefois se porter personnellement caution, conformément aux dispositions de l'article 1415 du code civil.' (pièces n° 3 et 4 de la banque).

Les époux [E] étant mariés sous le régime de la communauté ainsi que cela résulte des actes de cautionnement, de la fiche de renseignements produite par la banque et de l'extrait de leur livret de famille, il y a lieu de prendre en compte l'ensemble du patrimoine du couple dans l'appréciation de la disproportion.

Il ressort de la fiche de renseignements datée du 25 août 2011 versée aux débats par la banque annexé à l'acte de cautionnement du 9 septembre 2011 souscrit dans la limite de la somme de 126 000 euros (pièce n° 3) que M. [Y] [W] [R] a déclaré :

- percevoir au titre de ses revenus annuels, en sa qualité de gérant de la société Luton la somme de 36 000 euros et Mme [Y] [I] [O] la somme de 12 000 euros, soit au total des revenus annuels de 48 000 euros,

- avoir donné des cautions de 100 000 euros à la CCD et de 20 000 à la Banque Postale, sans que les dates de souscription et d'échéance de ses engagements ne soient précisées,

- être propriétaire d'un pavillon édifié sur un terrain de 1 500 m² situé à [Localité 4] évalué à la somme de 850 000 euros,

- avoir souscrit deux prêts immobiliers

- auprès de la CCD d'un montant de 129 000 euros sur lequel il restait redevable d'une somme de 38 000 euros, l'échéance finale étant le 17 décembre 2014 et grevé d'une hypothèque de 11 000 euros,

- auprès de la société HSBC d'un montant de 120 000 euros sur lequel il restait redevable d'une somme de 68 000 euros, l'échéance finale étant le 30 juin 2019 et grevé d'une hypothèque de 11 000 euros.

soit un patrimoine immobilier dont la valeur nette s'élevait à la somme totale de 744 000 euros (850 000 euros - 38 000 euros - 68 000 euros).

Il en résulte que l'ensemble des revenus et du patrimoine déclarés par M. [Y] [W] [R] était évalué à la somme totale de 792 000 euros (48 000 euros +744 000 euros) de laquelle il convient de déduire les précédents cautionnements souscrits à hauteur de la somme de la somme de 120 000 euros, soit une surface financière de 672 000 euros.

Il y a lieu de relever qu'au dessus de leur signature, les époux [Y] ont apposé la mention manuscrite suivante :'Je certifie l'exactitude des renseignements donnés ci-dessus et j'atteste n'avoir pas connaissance d'autres charges que celles énoncées.'

Aucune anomalie apparente n'étant caractérisée, la banque était en droit de se fier aux déclarations recueillies dans la fiche de renseignements du 25 août 2011.

Au regard de l'ensemble des revenus et du patrimoine déclaré par M. [Y] [W] [R] ainsi que de ses précédents engagements, soit une surface financière évaluée à la somme de 672 000 euros, c'est à juste titre que le tribunal judiciaire d'Evry a considéré que l'engagement de caution souscrit par l'appelant le 9 septembre 2011 dans la limite de la somme de 126 000 euros, n'était pas alors manifestement disproportionné et que la société Crédit du Nord aux droits de laquelle vient la Société Générale était par voie de conséquence fondée à s'en prévaloir.

S'agissant du cautionnement souscrit le 12 février 2013 dans la limite de la somme de 20 020 euros, comme le relève l'appelant la fiche de renseignements annexée à ce second acte de cautionnement est celle du 25 août 2011 qui avait déjà été annexée au premier acte de cautionnement du 9 septembre 2011.

Il ressort de l'avis d'impôt 2012 sur les revenus de l'année 2011 versé aux débats par l'appelant (pièce n° 1-2), qu'en 2012, les époux [Y] ont perçu des revenus annuels de 35 283 euros (32 200 euros pour M. [Y] [W] [R] et 3 083 euros pour Mme [Y]).

Ces derniers ne contestent pas être toujours propriétaires de leur bien immobilier situé à [Localité 4], mais indiquent, ce dont ils justifient par la production d'une attestation de Me [U] [J], notaire associé à [Localité 6], que ce bien avait été acquis le 17 décembre 1999 par M. [Y] [W] [R] et Mme [Y], chacun pour moitié avant leur mariage, de sorte qu'il ne dépend pas de la communauté (pièce n° 2).

Il en résulte qu'il y a lieu de tenir compte de la moitié de la valeur résiduelle de ce bien pour apprécier la disproportion de l'engagement de caution de M. [Y] [W] [R], ce que ne conteste pas la banque, de sorte qu'il sera retenu au titre de son patrimoine immobilier une valeur nette de 372 000 euros (744 000 euros/2), étant relevé néanmoins que les charges d'emprunts immobiliers mentionnées dans la fiche de renseignements du 25 août 2011 ont nécessairement dû diminuer.

Enfin, M. [Y] [W] [R] justifie par la production d'une fiche d'immeuble portant sur le bien immobilier situé à [Localité 4] qu'il a contracté avec son épouse auprès de la Caixa Geral De Depositos le 30 décembre 2011 un prêt notarié et une ouverture de crédit d'un montant respectif de 250 000 euros et 100 000 euros en principal en garantie desquels cet établissement bancaire a inscrit deux hypothèques conventionnelles sur leur pavillon (pièce n° 3 de l'appelant).

Au regard de l'ensemble de ces éléments, il apparaît qu'à la date du cautionnement souscrit le 12 février 2013, le montant des revenus et du patrimoine de M. [Y] [W] [R] s'établissait à la somme de 407 283 euros (35 283 euros + 372 000 euros), alors qu'il avait précédemment souscrit deux engagements de cautionnement à hauteur de la somme de 120 000 euros et qu'il avait contracté le 30 décembre 2011 deux prêts auprès de la Caixa Geral De Depositos d'un montant total de 350 000 euros en principal, soit un endettement global de 470 000 euros auquel s'ajoutait le précédent cautionnement souscrit le 9 septembre 2011 dans la limite de la somme de 126 000 euros.

Il en résulte qu'à la date de sa souscription, le cautionnement du 12 février 2013 consenti dans la limite de la somme de 20 020 euros était manifestement disproportionné aux biens et revenus de M. [Y] [W] [R].

La société Crédit du Nord a assigné M. [Y] [W] [R] le 12 janvier 2018 en paiement des sommes de 146 020 euros, outre intérêts au taux légal à compter du 9 novembre 2017 et 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La capacité de la caution à faire face à son engagement au moment où elle est appelée s'apprécie au regard de l'ensemble des éléments d'actif et de passif composant son patrimoine (Com., 17 oct. 2018, n° 17-21.857 ; 30 janv. 2019, n° 17-31.011).

Or, la banque se contente d'affirmer, sans le démontrer qu'à la date de l'assignation délivrée à M. [Y] [W] [R] les deux prêts souscrits auprès de la Caixa Geral De Depositos avaient 'selon toute vraisemblance déjà été intégralement remboursés' et ne verse par ailleurs aucun document démontrant que le patrimoine et les revenus de M. [Y] [W] [R], au moment où celui-ci a été appelé lui permettaient de faire face à son obligation.

De surcroît, il résulte du commandement de payer valant saisie immobilière versé aux débats par l'appelant, même si celui-ci est postérieur à l'assignation, qu'à la date du 16 juillet 2019, les époux [Y] restaient redevables envers la Caixa Geral De Depositos de la somme de 672 008,15 euros au titre des deux prêts souscrits auprès de cet établissement (pièce n° 4 de l'appelant).

Il s'ensuit que la société Crédit du Nord aux droits de la quelle vient la Société Générale ne peut se prévaloir du contrat de cautionnement conclu le 12 février 2013 dans la limite de la somme de 20 020 euros.

Il y a donc lieu d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné M. [P] [Y] [W] [R] à payer à la SA Crédit du Nord, aux droits de laquelle vient la Société Générale, la somme de 146 020 euros (126 000 euros au titre de l'engagement de caution du 9 septembre 2011 et 20 020 euros au titre de l'engagement de caution du 12 février 2013), avec intérêt au taux légal à compter de la signification de la décision et de condamner M. [P] [Y] [W] [R] à payer à la Société Générale, venant aux droits de la société Crédit du Nord, la somme de 126 000 euros au titre de son engagement de cautionnement du 9 septembre 2011 avec intérêts au taux légal à compter de la signification du jugement du 15 décembre 2022 et de débouter la Société Générale de ses demandes au titre de l'engagement de caution du 12 février 2013.

Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive

Les arguments avancés par M. [P] [Y] [W] [R] dans ses écritures ne permettent pas d'établir son intention malicieuse ayant fait dégénérer en abus l'exercice d'une voie de droit, et ce d'autant qu'il a été partiellement fait droit à ses demandes.

La Société Générale, venant aux droits de la société Crédit du Nord, sera donc déboutée de sa demande de dommages et intérêts formée à son encontre pour procédure abusive.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Aux termes de l'article 696, alinéa premier, du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie. M. [P] [Y] [W] [R] sera donc condamné aux dépens d'appel.

En application de l'article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il n'apparaît pas inéquitable de laisser à la charge de la Société Générale, venant aux droits de la société Crédit du Nord, les frais irrépétibles qu'elle a été contrainte d'engager dans la présente instance pour assurer la défense de ses intérêts. Elle sera par conséquent déboutée de sa demande à ce titre.

LA COUR, PAR CES MOTIFS,

INFIRME le jugement du tribunal judiciaire d'Evry du 15 décembre 2022 ;

Statuant à nouveau du chef de la décision infirmée et y ajoutant,

CONDAMNE M. [P] [Y] [W] [R] à payer à la Société Générale, venant aux droits de la société Crédit du Nord, la somme de 126 000 euros au titre de son engagement de cautionnement du 9 septembre 2011 avec intérêts au taux légal à compter de la signification du jugement du 15 décembre 2022 ;

DIT que la Société Générale, venant aux droits de la société Crédit du Nord, ne peut se prévaloir de l'engagement de cautionnement de M. [P] [Y] [W] [R] du 12 février 2013;

DEBOUTE la Société Générale, venant aux droits de la société Crédit du Nord, de ses demandes au titre de l'engagement de cautionnement de M. [P] [Y] [W] [R] du 12 février 2013 ;

DEBOUTE la Société Générale, venant aux droits de la société Crédit du Nord, de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

DIT n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE M. [P] [Y] [W] [R] aux dépens d'appel ;

REJETTE toute autre demande.

* * * * *

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 6
Numéro d'arrêt : 23/03658
Date de la décision : 26/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 03/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-26;23.03658 ?
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