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26/06/2024 | FRANCE | N°22/19495

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 5, 26 juin 2024, 22/19495


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 4 - Chambre 5



ARRET DU 26 JUIN 2024



(n° /2024, 9 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/19495 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGW5Y



Décision déférée à la Cour : Sur renvoi après Cassation selon l'arrêt rendu le 12 octobre 2022 par la 3ème chambre de la Cour de Cassation (pourvoi n° S 20-22.911) de l'arrêt rendu le 11 septembre 2020 par le pôle 4 chambre 1 de la Cour d'appel de Paris (

RG 19/3193) sur appel d'un jugement rendu le 17 décembre 2018 par la 6ème chambre - section 3 du tribunal de grande instance de Bobigny (RG 17/2779)

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REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 5

ARRET DU 26 JUIN 2024

(n° /2024, 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/19495 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGW5Y

Décision déférée à la Cour : Sur renvoi après Cassation selon l'arrêt rendu le 12 octobre 2022 par la 3ème chambre de la Cour de Cassation (pourvoi n° S 20-22.911) de l'arrêt rendu le 11 septembre 2020 par le pôle 4 chambre 1 de la Cour d'appel de Paris (RG 19/3193) sur appel d'un jugement rendu le 17 décembre 2018 par la 6ème chambre - section 3 du tribunal de grande instance de Bobigny (RG 17/2779)

APPELANTE

S.C.I. LE 101 prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentée par Me Sylvie KONG THONG de l'AARPI Dominique OLIVIER - Sylvie KONG THONG, avocat au barreau de PARIS, toque : L0069

INTIMEE

S.C.P. [L] [E] - [X] [D] prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée et assistée à l'audience par Me Thomas RONZEAU de la SCP INTERBARREAUX RONZEAU ET ASSOC, avocat au barreau de PARIS, toque : P0499

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 5 mars 2024, en audience publique, devant la Cour composée de :

M. Ludovic JARIEL, président de chambre

Mme Sylvie DELACOURT, présidente faisant fonction de conseillère

Mme Viviane SZLAMOVICZ, conseillère

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Mme Sylvie Delacourt, conseillère, dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.

Greffière, lors des débats : Mme Dominique CARMENT

ARRET :

- contradictoire.

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, délibéré initialement prévu le 29 mai 2024 et prorogé au 26 juin 2024, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Sylvie DELACOURT, présidente faisant fonction de conseillère pour le président empêché, et par Manon CARON, greffière présente lors de la mise à disposition.

FAITS ET PROCEDURE

Le 28 juin 2012, par acte authentique, la société civile immobilière Le 101(la société Le 101), a acquis de Mme [H], un ensemble immobilier sis [Adresse 5] et [Adresse 1] à [Localité 6].

Le 13 décembre 2012, par acte authentique, maître [D], notaire associé de la société civile professionnelle [L] [E]-[X] [D] (ci-après, la SCP) a reçu le règlement de copropriété et l'état descriptif de division du bien, saisi par la société Le 101 qui souhaitait faire procéder à la division de l'ensemble immobilier et à sa soumission au régime de la copropriété pour vendre séparément l'immeuble par lots.

Le 5 février 2014, par acte authentique reçu par la SCP et précisant que " les bâtiments de l'ensemble immobilier sont destinés à usage mixte : habitation et professionnel à l'exception des lots numéros 38, 39 et 40 qui pourront être utilisés à l'exercice d'activités commerciales ou artisanales tant sous forme individuelle que sous forme sociétaire. ", la société Le 101 a vendu à M. [B], pour le prix de 120 000 euros, les lots n° 38, 39 et 40 de l'état de division de l'immeuble ainsi composés :

- Au sous-sol du bâtiment B : un local,

- Au rez-de-chaussée du bâtiment B : un local,

- Au rez-de-chaussée du bâtiment B : un accès délimité sur le plan de la copropriété.

Le 20 mai 2015, les services de l'urbanisme ont dressé à l'encontre de M. [B] et de MM. [E] et [D], notaires, un procès-verbal d'infractions au code de l'urbanisme et au plan local d'urbanisme (PLU) dont les règles interdisent, en zone pavillonnaire, les constructions artisanale et d'entrepôt, l'ensemble des places de stationnement prévues par le permis de construire ayant été en outre supprimées.

Le 8 février 2017, M. [B] a assigné son vendeur et la SCP en nullité de la vente et en paiement de dommages et intérêts.

Le 17 décembre 2018, le tribunal de grande instance de Bobigny a rendu un jugement qui a statué en ces termes :

- déclaré recevable la demande d'annulation de la vente de M. [B],

- prononcé l'annulation de la vente du 5 février 2014,

- ordonné la publication du jugement au service de la publicité foncière compétent,

- condamné la société civile immobilière Le 101 à payer à M. [B] la somme de 120 000 euros en remboursement du prix de vente avec intérêts au taux légal à compter du jugement,

- condamné M. [B] à restituer à la société civile immobilière Le 101 les lots n° 38, 39 et 40 de l'état de division de l'immeuble sis [Adresse 5] à [Localité 6] (93),

- condamné in solidum la société civile immobilière Le 101 et la société civile professionnelle [L] [E] - [X] [D] à payer à M. [B] à titre de dommages-intérêts les sommes suivantes :

. 42 023,88 euros au titre du coût des travaux de mise en conformité,

. 39 889, 42 euros au titre des charges de copropriété,

. 991, 42 euros au titre du coût de l'assurance,

. 2 037 euros au titre du coût des taxes d'ordures ménagères des années 2015, 2016 et 2017,

. 3 926 euros au titre de la taxe d'habitation,

. 65 000 euros au titre de la perte locative,

- fixé le partage de responsabilité entre le notaire et le vendeur de la manière suivante : 80% au notaire, 20% au vendeur,

- condamné la société civile professionnelle [L] [E] - [X] [D] à garantir la société civile immobilière Le 101 à hauteur de 80 % des condamnations de dommages-intérêts prononcées au profit de M. [B] à l'exclusion de la restitution du prix restant exclusivement à la charge de la société civile immobilière Le 101,

- condamné in solidum la société civile immobilière Le 101 et la société civile professionnelle [L] [E] - [X] [D] à payer à M. [B] la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné in solidum la société civile immobilière Le l0l et la société civile professionnelle [L] [E] - [X] [D] aux dépens de l'instance les opposant à M. [B],

- dit que la charge de ces deux dernières condamnations était répartie au prorata du partage de responsabilité retenu,

- condamné la société civile professionnelle [L] [E] - [X] [D] à garantir la société civile immobilière Le 101 de ces mêmes condamnations à hauteur de 80 %,

- ordonné l'exécution provisoire.

Le 11 septembre 2020, sur appel de la SCP, la cour d'appel de Paris a statué en ces termes :

Infirmé le jugement entrepris mais seulement en ce qu'il a :

- condamné in solidum la société civile immobilière Le 101 et la société civile professionnelle [L] [E] - [X] [D] à payer à M. [B] à titre de dommages-intérêts les sommes suivantes :

. 42 023,88 euros au titre du coût des travaux de mise en conformité,

. 39 889, 42 euros au titre des charges de copropriété,

. 991,42 euros au titre du coût de l'assurance,

. 2 037 euros au titre du coût des taxes d'ordures ménagères des années 2015, 2016 et 2017,

. 3 926 euros au titre de la taxe d'habitation,

. 65 000 euros au titre de la perte locative,

- fixé le partage de responsabilité entre le notaire et le vendeur de la manière suivante : 80% au notaire, 20% au vendeur,

- condamné la société civile professionnelle [L] [E] - [X] [D] à garantir la société civile immobilière le 101 à hauteur de 80% des condamnations de dommages-intérêts prononcées au profit de M. [B] à l'exclusion de la restitution du prix restant exclusivement à la charge de la société civile immobilière le 101,

- condamné in solidum la société civile professionnelle [L] [E] - [X] [D] à payer à M. [B] la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamné in solidum la société civile professionnelle [L] [E] - [X] [D] aux dépens de l'instance les opposant à M. [B],

- dit que la charge de ces deux dernières condamnations était répartie au prorata du partage de responsabilité retenu,

- condamne la société civile professionnelle [L] [E] - [X] [D] à garantir la société civile immobilière Le 101 de ces mêmes condamnations à hauteur de 80 % ;

Statuant à nouveau :

Déboute M. [N] [B] et la société civile immobilière Le 101 de leurs demandes fondées contre la société civile professionnelle [L] [E] - [X] [D] ;

Condamne la société civile immobilière Le 101 à payer à M. [N] [B] les sommes de :

- 42 023,88 euros au titre des travaux,

- 52 943,66 euros au titre des charges de copropriété arrêtées au 15 janvier 2020,

- 991,42 euros au titre du coût de l'assurance,

- 8 493 euros au titre des taxes foncières 2018 et 2019 ;

Confirme le jugement entrepris pour le surplus ;

Rejette toute autre demande ;

Condamne la société civile immobilière Le 101 aux dépens d'appel, en ce compris le coût de l'acte d'huissier de justice du 10 janvier 2020, qui pourront être recouvrés dans les conditions de l'article 699 du Code de procédure civile ;

Condamne la société civile immobilière Le 101 à payer à M. [N] [B] la somme de 5 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

La société Le 101 a formé un pourvoi à l'encontre de cet arrêt.

Le 12 octobre 2022, la troisième chambre civile de la Cour de cassation (pourvoi, n° 20-22.911, publié au Bulletin) a statué en ces termes :

Casse et annule, mais seulement en ce qu'il rejette la demande en garantie formée par la société civile immobilière Le 101 à l'encontre de la société civile professionnelle [L] [E]-[X] [D] concernant les charges de copropriété, le coût de l'assurance et les taxes foncières acquittés par l'acquéreur, l'arrêt rendu le 11 septembre 2020 entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;

Condamne la société civile professionnelle [L] [E]-[X] [D] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société civile professionnelle [L] [E]-[X] [D] et la condamne à payer à la société civile immobilière Le 101 la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé.

Le 15 novembre 2022, par déclaration, la société Le 101 a saisi la cour d'appel de Paris sur renvoi après cassation partielle.

EXPOSE ET PRETENTIONS DES PARTIES

Le 19 janvier 2024, la société Le 101 a signifié par voie électronique des conclusions n° 2 après cassation partielle dans lesquelles elle demande à la cour, dans les limites de l'appel sur renvoi de cassation de :

Juger que la société [L] [E] - [X] [D] a manqué à ses obligations en qualité de rédacteur d'acte et à ses obligations d'information et de conseil.

Juger que la responsabilité de la société [L] [E] - [X] [D] est engagée à l'égard de la société Le 101 sur le fondement des articles 1147 (devenu les articles 1217 et 1231-1) et 1382 (devenu 1240) du code civil.

Condamner la société [L] [E] - [X] [D] à rembourser à la société Le 101 les condamnations portant sur les charges de copropriété, le coût de l'assurance et les taxes acquittées par l'acquéreur soit 62 428,08 euros hors intérêts depuis le paiement intervenu au profit de M. [N] [B] et anatocisme.

Réformer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société [L] [E] - [X] [D] seulement à hauteur de 80 % des préjudices dus à Monsieur [B], la part de 100 % lui revenant.

Subsidiairement

Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société [L] [E] - [X] [D] à hauteur de 80 % et la société Le 101 à hauteur de 20 %.

Condamner la société [L] [E] - [X] [D] à régler à la société Le 101 une somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamner la société [L] [E] - [X] [D] à régler les entiers dépens, de première instance et d'appel dont distraction de ces derniers au profit de maître Kong Thong du cabinet Olivier Kong Thong, avocat aux offres de droit, en application de l'article 699 du code de procédure civile.

Le 26 février 2024, la SCP a signifié par voie électronique des conclusions n° 2 après cassation partielle dans lesquelles elle demande à la cour, dans les limites de l'appel sur renvoi de cassation de :

Infirmer le jugement rendu par le Tribunal de grande instance de Bobigny le 17 décembre 2018 en ce qu'il : " Condamne la société [E]-[D] à garantir la société Le 101 à hauteur de 80 % des condamnations de dommages et intérêts prononcées au bénéficie de M. [B] à l'exclusion de la restitution du prix de vente restant exclusivement à la charge de la société Le 101 " pour les trois postes de préjudices visés par la Cour de cassation,

Statuant à nouveau,

Débouter la société Le 101 de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions dirigées à l'encontre de la société [E] et [D],

En tout état de cause,

Dire et juger que le société [E] et [D] ne saurait être condamnée à garantir la société Le 101 au titre des sommes postérieures au jugement de première instance,

Dire et juger que les sommes dont le remboursement est réclamé par la société Le 101 ne constituent pas des préjudices indemnisables, ayant participé, à tout le moins pour partie, à l'entretien et la conservation de l'immeuble,

Subsidiairement, si la cour devait opérer un partage de responsabilité entre la société Le 101 et la SCP [E] et [D],

Dire et juger que les pourcentages retenus par le jugement ne peuvent être appliqués, compte tenu des fautes imputables à la société Le 101,

Réduire à de plus justes proportions le pourcentage de responsabilité qui serait retenu à l'encontre,

En tout état de cause,

Condamner la société Le 101 à verser à la société [E] et [D] une somme de 4 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamner la société Le 101 aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Le 5 mars 2024, la clôture a été ordonnée et l'affaire a été plaidée à l'audience du même jour à l'issue de laquelle elle a été mise en délibéré.

MOTIVATION

Préalable

Les demandes de " juger " et " dire et juger " ne constituent pas des prétentions mais des moyens et ne saisissent la cour d'aucune demande (2e Civ., 9 janvier 2020, pourvoi n° 18-18.778).

Sur l'étendue de la saisine de la cour

Moyens des parties

La société Le 101 fait valoir qu'il ressort de la cassation partielle intervenue le 12 octobre 2022 que tout ce qui a été jugé, sauf ce qui a fait l'objet de cassation partielle, est devenu définitif et qu'il en est ainsi de la répartition des responsabilités fixées par le tribunal, qui ne peut plus être remise en cause.

Elle soutient qu'en se bornant à conclure au rejet du pourvoi de la société Le 101, sans faire elle-même un pourvoi sur les 80 % mis à sa charge dans le jugement, la SCP a pris le risque qu'une cassation partielle ne rende définitif ce point.

La SCP soutient que le partage de la responsabilité entre elle et la société Le 101 n'a pas été fixé de manière irrévocable.

Elle rappelle que le jugement de première instance a été infirmé en ce qu'il l'a condamnée in solidum avec la société Le 101 à indemniser M. [B].

Elle fait valoir que l'arrêt est définitif en ce qu'il a écarté toutes les demandes de l'acquéreur dirigées contre elle et que le jugement de première instance a également été infirmé s'agissant du partage de responsabilité dont se prévaut la société Le 101.

Elle affirme que, contrairement à ce que la société Le 101 soutient dans ses écritures, elle n'avait pas à former de pourvoi alors que le partage de responsabilité avait été écarté par la cour d'appel.

Réponse de la cour

Aux termes de l'article 623 du code de procédure civile, la cassation peut être totale ou partielle. Elle est partielle lorsqu'elle n'atteint que certains chefs dissociables des autres.

Aux termes de l'article 624 du même code, la portée de la cassation est déterminée par le dispositif de l'arrêt qui la prononce. Elle s'étend également à l'ensemble des dispositions du jugement cassé ayant un lien d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire.

Selon l'article 625 du même code, sur les points qu'elle atteint, la cassation replace les parties dans l'état où elles se trouvaient avant le jugement cassé.

Aux termes de l'article 638 de ce code, l'affaire est à nouveau jugée en fait et en droit par la juridiction de renvoi à l'exclusion des chefs non atteints par la cassation.

Au cas d'espèce, la cassation du chef de dispositif rejetant la demande en garantie ayant replacé les parties dans l'état où elles se trouvaient avant l'arrêt cassé sur ce point, il appartient à la cour de céans de statuer en fait et en droit sur l'appel du chef de jugement ayant condamné la SCP à garantir la société Le 101 et, de celui, qui est dans sa dépendance nécessaire, ayant fixé le partage de responsabilité entre ces deux sociétés.

Le recours en garantie de la société Le 101 à l'encontre de la SCP

La société Le 101 demande la garantie de la SCP afin qu'elle l'indemnise du coût total des charges de copropriété, du coût de l'assurance et des taxes foncières qu'elle a dû rembourser à l'acquéreur à hauteur de 62 428, 08 euros hors intérêts et subsidiairement, dans la proportion de 80 % telle qu'ordonnée par le tribunal.

Elle soutient que le notaire a engagé sa responsabilité sur le fondement quasi-délictuel dès lors qu'en sa qualité de rédacteur, il est débiteur d'une obligation de résultat et qu'en conséquence, il est tenu de prendre toutes dispositions utiles pour assurer la validité et l'efficacité des actes qu'il instrumente, quelles que soient les compétences et les connaissances des parties.

Elle fait valoir que la SCP ne pouvait ignorer l'affectation exclusive de l'immeuble lorsqu'elle a établi, le 13 décembre 2012, l'état descriptif de division et le règlement de copropriété, précédant la mise en vente par lots.

La société Le 101 en déduit que la SCP a manqué à son obligation de conseil et d'information en omettant de l'avertir des conséquences de l'interdiction mentionnée dans le PLU d'exercer des activités commerciales et artisanales dans la zone d'implantation de l'immeuble.

Elle soutient encore que la SCP n'a pas respecté ses obligations de rédactrice d'acte lors de la vente des lots n° 38, 39 et 40 du bâtiment B intervenue en février 2014 au profit de M. [B] puisqu'elle en a changé l'affectation sans vérification préalable et sans autorisation administrative.

La société Le 101 revendique l'absence de subsidiarité de la responsabilité de la SCP qui doit vérifier les déclarations du vendeur, pour garantir l'efficacité de l'acte juridique qu'elle instrumente.

La SCP demande l'infirmation du jugement qui l'a condamnée à garantir la société Le 101 à hauteur de 80 % des condamnations de dommages et intérêts prononcées au bénéfice de M. [B], comprenant les trois postes de préjudices visés par la Cour de cassation, et le débouté de la société Le 101 de toutes ses demandes à son égard.

Sur le fondement de l'article 1382, devenu 1240 du code civil, elle fait valoir que la société Le 101 est défaillante dans la charge de la preuve d'un préjudice indemnisable, réel et certain, en lien de causalité avec la faute retenue contre elle.

Elle demande que soient exclues toutes les sommes postérieures au jugement qui ne sauraient constituer un préjudice indemnisable par le notaire alors que leur règlement résulte du défaut d'exécution de la décision imputable à la société Le 101 et à M. [B].

Elle soutient que les charges de copropriété, assurances et taxes foncières ne constituent pas des préjudices indemnisables car elles participent à l'entretien et la conservation du bien litigieux, à tout le moins pour partie et que les charges non récupérables ne peuvent s'analyser autrement qu'en des dépenses de conservation du bien.

Subsidiairement, elle réclame que sa part de responsabilité soit estimée à de plus justes proportions.

Réponse de la cour

Dans leurs relations entre eux, les responsables d'un même dommage ne peuvent exercer de recours qu'à proportion de leurs fautes respectives, sur le fondement de la responsabilité contractuelle s'ils sont contractuellement liés ou de la responsabilité délictuelle s'ils ne le sont pas.

Les obligations du notaire, qui ne tendent qu'à assurer l'efficacité d'un acte instrumenté par lui et qui ne constituent que le prolongement de sa mission de rédacteur d'acte, relèvent de sa responsabilité délictuelle (1re Civ., 12 avril 2005, pourvoi n° 03-14.842, Bull. 2005, I, n° 178).

Aux termes de l'article 1382, devenu 1240, du code civil, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

En l'espèce, c'est à juste titre que le tribunal a retenu qu'en procédant à un changement d'affectation de certains lots de l'immeuble lors de l'état descriptif de division sans obtenir les autorisations administratives et sans vérifier la faisabilité au regard des normes d'urbanisme, puis en dressant l'acte de vente au profit de M. [B], des trois lots en les affectant à une activité commerciale, sans avoir sollicité le certificat d'urbanisme, alors qu'il connaissait l'usage exclusif de l'immeuble à l'habitation, le notaire rédacteur avait failli à ses obligations et commis une faute.

Le tribunal a justement identifié la faute de la société Le 101, qualifiée de vendeur professionnel averti, qui ne pouvait ignorer que des autorisations administratives étaient indispensables à toute modification de la destination d'un bien immobilier dont elle connaissait parfaitement la destination exclusive à usage d'habitation.

La faute de la société Le 101 n'absorbe pas pour autant celle du notaire qui ne peut s'exonérer de sa propre obligation en faisant valoir que la venderesse était un professionnel (1re Civ., 12 décembre 1995, pourvoi n° 93-18.753, 93-19.460, Bulletin 1995 I N° 459).

Le tribunal a justement retenu le recours contributif de la société Le 101 à l'encontre de la SCP à hauteur de 80 % et aucun élément nouveau n'invite la cour à modifier la répartition parfaitement motivée des premiers juges.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il condamne la SCP à garantir la société Le 101 et fixe le partage de responsabilité à hauteur de 80 %.

Sur la nature des chefs de condamnation de la société Le 101

La taxe foncière payée par la société Le 101 à l'acquéreur est un préjudice indemnisable pouvant donner lieu à la garantie du notaire (1re Civ., 7 décembre 2022, pourvoi n° 20-23.440).

Les charges de copropriété, le coût de l'assurance que la société Le 101 a été définitivement condamnée à payer à M. [B] par l'arrêt du 11 septembre 2020, ne constituent pas des dépenses de conservation du bien mais présentent un caractère indemnitaire.

La SCP sera donc condamnée à garantir la société Le 101 au titre des charges de copropriété, du coût de l'assurance et des taxes foncières qui relèvent du préjudice indemnisable de l'acquéreur.

Sur les frais du procès

La cour d'appel de Paris dans son arrêt du11 septembre 2020 a définitivement statué sur les dépens de première instance, sur les dépens d'appel engagés devant elle, et sur les demandes formées en application de l'article 700 du code de procédure civile en première instance et en cause d'appel, il convient de ne statuer que sur les dépens de la procédure de renvoi après cassation et sur l'article 700 demandé dans le même cadre, la Cour de cassation ayant en outre statué sur les dépens de cassation et la demande formée devant elle au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

En conséquence et vu le sens de l'arrêt, la SCP est condamnée aux dépens de la procédure d'appel sur renvoi après cassation.

L'équité commande de condamner la SCP à payer à la société Le 101 la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile dans le cadre de la présente instance.

PAR CES MOTIFS,

La Cour, statuant contradictoirement, sur renvoi après cassation, en dernier ressort, après en avoir délibéré conformément à la loi, et dans la limite du renvoi après cassation partielle,

Confirme le jugement en ce qu'il :

-fixe le partage de responsabilité entre le notaire et le vendeur de la manière suivante : 80 % au notaire, 20 % au vendeur ;

-condamne la société civile professionnelle [L] [E]-[X] [D] à garantir la société civile immobilière Le 101 à hauteur de 80 % ;

Y ajoutant,

Condamne la société civile professionnelle [L] [E]-[X] [D] à garantir la société civile immobilière Le 101 au titre des charges de copropriété, du coût de l'assurance et des taxes foncières qu'elle a été condamnée à payer à M. [B] par l'arrêt du 11 septembre 2020 ;

Condamne la société civile professionnelle [L] [E]-[X] [D] aux dépens de la procédure d'appel sur renvoi après cassation ;

Condamne la société civile professionnelle [L] [E]-[X] [D] à payer à la société civile immobilière Le 101 payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La greffière, La présidente faisant fonction de conseillère pour le président empêché,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 22/19495
Date de la décision : 26/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 03/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-26;22.19495 ?
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