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26/06/2024 | FRANCE | N°22/12010

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 6, 26 juin 2024, 22/12010


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 6



ARRET DU 26 JUIN 2024



(n° , 8 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/12010 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGBHP



Décision déférée à la Cour : Jugement du 07 Juin 2022 - tribunal judiciaire de Paris - 9ème chambre 2ème section - RG n° 19/05135





APPELANTE



Le syndicat des copropriétaires de l'immeuble situé [Adresse 5] représent

é par son syndic, la SAS SYNDIC AVENIR

[Adresse 4]

[Adresse 4]

N°siret : 529 611 832

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit s...

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 6

ARRET DU 26 JUIN 2024

(n° , 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/12010 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGBHP

Décision déférée à la Cour : Jugement du 07 Juin 2022 - tribunal judiciaire de Paris - 9ème chambre 2ème section - RG n° 19/05135

APPELANTE

Le syndicat des copropriétaires de l'immeuble situé [Adresse 5] représenté par son syndic, la SAS SYNDIC AVENIR

[Adresse 4]

[Adresse 4]

N°siret : 529 611 832

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentée par Me Olivier BERNABE, avocat au barreau de PARIS, toque : B0753

Ayant pour avocat plaidant Me Aurore FRANCELLE de l'AARPI ADONIS, avocat au barreau de PARIS, toque : C2444

INTIMÉES

Société BANQUE POSTALE

[Adresse 1]

[Adresse 1]

N° SIRET : 421 100 645

agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

Représentée par Me Isabelle SIMONNEAU de la SELEURL IS AVOCAT, avocat au barreau de PARIS, toque : D0578, avocat plaidant

SA SOCIÉTÉ GÉNÉRALE venant aux droits de la S.A. CREDIT DU NORD (immatriculée au registre de commerce et des sociétés de Lille sous le numéro 456 504 851, dont le siège sociale est [Adresse 2]) en suite d'une fusion-absorption intervenue par acte sous-seing-privé du 16 juin 2022 et devenue définitive en date du 1er janvier 2023

[Adresse 3]

[Adresse 3]

N° SIRET : 552 120 222

agissant poursuites et diligences de ses dirigeants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentée par Me Aude MANTEROLA de la SELAS Fiducial Legal by LAMY, avocat au barreau de PARIS, toque : P0193, avocat plaidant

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 14 Mai 2024, en audience publique, devant la Cour composée de :

M. Marc BAILLY, président de chambre

M. Vincent BRAUD, président

MME Laurence CHAINTRON, conseillère

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par M. Marc BAILLY dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Mme Mélanie THOMAS

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Marc BAILLY, président de chambre, et par Mélanie THOMAS, greffier, présent lors de la mise à disposition.

* * * * *

Le cabinet Syndic Avenir, syndic de copropriété du syndicat des copropriétaires du [Adresse 5], a voulu tirer, le 23 juillet 2015, un chèque de 216,40 euros sur son compte dans les livres du Crédit du Nord destiné à payer une facture mais le montant a été encaissé pour une somme de 8 349 euros par un bénéficiaire différent, M. [H], disposant d'un compte dans les livres de La Banque Postale.

Se plaignant d'une falsification du chèque le syndic ès qualités a assigné devant le tribunal de grande instance de Paris par acte en date du 25 avril 2019 la société Crédit du Nord, laquelle a appelé en intervention forcée et garantie la société La Banque Postale par acte en date du 28 septembre 2020, une jonction étant intervenue le 3 novembre 2020.

Par jugement en date du 7 juin 2022, aux motifs essentiels que le chèque n'était atteint d'aucune anomalie apparente, le tribunal judiciaire de Paris a débouté le syndic de ses demandes à l'encontre de la société Crédit du Nord, l'a déclaré irrecevable comme prescrit à l'encontre de la société La Banque Postale et a dit n'y avoir lieu à condamnation en application de l'article 700 du code de procédure civile, mettant les dépens à la charge du syndic demandeur.

Par déclaration au greffe en date du 27 juin 2022, le syndic de copropriété du syndicat des copropriétaires du [Adresse 5] a interjeté appel.

Par ses dernières conclusions en date du 29 mars 2024, le cabinet Syndic Avenir, syndic de copropriété du syndicat des copropriétaires du [Adresse 5] fait valoir :

- que le chèque a été volé et falsifié par un tiers, qu'il apparaît clairement qu'aux mentions manuscrites authentiques du chèque ont été substituées des mentions imprimées, de manière inhabituelle aux usages du syndic, qu'en outre le chèque est altéré par d'épaisses bordures noires destinées à cacher les formules manuscrites, et ce, sans pour autant couvrir totalement ces dernières qui dépassent du dit encadré inhabituel, ce qui constitue des anomalies apparentes,

- que le Crédit du Nord se refuse à communiquer l'original du chèque et que la copie produite est de très mauvaises qualité,

- que la banque ne peut ignorer qu'elle remplit ses chèques de manière manuscrite d'autant qu'un litige identique l'a déjà opposé à sa banque qui a conduit à un jugement de condamnation de cette dernière sans qu'elle n'en relève appel, le tribunal de commerce ayant relevé, dans son jugement du 9 septembre 2021 qu'il appartenait à la banque de démontrer que la formule n'était pas atteinte d'une anomalie, ce qu'elle ne faisait pas à défaut de production du chèque original,

- que le paiement indu chèque a entraîné des difficultés économique de la copropriété devant être indemnisé à hauteur de la somme de 5 000 euros de dommages-intérêts, sans qu'une faute du syndic ne puisse être relevée dès lors que le chèque a été encaissé le 10 août 2015, son paiement indu n'ayant pu être remarqué qu'au retour des congés,

- à titre subsidiaire, que son action ès qualité à l'égard de la société La Banque Postale n'est pas prescrite, le délai quinquennal en vertu de l'article 2224 courant à compter de la révélation du dommage soit sa connaissance de la falsification du chèque qui doit être fixé à la date de la jonction des procédures à l'occasion de laquelle elle a pu apprendre que le chèque avait été encaissé sur un compte détenu dans les livres de La Banque Postale, le Crédit du Nord l'ayant tenu dans l'ignorance de cette circonstance jusqu'alors son courriel du 2 novembre 2015 comportant copie du chèque étant insuffisant à cet égard,

- que La Banque Postale n'a pas plus vérifié le chèque litigieux par application de l'article L131-2 du code monétaire et financier en sa qualité de banque présentatrice alors qu'il comportait des anomalies visible aisément, de sorte qu'il demande à la cour de :

'- INFIRMER le jugement rendu par le Tribunal Judiciaire de Paris le 7 juin 2022 ;

- DEBOUTER la SOCIETE GÉNÉRALE, absorbante du CREDIT DU NORD, ainsi que la BANQUE POSTALE de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ;

En conséquence :

- CONDAMNER la SOCIETE GÉNÉRALE, absorbante du CREDIT DU NORD, à procéder au paiement de la somme de 8.349 euros correspondant au chèque grossièrement falsifié au syndicat des copropriétaires ;

-CONDAMNER la SOCIETE GÉNÉRALE, absorbante du CREDIT DU NORD, à procéder au règlement de la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi au syndicat des copropriétaires ;

A titre subsidiaire,

-CONSTATER que l'action du syndicat des copropriétaires à l'encontre de la BANQUE POSTALE n'est pas prescrite ;

- CONDAMNER la BANQUE POSTALE à procéder au paiement de la somme de 8.349 euros correspondant au chèque grossièrement falsifié au syndicat des copropriétaires ;

CONDAMNER la BANQUE POSTALE à procéder au règlement de la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi au syndicat des copropriétaires'.

Par ses dernières conclusions en date du 28 mars 2024, la Société Générale venant aux droits de la société Crédit du Nord expose :

- qu'elle n'a commis aucune faute qui lui soit imputable dès lors que le chèque, dont elle a remis une copie de bonne qualité, comporte toutes les mentions obligatoires, que le fait que le nom du bénéficiaire et du montant soient dactylographiés au contraire des autres n'est pas une anomalie apparente compte tenu de son devoir de non immixtion dans les affaires de son client, que la formule ne comporte aucune surcharge, l'encadré noir, invoqué pour la première fois en cause d'appel, n'en constituant pas une,

- que le syndic ne prouve pas le préjudice indemnisable distinct de 5 000 euros, n'établissant pas qu'il n'a pu recouvrer la somme dans le cadre de la plainte pénale déposée par lui,

- que le syndic Avenir a commis une négligence fautive en ne vérifiant pas les opérations dans les soixante jours prévus par le système de l'échange image chèque au cours de laquelle la banque tirée peut rejeter le chèque puisque c'est le 27 octobre qu'il lui a signalé les faits relatifs au chèque encaissé le 10 août 2015, de sorte que le syndic est exclusivement à l'origine du préjudice,

- subsidiairement, que si sa responsabilité devait être retenue, elle devrait être garantie par la banque présentatrice, La Banque Postale,

- que son action en garantie contre celle-ci n'est pas prescrite dès lors qu'elle l'a appelée en garantie par assignation du 28 septembre 2020 alors qu'elle n'est elle-même mise en cause que depuis l'assignation du 25 avril 2019,

-que la banque présentatrice, qui possède l'original du chèque, est tenue d'une obligation de vigilance en sa qualité de garant le mieux placé de la vérification du chèque puisque, quant à elle, elle ne dispose que de l'image chèque, de sorte qu'elle demande à la cour de :

'A TITRE PRINCIPAL,

- DECLARER mal fondé l'appel interjeté par la société SYNDIC AVENIR à l'encontre du jugement rendu par le Tribunal judiciaire de PARIS en date du 7 juin 2022

- JUGER qu'il n'est justifié d'aucun préjudice indemnisable par la société SYNDIC AVENIR

- JUGER que la société SYNDIC AVENIR est à l'origine de son propre préjudice

- CONFIRMER le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

- SUBSIDIAIREMENT, et si par impossible la responsabilité du CREDIT DU NORD, aux droits duquel vient la SOCIETE GÉNÉRALE, devait être retenue,

- JUGER recevable et fondé l'appel en garantie de la SOCIETE GÉNÉRALE, venant aux droits du CREDIT DU NORD, à l'encontre de la BANQUE POSTALE

En conséquence,

- CONDAMNER la BANQUE POSTALE à relever et garantir indemne la SOCIETE GÉNÉRALE, venant aux droits du CREDIT DU NORD, de toutes les condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre

EN TOUT ETAT DE CAUSE,

- CONDAMNER la société SYNDIC AVENIR, ou à qui mieux le devra, à la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile à la SOCIETE GÉNÉRALE, venant aux droits du CREDIT DU NORD, ainsi qu'aux dépens'.

Par ses dernières conclusions en date du 19 avril 2023, la société La Banque Postale fait valoir :

- que le jugement doit être confirmé en ce qu'il a déclaré l'action du syndic prescrite à son encontre dès lors que la copie du chèque ou figurait les coordonnées du compte crédités comme étant La Banque Postale a été transmise le 30 octobre 2015 au syndic, qui a confirmé avoir été informé que La Banque Postale était la banque présentatrice dans son dépôt de plainte daté du 7 avril 2016, et ce, alors que la première demande en justice est constituée des premières conclusions de première instance du 1er mars 2021,

- subsidiairement, que la demande au fond du syndic ne peut qu'être rejetée puisqu'elle n'était pas dépositaire des fonds et ne peut être tenue à restitution en vertu de l'article 1937 du code civil, qu'elle n'est pas responsable d'une faute en sa qualité de banque présentatrice, la seule falsification du nom du bénéficiaire ne suffisant pas, que l'appelant ne démontre pas l'altération visible du chèque,

- que le chèque d'un montant de 8 349 euros faisait partie, à l'époque et avant que le montant ne soit relevé à 10 000 euros à compter du mois de février 2018, des chèques circulants car supérieur à la somme de 5 000 euros de sorte que c'est le Crédit du Nord qui l'a conservé, que la jurisprudence impose à la banque tirée de prouver qu'il n'était pas affecté d'une anomalie apparente en présentant l'original, ce qu'elle ne fait pas,

- qu'il n'est pas démontré que le chèque était atteint d'une telle anomalie que ne saurait constituer les parties manuscrites et dactylographiées alors qu'elle a vérifié la régularité des endossements, qu'il n'est pas établi qu'elle a manqué à son obligation de vigilance qui ne la conduit pas à enquêter plus avant sur l'origine de la dette que le chèque paye,

- que les dommages-intérêts à hauteur de la somme de 5 000 euros ne sont pas justifiés et que le syndic a participé au dommage en étant tardif dans sa contestation,

- subsidiairement, qu'il conviendrait de procéder à un partage de responsabilité avec le Crédit du Nord et le syndic à hauteur d'un tiers qui a formellement demandé pour la première fois sa condamnation par conclusions du 30 avril 2021 et avec le syndic, à hauteur d'un tiers chacun, de sorte qu'elle demande à la cour de :

'A titre principal

- Confirmer le jugement rendu par le Tribunal Judiciaire de PARIS le 7 juin 2022 en ce qu'il a :

« Dit irrecevables pour cause de prescription les demandes du syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 5] représenté par son syndic, la SAS SYNDIC AVENIR, formées à l'encontre de la SA BANQUE POSTALE ».

- Juger prescrite l'action du SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES DE L'IMMEUBLE SITUE [Adresse 5] introduite par ses conclusions signifiées RPVA le 1er mars 2021 et visant à obtenir, compte tenu de la falsification du chèque n° 5000003, la condamnation de LA BANQUE POSTALE au paiement de la somme de 8.349,00 € et à des dommages-intérêts d'un montant de 5.000,00 €.

- Juger irrecevables les demandes faites par le SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES DE

L'IMMEUBLE SITUE [Adresse 5] à l'égard de LA BANQUE POSTALE.

- Condamner le SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES DE L'IMMEUBLE SITUE [Adresse 5] à payer à LA BANQUE POSTALE la somme de 5.000,00 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens.

A titre subsidiaire

- Juger que LA BANQUE POSTALE ne saurait être tenue à rembourser la somme de 8.349 € au SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES DE L'IMMEUBLE SITUE [Adresse 5], n'ayant pas la qualité de dépositaire des fonds de cette société.

- Juger que LA BANQUE POSTALE n'est pas en possession de l'original du chèque de banque n° 5000003, qui était un chèque circulant et est resté en possession du CREDIT DU NORD.

- Juger qu'il appartient au CREDIT DU NORD, la banque tirée, de prouver que le chèque n'est pas affecté d'une anomalie apparente, celui-ci refusant de verser aux débats l'original du chèque litigieux.

- Juger que le chèque de banque n° 5000003, dont une copie lisible est versée aux débats, ne présente pas d'anomalie grossière décelable par un employé normalement diligent.

- Juger que LA BANQUE POSTALE n'a commis aucune faute engageant sa responsabilité.

- Juger que le SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES DE L'IMMEUBLE SITUE [Adresse 5]

[Adresse 5] a fait preuve de négligence et que cette faute s'interpose dans le lien de causalité entre la prétendue faute de LA BANQUE POSTALE et le préjudice allégué.

- Juger que le SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES DE L'IMMEUBLE SITUE [Adresse 5]

[Adresse 5] ne démontre pas son prétendu préjudice.

- Rejeter l'intégralité des demandes du SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES DE L'IMMEUBLE SITUE [Adresse 5] et du CREDIT DU NORD.

- Condamner in solidum le SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES DE L'IMMEUBLE SITUE [Adresse 5] et le CREDIT DU NORD à payer à LA BANQUE POSTALE la somme de 5.000,00 € au titre de l'article 700 du CODE DE PROCÉDURE CIVILE et aux entiers dépens.

A titre très subsidiaire

- Juger que la responsabilité devra être partagée à 33,33 % entre le CREDIT DU NORD, LA BANQUE POSTALE et le SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES DE L'IMMEUBLE

SITUE [Adresse 5], représentée par son syndic, la

SAS SYNDIC AVENIR.

- Rejeter les demandes du SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES DE L'IMMEUBLE SITUE [Adresse 5] et du CREDIT DU NORD'.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 2 avril 2024.

MOTIFS

Il est constant que le chèque litigieux a fait l'objet d'une falsification qui a donné lieu à un dépôt de plainte par la Syndic Avenir, ès qualités le 7 avril 2016.

En vertu des articles 1231-1 du code civil et L131-2 du code monétaire et financier, il incombe au banquier tiré de vérifier la régularité formelle du chèque qui doit comporter toutes les mentions exigées par la seconde de ces dispositions, qu'il ne présente aucune anomalie décelable par un préposé normalement diligent, tels grattage, surcharge, altération visible.

Elle est, en outre, tenue de la même obligation de vérification de la régularité formelle du chèque et des irrégularités apparentes du chèque 'régulièrement assigné sur ses caisses', outre le contrôle de la signature du tireur dont elle détient un specimen.

Il résulte ensuite de la combinaison des articles 9 du code de procédure civile et 1315, alinéa 2, devenu 1353, alinéa 2, du code civil que s'il incombe à l'émetteur d'un chèque d'établir que celui-ci a été falsifié - ce qui est constant en l'espèce - il revient à la banque tirée, dont la responsabilité est recherchée pour avoir manqué à son obligation de vigilance et qui ne peut représenter l'original de ce chèque, de prouver que celui-ci n'était pas affecté d'une anomalie apparente.

La Société Générale ne conteste pas, compte tenu de ce qu'il s'agissait d'un chèque circulant pour être alors d'un montant supérieur à la somme de 5 000 euros, qu'il était en sa possession mais expose n'avoir pu n'en produire qu'une copie, figurant dans le débat devant la cour, dans les pièces de ses contradicteurs.

Il est exact que la seule circonstance qu'une partie du chèque soit dactylographiée (montant en chiffre et en lettre) tandis que l'autre est manuscrite (lieu, date et signature) ne constitue pas, en soi, une anomalie.

Or, l'examen des copies révèle, contrairement à ce que soutient la Société Générale, qu'elle est de mauvaise qualité et ne permet pas d'apprécier si les mentions dactylographiées du montant - en chiffre et en lettres - figurant de manière curieuse en caractères clairs sur un fond noir sont susceptibles de constituer une anomalie sans pouvoir en même temps l'exclure.

En conséquence la Société Générale ne s'exonère pas de sa responsabilité de banque tirée d'un chèque falsifié puisqu'elle ne démontre pas qu'il n'était pas atteint d'une anomalie matérielle apparente.

C'est vainement que la Société Générale reproche au syndic ès qualités d'avoir tardé à dénoncer l'inauthenticité du chèque puisque le délai entre son encaissement le 10 août et la première protestation du 27 octobre 2015 ne peut être considéré comme une négligence fautive, étant ajouté que les accords interbancaires sur l'échange d'image chèque ne sont pas opposables aux clients et n'ont pas été mis en oeuvre en l'espèce s'agissant d'un chèque circulant comme l'explique à juste titre La Banque Postale.

Il en résulte que la Société Générale doit être condamnée à payer la somme constituée montant du chèque de 8 349 euros au syndic, ès qualités.

C'est en revanche à juste titre que la Société Générale fait valoir que le syndic, qui ne produit aucune pièce à cet égard, ne démontre pas l'existence d'un préjudice distinct de celui réparé par la récupération de la somme subi par le syndicat des copropriétaires, la demande de ce chef étant rejetée.

L'action subsidiaire du syndic à l'égard de la société La Banque Postale n'a donc pas à être examinée mais la Société Générale venant aux droits du Crédit du Nord forme un appel en garantie à l'égard de la société La Banque Postale.

En sa qualité de banque présentatrice du chèque elle est tenue, comme la banque du tireur, de s'assurer de la régularité matérielle du titre et de sa régularité apparente en ce qu'il comporte toutes les mentions obligatoires de l'article L132-2 du code monétaire et financier.

Il incombe à la Société Générale qui recherche sa responsabilité pour avoir manqué à ses obligations de prouver ledit manquement.

Or, ainsi que cela résulte de ce qui précède, la Société Générale, qui ne produit par l'original du chèque, ne le démontre pas, ledit manquement ne résultant pas avec la certitude nécessaire, du seul examen de la copie produite, de sorte que la Société Générale doit être déboutée de ses demandes à l'égard de la société La Banque Postale.

Il y a lieu d'infirmer le jugement en conséquence, de condamné la Société Générale venant aux droits de la société Crédit du Nord aux entiers dépens ainsi qu'à payer la sommes de 3 000 euros au syndic ès qualités et de 1 500 euros à la société La Banque Postale en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

INFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

Et, statuant à nouveau,

CONDAMNE la Société Générale venant aux droits de la société Crédit du Nord à payer au syndicat des copropriétaires du [Adresse 5] représenté par son syndic, la société Syndic Avenir la somme de 8 349 euros ;

DÉBOUTE le syndicat des copropriétaires du [Adresse 5] représenté par son syndic, la société Syndic Avenir du surplus de ses demandes ;

DÉBOUTE la Société Générale venant aux droits de la société Crédit du Nord de toutes ses demandes à l'égard de la société La Banque Postale ;

Y ajoutant,

CONDAMNE la Société Générale venant aux droits de la société Crédit du Nord à payer la somme de 3 000 euros au syndicat des copropriétaires du [Adresse 5] représenté par son syndic, la société Syndic Avenir et de 1 500 euros à la société La Banque Postale en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la Société Générale venant aux droits de la société Crédit du Nord aux entiers dépens qui seront recouvrés par Maître Aurore Francelle, comme il est disposé à l'article 699 du code de procédure civile.

* * * * *

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 6
Numéro d'arrêt : 22/12010
Date de la décision : 26/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 03/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-26;22.12010 ?
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