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26/06/2024 | FRANCE | N°22/11975

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 6, 26 juin 2024, 22/11975


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 6



ARRET DU 26 JUIN 2024



(n° , 11 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/11975 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGBDB



Décision déférée à la Cour : Jugement du 02 Juin 2022 - tribunal de commerce de Paris - 6ème chambre - RG n° 2020054783





APPELANTS



Monsieur [M] [X]

né le [Date naissance 3] 1972 à [Localité 9]

[Adress

e 4]

[Localité 6]



Madame [Z] [V] épouse [X]

née le [Date naissance 2] 1973 à [Localité 8] (Maroc)

[Adresse 4]

[Localité 6]



Représentés par Me Geoffroy CANIVET de l'AARPI 186 Avocats, avo...

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 6

ARRET DU 26 JUIN 2024

(n° , 11 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/11975 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGBDB

Décision déférée à la Cour : Jugement du 02 Juin 2022 - tribunal de commerce de Paris - 6ème chambre - RG n° 2020054783

APPELANTS

Monsieur [M] [X]

né le [Date naissance 3] 1972 à [Localité 9]

[Adresse 4]

[Localité 6]

Madame [Z] [V] épouse [X]

née le [Date naissance 2] 1973 à [Localité 8] (Maroc)

[Adresse 4]

[Localité 6]

Représentés par Me Geoffroy CANIVET de l'AARPI 186 Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : D0010

INTIMÉE

S.A. BNP PARIBAS

[Adresse 1]

[Localité 5]

N° SIRET : 662 042 449

agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

Représentée par Me Michel GUIZARD de la SELARL GUIZARD ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0020, avocat plaidant

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 14 Mai 2024, en audience publique, devant la Cour composée de :

M. Marc BAILLY, président de chambre

M. Vincent BRAUD, président

MME Laurence CHAINTRON, conseillère chargée du rapport

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme Mélanie THOMAS

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Marc BAILLY, président de chambre, et par Mélanie THOMAS, greffier, présent lors de la mise à disposition.

* * * * *

Par acte sous seing privé du 4 mars 2019, la SARL Madame Pop's, représentée par son gérant M. [M] [X], a acquis un fonds de commerce de restaurant situé [Adresse 7] à [Localité 10] auprès de la société L'As de trèfle moyennant le prix principal de 820 000 euros.

Aux termes de cet acte, la SA BNP Paribas a consenti à la SARL Madame Pop's un prêt de 1 335 000 euros pour financer cette acquisition, remboursable en 90 mensualités au taux de 1,350 % l'an.

Aux termes de cet acte, M. [X] d'une part, et Mme [Z] [V], épouse [X] d'autre part, se sont chacun portés caution solidaire de la SARL Madame Pop's à hauteur de 15 % du montant dû en principal au titre du prêt, outre les intérêts et le cas échéant les pénalités ou intérêts de retard et ce, dans la limite d'une somme maximum de 260 325 euros.

Par jugement du tribunal de commerce de Paris du 27 novembre 2019, la SARL Madame Pop's a été placée en liquidation judiciaire et Me [N] a été désigné en qualité de liquidateur judiciaire.

Par courrier recommandé avec demande d'avis de réception du 22 janvier 2020, la société BNP Paribas a procédé à la déclaration de ses créances entre les mains de Me [N] à hauteur de la somme de 1 286 555,84 euros au titre du prêt d'un montant de 1 333 500 euros et de la somme de 105 043,11 euros au titre du solde débiteur des comptes courants.

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 7 février 2020, la SA BNP Paribas a mis en demeure les cautions, M. et Mme [X], d'avoir à honorer leurs engagements en leur indiquant qu'elle était toutefois disposée à trouver une solution amiable.

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 17 février 2020, M. et Mme [X] ont contesté le montant réclamé à hauteur de la somme de 1 286 555,84 euros en indiquant, notamment, que celui-ci se limitait à la somme de 1 243 934,59 euros, le fonds de commerce avait été vendu le 15 février 2020 au prix de 593 000 euros dans le cadre de la procédure de liquidation judiciaire et les garanties Bpifrance Financement et Bpifrance Région couvriraient, avec la vente du fonds de commerce, l'ensemble du prêt.

Le 16 avril 2020, le mandataire liquidateur a notifié cette contestation auprès de la société BNP Paribas.

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 28 avril 2020, la société BNP Paribas a rectifié sa déclaration de créance à hauteur de la somme de 1 245 038,70 euros, outre les intérêts conventionnels au taux de 1,35 % l'an majorés de 3 %.

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 28 avril 2020, la société BNP Paribas a rappelé à M. et Mme [X] qu'ils étaient tenus chacun à hauteur de 15 % de la somme de 1 245 038,70 euros, soit chacun à hauteur de 186 755,80 euros, outre les intérêts postérieurs.

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 18 mai 2020, M. et Mme [X] ont confirmé à la société BNP Paribas leurs positions.

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 15 juin 2020, la société BNP Paribas a confirmé la sienne et indiqué que la garantie BPI n'intervenait qu'après épuisement de l'ensemble des recours conformément aux conditions générales de la BPI.

Par ordonnance du 18 novembre 2020, la créance de la banque a été admise à titre privilégié à hauteur de la somme de 1 245 038,70 euros en principal.

Par exploit d'huissier du 16 novembre 2020, la société BNP Paribas a fait assigner M. [X] et Mme [X] devant le tribunal de commerce de Paris en paiement de leurs obligations de caution.

Par jugement contradictoire du 2 juin 2022, le tribunal de commerce de Paris a :

- débouté Mme [Z] [X] née [V] de son exception d'incompétence ;

- condamné M. [M] [X] et Mme [Z] [X] née [V], à payer chacun à la SA BNP Paribas la somme de 186 755,80 euros outre les intérêts au taux contractuel de 1,35 % l'an majorés de 3 % à compter du 7 février 2020 jusqu'à complet paiement, dans la limite de leur engagement individuel de caution, avec capitalisation des intérêts ;

- condamné M. [M] [X] et Mme [Z] [X] née [V] à payer à la SA BNP Paribas la somme de 3 000 euros dans la proportion de 50/50 en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné M. [M] [X] et Mme [Z] [X] née [V] aux entiers dépens de l'instance, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 95,62 euros dont 15,72 euros de TVA, dans la proportion de 50/50.

Par déclaration remise au greffe de la cour le 27 juin 2022, M. [X] et Mme [V] ont interjeté appel de cette décision contre la SA BNP Paribas.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 13 février 2024, M. et Mme [X] demandent au visa des articles 33, 75 et suivants du code de procédure civile, L. 721-3 du code de commerce et des articles 1103 et suivants, 1128 et suivants et 1217 du code civil, à la cour de :

- les juger recevables et bien-fondés en leurs demandes,

- réformer en toutes ses dispositions le jugement du tribunal de commerce de Paris du 2 juin 2022 (RG 2020054783),

En conséquence et statuant à nouveau,

A titre liminaire,

- juger que la banque BNP Paribas échoue à prouver qu'ils avaient connaissance et ont accepté, avant la signature des actes de cautionnement, les conditions générales de fonctionnement de garantie des sociétés Bpifrance Financement et Bpifrance Région,

A titre principal,

- prononcer la nullité de l'engagement de caution de M.[M] [X] envers la BNP Paribas,

- prononcer la nullité de l'engagement de caution de Mme [Z] [X] envers la BNP Paribas,

- débouter la BNP Paribas de l'ensemble de ses prétentions, fins et conclusions,

A titre subsidiaire,

- condamner la BNP Paribas à payer 104 072,61 euros à M. [M] [X] au titre des dommages et intérêts dus pour le préjudice de perte de chance d'avoir contracté,

- condamner la BNP Paribas à payer 104 072,61 euros à Mme [Z] [X] au titre des dommages et intérêts dus pour le préjudice de perte de chance d'avoir contracté,

A titre infiniment subsidiaire,

- cantonner la demande de la BNP Paribas de condamnation de M. [M] [X] et de Mme [Z] [X] en leurs qualités respectives de cautions, à la somme de 104 072,61 euros en lieu et place de la somme de 186 755,80 euros,

En tout état de cause,

- condamner la BNP Paribas à payer 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la BNP Paribas aux entiers dépens.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 3 avril 2024, la SA BNP Paribas demande au visa des articles 1103, 1104, 1193, 1376, 2288 et suivants du code civil, des articles 1231-6 et 1343-2 du code civil, de l'article 514 et des articles 698 et suivants et des articles 802 et 803 du code de procédure civile, à la cour de :

- prononcer le rabat de la clôture rendue le 2 avril 2024,

- l'accueillir en ses conclusions et les déclarer recevables et bien fondées,

En conséquence,

- débouter M. [M] [X] et Mme [Z] [X] de l'intégralité de leur argumentation et de leurs demandes et plus généralement de leur appel,

- confirmer le jugement du tribunal de commerce de Paris en date du 2 juin 2022 en l'ensemble de ses dispositions, à l'exception du montant de la dette tant pour M.[M] [X] que pour Mme [Z] [X] qui s'élève à la somme de 129 500, 87 euros outre les intérêts au taux contractuel de 1,35 % l'an majoré de 3 % à compter du 4 avril 2024 jusqu'à complet paiement dans la limite de leur engagement individuel de caution, avec capitalisation des intérêts,

- condamner solidairement M. [M] [X] et Mme [Z] [X] à lui payer la somme complémentaire de 4 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi que les entiers dépens de la procédure, tant de première instance que d'appel.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux dernières conclusions écrites déposées en application de l'article 455 du code de procédure civile.

La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du magistrat en charge de la mise en état de cette cour rendue le 2 avril 2024.

Par ordonnance du 4 avril 2024, le magistrat en charge de la mise en état de cette cour a révoqué l'ordonnance de clôture, qui a été de nouveau prononcée par ordonnance rendue le 7 mai 2024.

MOTIFS

Sur la révocation de l'ordonnance de clôture du 2 avril 2024

La clôture de l'instruction prononcée le 2 avril 2024 ayant été révoquée le 4 avril 2024 avant d'être de nouveau prononcée le 7 mai 2024, la demande de la société BNP Paribas tendant à la révocation de l'ordonnance de clôture du 2 avril 2024 est désormais sans objet.

Sur l'opposabilité aux cautions des conditions générales des garanties Bpifrance Financement et Bpifrance Régions

M. et Mme [X] font valoir, au visa des articles 9 du code de procédure civile et 1119 du code civil, que la banque ne démontre pas qu'ils ont eu pleinement connaissance des conditions générales des garanties Bpifrance Financement et Bpifrance Régions dans le cadre du contrat de prêt et qu'ils les ont acceptées. Les conditions d'intervention de ces garanties auraient dû être annexées au contrat de prêt, ce qui n'est pas le cas. Au surplus, il n'est pas spécifié dans le contrat de prêt qu'ils ont été informés et ont accepté le fonctionnement des garanties Bpifrance Financement et Bpifrance Régions. Les conditions générales d'intervention des sociétés de garantie produites par la BNP Paribas sont dépourvues de tout paraphe et signature de leur part. Ils n'ont eu connaissance du fonctionnement de ces contre-garanties que le 15 juin 2020, soit après la souscription de leurs engagements de cautions et après la défaillance de la société Madame Pop's. Dès lors, ces conditions générales leur sont inopposables.

La SA BNP Paribas fait valoir que M. et Mme [X], en signant et paraphant chaque page de l'acte de prêt, dont les pages 1, 15, 25 et 32 sur lesquelles sont mentionnées annexées les conditions d'intervention de Bpifrance Financement et Bpifrance Régions, ont expressément reconnu avoir pris connaissance de ces conditions. Dans la mention manuscrite portée aux actes de caution, les cautions se sont engagées à régler les sommes convenues si la société n'y satisfaisait pas elle-même et ce, en renonçant au bénéfice de division et de discussion. Cette mention manuscrite est claire et l'intervention de Bpifrance Financement et Bpifrance Régions n'y est nullement indiquée comme un préalable. Les garanties souscrites sont indépendantes les unes des autres et s'ajoutent, de sorte qu'elle est en droit de s'adresser aux époux [X]. L'acte de prêt ne mentionne aucun ordre de réalisation des garanties. Contrairement à ce que soutiennent les époux [X], les conditions générales de Bpifrance Financement et Bpifrance Regions étaient annexées à l'acte de prêt. Les consorts [X] ne peuvent donc soutenir n'avoir pris connaissance des conditions générales que le 15 juin 2020. Il n'est pas contesté que les époux [X] ont attesté dès l'origine de cette affaire de la présence des conditions générales à l'acte de prêt. La question de la subsidiarité ne change rien aux obligations des époux [X] car leurs propres engagements sont limités à 15 % chacun, et qu'ils ne pourront rien réclamer aux contre-garants s'ils respectent leurs obligations, les contre-garanties garantissant le reste de la dette (70 %) et non la leur. C'est parce que Bpi garantit 70 % de la dette, que l'engagement des consorts [X] est limité. Le paraphe des époux [X] sur les conditions générales n'est pas prévu à l'acte et au surplus n'était pas nécessaire dès lors qu'il était précisé que lesdites conditions s'appliquaient et étaient jointes au prêt.

Comme le relève à juste titre la société BNP Paribas, les époux [X] ont paraphé chaque page de l'acte sous seing privé de cession de fonds de commerce de restaurant et de prêt du 4 mars 2019 aux termes duquel ils se sont chacun portés caution solidaires de la société Madame Pop's (pièce n° 1 de la banque).

Il est précisé en page 15 que le prêt 'sera également soumis aux 'Conditions Particulières et Générales de la Garantie de Bpifrance Financement et Bpifrance Régions en matière de crédit et de crédit-bail', ci-après annexées.'

En page 25 de l'acte, sont mentionnées les 'dispositions particulières relatives au régime d'intervention de la société Bpifrance Financement et Bpifrance Régions' et il est également précisé que 'les Conditions Générales de la Garantie de Bpifrance Financement et Bpifrance Régions en matière de crédit et de crédit-bail' sont 'ci-après annexées',

Enfin en page 32, il est précisé que :

'Aux présentes est annexé le ou les documents suivants qui font partie intégrante du présent contrat de prêt :

'Annexe 1- 'Conditions Particulières et Générales de la Garantie Bpifrance Financement et Bpifrance Régions en matière de crédit et de crédit-bail' applicables au présent Prêt.'

Les appelants ne peuvent donc sérieusement soutenir qu'ils n'ont pas eu connaissance des Conditions Particulières et Générales de la garantie de Bpifrance Financement et Bpifrance Régions, qu'ils ne les ont pas acceptées et que celles-ci n'étaient pas annexées au contrat de prêt.

Il sera donc retenu que les conditions particulières et générales de la garantie de Bpifrance Financement et Bpifrance Régions leur sont opposables.

La banque verse aux débats les conditions générales de la garantie de Bpifrance Financement et Bpifrance Régions en matière de crédit et de crédit-bail (pièce n° 18) qui précisent notamment à l'article 2 'Conditions de la Garantie' qu'elle ne bénéficie qu'à l'établissement intervenant et qu'elle ne peut en aucun cas être invoquée par les tiers, notamment par le bénéficiaire et ses garants pour contester tout ou partie de leur dette.

L'article 7 précise, notamment, que :

'La garantie est mise en jeu dans les conditions suivantes :

...

- si le bénéficiaire fait l'objet d'une procédure collective, dès le prononcé du jugement de redressement ou de liquidation judiciaire.'

Il résulte clairement de ces stipulations contractuelles que la garantie de Bpifrance Financement et Bpifrance Régions ne bénéficie qu'à l'établissement prêteur, que ces dernières n'ont pas la qualité de cautions solidaires et que la banque n'a aucune obligation d'activer ces garanties avant de poursuivre les cautions en paiement au titre de leurs engagements de cautionnement.

C'est donc à juste titre que le tribunal a considéré que la société BNP Paribas ne saurait être privée de ce chef 'de son droit à actionner la caution'.

Sur la nullité des actes de cautions

M. et Mme [X] sollicitent au visa des articles 1128, 1130, 1131 et 1133 du code civil la nullité de leur cautionnement tirée de l'erreur tenant au caractère subsidiaire de la contre-garantie OSEO (ex garantie Bpifrance Financement). Ils exposent qu'ils n'ont jamais été informés avant la signature de leurs engagements de caution du fonctionnement des contre-garanties Bpifrance Financement et Bpifrance Régions, et encore moins de leur caractère subsidiaire. Ces conditions générales n'ont été portées à leur connaissance que le 15 juin 2020, soit 15 mois après la souscription de leurs engagements de caution et postérieurement à la liquidation judiciaire de la société Madame Pop's. Au contraire, avant d'être appelés en leur qualité de caution, les époux [X] étaient persuadés que les contre-garanties Bpifrance venaient garantir la créance de la BNP Paribas avant leurs engagements de caution. Cette conviction était renforcée par les termes du contrat de prêt qui précisait que les sociétés Bpifrance Financement et Bpifrance Régions intervenaient en 'qualité de copreneurs de risques'. Par ailleurs, l'accord de prêt de la société BNP Paribas ne fait pas mention d'une subsidiarité des contre-garanties et énumère ces contre-garanties avant leurs engagements de caution. De surcroît, aux termes de l'acte de cession de fonds de commerce, les époux [X] ont renoncé à leur bénéfice de discussion uniquement au profit de Madame Pop's. Si le contrat de Prêt mentionne expressément que 'chaque Caution ne fait pas de la situation de l'Emprunteur ainsi que de l'existence et du maintien d'autres cautions la condition déterminante de son cautionnement', cette mention ne concerne pas les contre-garanties Bpifrance Financement et Bpifrance Regions. Ces contre-garanties ont joué un rôle déterminant dans leur acceptation de se porter caution de Madame Pop's chacun à hauteur de 260 325 euros. Au moment de la signature de leurs engagements de cautions, M. et Mme [X] étaient persuadés qu'en cas de défaillance de la société Madame Pop's, le prêt serait remboursé par le désintéressement de la BNP Paribas par la vente du fonds de commerce nanti à hauteur de 1 335 000 euros, puis par l'intervention de Bpifrance Financement et Bpifrance Régions à hauteur maximale de 70 % de l'ensemble du prêt, soit dans la limite de 944 500 euros et enfin par l'intervention de M. et Mme [X] pour un montant maximal de 260 325 euros chacun. Ces contreparties cumulées laissaient présager un engagement peu risqué pour eux, de sorte qu'ils se sont mépris sur les qualités essentielles de leurs engagements qui ont ainsi été viciés.

La SA BNP Paribas réplique que le consentement des parties a été librement donné, les époux [X] avaient la capacité de s'engager et leurs engagements sont licites et certains. Les époux [X] ne justifient pas d'une erreur, d'un dol ou d'une violence. L'acceptation des conditions générales est démontrée et le caractère déterminant d'une sorte de garantie première n'est nullement établi. De même, les époux [X] ont signé un acte précisant qu'y étaient annexées les conditions générales des contre-garants lesquelles prévoient l'absence de tout recours des cautions vis-à-vis des contre-garants. Enfin, et au surplus, la contre-garantie ne pouvait avoir aucune incidence à l'égard des cautions, chacun garantissant une partie de la dette potentielle dans des limites précisément définies.

Il résulte de l'article 1128 du code civil que :

'Sont nécessaires à la validité d'un contrat :

1° Le consentement des parties ;

2° Leur capacité de contracter ;

3° Un contenu licite et certain'.

Selon l'article 1130 de ce code,

'L'erreur, le dol et la violence vicient le consentement lorsqu'ils sont de telle nature que, sans eux, l'une des parties n'aurait pas contracté ou aurait contracté à des conditions substantiellement différentes.

Leur caractère déterminant s'apprécie eu égard aux personnes et aux circonstances dans lesquelles le consentement a été donné.'

En l'espèce, les appelants ne peuvent sérieusement soutenir qu'ils se seraient mépris sur 'le caractère subsidiaire' des contre-garanties de la Bpifrance Financement et de la Bpifrance Régions, alors qu'ils soutiennent également qu'ils n'avaient pas connaissance des conditions d'intervention de ces sociétés.

Ils ne précisent pas par ailleurs en quoi les conditions d'intervention de ces sociétés seraient déterminantes de leur consentement, alors que comme le relève la banque, ces contre-garanties dont elle est seule bénéficiaire, leur ont permis de limiter le montant de leurs propres engagements de cautionnement à 15 % chacun du montant de la dette de la société Madame Pop's et ce, dans la limite de la somme de 260 325 euros.

De surcroît, il ressort des développements qui précédent que les époux [X] avaient parfaitement connaissance des conditions d'intervention des garanties Bpifrance Financement et Bpifrance Régions et qu'ils les ont acceptées.

Les époux [X] seront par conséquent déboutés de leur demande tendant à voir prononcer la nullité de leurs engagements de cautionnement souscrits le 4 mars 2019.

Sur la demande de dommages-intérêts des époux [X]

M. et Mme [X] font valoir au visa de l'article 1112-1 du code civil, que la société BNP Paribas ne démontre pas qu'elle a satisfait à ses obligations d'information à leur égard, portant notamment sur le fonctionnement des contre-garanties Bpifrance Financement et Bpifrance Régions, puisqu'ils n'ont pas eu connaissance, au moment de la signature de leurs engagements du caractère subsidiaire des contre-garanties. Ils ignoraient en quelle qualité intervenaient les sociétés Bpifrance Financement et Bpifrance Régions au sein du contrat de prêt et pensaient qu'elles intervenaient en qualité de cautions de la société Madame Pop's. La faute ainsi commise par la banque a engendré un préjudice de perte de chance de ne pas contracter.

La SA BNP Paribas fait valoir qu'il n'y a pas eu de modification du projet initial, ni de carence de sa part dans l'information des cautions sur l'objet exact et le fonctionnement des garanties. Au surplus, elle a rempli ses obligations en répondant aux attentes des époux [X], en leur communiquant l'ensemble des pièces contractuelles et en répondant à leurs questions. La banque n'a pas à démentir des croyances qu'elle ignore ou peut légitimement ignorer ou sur lesquelles il ne lui est rien demandé. Par ailleurs, les consorts [X] indiquent qu'ils n'en étaient pas à leur première opération de ce type. Toute obligation d'information a été respectée. Personne n'a obligé les époux [X] à souscrire ces cautionnements, d'autant que soutenir qu'ils ont été souscrits sous réserve qu'ils ne soient pas mis en jeu serait difficile. En tout état de cause, ces cautionnements sont limités à 15 % de la dette, du fait de l'intervention des garanties Bpifrance Financement et Bpifrance Régions. Elle n'a donc commis aucune faute.

Il ressort des dispositions de l'article 1112-1 du code civil que :

'Celle des parties qui connaît une information dont l'importance est déterminante pour le consentement de l'autre doit l'en informer dès lors que, légitimement, cette dernière ignore cette information ou fait confiance à son cocontractant.

Néanmoins, ce devoir d'information ne porte pas sur l'estimation de la valeur de la prestation.

Ont une importance déterminante les informations qui ont un lien direct et nécessaire avec le contenu du contrat ou la qualité des parties.

Il incombe à celui qui prétend qu'une information lui était due de prouver que l'autre partie la lui devait, à charge pour cette autre partie de prouver qu'elle l'a fournie.

Les parties ne peuvent ni limiter, ni exclure ce devoir.

Outre la responsabilité de celui qui en était tenu, le manquement à ce devoir d'information peut entraîner l'annulation du contrat dans les conditions prévues aux articles 1130 et suivants.'

Ainsi que précédemment indiqué, les époux [X] avaient parfaitement connaissance des conditions d'intervention des garanties Bpifrance Financement et Bpifrance Régions, ils les ont acceptées aux termes du contrat de prêt, les conditions générales de ces garanties annexées à ce contrat sont claires quant aux conditions de la garantie et de sa mise en jeu, les appelants ne démontrent pas que ces conditions étaient déterminantes de leurs engagements de cautionnement dont le montant était limité du fait de l'intervention de ces garanties.

Aucun manquement au devoir information de la banque ne sera donc retenu et les cautions seront par conséquent déboutées de leur demandes de dommages et intérêts de ce chef.

Sur les sommes dues

M. et Mme [X] font valoir, à titre infiniment subsidiaire, qu'il est stipulé à l'acte de cession de fonds de commerce du 4 octobre 2019, qu'ils se sont respectivement portés cautions de Madame Pop's à hauteur de15 % du montant de la créance de la société BNP Paribas due au titre du prêt et que 'tout remboursement du principal effectué par l'Emprunteur s'imputera proportionnellement sur la partie garantie et non garantie par les Cautions'. La banque a déclaré une créance au passif de Madame Pop's d'un montant de 1 245 038,70 euros, elle a été désintéressée dans le cadre de la procédure de liquidation judiciaire à hauteur de la somme de 551 221,33 euros par virement du 26 mars 2021. Le capital restant dû est donc de 693 817,37 euros. Dès lors, ils ne sont désormais engagés que pour la somme de 104 072,61 euros chacun.

La société BNP Paribas verse aux débats des décomptes de sa créance actualisée au 3 avril 2024 ( pièce n° 19) tenant compte du versement de la somme de 551 221,33 euros, imputée sur les intérêts conformément aux dispositions légales applicables, qui fait apparaître une somme restant due par la société Madame Pop's de 863 339,12 euros.

Il y a donc lieu de condamner M.[M] [X] et Mme [Z] [X] à payer chacun à la société BNP Paribas la somme de 129 500,87 euros au titre de leurs engagements de cautionnement correspondant à 15 % de la dette de la société Madame Pop's, outre les intérêts au taux contractuel de 1,35 % l'an, majoré de 3 %, à compter du 4 avril 2024 dans la limite de leur engagement individuel de caution d'un montant de 260 325 euros.

Sur la capitalisation des intérêts

La capitalisation des intérêts sera ordonnée dans les termes de l'article 1343-2 du code civil.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Aux termes de l'article 696, alinéa premier, du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie. Les appelants seront donc condamnés aux dépens.

En application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Les appelants seront condamnés in solidum à payer à la société BNP Paribas la somme de 2 000 euros à ce titre, le jugement étant réformé du chef de sa propre condamnation à ce titre qui doit également être prononcée in solidum.

PAR CES MOTIFS,

INFIRME le jugement du tribunal de commerce de Paris du 2 juin 2022 sauf sur les condamnations prononcées au titre de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens, sauf à préciser que les condamnations sont prononcées in solidum et non '50/50" ;

Statuant à nouveau des chefs de la décision infirmée et y ajoutant,

DÉBOUTE M. [M] [X] et Mme [Z] [V] épouse [X] de leur demande tendant à leur voir déclarer inopposables les conditions générales de fonctionnement de la garantie de Bpifrance Financement et Bpifrance Régions ;

DÉBOUTE M. [M] [X] et Mme [Z] [V] épouse [X] de leur demande tendant à voir prononcer la nullité de leurs engagements de cautionnement souscrits le 4 mars 2019 ;

DÉBOUTE M. [M] [X] et Mme [Z] [V] épouse [X] de leur demandes de dommages et intérêts pour manquement au devoir d'information de la société BNP Paribas ;

CONDAMNE M.[M] [X] et Mme [Z] [V] épouse [X] à payer chacun à la société BNP Paribas la somme de 129 500,87 euros au titre de leurs engagements de cautionnement, outre les intérêts au taux contractuel de 1,35 % l'an majoré de 3 % à compter du 4 avril 2024 dans la limite chacun de la somme de 260 325 euros ;

ORDONNE la capitalisation des intérêts dans les termes de l'article 1343-2 du code civil ;

CONDAMNE M.[M] [X] et Mme [Z] épouse [X] in solidum à payer à la société BNP Paribas la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE M.[M] [X] et Mme [Z] [V] épouse [X] aux entiers dépens;

REJETTE toute autre demande.

* * * * *

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 6
Numéro d'arrêt : 22/11975
Date de la décision : 26/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 03/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-26;22.11975 ?
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