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26/06/2024 | FRANCE | N°22/11833

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 6, 26 juin 2024, 22/11833


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 6



ARRET DU 26 JUIN 2024



(n° , 15 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/11833 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGAXP



Décision déférée à la Cour : Jugement du 19 Avril 2022 - tribunal de commerce de Melun RG n° 2020F00306





APPELANTE



S.A.S. [U]

[Adresse 3]

[Localité 6]

N° SIRET : 792 131 591

agissant pours

uites et diligences de son président en exercice, domicilié audit siège en cette qualité



Représentée par Me Audrey SCHWAB de la SELARL SELARL 2H Avocats à la cour, avocat au barreau de Paris, toque : L005...

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 6

ARRET DU 26 JUIN 2024

(n° , 15 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/11833 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGAXP

Décision déférée à la Cour : Jugement du 19 Avril 2022 - tribunal de commerce de Melun RG n° 2020F00306

APPELANTE

S.A.S. [U]

[Adresse 3]

[Localité 6]

N° SIRET : 792 131 591

agissant poursuites et diligences de son président en exercice, domicilié audit siège en cette qualité

Représentée par Me Audrey SCHWAB de la SELARL SELARL 2H Avocats à la cour, avocat au barreau de Paris, toque : L0056

Ayant pour avocat plaidant Me Christelle CAPLOT de la SARL CABINET CAPLOT, avocat au barreau d'Essonne

INTIMÉS

Monsieur [R], [K] [J]

né le [Date naissance 1] 1956 à [Localité 8]

[Adresse 7]

[Localité 5]

Représenté par Me Frédéric LALLEMENT de la SELARL BDL AVOCATS, avocat au barreau de Paris, toque : P0480

Ayant pour avocat plaidantMe Sophie ENGEL, avocat au barreau de Strasbourg, toque : 315

Ste Coopérative banque Pop. BANQUE POPULAIRE ALSACE LORRAINE CHAMPAGNE

[Adresse 2]

[Localité 4]

N° SIRET : 356 801 571

agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

Représentée par Me Aurélie PAUCK de la SCP MALPEL & ASSOCIES, avocat au barreau de FONTAINEBLEAU

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 14 Mai 2024, en audience publique, devant la Cour composée de :

M. Marc BAILLY, président de chambre

M. Vincent BRAUD, président

MME Laurence CHAINTRON, conseillère

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par M. [Z] [H] dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Mme Mélanie THOMAS

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Marc BAILLY, président de chambre, et par Mélanie THOMAS, greffier, présent lors de la mise à disposition.

* * * * *

La société par actions simplifiée [U] exerce une activité de holding et est détenue par M. [Y] [A].

La société par actions simplifiée Technopoint est une société spécialisée dans la fabrication de composants électroniques. Elle est détenue par un actionnaire unique, l'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée DS Techno.

Monsieur [R] [J] était le fondateur de Technopoint, dont il était président, ainsi que le gérant et associé de DS Techno.

Afin de partir à la retraite, M. [J] a cherché un repreneur. M. [A] s'est montré intéressé par le rachat de Technopoint via le rachat de la totalité des titres de DS Techno par [U]. C'est ainsi que les parties se sont rapprochées et ont formalisé une promesse de cession par acte du 8 mars 2018.

Selon acte de cession de parts sociales signé en date du 21 juin 2018, les parts sociales de DS Techno ont été cédées à [U].

Parallèlement, une convention de garantie d'actif et de passif a été conclue le 21 juin 2018 entre M. [J] et [U], dans laquelle il était stipulé que M. [J] remettait à ce jour, à [U], une garantie, dont la nature est discutée en l'espèce, [U] estimant qu'il s'agit d'une garantie à première demande et M. [J], d'un cautionnement, pour un montant de 150 000 euros.

M. [J] a reçu un courrier recommandé avec accusé de réception en date du 5 mars 2020 de la part de M. [A], sur papier à en-tête de Technopoint, faisant état de sa volonté de mettre en jeu la garantie auprès de la société Banque populaire Alsace Lorraine Champagne.

Le conseil de M. [J] a adressé une fin de non-recevoir à Technopoint considérant que cette dernière était irrecevable juridiquement à former une telle demande, arguant du fait que la garantie a été consentie pour des sommes qui pourraient être dues par M. [J] à [U] et non à Technopoint. M. [J] rejetait également la demande de Technopoint sur le fond.

Une copie de ce courrier a également été notifiée le même jour à la BPALC avec interdiction de se dessaisir des fonds.

Selon courrier en date du 16 mars 2020, le conseil de M. [A] a réclamé le déblocage des fonds auprès de la BPALC.

Selon courrier en date du 25 mars 2020, réceptionné le 1er avril 2020 par M. [J], M. [A] a reformulé une demande identique de mise en jeu de la garantie, cette fois sur papier à en-tête de [U]. M. [A] réclamait à M. [J] le paiement de la somme de 62 613,48 euros au motif qu'une condition suspensive relative au montant de la trésorerie net de Technopoint et visée dans la promesse de cession du 8 mars 2018 n'aurait pas été remplie.

Selon courrier en date du 2 avril 2020, M. [J] a, derechef, adressé une fin de non-recevoir à [U].

Malgré ce courrier du 2 avril 2020, [U] a maintenu sa demande de déblocage des fonds auprès de la BPALC.

M. [J] a alors saisi le juge des référés du tribunal de commerce de Melun dans le cadre d'un référé d'heure à heure afin de solliciter la suspension de la mise en jeu de la garantie et il a été fait droit à sa demande par ordonnance en date du 3 juin 2020, ensuite confirmée par un arrêt de cette cour du 21 janvier 2021.

Par exploit d'huissier du 14 octobre 2020, M. [J] a fait assigner [U] et la BPALC devant le tribunal de commerce de Melun afin qu'il soit notamment jugé qu'il n'est pas débiteur de la somme de 62 613,48 euros à l'égard de [U] et que la suspension de la mise en jeu de la garantie soit ordonnée.

Par un jugement contradictoire du 19 avril 2022, le tribunal de commerce de Melun a :

-dit n`y avoir lieu de surseoir à statuer ;

-reçu M. [J] en son action et l'a dite bien fondée ;

-dit que la mise en jeu de la garantie appelée par [U] est fondée juridiquement ;

-dit que [U] ne dispose pas d'une créance à l'encontre de M. [J] aux termes de la garantie à première demande contractée auprès de la BPALC référence 00350053-001 ;

-dit que la BPALC n'a pas à se libérer des fonds entre les mains de [U] ;

-débouté M. [J] de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive ;

-débouté respectivement les parties de leurs demandes contraires au présent dispositif ;

-condamné [U] à payer une somme de 3 500 euros à M. [J] et 800 euros à la BPALC et débouté ces derniers pour le surplus de leur demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

-rappelé que l'exécutoire provisoire est de droit ;

-condamné [U] en tous les dépens, dont frais de greffe liquidés à la somme de 194,33 euros TTC ;

-débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Par déclaration remise au greffe de la cour le 22 juin 2022, [U] a interjeté appel de cette décision contre M. [J] et la BPALC.

Par ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 6 mai 2024, [U] demande à la cour, au visa des articles 145, 232, 378, 564, 565 et 700 du code de procédure civile, et 1186, 1187, 1240, 1589, et 2321 du code civil, de :

-Déclarer [U] recevable et bien fondée en son appel.

Y faisant droit ;

-Infirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Melun, le 19 avril 2022 en ce qu'il a :

-Reçu M. [J] en son action et l'a dite bien fondée ;

-Dit que [U] ne dispose pas d'une créance à l'encontre de M. [J] aux termes de la garantie a première demande contractée auprès de la BPALC référence 00350053-001 ;

-Dit que la BPALC n'a pas à se libérer des fonds entre les mains de [U] ;

-Débouté [U] de ses demandes contraires au dispositif du jugement, tendant à :

Prononcer l'irrecevabilité de la demande de M. [J] pour défaut de qualité à agir ;

Ordonner à la BPALC la mainlevée de la suspension de l'exécution de la garantie à première demande ;

Condamner M. [J] à verser à [U] une somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et injustifiée ;

Condamner M. [J] à payer la somme de 3 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamner M. [J] aux entiers dépens ;

-Condamné [U] à payer une somme de 3 500 euros à M. [J] et 800 euros à la BPALC ;

-Condamné [U] aux dépens ;

-Débouté [U] de ses demandes plus amples ou contraires.

Statuant à nouveau ;

In limine litis ;

-Prononcer l'irrecevabilité de la demande de M. [J] pour défaut de qualité à agir ;

-Déclarer recevable l'ensemble des demandes de [U] ;

À titre principal ;

-Ordonner à la BPALC la mainlevée de la suspension de l'exécution de la garantie à première demande pour un montant de 164 272 euros ;

À titre subsidiaire ;

-Ordonner à la BPALC la mainlevée de la suspension de l'exécution de la garantie à première demande pour un montant de 54 075 euros ;

À titre infiniment subsidiaire ;

-Désigner tel expert avec mission de :

-Entendre les parties en leurs dires et explications ;

-Se faire communiquer tous les documents et pièces nécessaires à l'accomplissement de sa mission ;

-Examiner les comptes ainsi que l'ensemble des documents comptables de Technopoint ;

-Évaluer le montant de la trésorerie nette disponible dans les comptes de Technopoint le 21 juin 2018 ;

L'expert pourra prendre l'initiative de recueillir l'avis d'un autre technicien, mais seulement dans une spécialité distincte de la sienne.

-Fixer la provision à valoir sur la rémunération de l'expert qui devra être consignée par M. [J] entre les mains du régisseur d'avances et de recettes de la cour dans le délai qui lui sera imparti par la cour ;

A titre reconventionnel ;

-Débouter M. [J] de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive ;

En tout état de cause ;

-Condamner M. [J] à verser à [U] une somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et injustifiée ;

-Condamner M. [J] à payer la somme de 6 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile en faisant valoir :

- que la cour d'appel a compétence pour connaître de l'entier litige, y compris des demandes d'expertise. La jurisprudence a confirmé la possibilité de soumettre aux juges d'appel des demandes tendant aux mêmes fins que celles soumises aux premiers juges, même si leur fondement juridique est différent. En l'espèce, la demande de [U] reste inchangée, à savoir de voir ordonner à la BPALC la mainlevée de la suspension de l'exécution de la garantie à première demande remise en garantie par M. [J]. Le subsidiaire introduit une variation de l'analyse de la trésorerie de Technopoint. Cette nouvelle analyse s'assimile à un fondement différent, mais qui tend toujours à l'obtention de la mainlevée de la garantie à première demande. Quant aux mesures d'expertises, elles interviennent également au soutien de la demande principale, et ne visent qu'à quantifier la somme due par M. [J] à [U], dans l'hypothèse où l'attestation et les documents fournis par l'expert-comptable indépendant consulté par [U] ne permettrait pas d'éclairer suffisamment la cour. [U] fait aussi valoir que les demandes nouvelles en appel, y compris pour une expertise, sont justifiées si elles sont fondées sur la révélation de faits nouveaux, non connus en première instance. La demande d'expertise était ainsi nécessaire d'une part, pour répondre aux conclusions d'appel de M. [J]. D'autre part, l'intervention d'un nouvel expert-comptable s'étant chargé de l'analyse comptable du dossier, et la production de nouvelles pièces démontrant l'existence d'une autre analyse comptable, non connue en première instance, démontrent que la révélation de faits nouveaux est constituée. Enfin, il convient de rappeler que la cour peut, en tout état de cause, ordonner une expertise si elle ne s'estimait pas suffisamment éclairée en vertu de l'article 232 du code de procédure civile,

-que l'article 2321 ne vise que le garant, à savoir la BPALC. Contrairement aux prétentions de M. [J], le tribunal de commerce a considéré que la garantie en cause était une garantie à première demande, emportant application de l'article 2321 du code civil. M. [J] est ainsi considéré comme un tiers par la loi et est donc dépourvu de qualité à agir pour contester la mise en jeu de la garantie à première demande,

- que la garantie litigieuse, intitulée « garantie à première demande », stipule que le garant s'engage à payer ou à exécuter une obligation sur simple demande du bénéficiaire, sans pouvoir opposer les exceptions liées à la dette principale. Dans ses écritures devant le tribunal de commerce de Melun, la BPALC reconnaît elle-même avoir consenti une garantie à première demande. Pour s'opposer à la qualification de garantie à première demande, M. [J] produit un arrêt de la Cour de cassation du 9 mars 2022 qui démontrerait selon lui que, dès lors qu'un seuil maximal est fixé par la garantie, le caractère de garantie à première demande devrait être rejeté. Or, la lecture de cet arrêt permet de comprendre la motivation des juges, qui n'opèrent pas de revirement de jurisprudence, s'agissant d'une formation restreinte. Dans cette affaire, un lien était établi entre la dette du débiteur garanti, et l'engagement des garants, excluant le caractère autonome de la garantie souscrite. La situation est différente en l'espèce, puisqu'il existe une autonomie de l'engagement de la banque garante par rapport à la dette principale,

- qu'en vertu des articles 1589, 1186 et 1187 du code civil, dans le cadre d'une promesse synallagmatique, la caducité intervient uniquement en cas de non-réitération de l'acte de vente à la date convenue, ainsi que l'a jugé la Cour de cassation. En l'espèce, M. [J] tente d'échapper au paiement de sa dette en invoquant la caducité de la promesse de vente à la date du 8 mars 2018. Or, la vente des parts de DS Techno constitue un ensemble contractuel, comme l'a par ailleurs relevé le tribunal de commerce de Melun. L'acte de cession signé le 21 juin 2018 est intervenu en exécution de la promesse de vente, laquelle a été réitérée à travers cet acte. De plus, eu égard à l'attestation fournie par l'expert-comptable de M. [J], [U] a légitimement cru que l'ensemble des conditions suspensives étaient levées au jour de la vente. Dès lors, elle est légitime à fonder sa demande de paiement sur la promesse synallagmatique signée entre les parties et la garantie d'actif et de passif,

- qu'il y a lieu de faire application de la commune intention des parties, qui ont contractuellement défini les conditions de mise en jeu de cette garantie, à l'article 3.1 du document intitulé « garantie d'actif et de passif ». Il découle de l'application du contrat qu'une diminution de l'actif net doit être actée, entraînant la mise en jeu de de la garantie d'actif et de passif, et partant, de la garantie à première demande prévue à l'article 3.2 du contrat. Dans le cadre du contentieux l'opposant à [U], M. [J] s'emploie à démontrer que le niveau de trésorerie déclaré ne serait pas inclus dans le périmètre de la garantie d'actif et de passif, en se fondant sur l'article 6 de ladite garantie prévoyant la remise par M. [J] à M. [A] du bilan provisoire arrêté au 31 décembre 2017. Or, la trésorerie est un élément du bilan, figurant à l'actif de ce dernier. M. [J] démontre donc lui-même que la trésorerie est garantie au titre de la garantie d'actif et de passif. La lecture de l'acte établi par la BPALC fait aussi ressortir que son objet était de garantir toutes les sommes dues par M. [J] dans le cadre de la cession. Dès lors, il s'en déduit a minima que la garantie consentie par M. [J] avait bien pour objet de couvrir d'éventuelles augmentations du passif ou diminutions de l'actif net de Technopoint, débiteur principal. Enfin, l'attestation de l'expert-comptable de M. [J] se doit d'être écartée, cette dernière n'apportant aucun élément tangible au débat. Cette attestation ne contredit en rien l'analyse de l'expert-comptable indépendant. En effet, si dans le cadre d'une vente, la trésorerie n'atteint pas le niveau attendu, la valeur des titres se retrouve impactée,

- que la cession était notamment subordonnée à un montant de trésorerie de Technopoint d'au moins 250 000 euros net. Par une interprétation erronée, le tribunal de commerce de Melun a considéré la somme de 250 000 euros comme un plafond irrévocable sur lequel se seraient entendus les parties. En réalité et ainsi que la qualifiait la cour d'appel de Paris en son arrêt du 21 janvier 2021, cette clause est une clause minimum de trésorerie, de sorte que les parties ont pu réitérer leur engagement sur la base d'une trésorerie plus élevée, dont le montant engage nécessairement le garant. Il a ainsi été déclaré et certifié par l'expert-comptable de M. [J], le 21 juin 2018, une trésorerie à hauteur de 360 197 euros. [U] fait valoir que c'est sur cette base que porte l'engagement de garantie de M. [J] et non sur la somme de 250 000 euros. Après interrogation de la BPI au sujet de l'avance disponible, il est ressorti une situation de trésorerie moindre à celle déclarée (183 386,52 euros). Les relevés de compte des trois banques de la société au 21 juin 2018 sont versés au débat afin d'attester de la véracité du calcul. L'analyse comptable du tableau de trésorerie du 21 juin 2018 fait aussi ressortir une erreur technique en ce que le montant disponible au sein de la société d'affacturage apparaît au crédit alors qu'il ne s'agit pas de trésorerie (un actif), mais uniquement d'un moyen de financement (une dette et donc un passif). Il ressort ainsi du tableau réalisé par un expert-comptable indépendant, la société Accis audit, que la trésorerie nette au 21 juin 2018 s'élevait à 195 925 euros, ce qui est inférieur aux montants de 360 197 euros ou de 250 000 euros si la cour devait prendre pour point de repère cette dernière somme. [U] fait valoir, à titre infiniment subsidiaire, que si la cour estimait avoir besoin d'éclaircissements techniques supplémentaires, il conviendrait de nommer un expert, aux frais avancés par M. [J], ce dernier contestant les calculs de [U],

- que la procédure abusive peut être caractérisée, notamment par l'absence manifeste de tout fondement à l'action, le caractère malveillant de celle-ci, l'intention de nuire, l'évidente mauvaise foi ou encore la volonté de multiplier les procédures engagées. La Cour de cassation indique avoir « assoupli son contrôle » en la matière, en n'exigeant plus la preuve d'une intention de nuire ou d'une mauvaise foi. En l'espèce, M. [J] a volontairement induit en erreur M. [A], ès qualités, en intégrant une dette au crédit de la situation de trésorerie au 21 juin 2018. Il savait que la procédure qu'il menait était vouée à l'échec et purement dilatoire. De fait, si M. [J] avait acquiescé à la demande initiale de mise en jeu de la garantie d'actif et de passif, [U] aurait été indemnisée par la BPALC il y a près de quatre ans. Par son comportement et les actions qu'il a menées, une faute de M. [J] serait ainsi caractérisée vis-à-vis de [U]. Cette dernière fait ainsi valoir que M. [J] se doit d'être condamné à lui verser une somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et injustifiée,

Par ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 28 avril 2024, M. [J] demande à la cour de :

I. ' Sur l'irrecevabilité des prétentions nouvelles formées par [U] dans ses conclusions du 29 mars 2024 :

Vu l'article 910-4 alinéa premier du code de procédure civile ;

-Déclarer irrecevable les nouvelles prétentions de [U] visées dans ses conclusions du 29 mars 2024 formulées dans son dispositif dans les termes suivants :

« À titre principal ;

-Ordonner à la BPALC la mainlevée de la suspension de l'exécution de la garantie à première demande pour un montant de 164 272 euros ;

À titre subsidiaire ;

-Ordonner à la BPALC la mainlevée de la suspension de l'exécution de la garantie à première demande pour un montant de 54 075 euros ;

À titre infiniment subsidiaire ;

-Désigner tel expert avec mission de :

-Entendre les parties en leurs dires et explications ;

-Se faire communiquer tous les documents et pièces nécessaires à l'accomplissement de sa mission ;

-Examiner les comptes ainsi que l'ensemble des documents comptables de Technopoint ;

-Évaluer le montant de la trésorerie nette disponible dans les comptes de Technopoint le 21 juin 2018 ;

L'expert pourra prendre l'initiative de recueillir l'avis d'un autre technicien, mais seulement dans une spécialité distincte de la sienne.

-Fixer la provision à valoir sur la rémunération de l'expert qui devra être consignée par M. [J] entre les mains du régisseur d'avances et de recettes de la cour dans le délai qui lui sera imparti par la cour » ;

II. ' Sur l'appel principal :

Vu l'article 1240 du code civil et l'article 700 du code de procédure civile ;

Vu les pièces visées dans le bordereau de communication de pièces ;

-Juger l'appel formé par [U] mal fondé ;

Dès lors :

-Confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Melun le 19 avril 2022 en ce qu'il :

-Dit n'y avoir lieu à statuer ;

-Reçoit M. [J] en son action et la dit bien fondée ;

-Juge que la garantie du 21 juin 2018 de la BPALC constitue un cautionnement ;

-Dit que [U] ne dispose pas d'une créance à l'encontre de M. [J] aux termes de la garantie à première demande contractée auprès de la BPALC référence 00350053-001 ;

-Dit que la BPALC n'a pas à se libérer des fonds entre les mains de [U] ;

-Condamne [U] à payer une somme de 3 500 euros à M. [J] et 800 euros à la BPALC ;

-Condamne [U] à tous les dépens dont frais de greffe liquidés à la somme de 194,33 euros TTC ;

-Déboute [U] de ses demandes plus amples ou contraires ;

-Déboute [U] de ses demandes contraires au dispositif du jugement du 19 avril 2022 tendant à :

Prononcer l'irrecevabilité de la demande de M. [J] pour défaut de qualité à agir ;

Ordonner à la BPALC la mainlevée de la suspension de l'exécution de la garantie à première demande ;

Condamner M. [J] à verser à [U] une somme de 10 000 euros de dommages et intérêts pour procédure abusive et injustifiée ;

Condamner M. [J] à payer la somme de 3 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamner M. [J] aux entiers dépens.

III. ' Sur l'appel incident :

-Infirmer le jugement du tribunal de commerce de Melun du 19 avril 2022 en ce qu'il a :

-Dit que la mise en jeu de la garantie appelée par [U] est fondée juridiquement ;

-Débouté M. [J] de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive ;

IV. ' Statuant à nouveau :

-Juger que la mise en jeu par [U] de la garantie (référence 00350053-001) auprès de la BPALC est dénuée de tout fondement juridique ;

-Condamner [U] à verser à M. [J] une somme de 10 000 euros de dommages et intérêts au titre de la résistance abusive ;

V. ' En tout état de cause :

-Débouter [U] de toutes ses fins, moyens et conclusions ;

-Débouter [U] de sa demande de rejet de la condamnation de [U] à verser à M. [J] une somme de 10 000 euros de dommages et intérêts au titre de la résistance abusive ;

-Débouter [U] de sa demande de condamnation de M. [J] à lui verser une somme de 10 000 euros de dommages et intérêts pour procédure abusive et injustifiée ;

-Débouter [U] de sa demande de condamnation de M. [J] à lui verser une somme de 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

-Débouter [U] de sa demande de condamnation de M. [J] aux entiers dépens dont le recouvrement sera poursuivi par la S.E.LA.R.L. 2H avocats, par application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

-Condamner [U] à verser à M. [J] la somme de 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile e, exposant :

- qu'en vertu de l'article 910-4 alinéa premier du code de procédure civile, les parties doivent, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, présenter dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910, l'ensemble de leurs prétentions sur le fond. En l'espèce, [U] a formé de nouvelles prétentions dans ses conclusions signifiées par RPVA le 29 mars 2024. Ces nouvelles prétentions contiennent de nouveaux « chiffrages », ne figurant pas dans les conclusions de [U] signifiées par RPVA le 16 mars 2023, et doivent ainsi être déclarées irrecevables,

- que la garantie litigieuse est tripartite (entre [U], la BPALC et lui-même), ce qui explique pourquoi il a mis en cause tant [U] que la BPALC dans la présente affaire. Pour mettre en 'uvre la garantie, [U] lui a adressé un courrier aux fins de remise de la somme de 62 613,48 euros au titre de la garantie consentie par la BPALC. La garantie indique elle-même qu'elle porte sur des sommes dues par M. [J] à [U]. M. [J] fait ainsi valoir que, contrairement aux prétentions adverses, il ne s'agit pas d'une garantie autonome au sens de l'article 2321 du code civil, mais d'un cautionnement (cf. infra). Ainsi, il a intérêt et qualité à agir, au sens de l'article 31 du code de procédure civile, afin de faire valoir le fait que [U] ne peut mettre en 'uvre le cautionnement, cette dernière étant sans droits vis-à-vis de lui,

- que la garantie dont [U] demande la mise en 'uvre constitue un acte de cautionnement. Dès lors que l'engagement du garant a pour objet la propre dette du débiteur, l'acte est, en réalité, un cautionnement et n'est pas autonome. La jurisprudence rappelle qu'il importe peu que le contrat comprenne, par ailleurs, une clause de paiement à première demande. En outre, la Cour de cassation a, par un arrêt du 9 mars 2022, qualifié de cautionnement l'engagement du garant à payer une somme dont seule la limite maximale est prévue et qui établit un lien entre la dette du débiteur et l'engagement du garant, peu important qu'il soit qualifié par les parties de garantie à première demande. En l'espèce, le contrat de garantie a bien pour objet la dette du débiteur principal (M. [J]), tel que cela ressort de la première page de l'acte de la BPALC, et ne constitue donc pas une garantie autonome au sens de l'article 2321 du code civil. La deuxième page de l'acte de la BPALC mentionne, en outre, l'expression « acte de caution ». Dès lors, en l'absence de caractère autonome de la garantie consentie par la BPALC du fait de sa qualification de cautionnement, ayant un caractère accessoire, cette dernière ne peut être directement mise en 'uvre avant que [U] ne justifie d'une créance certaine, liquide et exigible, établie par jugement, à l'encontre de M. [J],

- que la mise en 'uvre de la garantie à son encontre n'est pas fondée juridiquement. [U] demande la mise en 'uvre de la garantie, non au vu de l'acte de cession du 21 juin 2018, mais d'une condition suspensive visée dans la promesse de cession du 8 mars 2018, n'ayant plus d'existence légale depuis le 8 juin 2018, ce que le tribunal de commerce de Melun a éludé. Il est indiqué dans ladite promesse de cession, sur laquelle se fonde [U], que « la présente promesse est consentie pour valoir à compter du 8 mars 2018 pour expirer le 8 juin 2018 à minuit ». Dès lors, la promesse de cession du 8 mars 2018 contenant la condition suspensive dont se prévaut [U] n'a pas d'existence légale et est caduque depuis le 8 juin 2018. Il n'est, par ailleurs, aucunement fait référence à la promesse de cession du 8 mars 2018 dans la cession de parts du 21 juin 2018 et dans la garantie d'actif et de passif. Ainsi, la condition suspensive visée dans la promesse du 8 mars 2018 ne peut être « sortie » de ladite promesse, devenue caduque depuis le 8 juin 2018, pour être invoquée dans un contrat distinct conclu le 21 juin 2018. De plus, en signant l'acte de cession le 21 juin 2018, [U] reconnaissait en tout état de cause que soit cette condition suspensive visée dans la promesse n'avait plus lieu d'être, soit qu'elle y renonçait tout simplement,

- que si la question de la trésorerie avait vocation à être un point de la garantie d'actif et de passif, elle aurait été incluse dans le champ de ladite garantie. Or, la question du niveau de trésorerie n'est nullement visée dans la convention de garantie d'actif et de passif en date du 21 juin 2018. La condition suspensive relative au niveau de trésorerie était simplement une condition suspensive permettant à l'acquéreur de renoncer éventuellement à l'acquisition sans pénalité, si ce dernier devait considérer qu'il n'y avait pas de trésorerie suffisante et que davantage de liquidités devaient être apportées. Si l'apport de liquidités s'était démontré nécessaire, [U] n'aurait, en outre, pas attendu plus de trois exercices comptables pour tenter de solliciter des sommes directement auprès de la BPALC au mois de mars 2020, dans un contexte sanitaire compliqué, avec pour objectif d'empêcher M. [J] de saisir le tribunal. M. [J] fait ainsi valoir que [U] appelle de manière abusive et frauduleuse la mise en 'uvre de la garantie de la BPALC sur la base de la convention de garantie d'actif et de passif alors que cette dernière ne fait aucunement état d'un montant de trésorerie. En ce qui concerne les actifs garantis, il est uniquement fait référence aux éléments chiffrés visés dans les bilans de DS Techno et Technopoint et non à un montant de trésorerie,

- qu'il produit des documents justificatifs de la situation de la trésorerie de Technopoint au 21 juin 2018, faisant état d'une trésorerie supérieure à 250 000 euros. Contrairement à ce qu'indique [U], le disponible auprès de la BPI n'est pas de 62 377,31 euros mais de 164 271,55 euros. A retenir la somme de 62 377,31 euros, le montant de trésorerie demeurerait supérieur à 250 000 euros. [U] est, dès lors, de mauvaise foi lorsqu'elle se fonde sur l'attestation de son expert-comptable, qui n'applique pas la méthode de calcul de la trésorerie visée dans la condition suspensive de la promesse de cession. Le tribunal de commerce de Melun avait sollicité de M. [J] de (i) justifier nominativement et quantitativement le solde des créances clients produites aux débats qui ne font pas partie des créances Dailly au 21 mai 2018 et le détail du portefeuille des créances Dailly cédées en mai 2018, et (ii) de présenter les données chiffrées et justifiées, répondant à chaque composante de la formule choisie communément, permettant de calculer la trésorerie nette réellement disponible le 21 mai 2018 et d'établir un décompte précis accompagné des pièces justificatives au soutien des chiffres avancés. M. [J] fait valoir, en ce qui concerne les créances, que les documents justificatifs sont produits aux annexes 21, 23 et 24. En ce qui concerne les données chiffrées, il est justifié du solde des comptes bancaires (annexe 19), des fournisseurs à payer (annexe 20), de l'encaissement des créances clients à la date de la réalisation (annexe 21), du solde du compte BPI (annexes 15 et 23), et des dettes sociales à payer (annexe 22). [U] élude dans ses conclusions plusieurs éléments compris dans la formule de calcul de la trésorerie visée dans la condition suspensive de la promesse de vente. Elle tente d'écarter du calcul de la trésorerie les créances clients alors qu'elles sont clairement visées dans la clause suspensive de la promesse de cession : « et après encaissement des créances clients à la date de réalisation ». La formule « encaissement » signifie « prise en compte » des « créances clients » qui étaient donc exigibles au 21 juin 2018, c'est-à-dire à la date de leur « réalisation ». La convention de garantie d'actif et de passif du 21 juin 2018 décrit d'ailleurs elle-même en page cinq, point 7, les créances commerciales comme celles qui « ont été encaissées ou sont encaissables à concurrence des montants figurant dans les livres ». Dans ces conditions, l'argument de [U] qui consiste à dire qu'il ne faut prendre en compte que les montants qui figurent sur les comptes bancaires est erroné. Dans ses conclusions d'appel, [U] prétend aussi pour la première fois dans le cadre de la présente procédure que selon elle, « par une interprétation erronée, le tribunal de commerce de Melun a considéré la somme de 250 000 euros comme un plafond irrévocable sur lequel se serait entendu les parties ». [U] prétend dès lors que l'engagement de garantie de M. [J] porterait sur une trésorerie de 360 197 euros et non une trésorerie de 250 000 euros, ce qui relève d'une tentative de « réécriture » d'une clause claire. Dans ses dernières conclusions en date du 29 mars 2024, [U] aurait de nouveau tenté de « réécrire » une clause claire en produisant, la veille de la clôture de la procédure (fixée initialement au 2 avril 2024), une analyse établie unilatéralement par un expert-comptable mandaté par elle. Contrairement aux nouvelles prétentions de [U], il n'a jamais été convenu que les encours liés à la mobilisation des créances auprès du factor devaient être déduits du montant de la trésorerie,

-que [U] agit de manière abusive en l'espèce, en cherchant à « forcer » le déblocage des fonds auprès de la BPALC. Le comportement de [U] et son « acharnement » lui cause un préjudice moral. Ce dernier fait ainsi valoir que [U] se doit d'être condamnée à lui verser une somme de 10 000 à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive au sens de l'article 1240 du code civil.

- que ses demandes sont fondées et qu'il a été contraint de saisir la justice afin de valoir ses droits et de se défendre face aux agissements « fallacieux et dilatoires » de [U]. M. [J] fait ainsi valoir que la demande de dommages et intérêts formée par [U] à son encontre se doit d'être rejetée.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 15 décembre 2022, la BPALC fait valoir qu'elle est tierce au débat juridique opposant [U] et M. [J] et qu'elle s'en remet à la sagesse de la cour quant à la décision qu'elle prendra sur leurs demandes respectives et demande donc à la cour, de :

-Juger que la BPALC s'en remet à la sagesse de la cour d'appel de Paris ;

-Condamner [U] en tous les dépens dont distraction à Me [E] [B], associée de la S.C.P. Malpel & associés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 7 mai 2024.

MOTIFS

Dans ses premières conclusions d'appelante du 21 septembre 2022, la société [U] a sollicité l'infirmation du jugement entrepris, liminairement, le prononcé de l'irrecevabilité de M. [J] et, à titre principal, que soit ordonnée la mainlevée de la suspension de l'exécution de la garantie à première demande.

Dans ses conclusions en date du 29 mars 2024, cette dernière demande de mainlevée de la suspension de l'exécution de la garantie à première demande est assortie de la mention d'une limite constituée d'un montant de 164 272 euros - qui, singulièrement, excède le montant de la garantie de la banque- subsidiairement de 54 075 euros et, plus subsidiairement, il est demandé une expertise judiciaire.

Quel que soit leur mérite, ces demandes ne doivent pas être déclarées irrecevables en vertu de l'article 910-4 du code de procédure civile dès lors que, répondant aux objections faites par M. [J] dans ses conclusions successives et au moyen de pièces sur l'existence d'un excédent de trésorerie, elles sont destinées à répliquer aux conclusions et pièces adverses au sens de son alinéa 2 et donc, comme telles, recevables.

Dès lors que M. [J] fait valoir que la garantie litigieuse n'a pas la nature juridique d'une garantie autonome, il ne saurait être déclaré irrecevable pour défaut d'intérêt à agir en vertu de l'article 31 du code de procédure civile dès lors qu'il a intérêt à faire juger que les cessionnaires de parts n'étant débiteurs principaux d'aucune obligation envers la société [U], la banque caution ne l'est pas plus.

Il ressort des explications des parties et des pièces produites :

- que par acte sous seing privé manifestement daté par erreur du 8 mars 2017 puisqu'il s'agit du 8 mars 2018, M. [R] [J] et les membres de sa famille détenant des parts dans la société D.S. Techno - qui contrôle intégralement la société Technopoint - ont régularisé une promesse de cession des dites parts envers la société par action simplifiée [U], présidée par M. [Y] [A] en stipulant comme condition suspensive, outre l'obtention par l'acquéreur d'un prêt de 800 000 euros, le renouvellement du bail et d'une promesse de vente des locaux, 'le montant de la trésorerie de la société Technopoint à la date de signature définitive du rachat s'élèvera au moins à 250 000 euros net, à savoir après paiement des dettes fournisseurs & comptes rattachés, après paiement des dettes fiscales et sociales, des redevances et des dividendes dus à la société D.S. Techno et après encaissement des créances clients à la date de réalisation, étant précisé qu'aucune distribution ne pourra intervenir ultérieurement à la date de réalisation de la cession',

- que la promesse est consentie pour valoir à compter du 8 mars 2018 pour expirer le 8 juin 2018 à minuit, le prix stipulé étant, sous réserve de l'issue d'un litige prud'homal à l'enjeu fixé à la somme de 20000 euros, de 880 000 euros,

- qu'il est stipulé une garantie d'actif et de passif, qui prévoit 'dans le cas où un passif, notamment d'origine fiscale ou sociale, non enregistré à la date de cession ayant une cause ou une origine antérieure à cette date viendrait à se révéler, comme dans le cas où les sociétés D.S.Techno et Technopoint seraient appelées à exécuter des engagements de caution, avals ou garanties contactées par elles avant ce jour, mais non comptabilisées ou non indiquées à la société [U] M. [R] [J] serait tenu de désintéresser le cessionnaire du supplément de passif en résultant et, à la première réquisition de la société [U] ou de tout substitué, de lui verser la somme de 150 000 euros' et que 'au cas où la diminution d'actif net excéderait le prix de cession des parts, celui-ci serait ramené à la somme d'un euro pour l'ensemble des parts cédées',

- qu'il y est prévu que 'afin de garantir les engagements pris aux termes des présentes, M. [R] [J] remettra lors de la cession, à la société [U], une garantie à première demande pour un montant de cent cinquante mille euros', réduit à cent mille euros un an après la date de réalisation de la cession,

- que l'acte de cession a été régularisé le 21 juin 2018 au prix de 900 000 euros,

- qu'à cette même date était signée, entre M. [R] [J], son épouse et la société [U] une convention de garantie comportant une garantie d'actif et de passif dans des termes strictement identiques à ceux figurant dans la promesse rapportés ci-dessus, la constitution d'une garantie à première demande de 150 000 euros, réduite à 100 000 euros un an après la cession y figurant également.

C'est par acte en date du 14 juin 2018, intitulé 'garantie première à demande', que la Banque Populaire déclare se porter garante à première demande 'afin de garantir le versement des sommes éventuellement dues' par 'M. [R] [J]' et consorts 'dans le cadre de la cession de leurs (...) parts sociales dans la société D.S Techno' ' au profit de la société [U] (...) conformément à la promesse synallagmatique de cession de parts du 8 mars 2017", la banque 's'engageant irrévocablement et inconditionnellement à payer à l'Acquéreur, à première demande de celui-ci, adressée à la banque avec accusé de réception toute somme d'un montant maximum de 150 000 euros jusqu'au 21 juin 2019 et de 100 000 euros jusqu'au 31 décembre 2021".

Il résulte de l'article 2321 du code civil qui dispose que 'La garantie autonome est l'engagement par lequel le garant s'oblige, en considération d'une obligation souscrite par un tiers, à verser une somme soit à première demande, soit suivant des modalités convenues' que la garantie autonome, dont la garantie à première demande est une modalité, se caractérise précisément par l'autonomie de l'obligation du garant qui n'est définie que par l'acte la renfermant et qui ne consiste pas en la garantie de la dette d'un débiteur.

Or en l'espèce, en dépit de son intitulé impropre, il ressort de la lecture de l'acte et des termes mêmes employés que l'intention des parties était de faire garantir par la banque les obligations de M. [J] envers la société [U] issues de la promesse de cession dans la limite stipulée mais non de garantir, de manière autonome, le paiement d'une somme qui serait déclarée due par le garanti.

En conséquence c'est à juste titre que M. [J] fait valoir que l'acte a la nature juridique d'un cautionnement bancaire et non d'une garantie autonome, étant observé que la banque a transmis le dit acte avec la mention 'nous vous remettons en annexe l'acte de caution', de sorte qu'aucune des obligations des cessionnaires des parts à l'égard de la société [U] n'étant consacrée, cette dernière ne peut demander utilement la mainlevée de la suspension de l'exécution de la garantie 'à première demande'.

La société [U] ne formant, en effet, qu'une demande de mainlevée de la suspension de l'exécution de la garantie bancaire en se fondant sur sa nature de garantie à première demande, elle doit être déboutée de toutes ses prétentions, la décision entreprise étant infirmée en ce qu'elle a jugé que 'la mise en jeu de la garantie est fondée juridiquement'.

M. [J] ne démontre pas que la société [U] a fait dégénérer en abus son droit d'ester en justice, de sorte qu'il doit être débouté de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive.

La société [U] est condamnée aux dépens, l'équité commandant de ne pas prononcer de condamnation en application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

REJETTE la fin de non-recevoir opposée par M. [R] [J] aux conclusions de la société [U] en date du 29 mars 2024 ;

REJETTE la fin de non-recevoir opposée à M. [R] [J] sur le fondement de l'article 31 du code de procédure civile ;

INFIRME le jugement entrepris en ce qu'il a jugé que 'la mise en jeu de la garantie est fondée juridiquement' ;

Le CONFIRME pour le surplus ;

Y ajoutant,

DÉBOUTE la société [U] de toutes ses demandes ;

DÉBOUTE M. [R] [J] de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive ;

DIT n'y avoir lieu à condamnation au titre des frais irrépétibles en cause d'appel ;

CONDAMNE la société [U] aux dépens d'appel qui seront recouvrés par Maître [C] [O] et Maître Aurélie Pauck de la SCP Malpel & Associées en application de l'article 699 du code de procédure civile.

*****

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 6
Numéro d'arrêt : 22/11833
Date de la décision : 26/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 03/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-26;22.11833 ?
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