La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

26/06/2024 | FRANCE | N°22/11750

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 6, 26 juin 2024, 22/11750


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 6



ARRET DU 26 JUIN 2024



(n° , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/11750 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGAPW



Décision déférée à la Cour : Jugement du 19 Mai 2022 - tribunal judiciaire de Paris - 9ème chambre 3ème section - RG n° 20/08845





APPELANT



Monsieur [B] [Y]

né le [Date

naissance 3] 1952 à [Localité 8]

[Adresse 4]

[Localité 2]



Représenté par Me Olivier BERNABE, avocat au barreau de Paris, toque : B0753

Ayant pour avocat plaidant Christophe DE WATRI...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 6

ARRET DU 26 JUIN 2024

(n° , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/11750 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGAPW

Décision déférée à la Cour : Jugement du 19 Mai 2022 - tribunal judiciaire de Paris - 9ème chambre 3ème section - RG n° 20/08845

APPELANT

Monsieur [B] [Y]

né le [Date naissance 3] 1952 à [Localité 8]

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représenté par Me Olivier BERNABE, avocat au barreau de Paris, toque : B0753

Ayant pour avocat plaidant Christophe DE WATRIGANT, avocat au barreau de Paris, toque : C2010

INTIMÉE

S.A. LA BANQUE POSTALE

[Adresse 1]

[Localité 5]

N°SIRET : 421 100 645

agissant poursuites et diligences de ses représentants mégaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentée par Me Denis-clotaire LAURENT de l'AARPI TARDIEU GALTIER LAURENT DARMON associés, avocat au barreau de PARIS, toque : R010, substitué à l'audience par Me Guillaume CAVROIS, avocat au barreau de Paris, du même cabinet

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 13 Mai 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. Marc BAILLY, président de chambre, entendu en son rapport, et M. Vincent BRAUD, président.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. Marc BAILLY, président de chambre

M. Vincent BRAUD, président

MME Pascale SAPPEY-GUESDON, conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Mélanie THOMAS

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Marc BAILLY, président de chambre et par Mélanie THOMAS, greffier, présent lors de la mise à disposition.

* * * * *

Vu le jugement du tribunal judiciaire de Paris en date du 19 mai 2022 qui, sur l'assignation délivrée le 18 septembre 2020 par M. [B] [Y] à la société La Banque Postale en indemnisation des conséquences des six virements qu'il a ordonné pour un montant total de 257 704 euros au débit de son compte dans les livres de la banque qui l'a débouté de toutes ses prétentions et condamné à payer à la banque défenderesse la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles ;

Vu l'appel interjeté par M. [B] [Y] par déclaration au greffe en date du 22 juin 2022 ;

Vu les seules conclusions en date du 22 septembre 2022 de M. [B] [Y] qui fait valoir :

- qu'il a vu son consentement abusé par une société BDL Blue Diams Ltd exerçant par le biais de son site internet Blue Diams et se présentant comme une société d'investissement spécialisée dans le diamants qui lui a fait miroité un rendement de 14 % et a rapidement rémunéré son premier investissement, qu'il en a effectué de nombreux autres pour des montants importants dont un avant dernier aux fins de prétendument régler la TVA sur demande d'un interlocuteur distinct au sein de la société,

- que s'agissant du dernier des virements demandés par un interlocuteur encore différent, à hauteur de la somme de 36 090,60 euros et censé correspondre aux paiement d'une 'imposition BNC', il a eu recours à une autre banque, le Crédit Agricole, qui a immédiatement refusé d'exécuter un virement en lui faisant comprendre qu'il était victime d'une escroquerie, le mettant en garde de ce que le secteur du diamant était le siège de nombreux agissements de cette nature selon l'AMF,

- que La Banque Postale reconnaît ce dernier fait et apporte elle-même la preuve de la présence de la société Blue Diams sur la liste noire de l'AMF,

- que la banque a manqué à ses obligations de vigilances imposées par les articles L  561-1 et suivants du code monétaire et financier ainsi qu'à son devoir général de vigilance compte tenu de l'anomalie intellectuelle que recelaient ses demandes de virements, anormaux quand à leur nombre, aux montants en cause, quant à leur destination et à leur fréquence alors qu'en sa qualité de banque teneur de compte depuis des années elle ne pouvait ignorer sa qualité de retraité et que les opérations ne 'cadraient' pas avec ses habitudes, de sorte qu'il demande à la cour de :

'- REFORMER le jugement entrepris du 19 mai 2022

Et statuant à nouveau :

- JUGER que LA BANQUE POSTALE a manqué à ses obligations civiles et professionnelles, et que ces manquements sont à l'origine d'un détournement de 287.535,60 euros, en principal, dont Mr [B] [Y] a été victime,

- CONDAMNER LA BANQUE POSTALE à réparer intégralement le préjudice subi par Mr [B] [Y], et CONDAMNER en conséquence LA BANQUE POSTALE au paiement à Mr [B] [Y] de la somme en principal de 287.535,60 euros,

- JUGER que ces condamnations porteront intérêts au taux de l'intérêt légal, majoré de 5 points, à compter de la Mise en demeure du 3 février 2020, lesdits intérêts portant eux-mêmes intérêts conformément aux articles 1231-6 et 1343-2 du Code civil,

- DEBOUTER LA BANQUE POSTALE de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions,

- CONDAMNER LA BANQUE POSTALE au paiement à la somme de 15.000,00 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile' ;

Vu les seules conclusions en date du 14 décembre 2022 de la société La Banque Postale qui poursuit la confirmation du jugement et l'obtention d'une somme de 8 000 euros au titre des frais irrépétibles en exposant :

- que M. [Y] a, préalablement aux virements litigieux, préparé ces opérations en créditant son compte notamment au moyen de rachats d'assurance vie, qu'il n'a jamais effectué ces six virement au sein de la même agence de La Banque Postale et n'a jamais communiqué l'identité de leur destinataire comme étant la société Blue Diams au contraire de sa dernière demande auprès du Crédit Agricole, refusée à ce motif par la banque alors que l'inscription de la société Blue Diams sur la liste noire de l'AMF datant du 24 juillet 2017 est postérieure au dernier virement effectué à partir du compte de la La Banque Postale le 11 avril 2017,

- que M. [Y] est taisant sur ses relations avec la société Blue Diams, n'a pas produit de plainte pénale et persiste à demander le paiement de la somme, dernière virée, de 47 922,60 euros qui ne l'a jamais été à partir de son compte dans ses livres qui n'en ont pas été débités, de même qu'il a caché l'existence de retours sur investissement, portés à son crédit pour 4 190 et 18 380 euros,

- que les dispositions des articles L561-1 et suivants du code monétaire et financier sur le devoir spécial de vigilance dans le cadre de la lutte contre le blanchiment ne peuvent être invoqué par des particuliers de jurisprudence constante,

-qu'elle n'a pas manqué à son devoir général de vigilance en l'absence d'anomalie portée à sa connaissance alors même qu'elle a satisfait à toutes ses obligations de prestataire de services de paiement prévues par les articles L 133-1 et suivants du code monétaire et financier en effectuant les virements autorisés demandés par M. [Y] et n'avait pas à s'interroger, compte tenu de son devoir de non ingérence dans les affaires de son client sur le destinataire des fonds et sa qualité,

- qu'elle n'était pas tenue d'une obligation de conseil ou de mise en garde en sa qualité de prestataire de services de paiement,

- subsidiairement, que le lien de causalité entre le préjudice, partiellement non démontré, et les manquements reprochés n'est pas établi puisque la situation est imputable à la fraude commise par les interlocuteurs de M. [Y] et à la propre négligence fautive de ce dernier ;

Vu l'ordonnance de clôture rendue le 2 avril 2024 ;

MOTIFS

Il résulte des pièces produites que M. [Y], intéressé comme il l'explique par la promesse attractive de rendement élevé au moyen de l'acquisition de diamants par une prétendue société 'bluediams' a fait effectuer des virements au bénéfice d'un compte Upay Card de 36 254 euros le 5 octobre 2016 en l'agence de [Localité 9], de 15 000 euros le 22 novembre 2016 en l'agence de [Localité 7], de 30 000 euros en l'agence de [Localité 8] le 28 novembre, de 17 000 euros le 3 janvier 2017 en l'agence de [Localité 7] de 67 002,59 euros le 13 janvier 2017, de 67 000 euros à [Localité 6] le 17 janvier 2017, de 92 608,04 euros le 10 avril 2017 et de 92 450 le 11 avril à [Localité 8].

Il a, parallèlement, reçu des virements, supposés être des rémunérations de ces investissements, de 4 190 euros le 18 novembre 2016 en provenance de Upaycard et de 18 380 euros le 21 décembre 2017.

Le prestataire de services de paiement réalisant un virement dit SEPA comme en l'espèce, est essentiellement soumis aux dispositions des articles L133-4 et suivants du code monétaire et financier issus de l'ordonnance du 15 juillet 2009 modifiée par la directive du 25 novembre 2015 relative aux conditions régissant la fourniture de services de paiements concernant les services de paiement dans le marché intérieur, son article L 133-21 disposant notamment, en ses alinéas 1 et 5 que 'un ordre de paiement exécuté conformément à l'identifiant unique fourni par l'utilisateur du service de paiement est réputé dûment exécuté pour ce qui concerne le bénéficiaire désigné par l'identifiant unique' et 'si l'utilisateur de services de paiement fournit des informations en sus de l'identifiant unique ou des informations définies dans la convention de compte de dépôt ou dans le contrat-cadre de services de paiement comme nécessaires aux fins de l'exécution correcte de l'ordre de paiement, le prestataire de services de paiement n'est responsable que de l'exécution de l'opération de paiement conformément à l'identifiant unique fourni par l'utilisateur de services de paiement'.

Il n'est pas contesté par M. [Y] que l'ordre de virement a été exécuté conformément à sa demande et que la somme a rejoint le bénéficiaire souhaité par lui du compte désigné par l'IBAN que lui avait remis son interlocuteur.

Il en résulte qu'aucune mauvaise exécution de l'opération ne peut être reprochée à la société La Banque Postale.

Les obligations de vigilance et de déclaration imposées aux organismes financiers en application des articles L. 561-5 à L. 561-22 du code monétaire et financier ont pour seule finalité la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme et les victimes d'agissements frauduleux ne peuvent s'en prévaloir pour réclamer des dommages-intérêts à l'organisme financier, étant ajouté qu'en l'espèce aucun soupçon de cette nature n'est étayé quant aux opérations réalisées.

Le prestataire de services de paiement est tenu d'un devoir de non immixtion dans les affaires de son client et n'a pas, en principe, à s'ingérer, à effectuer des recherches ou à réclamer des justifications des demandes de paiement régulièrement faites aux fins de s'assurer que les opérations sollicitées ne sont pas périlleuses pour lui-même ou des tiers.

Ainsi, la banque prestataire de services au titre d'un virement SEPA n'a pas à contrôler la légalité ou le caractère avisé du placement envisagé par son client auprès d'une société tierce au moyen du virement bancaire.

Même à considérer que ce devoir de non ingérence trouve une limite, en matière de prestation de services de paiement, dans l'obligation de vigilance de l'établissement de crédit prestataire de services de paiement, c'est à la condition que l'opération recèle une anomalie apparente, matérielle ou intellectuelle.

Or en l'espèce, ni les montants des virements - qui pour être plus élevé que celles objets des mouvements du compte étaient néanmoins couverts par le solde créditeur dont M. [Y] s'était assuré- ni leur relative fréquence ni leur destination vers un compte détenu dans les livres d'une banque européenne, ne constituent des anomalies devant alerter la vigilance de la société La Banque Postale, M. [Y] étant libre de disposer de son épargne sans immixtion de son établissement bancaire.

C'est à juste titre que La Banque Postale fait valoir que M. [Y] n'objective pas qu'elle aurait été informée, par le biais de ses préposés, de la nature et de l'objet de ces virements et, en particulier, qu'ils étaient destinés à une société 'Bluediams', aucun des ordres de virements ne le mentionnant non plus que les prétendus retours sur investissements portés au compte de M. [Y], aucune autre pièce n'établissant que M. [Y] aurait porté cette circonstance à sa connaissance.

En outre, s'il est exact que le Crédit Agricole, sollicité pour un ultime virement le 16 janvier 2019 à destination cette fois d'une banque polonaise, s'en est étonné, la société La Banque Postale démontre que l'inscription de la société 'Bluediams' sur la liste noire de l'AMF ne date que du 24 juillet 2017, soit postérieurement au dernier virement qu'elle a effectué à la demande de M. [Y] le 11 avril 2017.

En conséquence, il y a lieu de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, de condamner M. [B] [Y] aux dépens d'appel, l'équité commandant de ne pas ajouter à la condamné au titre des frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

CONFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

DIT n'y avoir lieu au prononcé d'une condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE M. [B] [Y] aux dépens d'appel.

* * * * *

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 6
Numéro d'arrêt : 22/11750
Date de la décision : 26/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 03/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-26;22.11750 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award