La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

26/06/2024 | FRANCE | N°21/09010

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 6, 26 juin 2024, 21/09010


Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 6



ARRÊT DU 26 JUIN 2024



(n°2024/ , 9 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/09010 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CESPL



Décision déférée à la Cour : Jugement du 27 septembre 2021 - Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 18/09267





APPELANT

Monsieur [P] [S]

[Adresse 4]

[Localité 3]



Représenté par Me Sébastien WEDRYCHOWSKI, avocat au barreau de PARIS, toque : G0134



INTIMÉE

S.A.S. MANIFESTO FACTORY

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Véronique PE...

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 6

ARRÊT DU 26 JUIN 2024

(n°2024/ , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/09010 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CESPL

Décision déférée à la Cour : Jugement du 27 septembre 2021 - Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 18/09267

APPELANT

Monsieur [P] [S]

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représenté par Me Sébastien WEDRYCHOWSKI, avocat au barreau de PARIS, toque : G0134

INTIMÉE

S.A.S. MANIFESTO FACTORY

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Véronique PETIT GUILLOTEAU, avocat au barreau de PARIS, toque : R249

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 30 avril 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Didier LE CORRE, Président de chambre, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Monsieur Didier LE CORRE, Président de chambre

Monsieur Christophe BACONNIER, Président de chambre

Monsieur Stéphane THERME, Conseiller

Greffier, lors des débats : Madame Alisson POISSON

ARRÊT :

- contradictoire,

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Didier LE CORRE, Président de chambre, et par Madame Philippine QUIL, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCEDURE ET MOYENS DES PARTIES :

Selon contrat de travail à durée indéterminée, M. [S] a été engagé en qualité de commercial grands comptes le 6 octobre 2014 par la société Manifesto factory (la société Manifesto).

Une convention de rupture du contrat de travail a été signée le 2 mars 2018 et la relation de travail a pris fin le 30 avril suivant.

M. [S] a saisi le 7 décembre 2018 le conseil de prud'hommes de Paris d'une demande en rappel de rémunération variable.

Par jugement du 27 septembre 2021, auquel il est renvoyé pour l'exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, le conseil de prud'hommes de Paris a rendu la décision suivante:

« CONDAMNE la SAS MANIFESTO FACTORY à verser à Monsieur [P] [S] les sommes suivantes :

- 59 540,69 € au titre des commissions ;

- 5 954,06 € au titre des congés payés afférents ;

Avec intérêts au taux légal à compter de la date de réception par la partie défenderesse de la convocation devant le bureau de conciliation ;

Rappelle qu'en vertu de l'article R.1454-28 du Code du Travail, ces condamnations sont exécutoires de droit à titre provisoire, dans la limite maximum de neuf mois de salaire calculés sur la moyenne des trois derniers mois de salaire ;

CONDAMNE Monsieur [P] [S] à verser à la SAS MANIFESTO FACTORY les sommes suivantes :

- 40 884,72 € au titre de la clause pénale ;

- 11 656,60 € à titre de remboursement des rémunérations indument perçues ;

Avec intérêts au taux légal à compter du jour du prononcé du jugement ;

DEBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;

PARTAGE les dépens. »

M. [S] a relevé appel de ce jugement par déclaration transmise par voie électronique le 29 octobre 2021.

La constitution d'intimée de la société Manifesto a été transmise par voie électronique le 10 novembre 2021.

Dans ses dernières conclusions communiquées par voie électronique le 26 janvier 2022, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé des moyens, M. [S] demande à la cour de :

« Confirmer le jugement rendu par le Conseil de Prud'hommes en ce qu'il a jugé que la rémunération variable prévue dans le contrat de travail de Monsieur [S] est de 1% du chiffre d'affaires HT annuel sur toutes les nouvelles affaires qu'il a générées à compter de sa prise de poste et condamné la Société MANIFESTO FACTORY à lui payer les sommes suivantes:

- 59.540,69 € à titre rappel de rémunération variable,

- 5.954,06 à titre de congés payés afférents.

Pour le surplus, infirmer le jugement en toutes ses dispositions en ce qu'il a fait droit aux demandes reconventionnelles de la Société MANIFESTO FACTORY et statuant à nouveau:

1) Sur le remboursement de l'indemnité de non concurrence

Juger que la Société MANIFESTO FACTORY s'est basée sur un rapport d'enquête d'un détective privé

Dire et juger qu'un tel moyen de preuve est illégal et porte atteinte à la vie privée.

Juger que la procédure engagée par la Société MANIFESTO FACTORY devant le Tribunal de Commerce de PARIS n'a pas permis d'établir un quelconque acte de concurrence ;

Juger que la Société MANIFESTO FACTORY n'a jamais cru devoir engager la moindre procédure en concurrence déloyale à l'encontre de la Société PURE TRADE

Juger que la Société MANIFESTO FACTORY n'a jamais cru devoir lui adresser la moindre injonction de cesser toute collaboration avec son nouvel employeur.

Juger que la Société MANIFESTO FACTORY n'exerce pas son activité dans le même domaine que celui de la Société PURE TRADE.

Juger que Monsieur [S] occupe au sein de la Société PURE TRADE les fonctions de Responsable Développement et coordination Internationale qui n'ont strictement rien à voir avec les fonctions de Commercial grands comptes.

Dire et juger que Monsieur [S] a respecté son obligation de non concurrence.

En conséquence, débouter la Société MANIFESTO FACTORY de sa demande de remboursement au titre de l'indemnité de non concurrence d'un montant de 11.672,67 €.

2) Sur le paiement de la clause pénale insérée dans le contrat de travail

A titre principal,

Juger que la Société MANIFESTO FACTORY a cru devoir mettre en demeure Monsieur [S] d'avoir à lui verser la somme de 40.884,72 € au titre de la clause pénale insérée dans son contrat de travail par lettre recommandée avec avis de réception du 3 décembre 2018.

Juger que la lettre de mise en demeure du 3 décembre 2018 de la Société MANIFESTO FACTORY n'a pas d'effet interruptif de prescription.

Juger qu'à l'audience de conciliation et d'orientation du 10 avril 2019, la Société MANIFESTO FACTORY n'a pas formulé de demande reconventionnelle à l'encontre de Monsieur [S] tendant à obtenir le paiement de la somme de 40.884,72 € au titre de la clause pénale insérée dans le contrat de travail.

Juger que la Société MANIFESTO FACTORY a formulé cette demande reconventionnelle pour la première fois à l'audience de jugement du 18 juin 2021 par voie de conclusions visées par le greffe.

Jugé que la Société MANIFESTO FACTORY n'a pas introduit la moindre action, ni formulé cette demande reconventionnelle au titre du paiement de la clause pénale auprès du Conseil de Prud'hommes de PARIS dans le délai de 2 ans

Dire et juger que sa demande est prescrite

A titre subsidiaire,

Constater que la Société MANIFESTO FACTORY ne rapporte pas la preuve d'une violation de l'obligation non concurrence par Monsieur [S].

En conséquence, débouter la Société MANIFESTO FACTORY de sa demande.

A titre infiniment subsidiaire,

Juger que la clause pénale insérée dans le contrat de travail est manifestement disproportionnée et abusive et ne pourra qu'être réduite à une somme symbolique

Juger que la Société MANIFESTO FACTORY ne démontre pas de l'existence d'un quelconque préjudice imputable directement ' et exclusivement ' à la violation par Monsieur [S] de son obligation de non concurrence

En conséquence, réduire le montant de la clause pénale manifestement excessif à la somme de 1 € symbolique.

Condamner la Société MANIFESTO FACTORY à verser à Monsieur [S] la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du CPC ;

Dire et juger que les intérêts légaux des condamnations prononcées porteront intérêts par application des dispositions de l'article 1154 du Code Civil.

Condamner la Société MANIFESTO FACTORY aux entiers dépens qui comprendront les frais d'exécution. »

Dans ses dernières conclusions communiquées par voie électronique le 25 avril 2022, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé des moyens, la société Manifesto demande à la cour de :

« Réformer partiellement le jugement rendu le 27 septembre 2021 par la Section Encadrement du Conseil de Prud'hommes de Paris en ce qu'il a condamné la société MANIFESTO FACTORY à verser à Monsieur [S] les sommes suivantes :

- 59.540,69 € au titre des commissions

- 5.954,06 € au titre des congés payés afférents

Dès lors,

Condamner Monsieur [S] à rembourser à la société MANIFESTO FACTORY les sommes versées au titre de l'exécution provisoire prévue à l'article R.1454-28 du Code du travail.

Réformer partiellement le jugement rendu le 27 septembre 2021 par la Section Encadrement du Conseil de Prud'hommes de Paris en ce qu'il a débouté la société MANIFESTO FACTORY de sa demande au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et des dépens.

Pour le surplus,

Confirmer le jugement rendu le 27 septembre 2021 par la Section Encadrement du Conseil de Prud'hommes de Paris en ce qu'il a :

- condamné Monsieur [S] à rembourser à la société MANIFESTO FACTORY les rémunérations indûment perçues au titre de l'interdiction de non-concurrence qu'il n'a nullement respecté, soit la somme de 11.656,60 €

- condamné Monsieur [S] à verser à la société MANIFESTO FACTORY la somme forfaitaire contractuelle de 40.884,72 €.

Statuant à nouveau,

- Condamner Monsieur [S] à verser à la société MANIFESTO FACTORY la somme de 2.500 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

- Laisser à la charge de Monsieur [S] les entiers dépens de l'instance. »

L'ordonnance de clôture a été rendue le 23 janvier 2024.

MOTIFS,

Sur le rappel de rémunération variable

M. [S] expose que depuis son embauche, la société Manifesto ne lui a jamais versé sa rémunération variable sur la base du taux de commission prévu contractuellement mais seulement une part variable de 0,5% du chiffre d'affaires HT annuel sur toutes les affaires nouvelles qu'il avait générées depuis sa prise de poste sur le portefeuille clients qui lui était attribué.

En l'occurrence, l'article 5 du contrat de travail détaille ainsi les modalités de la rémunération de M. [S]:

« Le salarié percevra une rémunération forfaitaire brute annuelle de soixante-dix euros (70 000 euros), qui sera versée à raison de 1/12eme chaque mois.

Il bénéficiera, en plus de son salaire fixe, d'une rémunération variable de 1% du chiffre d'affaires HT annuel.

Cette commission ne sera versée que sur les nouvelles affaires générées par le salarié à compter de sa prise de poste.

Les affaires en cours ou déjà conclues antérieurement à sa date d'entrée chez MANIFESTO, ne pourront pas donner lieu au versement de cette rémunération variable. »

La société Manifesto fait valoir que les parties ont signé postérieurement un avenant au contrat de travail qui a modifié les modalités de calcul de la rémunération variable. Cet avenant, daté du 3 janvier 2018, est libellé de la façon suivante:

« A compter du 1er janvier 2018, les conditions de votre contrat de travail sont modifiées:

ARTICLE 5 - Rémunération:

Monsieur [P] [S] ne pourra par ailleurs bénéficier d'une rémunération variable spécifique qui est modifié suite à cet avenant à compter du 1er janvier 2018:

Cette rémunération variable sera remplacée par le versement d'une indemnité forfaitaire maximum fixée à 15000 euros bruts sous conditions que :

- Le taux de transformation des projets en cours répertoriés dans le ficher annexé à cet avenant soit au moins égal à 90% (Annexe 1)

- Idem pour les projets en cours pour L'OREAL DPGP dont le détail est également annexé (Annexe 2)

Il est à préciser que l'assiette de calcul de ce taux de transformation se fera sur les commandes confirmées entre le 1er janvier 2018 et le 30 avril 2018.

Si le taux d'atteinte n'était pas satisfait l'indemnité forfaitaire serait versée au prorata d'atteinte de l'objectif.

Cette suppression concerne toute commande rentrée postérieurement au 31 décembre 2017 ou bien dont la date de livraison excède la date de rupture de contrat soit le 30 Avril 2018.

En revanche, toutes les commandes confirmées avant le 1er janvier 2018 et dont la date de livraison n'excède pas le 30 Avril 2018, seront réglées selon l'accord de versement du salaire variable en vigueur avant le 1er janvier 2018.

Les autres clauses et dispositions du contrat de travail initial, ainsi que les éventuels avenants l'ayant complété, non contraires au présent avenant, demeurent néanmoins inchangés.

Si ces conditions reçoivent l'agrément du salarié, il devra nous confirmer son accord en retournant à la société, dès réception, un des deux exemplaires du présent avenant, obligatoirement paraphé au bas de chaque page, daté et signé ainsi que revêtu de la mention manuscrite « lu et approuvé, bon pour accord ».

Fait à [Localité 5],

Le 3 janvier 2018 »

M. [S] ne fait pas mention de cet avenant, même pour le critiquer, dans la partie « discussion » de ses conclusions d'appel et se borne, dans le rappel des faits préalable, en page 3, à mentionner que « A l'issue de son contrat de travail, la société Manifesto Factory a modifié de façon rétroactive au 1er janvier 2018 les conditions de son contrat de travail », « Il est évident que cet avenant au contrat de travail n'a pas pu être signé le 3 janvier 2018 puisqu'il fixait les modalités de paiement de ses commissions à la fin du contrat pour les affaires en cours. En effet, la demande de rupture conventionnelle a été formulée le 12 février 2018. L'accord de rupture conventionnelle qui prévoit la fin du contrat de travail au 30 avril 2018, a été signé le 2 mars 2018 ».

Toutefois, c'est M. [S] lui-même qui, parmi ses pièces, communique l'avenant litigieux. Celui-ci est signé par les deux parties et inclut, au-dessus de la signature de M. [S], la mention manuscrite « lu et approuvé bon pour accord ».

M. [S] ne soutient pas qu'il s'agit d'un faux et que sa signature et sa mention manuscrite ont été usurpées. Il n'indique pas davantage, alors qu'il prétend que l'avenant n'a pas été signé le 3 janvier 2018, dans quelles circonstances et à quelle date postérieure il a, selon lui, signé ledit document.

Il est exact néanmoins que l'avenant daté du 3 janvier 2018 fait référence à la date de rupture du contrat de travail de M. [S], le 30 avril 2018, alors que M. [S] a envoyé le 12 février 2018 à la société Manifesto sa demande de rupture conventionnelle, laquelle a été signée le 2 mars 2018 en fixant la rupture du contrat de travail au 30 avril suivant.

Toutefois, il résulte des pièces versées aux débats que les relations entre les parties étaient très difficiles avant même 2018 et que, par exemple dans un courriel du 22 septembre 2017 (pièce n°5 du salarié), Mme [I], directrice générale, lui écrivait notamment « Je fais suite à notre réunion d'hier après-midi et souhaite te reformuler la teneur de notre entretien. Tout d'abord, je voudrais de réitérer mon profond mécontentement sur l'ensemble de tes résultats commerciaux qui à ce jour sont extrêmement décevants ». Dans ce courriel assez long et détaillé, Mme [I] constatait que les chiffres d'affaires des deux plus gros clients confiés à M. [S], l'Oréal et Pierre Fabre, avaient diminué de 40% entre le moment où ils avaient été confiés à M. [S] et septembre 2017, ajoutant « Soit une perte de 40% vs ce qui t'a été confié il y a deux ans, ce qui est pour ton niveau de séniorité, inacceptable! J'attire ton attention sur le fait que commettre ce genre de négligence à ton niveau d'expérience et ancienneté constitue une faute au regard de tes obligations contractuelles». D'autres reproches étaient formulées de façon vive à M. [S] dans ce courriel qui s'achevait par « Je terminerai ce mail par te demander de ne pas faire référence à qui que ce soit (interne ou externe) de la teneur de nos conversations ou de ton ressenti face à ce qui t'est reproché, faute de quoi, je me verrais dans l'obligation de te sanctionner immédiatement ».

Il ressort également des éléments communiqués que la rupture du contrat de travail de M. [S] était en discussion et envisagée bien avant la signature de la rupture conventionnelle et que c'est ainsi à la demande de la société Manifesto que le salarié avait formalisé sa lettre sollicitant une rupture conventionnelle.

Il en résulte que le fait que la date choisie pour la rupture du contrat de travail, en l'occurrence le 30 avril 2018, soit déjà mentionnée dans l'avenant daté du 30 janvier 2018 ne suffit pas, compte tenu de ce contexte, à invalider ledit avenant, alors même que le caractère frauduleux de la signature et de la mention manuscrite de M. [S] apposés sur cet avenant n'est pas allégué par celui-ci.

Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, il convient de constater que l'avenant litigieux signé par les parties a bien modifié les modalités de rémunération variable de M. [S], avec effet rétroactif comme le stipule expressément l'avenant, et qu'en considération des modalités définies par cet avenant M. [S] ne peut bénéficier du calcul de la part variable de rémunération qui figurait dans le contrat de travail initial.

Dès lors que la cour constate que M. [S] a été rempli de ses droits à rémunération variable tels que définis dans l'avenant, sa demande en rappel de salaire à ce titre est rejetée, le jugement étant infirmé à cet égard.

Sur la clause de non-concurrence

Le contrat de travail de M. [S] incluait, à son article 8, une clause de non-concurrence libellée de la façon suivante:

« Compte tenu de la nature de ses fonctions, le salarié s'interdit, en cas de cessation du présent contrat, quelle qu'en soit la cause :

- d'entrer au service d'une entreprise fabriquant ou vendant des articles pouvant concurrencer ceux de la Société MANIFESTO,

- de s'intéresser directement ou indirectement et sous quelque forme que ce soit à une entreprise de cet ordre.

Cette interdiction de concurrence est limitée à une période de 12 mois commençant le jour de

la cessation effective du contrat, et couvre l'ensemble du territoire français.

En contrepartie de l'obligation de non-concurrence prévue ci-dessus, le salarié percevra après la cessation effective de son contrat de travail et pendant toute la durée effective de cette interdiction, une indemnité forfaitaire égale à 50% de la base de son salaire brut fixe. L'indemnité sera versée mensuellement au salarié.

Toute violation de l'interdiction de concurrence, en libérant la société du versement de cette contrepartie, rend le salarié redevable envers elle d'une somme forfaitaire de six mois de salaires, calculée sur la base du montant mensuel moyen des douze derniers mois de salaires avant son départ effectif de l'entreprise, au titre de la clause pénale.

La Société pourra cependant libérer le salarié de l'interdiction de concurrence, et par là même, se dégager du paiement de l'indemnité prévue en contrepartie, soit à tout moment au cours de l'exécution du contrat, soit à l'occasion de sa cessation, sous réserve dans ce dernier cas de notifier sa décision par lettre recommandée avec avis de réception dans le délai d'un mois suivant la notification de la rupture du contrat de travail. »

Un avenant du 1er avril 2018 a ensuite réduit à une période de 6 mois la durée de l'interdiction de concurrence à compter du jour de la cessation effective du contrat.

Il est de jurisprudence constante que c'est à l'employeur qui se prétend libéré du versement de la contrepartie financière de la clause de non-concurrence qu'il incombe de prouver que le salarié n'a pas respecté cette clause. En cas de violation par le salarié de son obligation de non-concurrence, l'employeur est alors fondé à obtenir le remboursement de la contrepartie financière.

M. [S] demande que le rapport d'enquête établi par un détective privé à l'initiative de la société Manifesto soit écarté des débats.

Cette filature de M. [S], postérieurement à la rupture du contrat de travail, avait été décidée par la société Manifesto à la suite de la réception par celle-ci, sur l'ancienne adresse électronique du salarié, de courriels envoyés par une société tierce et destinés à M. [S], lesdits courriels pouvant montrer que ce dernier avait repris une activité chez un autre employeur exerçant potentiellement dans le même secteur d'activité que la société Manifesto. La filature de M. [S] était ainsi destinée à rechercher l'identité de son nouvel employeur.

La Cour de cassation a jugé que le procédé d'un employeur, qui avait fait suivre le salarié par une agence de détective privé pendant plusieurs heures, était attentatoire à la vie privée du salarié et constituait un comportement déloyal de l'employeur (Soc., 26 septembre 2018, pourvoi n° 17-16.020).

En l'espèce, la filature en cause n'était pas indispensable au droit à la preuve de la société Manifesto dès lors que celle-ci pouvait d'abord, ce qu'elle n'indique pas avoir fait, interroger la société tierce afin de lui demander le nom du nouvel employeur de M. [S]. En conséquence, le rapport du détective privé qui est communiqué par la société Manifesto est écarté des débats.

Toutefois, M. [S] reconnaît avoir été engagé par la société Pure trade après la rupture de son contrat de travail avec la société Manifesto et il demande même, dans le dispositif de ses conclusions d'appel, sans qu'il ne s'agisse d'une demande seulement présentée à titre subsidiaire, que la cour juge que la société Manifesto n'exerce pas une activité dans le même domaine que celui de la société Pure trade.

Il est de jurisprudence constante que la violation de la clause de non-concurrence du salarié s'apprécie au regard de l'activité réelle de l'entreprise et non par rapport à la définition statutaire de son objet.

En l'espèce, l'extrait Kbis de la société Pure trade mentionne une activité dans « L'import, l'export, l'achat et la vente de packaging, produits promotionnels et accessoires ». Il s'agit d'un objet social similaire à l'activité de la société Manifesto qui consiste en la conception, la création, la réalisation personnalisée d'objet promotionnels et de « packaging » pour des marques.

Toutefois, il ressort de la pièce n°2 communiquée par l'intimée que l'activité de la société Pure trade est exclusivement consacrée aux marques haut de gamme et du luxe dans les domaines de la cosmétique, la parfumerie et de la maroquinerie (Dior, Ralph Lauren, Rochas, Biotherm, Sisley etc). Si la société Manifesto soutient intervenir également dans le domaine du luxe, elle ne l'établit pas par les pièces produites et sa clientèle consiste très majoritairement en des marques dites grand public dans le secteur de la beauté (L'Oréal), l'édition (Atlas, Casterman), la grande distribution (Unilever) ou l'audiovisuel (France TV, Arte).

Le procès-verbal de constat dressé par un huissier de justice le 18 septembre 2018 dans les locaux de la société Pure trade, en vertu d'une ordonnance sur requête du président du tribunal de commerce obtenue par la société Manifesto, mentionne en page 7 que la liste des clients figurant dans le logiciel de la société Pure trade montre l'existence de « 3 clients communs » avec la société Manifesto.

Toutefois, la société Manifesto ne verse pas aux débats d'indication sur les noms de ces 3 clients et l'importance de ceux-ci dans le chiffre d'affaires de l'intimée. Il n'est pas non plus possible pour la cour de déterminer par les éléments communiqués si les relations commerciales de la société Manifesto avec ces 3 clients étaient anciennes et terminées ou étaient encore en cours à la date du procès-verbal de constat.

Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, la cour constate qu'il n'est pas démontré par la société Manifesto que M. [S], engagé par la société Pure trade dont l'activité était exclusivement exercée dans les secteurs haut de gamme et du luxe contrairement à celle de l'intimée, a contribué dans ses nouvelles fonctions à une activité concurrente de celle de la société Manifesto, la seule participation du salarié au salon Luxe pack ne suffisant pas à l'établir.

En conséquence, en l'absence de la démonstration d'une violation par M. [S] de sa clause de non-concurrence, la société Manifesto est déboutée, d'une part, de sa demande de remboursement par le salarié de l'indemnité qu'elle lui a versée en contrepartie de l'obligation de non-concurrence et, d'autre part, de sa demande en paiement d'une somme forfaitaire au titre du non-respect de cette obligation, le jugement étant infirmé sur ces chefs.

Sur les autres demandes

Le sort réservé aux demandes justifie qu'il soit fait masse des dépens qui seront partagés par moitié entre M. [S] et la société Manifesto et qu'aucune somme ne soit allouée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Infirme le jugement en toutes ses dispositions.

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,

Déboute les parties de l'ensemble de leurs demandes.

Dit qu'il est fait masse des dépens qui seront supportés par moitié par M. [S] et par moitié par la société Manifesto factory.

LA GREFFIERE, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 6
Numéro d'arrêt : 21/09010
Date de la décision : 26/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 03/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-26;21.09010 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award