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26/06/2024 | FRANCE | N°21/07623

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 6, 26 juin 2024, 21/07623


Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 6



ARRÊT DU 26 JUIN 2024





(n° 2024/ , 9 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/07623 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEISL



Décision déférée à la Cour : Jugement du 22 mars 2021 - Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 19/10046





APPELANTE

Madame [N] [Z]

[Adresse 2]

[Localité

1]

Représentée par Me Anaë PEREZ-AINCIART, avocat au barreau de PARIS



INTIMÉE

S.A.S. AXONE AUTOMOBILES

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentée par Me Cyrille GUENIOT, avocat au barre...

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 6

ARRÊT DU 26 JUIN 2024

(n° 2024/ , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/07623 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEISL

Décision déférée à la Cour : Jugement du 22 mars 2021 - Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 19/10046

APPELANTE

Madame [N] [Z]

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représentée par Me Anaë PEREZ-AINCIART, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉE

S.A.S. AXONE AUTOMOBILES

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentée par Me Cyrille GUENIOT, avocat au barreau de NANCY, toque : 084

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 30 avril 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Didier LE CORRE, président de chambre, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Monsieur Didier LE CORRE, président de chambre

Monsieur Christophe BACONNIER, président de chambre

Monsieur Stéphane THERME, conseiller

Greffier, lors des débats : Madame Alisson POISSON

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE,

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Didier LE CORRE, président de chambre, et par Gisèle MBOLLO, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCEDURE ET MOYENS DES PARTIES

Selon contrat de travail à durée indéterminée, Mme [Z] a été engagée en qualité de « secrétaire commerciale VN-VO confirmée » le 15 juillet 2015 par la société Axone automobiles.

Mme [Z] a été placée en arrêt de travail pour maladie à compter du 2 septembre 2019.

Elle a saisi le 13 novembre 2019 le conseil de prud'hommes de Paris afin de voir prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail.

Le 25 mai 2020, le médecin du travail a délivré un avis d'inaptitude de Mme [Z] à son poste avec la précision que l'état de santé de celle-ci faisait obstacle à tout reclassement dans un emploi.

Par lettre du 3 juillet 2020, la société Axone automobiles a notifié à Mme [Z] son licenciement pour inaptitude définitive et impossibilité de reclassement.

Par jugement du 22 mars 2021, le conseil de prud'hommes de Paris a rendu la décision suivante:

« Déboute Mme [N] [Z] de l'ensemble de ses demandes.

Déboute la société AXONE AUTOMOBILE de sa demande reconventionnelle.

Condamne la partie demanderesse au paiement des entiers dépens. »

Mme [Z] a relevé appel de ce jugement par déclaration transmise par voie électronique le 27 août 2021.

La constitution d'intimée de la société Axone automobiles a été transmise par voie électronique le 24 septembre 2021.

Dans ses dernières conclusions communiquées par voie électronique le 31 octobre 2022, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé des moyens, Mme [Z] demande à la cour de:

« SUR L'APPEL PRINCIPAL DE MADAME [N] [Z] :

INFIRMER en toutes ses dispositions le Jugement rendu par le Conseil de Prud'hommes de PARIS, le 22 mars 2021, en ce qu'il a débouté Madame [N] [Z] de l'ensemble de ses prétentions.

STATUANT DE NOUVEAU, IL EST DEMANDE A LA COUR D'APPEL DE PARIS DE :

A titre principal :

PRONONCER la résiliation judiciaire du contrat de travail de Madame [N] [Z] aux torts exclusifs de la Société AXONE AUTOMOBILES

En conséquence :

CONDAMNER la Société AXONE AUTOMOBILES au paiement des sommes suivantes :

- 16 200 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (6 mois) ;

- 8 100 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis ;

- 810 € au titre des congés payés afférents au préavis.

A titre subsidiaire :

CONSTATER que le licenciement de Madame [N] [Z] est dépourvu de toute cause réelle et sérieuse

En conséquence :

CONDAMNER la Société AXONE AUTOMOBILES au paiement des sommes suivantes :

- 16 200 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (6 mois) ;

- 8 100 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis ;

- 810 € au titre des congés payés afférents au préavis.

- 2 700 € à titre d'indemnité pour licenciement irrégulier ;

En tout état de cause :

CONDAMNER la Société AXONE AUTOMOBILES au paiement des sommes suivantes :

- 2 700 € à titre de dommages et intérêts pour remise tardive d'une attestation Pôle Emploi conforme ;

- 5 000 € à titre de dommages et intérêts pour violation du droit au repos ;

- 10 000 € à titre de dommages et intérêts pour préjudice distinct de la rupture du contrat de travail (manquement à l'obligation de sécurité de résultat, préjudice de santé, et exécution déloyale du contrat de travail).

- 5 000 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

CONDAMNER la Société AXONE AUTOMOBILES à verser à Madame [N] [Z] la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

ASSORTIR l'ensemble des condamnations des intérêts légaux et prononcer la capitalisation des intérêts,

CONDAMNER LA Société AXONE AUTOMOBILES au paiement des entiers dépens.

SUR L'APPEL INCIDENT DE LA SOCIETE AXONE AUTOMOBILES :

CONFIRMER le Jugement rendu par le Conseil de Prud'hommes de PARIS, le 22 mars 2021, en ce qu'il a débouté la Société AXONE AUTOMOBILES de l'ensemble de ses demandes reconventionnelles ;

DEBOUTER la Société AXONE AUTOMOBILES de l'ensemble de ses demandes formées en cause d'appel. »

Dans ses dernières conclusions communiquées par voie électronique le 30 janvier 2023, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé des moyens, la société Axone automobiles demande à la cour de:

« SUR L'APPEL PRINCIPAL

Confirmer le jugement en ce qu'il déboute Madame [N] [Z] de l'intégralité de ses demandes.

Ainsi,

Confirmer le jugement en ce qu'il :

- Juge que la Société AXONE AUTOMOBILES n'a commis aucun manquement grave de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail ;

- Déboute en conséquence Madame [Z] de la demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de son employeur ;

- Juge que le licenciement de Madame [Z] pour inaptitude et impossibilité de reclassement est bien fondé et régulier en la forme ;

- Déboute en conséquence Madame [Z] de toutes demandes liées au licenciement (préavis, congés payés sur préavis, indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, dommages et intérêts pour licenciement irrégulier) ;

- Déboute Madame [Z] de toutes ses autres demandes (dommages et intérêts pour violation du droit au repos, dommages et intérêts pour préjudice distinct).

En conséquence,

- Débouter Madame [Z] de l'ensemble de ses demandes.

Confirmer le jugement du Conseil de prud'hommes en ce qu'il condamne Madame [Z] aux entiers dépens.

Ainsi,

- Condamner Madame [N] [Z] aux dépens.

A TITRE INCIDENT

SUR L'ARTICLE 700 DU CODE DE PROCEDURE CIVILE

A titre principal :

- Acter de ce que Madame [N] [Z] n'a pas interjeté appel du chef de demande tendant à la condamnation de la Société AXONE AUTOMOBILES sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- Juger en conséquence que la Cour d'appel n'a pas été saisie de demande de Madame [N] [Z] sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- Juger que la demande formulée dans les conclusions d'appelant est de ce fait irrecevable et l'en débouter.

A titre subsidiaire :

- Confirmer le jugement en ce qu'il a débouté Madame [Z] de sa demande au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

En tout état de cause :

Infirmer le jugement du Conseil de prud'hommes en ce qu'il déboute la Société AXONE AUTOMOBILES de sa demande reconventionnelle sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Statuant à nouveau,

- Condamner Madame [Z] à payer à la Société AXONE AUTOMOBILES la somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile. »

L'ordonnance de clôture a été rendue le 23 janvier 2024.

MOTIFS

Sur la résiliation du contrat de travail

Cette demande ayant été formée judiciairement avant le licenciement de Mme [Z], elle doit être examinée en premier lieu.

Il est de jurisprudence constante qu'un salarié peut demander la résiliation judiciaire de son contrat de travail en raison de manquements de son employeur à ses obligations, suffisamment graves pour rendre impossible la poursuite du contrat de travail. C'est au salarié qui sollicite la résiliation judiciaire du contrat de travail qu'il incombe de rapporter la preuve que l'employeur a commis des manquements suffisamment graves à ses obligations de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail.

En l'espèce, Mme [Z] fonde sa demande de résiliation sur trois motifs: la violation des obligations de l'employeur en matière de droit au repos, la dégradation volontaire de ses conditions de travail, la violation par la société Axone automobiles de son obligation de sécurité.

S'agissant de la violation des obligations de l'employeur en matière de droit au repos, Mme [Z] invoque d'une part le dépassement du forfait annuel en jours et la surcharge de travail, et d'autre part le refus soudain par l'employeur de prise de congés.

En l'occurrence, le contrat de travail de Mme [Z] organisait sa durée de travail selon un forfait annuel en jours de 218 jours.

Il résulte de l'article L.3121-65 du code du travail qu'une convention individuelle de forfait en jours peut être valablement conclue sous réserve du respect de différentes dispositions dont notamment l'organisation par l'employeur, une fois par an, d'un entretien avec le salarié pour évoquer sa charge de travail, qui doit être raisonnable, l'organisation de son travail, l'articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle ainsi que sa rémunération.

En l'espèce, Mme [Z] reproche à la société Axone automobiles des dépassements chaque année de son forfait annuel et de ne pas avoir mis en oeuvre de mesures concrètes permettant de garantir son droit au repos effectif alors qu'il lui appartenait de protéger sa salariée contre toute surcharge de travail prolongée et que la société, qui a la responsabilité de la surveillance de la charge de travail des salariés, n'a pas permis à l'appelante de prendre tous ses jours de repos.

La société Axone automobiles expose que Mme [Z] ne s'était jamais plainte avant sa lettre recommandée du 27 mars 2019 de ce qu'elle ne parvenait pas à prendre tous ses jours de congés et, qu'à la suite de cette lettre, « la société a été particulièrement arrangeante » en proposant de lui attribuer 10 jours de congés payés à titre de récupération.

Toutefois, dans sa lettre du 27 mars 2019, Mme [Z] se plaignait de ne pas avoir eu de réponse à ses demandes d'information antérieures « sur les modalités de récupération des jours travaillés en cas de dépassement du forfait annuel » et récapitulait avoir « cumulé un total de 23 jours travaillés en plus par rapport à mon contrat de travail dont 15 jours pour l'année 2016 et 8 jours pour l'année 2017 ».

Dans le courriel de réponse à cette lettre, daté du 12 juin 2019, la société Axone automobiles écrit notamment « vous nous faites part d'un reliquat de congés non pris pour les années 2016 et 2017, écart entre les forfaits jours (218) et les jours réellement travaillés. De notre côté, le calcul en donnait 15! Comme je vous l'ai expliqué, en accord avec le code du travail, les congés non pris dans la période sont considérés comme perdus. S'agissant d'une gestion sociale ne m'appartenant pas et dans un souci de conciliation, je vous ai proposé de vous en attribuer 10 ».

Il résulte de ce courriel que le forfait annuel en jours n'avait pas été respecté depuis 2016 mais que la société Axone automobiles considérait que les jours travaillés en trop par Mme [Z] en 2016 et 2017 n'étaient pas récupérables et que, pour l'année 2018, si le dépassement du forfait portait sur 15 jours la société n'acceptait qu'une récupération partielle à hauteur de 10 jours.

Il convient de constater que ces non-respects successifs depuis 2016 du nombre de jours de travail de Mme [Z] fixé contractuellement, dans le cadre du forfait annuel en jours, est imputable à la société Axone automobiles qui n'a pas mis en oeuvre de suivi de la charge de travail induite par ce forfait et du nombre de jours travaillés par la salariée, notamment par la mise en place de l'entretien annuel visé par l'article L.3121-65 du code du travail. En effet, contrairement à ce que soutient l'intimée, il n'appartenait pas seulement à la salariée de demander à bénéficier du nombre de jours de repos auquel son forfait lui donnait droit mais il incombait aussi et surtout à l'employeur de veiller à ce que le maximum de jours de travail prévu dans le forfait soit respecté. En cela, la société Axone automobiles a donc manqué à ses obligations tant contractuelles que légales, manquements ayant entraîné pour Mme [Z] la perte définitive de droits à congés payés.

Il est indifférent, au regard du non-respect par la société Axone automobiles de ses obligations, que Mme [Z] ait finalement accepté la proposition de 10 jours de récupération puisque celle-ci, qui était l'unique offre faite par la société, ne lui permettait de toute façon pas de recouvrer la totalité des jours de congés payés dont elle aurait dû bénéficier si la société Axone automobiles avait assuré le respect des dispositions du forfait annuel en jours. L'intimée ne peut davantage se prévaloir d'une tardiveté dans la réclamation de Mme [Z] quant au respect de ses droits issus du forfait puisque c'était à l'employeur de veiller au respect annuel des dispositions applicables audit forfait.

Compte tenu de la répétition depuis 2016 des manquements de l'employeur à ses obligations consécutives à la mise en place dans le contrat de travail de Mme [Z] d'un forfait annuel en jours et à la perte de jours de congés payés en ayant résulté pour la salariée, la cour constate l'existence de manquements suffisamment graves de la société Axone automobiles à ses obligations contractuelles pour rendre impossible la poursuite du contrat de travail de Mme [Z], la saisine du conseil de prud'hommes le 13 novembre 2019 n'étant pas tardive au regard de ces manquements, étant relevé que ce n'est qu'en juin 2019 que la société Axone automobiles a informé la salariée de la perte définitive de ses congés payés des années antérieures.

Il convient donc, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres motifs qui étaient invoqués par la salariée au soutien de sa demande de résiliation, de prononcer, par infirmation du jugement, la résiliation judiciaire du contrat de travail de Mme [Z] à la date d'envoi de la lettre de licenciement, le 3 juillet 2020, cette résiliation judiciaire produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Le jugement est infirmé sur ce chef.

Sur la demande de dommages-intérêts pour remise tardive d'une attestation Pôle Emploi conforme

Il résulte des éléments versés aux débats que, suite au licenciement de Mme [Z] le 3 juillet 2020, la société Axone automobiles lui a délivré le 10 juillet 2020 une attestation destinée à Pôle Emploi qui n'était pas conforme puisque ne mentionnant pas ses salaires des 12 mois précédents. A la suite de la réclamation de Mme [Z], la société Axone automobiles lui a délivrée le 7 août 2020 une nouvelle attestation qui était également non conforme puisque non signée par la société. Ce n'est que le 21 septembre 2020 que la société Axone automobiles a adressé à Mme [Z] une attestation conforme.

Si Mme [Z] ne justifie pas que le retard dans le début de son indemnisation par Pôle Emploi n' pas donné lieu ensuite à une régularisation par cet organisme des sommes dues à la salariée, celle-ci a néanmoins subi un préjudice ayant consisté, d'une part, à devoir relancer son employeur pour que celui-ci respecte son obligation légale de délivrer une attestation exempte d'erreurs à destination de Pôle Emploi et, d'autre part, à ne pas avoir reçu les versements auxquels elle avait droit de Pôle Emploi avant au moins le 21 septembre 2020 alors qu'elle avait été licenciée le 3 juillet précédent.

Par conséquent, il convient, par infirmation du jugement, de condamner la société Axone automobiles à payer à Mme [Z] la somme de 1 000 euros à titre de dommages-intérêts pour remise tardive d'une attestation Pôle Emploi conforme.

Sur la demande de dommages-intérêts pour violation du droit au repos

Le non-respect par la société Axone automobiles du nombre de jours travaillés maximum prévu contractuellement dans le forfait annuel en jours de Mme [Z] et des droits à congés payés en résultant a entraîné une violation du droit au repos de la salariée.

Par conséquent, la société Axone automobiles est condamnée à payer à Mme [Z] la somme de 1 000 euros à titre de dommages-intérêts pour violation du droit au repos, le jugement étant infirmé de ce chef.

Sur la demande de dommages-intérêts pour préjudice de santé

Dans le dispositif de ses conclusions, Mme [Z] fonde cette demande de dommages-intérêts notamment sur le manquement de l'employeur à son obligation de sécurité et l'exécution déloyale du contrat de travail. Toutefois, dans la partie « discussion » de ses conclusions consacrée à cette demande, Mme [Z] n'invoque pas ces fondements juridiques et se borne à se prévaloir d'un « préjudice distinct » relatif à la santé.

Il est de jurisprudence constante que le salarié justifiant, en raison des circonstances vexatoires ou brutales de la rupture de son contrat de travail, d'un préjudice distinct du licenciement lui-même, peut obtenir des dommages et intérêts en réparation de ce préjudice. Il peut prétendre à cette indemnité que son licenciement ait été jugé sans cause réelle et sérieuse ou fondé sur une cause réelle et sérieuse ou une faute grave.

En l'espèce, Mme [Z], qui opère une confusion entre plusieurs notions juridiques, ne justifie pas de circonstances vexatoires dans la rupture de son contrat de travail, et ce d'autant que celui-ci est rompu par le prononcé de la résiliation judiciaire.

Mme [Z] est donc déboutée de sa demande de dommages-intérêts pour préjudice distinct de santé, le jugement étant confirmé de ce chef.

Sur les conséquences financières de la rupture

a) La résiliation judiciaire prononcée produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, le salarié peut prétendre à une indemnité compensatrice de préavis nonobstant le fait qu'il ait été licencié pour inaptitude médicale non professionnelle.

Si Mme [Z] ne précise pas sur quel article conventionnel elle fonde sa demande à bénéficier d'un préavis de trois mois, il convient de constater que la demande ne fait l'objet d'aucune contestation de la société Axone automobiles quant à ce nombre de mois.

En l'état des documents produits, il est retenu un salaire mensuel moyen de 2 700 euros bruts pour Mme [Z].

L'indemnité compensatrice de préavis est égale à la rémunération totale qui aurait été perçue si le salarié avait accompli son préavis.

Par conséquent, la société Axone automobiles est condamnée à payer à Mme [Z] la somme de 8 100 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre la somme de 810 euros au titre des congés payés afférents.

b) Les dispositions de l'article L.1253-3 du contrat de travail, dans leur rédaction issue de l'ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017, applicable au litige, prévoient l'octroi au salarié, dans les entreprises de plus de 11 salariés, d'une indemnité à la charge de l'employeur dont le montant est compris entre un minimum et un maximum de mois de salaire brut selon l'ancienneté du salarié dans l'entreprise, celle-ci n'étant calculée que sur le fondement d'années complètes.

Mme [Z] ayant été engagé le 15 juillet 2015 et licenciée par lettre du 3 juillet 2020, son ancienneté est donc de 4 années complètes. Le montant minimal de l'indemnité est ainsi de trois mois de salaire brut et le montant maximal prévu est de cinq mois de salaire brut.

En considération des circonstances de la rupture ainsi que de la situation particulière de la salariée tenant notamment à son âge, son état de santé et à sa capacité à retrouver un emploi, il convient de condamner la société Axone automobiles à payer à Mme [Z] la somme de 10 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

c) Enfin, en application de l'article L.1235-4 du contrat de travail, il convient d'ordonner le remboursement par la société Axone automobiles à Pôle Emploi des indemnités de chômage versées à Mme [Z] entre le jour de la rupture du contrat de travail et le jour du jugement, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage.

Sur les autres demandes

Les intérêts au taux légal courent à compter de la réception par l'employeur de la convocation à comparaître devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes pour les créances salariales échues à cette date et à compter de leur exigibilité pour les créances salariales dues postérieurement. Les intérêts au taux légal courent à compter de la présente décision pour les dommages-intérêts alloués. En outre, il est précisé que les intérêts échus produisent eux-mêmes intérêts au taux légal en application des dispositions de l'article 1343-2 du code civil.

La société Axone automobiles succombant, elle est condamnée aux dépens de la procédure de première instance et de la procédure d'appel en application de l'article 696 du code de procédure civile.

La demande au titre des frais irrépétibles étant recevable contrairement à ce que soutient la société Axone automobiles, il paraît équitable de condamner celle-ci à payer à Mme [Z] la somme de 3 000 euros, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, pour la procédure d'appel.

PAR CES MOTIFS

Infirme le jugement sauf en ce qu'il a débouté Mme [Z] de sa demande de dommages-intérêts pour préjudice distinct de santé.

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,

Prononce la résiliation judiciaire du contrat de travail de Mme [Z], aux torts de la société Axone automobiles, à la date du 3 juillet 2020.

Dit que cette résiliation judiciaire produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Condamne la société Axone automobiles à payer à Mme [Z] les sommes de:

- 1 000 euros à titre de dommages-intérêts pour remise tardive d'une attestation Pôle Emploi conforme;

- 1 000 euros à titre de dommages-intérêts pour violation du droit au repos;

- 8 100 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 810 euros au titre des congés payés sur préavis.

- 10 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Dit que les intérêts au taux légal courent à compter de la réception par l'employeur de la convocation à comparaître devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes pour les créances salariales échues à cette date et à compter de leur exigibilité pour les créances salariales dues postérieurement.

Dit que les intérêts au taux légal courent à compter de la présente décision pour les dommages-intérêts alloués.

Dit que les intérêts échus produisent eux-mêmes intérêts au taux légal en application des dispositions de l'article 1343-2 du code civil.

Ordonne le remboursement par la société Axone automobiles à Pôle Emploi des indemnités de chômage versées à Mme [Z] entre le jour de la rupture du contrat de travail et le jour du jugement, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage.

Condamne la société Axone automobiles à payer à Mme [Z] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et la déboute de sa demande à ce titre.

Condamne la société Axone automobiles aux dépens de la procédure de première instance et de la procédure d'appel

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 6
Numéro d'arrêt : 21/07623
Date de la décision : 26/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 03/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-26;21.07623 ?
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