Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 2
ARRET DU 26 JUIN 2024
(n° , 7 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/18073 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CCZKJ
Décision déférée à la Cour : Jugement du 18 Novembre 2020 -TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de FONTAINEBLEAU - RG n° 18/01114
APPELANTE
Madame [B] [U] veuve [A]
née le 20 juillet 1939 à [Localité 6] (94)
[Adresse 2]
[Localité 5]
Représentée par Me Flavie MARIS-BONLIEU de la SCP BOUAZIZ - SERRA - AYALA - BONLIEU - LE MEN - HAYOUN, avocat au barreau de FONTAINEBLEAU
INTIME
SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES RESIDENCE LES HESPERIDES [Adresse 3] représenté par son administrateur provisoire, la société PERENIUM prise en la personne de M. [M] [D], immatriculée au RCS de Paris sous le numéro 505 302 422
C/0 Société PERENIUM (Monsieur [M] [D])
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représenté par Me Philomène CONRAD, avocat au barreau de PARIS, toque : D1958
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 25 Avril 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. Jean-Loup CARRIERE, Président de Chambre, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
M. Jean-Loup CARRIERE, Président de Chambre
Mme Perrine VERMONT, Conseillère
Mme Caroline BIANCONI-DULIN, Conseillère
Greffier, lors des débats : Mme Dominique CARMENT
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Jean-Loup CARRIERE, Président de Chambre et par Dominique CARMENT, Greffière présente lors de la mise à disposition.
* * * * * * * * * *
FAITS & PROCÉDURE
Mme [B] [U] veuve [A] était propriétaire indivise des lots n° 106, 107, 235 et 374 de l'état descriptif de division de l'immeuble régi par le statut de la copropriété des immeubles bâtis dénommé résidence Les Hespérides, située [Adresse 3] à [Localité 7].
Suivant acte authentique du 14 février 2013, elle a vendu avec les autres indivisaires ces biens par devant l'office notarial de Maître [X] [L], notaire à [Localité 8].
Par courrier du 30 janvier 2013, la société Sopregi, syndic du syndicat des copropriétaires de la résidence Les Hespérides a indiqué au notaire que Mme [B] [A] restait devoir au titre des charges de copropriété la somme de 15.445,57 €. Cette somme a été consignée en l'étude de Maître [L].
Par acte d`huissier en date du 8 novembre 2018, Mme [B] [A] a assigné le syndicat des copropriétaires de la Résidence les Hespérides représenté par son administrateur provisoire, M. [C] [O], devant le tribunal de grande instance de Fontainebleau aux fins d'ordonner la mainlevée et la libération des fonds.
Le syndicat des copropriétaires de la résidence Les Hespérides a soulevé la prescription de l'action engagée par Mme [A] au visa de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1996 modifié par la loi du 24 mars 2014.
Par jugement du 18 novembre 2020 le tribunal judiciaire de Fontainebleau a :
- dit que l'action de Mme [B] [U] est prescrite,
- déclaré en conséquence, Mme [B] [U] irrecevable en son action,
- condamné Mme [B] [U] aux dépens,
- débouté les parties pour le surplus.
Mme [B] [U] veuve [A] a relevé appel de ce jugement par déclaration remise au greffe le 11 décembre 2020.
La procédure devant la cour a été clôturée le 27 mars 2024.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Vu les conclusions en date du 25 janvier 2024 par lesquelles Mme [B] [U] veuve [A], appelante, invite la cour, au visa des articles 19-1 et 20 de la loi du 10 juillet 1965 et 5-1 du décret du 17 mars 1967, à :
- la déclarer recevable en son action comme non prescrite,
-constater l'absence d'opposition régulière,
subsidiairement,
- prononcer la nullité de l'opposition,
- en ordonner la mainlevée,
en tout état de cause,
- ordonner la libération des fonds, soit la somme totale de 15.455,57 €, à son profit,
- condamner le syndicat des copropriétaires de la résidence Les Hespérides aux dépens avec application de l'article 699 du code de procédure civile, ainsi qu'à lui payer la somme de 5.000 € par application de l'article 700 du même code ;
Vu les conclusions en date du 26 mars 2024 et du 11 avril 2024, ces dernières venant uniquement actualisé l'identité du représentant légal, par lesquelles le syndicat des copropriétaires de la résidence Les Hespérides, sise [Adresse 3] à [Localité 7], représenté par son administrateur provisoire, la société par actions simplifiée unipersonnelle Perenium prise en la personne de M. [M] [D], intimé, demande à la cour, au visa des articles l'article 2222 du code civil, 20 de la loi du 10 juillet 1965, 5-1 du décret du 17 mars 1967, L.213-6 du code de l'organisation judiciaire et R.121-1 du code des procédures civiles d'exécution, de :
- confirmer le jugement,
- déclarer la demande de Mme [B] [U] veuve [A] irrecevable car prescrite,
subsidiairement,
- déclarer mal fondée la demande de Mme [B] [U] veuve [A] en déblocage à son profit du séquestre de la somme de 15.455,57 €
- débouter Mme [B] [U] veuve [A] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
- le déclarer fondé à demander à l'Etude de Maître [X] [L] le déblocage à son profit de la somme de 15.455,57 € dont il est demeuré séquestre,
- condamner Mme [B] [U] veuve [A] aux dépens, ainsi qu'à lui payer la somme de 3.000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile ;
MOTIFS
La cour se réfère, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens échangés et des prétentions des parties, à la décision déférée et aux dernières conclusions échangées en appel ;
En application de l'article 954 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions ;
Sur la prescription
Sur l'existence d'une opposition au prix de vente fondée sur l'article 20 de la loi du 10 juillet1965
L'article 20 de la loi du 10 juillet 1965 en vigueur au 31 janvier 2013 dispose :
'[...] Avant l'expiration d'un délai de quinze jours à compter de la réception de cet avis,
le syndic peut former au domicile élu, par acte extrajudiciaire, opposition au versement des
fonds dans la limite ci-après pour obtenir le paiement des sommes restant due par l'ancien
propriétaire. Cette opposition contient élection de domicile dans le ressort du tribunal de
grande instance de la situation de l'immeuble et, à peine de nullité, énonce le montant et
les causes de la créance. Les effets de l'opposition sont limités au montant ainsi énoncé.
Tout paiement ou transfert amiable ou judiciaire du prix opéré en violation des dispositions
de l'alinéa précédent est inopposable au syndic ayant régulièrement fait opposition.
L'opposition régulière vaut au profit du syndicat mise en oeuvre du privilège mentionné à
l'article 19-1' ;
La loi du 24 mars 2014 a modifié l'article 20 de la loi du 10 juillet 1965 dans les termes
suivants :
'... Le notaire libère les fonds dès l'accord entre le syndic et le vendeur sur les sommes
restant dues. A défaut d'accord, dans un délai de trois mois après la constitution par le
syndic de l'opposition régulière, il verse les sommes retenues au syndicat, sauf contestation
de l'opposition devant les tribunaux par une des parties';
Des pièces uniquement produites par Mme [A], il ressort ce qui suit :
- le 30 janvier 2013 le syndic a adressé à Maître [L], notaire chargé de la vente des lots de Mme [A] un récapitulatif des sommes dues par cette dernière au syndicat des copropriétaires (pièce [A] n° 2) ; selon ce document, Mme [A] était débitrice de la somme de 15.455,57 € au titre de l'arriéré des charges de la période courant du 1er juillet 2010 (appel 3ème trimestre 2010) au 30 janvier 2013, (appel 1er trimestre 2013inclus),
- suivant acte authentique du 14 février 2013 reçu par Maître [L], notaire à [Localité 8], Mme [A] a vendu à M. & Mme [Y] les lots n° 106, 107, 235 et 374 dont elle était propriétaire dans l'immeuble du [Adresse 3] à [Localité 7] au prix de 160.000 € (pièce [A] n°1),
- le 21 février 2013 le notaire a séquestré à la demande du syndic la somme de 15.706,73 € correspondant à l'arriéré des charges dues par Mme [A] (15.455,57 €) et aux honoraires de mutation (251,16 €) (pièce [A] n° 3),
- par courrier du 21 février 2014 Maître [L] a écrit à Mme [A] : 'je vous confirme que nous détenons un séquestre d'un montant de 15.445,57 € concernant le litige avec le syndic' (pièce [A] n° 10) ;
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 27 janvier 2020 (AR signé le 29 janvier 2020) l'avocat de Mme [A] a demandé à Maître [L] de lui transmettre 'l'avis de mutation que vous avez adressé à la SAS Sopregi et l'opposition qui a dû vous être dénoncé par huissier de justice' (pièce [A] n° 21) ; cette demande n'a pas été suivie d'effet, le syndicat expliquant qu'il ne possède pas ces documents et qu'il les a lui aussi vainement demandé à son ancien syndic et à l'ancien administrateur provisoire de la copropriété qui lui ont répondu qu'ils ne les avaient pas non plus (pièces syndicat n° 11 à 13) ;
Au cours de la procédure de première instance, Mme [A] a fait sommation au syndicat des copropriétaires, le 13 Juin 2019, d'avoir à communiquer :
- l'avis de mutation adressé par Maître [L] suite à la vente du 14 février 2013,
- l'opposition régularisée par le syndic suite à l'avis de mutation ;
Le syndicat des copropriétaires n'a pas déféré à cette sommation de communiquer pour les motifs exposés plus haut ;
Le syndicat des copropriétaires, auquel incombe la charge de la preuve de la régularité de l'opposition au prix de vente, ne justifie pas avoir formé par acte extrajudiciaire opposition au versement des fonds pour obtenir le paiement des sommes restant dues par l'ancien propriétaire ; en réalité, le syndicat ne verse aux débats aucune pièce de nature à justifier du bien fondé de sa demande de déblocage à son profit de la somme de 15.455,57 € dont le notaire rédacteur de l'acte de vente est demeuré séquestre ;
A l'inverse du tribunal, la cour retient qu'il n'existe aucune opposition valable par application de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1965, mais uniquement un séquestre d'une partie du prix de vente des lots de Mme [A] à hauteur de la somme de 15.455,57 € conservé par le notaire instrumentaire à la demande du syndic suivant sa demande du 30 janvier 2013 et dont la mainlevée est réclamée à leur égard par les deux parties ;
Il en résulte que les moyens des parties relatifs à l'application ou non de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1965 dans sa rédaction issue de la loi du 24 mars 2014 sont inopérants ;
Sur la prescription
L'action en mainlevée du séquestre et en attribution de la somme de 15.455,57 € formulée en premier lieu par Mme [A] au terme de l'acte introductif d'instance du 8 novembre 2018 est soumise à la prescription qui régit les actions personnelles ou mobilières ;
Il ne s'agit pas d'une action personnelle née de l'application de la loi du 10 juillet 1965, de sorte que l'article 42 de la loi du 10 juillet 1965 n'est pas applicable ;
Il résulte de l'article 2224 du code civil dans sa rédaction issue de la loi du 17 juin 2008, que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ;
La somme séquestrée entre les mains du notaire représente l'arriéré des charges de la période courant du 1er juillet 2010 (appel 3ème trimestre 2010) au 30 janvier 2013, (appel 1er trimestre 2013inclus), étant précisé qu'il n'existe pas de solde débiteur antérieur au 1er juillet 2010 ;
Il n'est pas contesté que les comptes de la période considérée ont été annulés (pièces [A] n° 4 à 16) ;
Les résolutions approuvant les comptes des exercices 2006 à 2011 ont été annulées par jugements du tribunal de grande instance de Fontainebleau des 18 février 2015, 4 mars 2015, 20 mai 2015 et 22 juillet 2015 ; les résolutions votant les budgets prévisionnels de 2012 et 2013 ont été annulées par jugement du même tribunal du 2 décembre 2015 ; les résolutions votant les budgets de fonctionnement pour les exercices 2011 et 2012, le budget rectificatif 2011 et le budget prévisionnel 2012 ont été annulées par le même tribunal par un second jugement du 2 décembre 2015 ; ces jugements sont devenus définitifs ;
En application de l'article 224 précité, le point de départ du délai de prescription de 5 ans, à savoir à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer, doit être fixé à la date où les jugements annulant les résolutions des assemblées générales qui avaient approuvé les comptes des exercices clos et voté les budgets prévisionnels des exercices suivants ont acquis force de chose jugée plus tard ; l'acte introductif d'instance a été délivré le 8 novembre 2018, soit largement avant l'expiration du délai de 5 ans puisqu'il est intervenu 3 ans après les jugements ;
Le jugement doit donc être infirmé en ce qu'il a dit que l'action de Mme [B] [U] veuve [A] est prescrite et l'a déclaré irrecevable en son action en application de l'article 122 du code de procédure civile ;
Mme [B] [U] veuve [A] doit donc être déclarée recevable en son action ;
Sur la demande de Mme [A] de libération des fonds à son profit et la demande du syndicat des copropriétaires de déblocage de ces mêmes fonds à son profit
Du fait de l'annulation des résolutions approuvant les comptes et les budgets prévisionnels des exercices de la période courant du 1er juillet 2010 (appel 3ème trimestre 2010) au 30 janvier 2013, (appel 1er trimestre 2013inclus), le syndicat des copropriétaires ne justifie pas d'une créance de charges certaine, liquide et exigible à l'égard de Mme [A] ;
Le syndicat des copropriétaires ne peut valablement se retrancher derrière le fait qu'à la date à laquelle les sommes ont été séquestrées entre les mains du notaire les résolutions approuvant les comptes et votant les budgets prévisionnels étaient valables puisqu'il n'a jamais demandé au notaire de lui verser les fonds ; à la date où la cour statue, les comptes de cette période n'ont toujours pas été approuvés par une assemblée générale ; de plus, s'il y aura éventuellement une régularisation qui pourrait être remboursée aux copropriétaires comme le soutient le syndicat, il y a lieu de rappeler que Mme [A] n'est plus copropriétaire dans l'immeuble depuis plus de 10 ans, de sorte que les éventuels remboursements ne pourraient concernés que les propriétaires actuels des lots ayant, jadis, appartenu à Mme [A] ;
Il convient par conséquent d'ordonner la libération de la somme de 15.455,57 € séquestré entre les mains de Maître [L], notaire, au profit de Mme [B] [U] veuve [A] ;
Le syndicat des copropriétaires doit être débouté de sa demande tendant à ce que soit ordonnée la libération des fonds, soit la somme totale de 15.455,57 €, à son profit ;
Sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile
Le sens du présent arrêt conduit à infirmer le jugement déféré en ce qui concerne le sort des dépens de première instance et l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Le syndicat des copropriétaires, partie perdante, doit être condamné aux dépens de première instance et d'appel, ainsi qu'à payer à Mme [B] [U] veuve [A] la somme de 4.000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile ;
La solution donnée au litige emporte le rejet de la demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile formulée par le syndicat des copropriétaires ;
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Statuant par mise à disposition au greffe, contradictoirement,
Infirme le jugement ;
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Déclare recevable l'action engagée par Mme [B] [U] veuve [A] ;
Ordonne la libération de la somme de 15.455,57 € séquestrée entre les mains de Maître [L], notaire, au profit de Mme [B] [U] veuve [A] ;
Condamne le syndicat des copropriétaires de la résidence Les Hespérides [Adresse 3] à [Localité 7], représenté par son administrateur provisoire, la SASU Perenium prise en la personne de M. [M] [D] aux dépens de première instance et d'appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, ainsi qu'à payer à Mme [B] [U] veuve [A] la somme de 4.000 € par application de l'article 700 du même code ;
Rejette toute autre demande.
LA GREFFIERE LE PRESIDENT