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26/06/2024 | FRANCE | N°20/17099

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 5, 26 juin 2024, 20/17099


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 4 - Chambre 5



ARRET DU 26 JUIN 2024



(n° /2024, 14 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/17099 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CCWSZ



Décision déférée à la Cour : jugement du 10 novembre 2020 - tribunal judiciaire de PARIS RG n° 18/04176



APPELANTS



Monsieur [O] [K]

[Adresse 4]

[Localité 7]



Représenté par Me Caroline HATET-SAUVAL

de la SELARL CAROLINE HATET AVOCAT, avocat au barreau de PARIS, toque : L0046

Ayant pour avocat plaidant à l'audience Me Mario TENDEIRO, avocat au barreau de PARIS



S.A.S.U. JAZIA FOOD agissant...

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 5

ARRET DU 26 JUIN 2024

(n° /2024, 14 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/17099 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CCWSZ

Décision déférée à la Cour : jugement du 10 novembre 2020 - tribunal judiciaire de PARIS RG n° 18/04176

APPELANTS

Monsieur [O] [K]

[Adresse 4]

[Localité 7]

Représenté par Me Caroline HATET-SAUVAL de la SELARL CAROLINE HATET AVOCAT, avocat au barreau de PARIS, toque : L0046

Ayant pour avocat plaidant à l'audience Me Mario TENDEIRO, avocat au barreau de PARIS

S.A.S.U. JAZIA FOOD agissant en la personne de son représentant légal domicilié

en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 8]

Représentée par Me Caroline HATET-SAUVAL de la SELARL CAROLINE HATET AVOCAT, avocat au barreau de PARIS, toque : L0046

Ayant pour avocat plaidant à l'audience Me Mario TENDEIRO, avocat au barreau de PARIS

INTIMEES

S.A. ALLIANZ IARD agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 9]

Représentée par Me Frédéric INGOLD de la SELARL INGOLD & THOMAS - AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : B1055

Ayant pour avocat plaidant Me Stéphane JEAMBON, substitué à l'audience par Me Henri DAUDET, avocats au barreau de Paris

S.A.S.U. EIFFAGE CONSTRUCTION TERTIAIRE prise en la personne de son président, domicilié en cette qualité audit siège,

[Adresse 3]

[Localité 10]

Représentée par Me Audrey SCHWAB de la SELARL 2H Avocats à la cour, avocat au barreau de PARIS, toque : L0056

Ayant pour avocat plaidant Me Emmanuelle BOCK, substituée à l'audience par Me Juliette LEVI-BOUQUET, avocats au barreau de PARIS

S.C.I. CITE [Localité 11] prise en la personne de son représentant, domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 6]

[Localité 5]

Représentée par Me Gérald LAGIER de la SELARL ARIES AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : A310 substitué à l'audience par Me Aurélie REBIBO, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 2 avril 2024, en audience publique, devant la Cour composée de :

M. Ludovic JARIEL, président de chambre

Mme Sylvie DELACOURT, présidente faisant fonction de conseillère

Mme Viviane SZLAMOVICZ, conseillère

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par M. Ludovic Jariel dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.

Greffière, lors des débats : Mme Céline RICHARD

ARRET :

- contradictoire.

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Sylvie DELACOURT, présidente faisant fonction de conseillère pour le président empêché et par Manon CARON, greffière, présente lors de la mise à disposition.

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

La société Cité [Localité 11] est bénéficiaire d'une autorisation d'occupation temporaire du domaine public de l'Etat portant sur la 4ème travée du bâtiment accueillant le musée de la cité des sciences de l'industrie dans le parc de la [Localité 11] à [Localité 5], remis en dotation à l'établissement public la Cité des sciences, devenue Universcience.

En février 2005, la Cité des sciences et de l'industrie a lancé une consultation en vue de la présentation de projets de réhabilitation, d'aménagement et d'exploitation de cette 4ème travée, à l'issue de laquelle le projet de la société Cité [Localité 11] a été retenu.

Ce projet consistait en la création d'un centre de commerce et de loisirs (le centre Vill'Up), d'une surface de 30 000 m², pour y accueillir diverses enseignes commerciales, des restaurants et un complexe cinématographique.

Pour mettre en 'uvre ce projet, la société Cité [Localité 11] a conclu un contrat de promotion immobilière avec la société Financière Apsys.

Cette société a confié la réalisation des travaux à la société Eiffage Construction Val- de-Seine, aux droits et obligations de laquelle est venue la société Eiffage construction tertiaire, en qualité d'entreprise générale.

La société Eiffage Construction Val-de-Seine a fait appel à un sous-traitant, la société Bouygues Energies & Services, assurée auprès de la société Zurich insurance.

La société Cité [Localité 11] a souscrit auprès de la société Allianz IARD (la société Allianz) une assurance tous risques chantier (ci-après, TRC) et une assurance responsabilité civile du maître de l'ouvrage (ci-après, RCMO).

Elle a confié à la société Financière Apsys un mandat de gestion locative, immobilière et de commercialisation, permettant à cette dernière de conclure des conventions de sous-occupation du domaine public avec diverses enseignes pour constituer le futur centre commercial.

C'est ainsi que la société Financière Apsys, représentant Ia société Cité [Localité 11], a, le 27 mai 2015, conclu avec M. [K] une convention de sous-occupation du domaine public portant sur un emplacement, d'une surface de 51 m², situé dans le centre Vill'Up et une convention de mise à disposition d'une réserve.

Le 3 août 2015, M. [K] a créé la société Jazia Food afin d'ouvrir une boutique de vente de produits de pâtisserie japonaise et de boissons, sous l'enseigne " Pâtisserie Ciel ".

Il a substitué la société Jazia Food dans le bénéfice des deux conventions de sous-occupation du domaine public.

La convention de sous-occupation du domaine public prévoyait une mise à disposition de l'emplacement antérieurement à la réception des travaux de la société Eiffage, afin de permettre au sous-occupant de l'aménager en vue de l'ouverture du centre commercial au public.

Le 7 août 2015, l'emplacement sous-occupé par la société Jazia Food lui a été livré.

La réception des travaux était prévue pour le 15 septembre 2015 et, l'ouverture au public du centre Vill'Up, le 14 octobre de la même année.

Dans la nuit du 19 au 20 août 2015, alors que l'état d'avancement du chantier était de l'ordre de 95 %, un incendie de très grande ampleur a détruit une partie importante de la 4ème travée.

La société Cité [Localité 11], son assureur, la société Allianz, et la société Financière Apsys ont sollicité du juge des référés du tribunal de grande instance de Paris la désignation, par ordonnance du 4 septembre 2015, de M. [C] en qualité d'expert pour constater les dommages causés au centre Vill'Up par l'incendie.

Le 14 septembre 2015, l'expert a déposé son rapport.

La société Cité [Localité 11], la société Allianz et la société Financière Apsys ont sollicité du juge des référés du tribunal de grande instance de Paris une seconde expertise, qui a été ordonnée le 5 octobre 2015 et confiée au même expert, pour déterminer notamment la cause, l'origine et l'imputabilité du sinistre.

Les travaux de reprise ont été achevés et, le 30 novembre 2016, le centre Vill'Up a ouvert au public.

Par acte du 30 mars 2018, la société Jazia Food et M. [K] ont assigné les sociétés Allianz, Cité [Localité 11] et Eiffage construction tertiaire en indemnisation de leurs préjudices.

Le 24 avril 2019, l'expert a déposé son rapport en l'état, du fait de l'absence de préfinancement par la société Allianz des investigations nécessaires à l'analyse des réclamations formulées par les intervenants à l'acte de construire.

Aux termes de celui-ci, les locaux sous-occupés par la société Jazia Food, qui n'avaient fait l'objet d'aucun aménagement intérieur, n'ont subi aucun dégât du fait de l'incendie.

Par jugement du 10 novembre 2020, le tribunal judiciaire de Paris a statué en ces termes :

Déclare irrecevable la demande de jonction ;

Dit que la responsabilité de la société Cité [Localité 11] et de la société Eiffage construction tertiaire n'est pas engagée ;

Rejette les demandes de la société Jazia Food et M. [K] comme étant non fondées ;

Condamne in solidum la société Jazia Food et M. [K] aux dépens, lesquels pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile ;

Condamne in solidum la société Jazia Food et M. [K] à payer à la société Cité [Localité 11] la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne in solidum la société Jazia Food et M. [K] à payer à la société Eiffage construction tertiaire la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne in solidum la société Jazia Food et M. [K] à payer à la société Allianz la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboute les parties de leurs autres demandes.

Par déclaration en date du 26 novembre 2026, M. [K] et la société Jazia Food ont interjeté appel du jugement, intimant devant la cour :

- la société Allianz,

- la société Eiffage construction tertiaire,

- la société Cité [Localité 11].

EXPOSE DES PRÉTENTIONS DES PARTIES

Dans leurs conclusions notifiées par voie électronique le 22 juillet 2022, la société Jazia Food et M. [K] demandent à la cour de :

Infirmer ou réformer en toutes ses dispositions le jugement du tribunal judiciaire de Paris du 10 novembre 2020 ;

Et, statuant à nouveau :

Prononcer que le report de livraison de l'ouvrage décidé par la société Cité [Localité 11], maître d'ouvrage et gardien de l'ouvrage, a été à l'origine de celui de l'ouverture du centre commercial Vill'Up, ce qui a causé une perte de chance d'exploitation à la société Jazia Food puisque l'ouverture et l'exploitation du commerce de la société Jazia Food devaient avoir lieu à la date d'ouverture du centre commercial, soit le 14 octobre 2015, laquelle n'a été effective du fait du report décidé par la société Cité [Localité 11] que le 30 novembre 2016,

Prononcer que la responsabilité délictuelle de la société Cité [Localité 11], en sa qualité de maître d'ouvrage, est engagée à cet égard, celle-ci étant gardienne du chantier, et doit répondre en cette qualité vis-à-vis des tiers des raisons de ce report qui seraient liées à l'incendie ayant eu lieu dans l'emprise de son chantier et alors que la société Cité [Localité 11] n'a pas fait mettre en 'uvre l'ensemble des mesures de sécurité élémentaires nécessaires qui aurait permis d'éviter la survenance et la propagation dudit incendie au sein du Centre commercial Vill'Up,

Prononcer que la responsabilité délictuelle de la société Eiffage construction tertiaire, entrepreneur principal, est engagée également, celle-ci ayant la garde du chantier, et n'ayant en outre pas fait mettre en 'uvre l'ensemble des mesures de sécurité élémentaires nécessaires qui aurait permis d'éviter la survenance et la propagation dudit incendie au sein du centre commercial Vill'Up ;

Prononcer que la société Allianz devra garantir la société Cité [Localité 11], en sa qualité de maître d'ouvrage, de toutes les condamnations prononcées à son encontre au bénéfice de la société Jazia Food et de M. [K],

Prononcer que le local de la société Jazia Food faisait partie des biens assurés au titre des polices d'assurances RCMO et TRC souscrites par la société Cité [Localité 11] et que ce local a ainsi bénéficié par extension des garanties offertes par ces polices et prononcer qu'en conséquence que la société Jazia Food est également en droit, en sa qualité d'assurée de la société Allianz, de bénéficier de ces garanties mobilisables en l'espèce,

A titre subsidiaire,

Prononcer que la responsabilité contractuelle de la société Cité [Localité 11], en sa qualité de bailleur, est engagée vis-à-vis de Jazia Food et de M. [K], la société Cité [Localité 11] ayant accusé un retard de plus d'une année dans la mise à disposition réelle et effective dudit local à la société Jazia Food, dont M. [K] est gérant,

En tout état de cause

Prononcer que la société Jazia Food et M. [K] ont subi différents préjudices justifiés dont la responsabilité incombe à la société Cité [Localité 11] et à la société Eiffage Construction Tertaire :

o Pour la société Jazia Food

- un préjudice de perte de chance d'obtenir le résultat d'exploitation escompté de manière prévisionnelle dans les bilans prévisionnels établis par son expert-comptable pour les exercices 2015-2016 et 2016-2017 dûment justifié à hauteur de 478 603,50 euros,

- un préjudice d'atteinte à son image commerciale qui ne saurait être évalué à moins de 50 000 euros,

o Pour M. [K] :

- une perte de salaire de 31 950 euros pour les exercices 2015-2016 et 2016-2017, ainsi que justifié par le bilan prévisionnel de son expert-comptable,

- un préjudice moral qui ne saurait être évalué à moins de 50 000 euros.

Par conséquent,

Condamner solidairement la société Allianz, la société Cité [Localité 11] et la société Eiffage construction tertiaire à verser à la société Jazia Food :

- la somme 478 603,50 euros en réparation du préjudice de perte de chance d'obtenir le résultat d'exploitation escompté de manière prévisionnelle dans les bilans prévisionnels établis par son expert-comptable pour les exercices 2015-2016 et 2016-2017,

- la somme 50 000 euros en réparation du préjudice d'atteinte à son image commerciale en raison du retard pris pour l'ouverture et l'exploitation de son restaurant,

Condamner solidairement la société Allianz, la société Cité [Localité 11] et la société Eiffage construction tertiaire, à verser à M. [K] :

- la somme de 31 950 euros au titre de la perte de salaires pour les exercices 2015-2016 et 2016-2017, ainsi que mentionné dans le bilan prévisionnel de son expert-comptable,

- la somme de 50 00 euros en réparation de son préjudice moral,

Ordonner que ces condamnations porteront à l'encontre des défendeurs succombant, intérêt au taux légal à compter de l'exploit introductif d'instance en date du 30 mars 2018, et

Ordonner que les intérêts dus, pour plus d'une année entière, seront capitalisés et ce jusqu'à parfait paiement effectué en application de la décision à intervenir ;

Condamner solidairement les défendeurs succombant à payer à la société Jazia Food la somme de 15 000 euros et à payer à M. [K] la somme de 15 000 euros également, et ce, en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamner solidairement les mêmes aux dépens.

Dans ses conclusions notifiées par voie électronique le 4 août 2022, la société Cité [Localité 11] demande à la cour de :

Confirmer le jugement rendu le 10 novembre 2020 par le tribunal judiciaire de Paris en toutes ses dispositions ;

Et de,

Rejeter les demandes présentées à son encontre par la société Jazia Food et par M. [K] ;

A titre subsidiaire :

Si la cour infirmait le jugement entrepris et condamnait la société Cité [Localité 11] à payer une somme quelconque à la société Jazia Food et/ou à M. [K], il lui est demandé de condamner in solidum les sociétés Allianz et Eiffage construction tertiaire à garantir la société Cité [Localité 11] de toutes condamnations, tant en principal qu'en accessoires, qui seraient mises à sa charge ;

En tout état de cause, il est demandé à la Cour de :

Condamner in solidum la société Jazia Food et M. [K] ou subsidiairement, les sociétés Allianz et Eiffage construction tertiaire, à payer à la société Cité [Localité 11] la somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamner in solidum la société Jazia Food et M. [K] ou subsidiairement, les sociétés Allianz et Eiffage construction tertiaire aux dépens.

Dans ses conclusions notifiées par voie électronique le 26 juillet 2022, la société Allianz demande à la cour de :

Confirmer le jugement attaqué en toutes ses dispositions,

Et, y ajoutant :

Condamner in solidum la société Jazia Food et M. [K] au paiement de la somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamner in solidum la société Jazia Food et M. [K] au paiement des entiers dépens de l'instance, dont recouvrement au profit de Me Jeambon.

Dans ses conclusions notifiées par voie électronique le 15 mars 2024, la société Eiffage construction tertiaire demande à la cour de :

Confirmer le jugement en ce qu'il a dit que la responsabilité de la société Eiffage construction tertiaire n'était pas engagée ;

Confirmer la décision en ce qu'elle a rejeté l'ensemble des demandes de la société Jazia Food et M. [K] ;

En tout état de cause,

Juger qu'il n'est pas discuté de ce que le départ de feu a éclos au niveau 3 c'est-à-dire dans la coque Multiplex Pathé dont cette dernière avait la garde.

Juger que la responsabilité de la société Eiffage construction tertiaire ne peut donc être retenue au titre de la garde du niveau 3 transférée à la société Pathé.

Par voie de conséquence,

Prononcer purement et simplement sa mise hors de cause.

En tout état de cause,

Juger que la cause de l'incendie demeure indéterminée.

Juger que M. [C] n'a pas été en mesure de se prononcer sur l'imputabilité et sur le caractère aggravant de l'incendie.

Juger qu'aucune faute n'est donc rapportée à la charge de la société Eiffage construction tertiaire.

A titre surabondant,

Confirmer le jugement au titre de l'absence de preuve d'une éventuelle faute d'imprudence à la charge de la société Eiffage construction tertiaire.

Juger que les défauts de calfeutrement évoqués dans le rapport d'expertise judiciaire n'ont eu aucune incidence au niveau des commerces situés au niveau 2 et 1

Juger que ces réservations n'avaient pas encore été calfeutrées du fait des travaux en cours et non achevés et qu'aucune faute n'est imputable à l'entreprise.

En tout état de cause,

Juger que la société Bouygues Energie Service n'avait adressé aucun bon à calfeutrer à la société Eiffage construction tertiaire.

Par voie de conséquence,

Prononcer la mise hors de cause la société Eiffage construction tertiaire en l'absence de toute faute imputable comme étant à l'origine des préjudices allégués par la société Jazia Food et M. [K].

A titre subsidiaire,

Juger que les préjudices allégués par ces demandeurs ne connaissent aucune réalité tant dans leur principe que dans leur quantum.

Juger que les circonstances alléguées comme étant à l'origine du prétendu préjudice courant depuis la prise de possession le 30 novembre 2016 sont sans relation avec l'incendie

Rejeter l'appel en garantie formé par la société Cité [Localité 11] ainsi que toute autre demande, fins et conclusions présentées à l'encontre de la société Eiffage construction tertiaire.

Condamner la société Jazia Food et M. [K] ou tout autre succombant à verser la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction, pour ceux la concernant, au profit de Me Schwab et ce, en application de l'article 699 du code de procédure civile.

La clôture a été prononcée par ordonnance du 26 mars 2024 et l'affaire a été appelée à l'audience du 2 avril 2024, à l'issue de laquelle elle a été mise en délibéré.

MOTIVATION

Sur la responsabilité délictuelle de la société Cité [Localité 11]

Moyens des parties

M. [K] et la société Jazia Food soutiennent, d'une part, que, le premier, en tant que tiers à l'opération de construction, peut engager la responsabilité délictuelle de la société Cité [Localité 11], en sa qualité de maître de l'ouvrage, d'autre part, qu'il en est de même de la seconde dès lors qu'elle n'a aucun lien contractuel avec ladite société.

Ils relèvent que la société Cité [Localité 11] était, en sa qualité de maître de l'ouvrage, détentrice de l'immeuble, au sens de l'article 1242, alinéa 2, du code civil, dans lequel l'incendie a pris feu. Peu important sa cause exacte, dès lors que celui-ci est né au sein du chantier en cours, la faute du maître de l'ouvrage, caractérisée, comme l'a relevé l'expert, notamment par l'absence d'obturation correcte et étanche des brèches et carottages, chemins et câbles, a eu pour conséquence l'extension et la propagation rapide de l'incendie.

Ils ajoutent que la société Cité [Localité 11] a, en sa qualité de " bailleresse ", commis un manquement, tenant à l'absence de livraison de l'ouvrage à la date convenue, dont la société Jazia Food peut se prévaloir.

En réponse, la société Cité [Localité 11] fait valoir que M. [K] s'étant substitué la société Jazia Food dans les droits de la convention, cette société, par application du principe du non-cumul, ne peut agir sur le fondement de la responsabilité délictuelle à son encontre.

Elle souligne que la société Jazia Food se contredit en soutenant, d'une part, qu'elle a bien été substituée, comme le permettait la convention, dans les droits de M. [K], d'autre part, qu'elle n'a pas de lien contractuel avec elle.

Elle relève qu'elle n'avait pas la garde du chantier lors de la survenance du sinistre ; son gardien étant, conformément à une jurisprudence établie, l'entreprise en charge de celui-ci. S'agissant de celle-ci, en l'occurrence la société Eiffage construction tertiaire, elle met en avant qu'elle n'est aucunement responsable de son fait.

Elle ajoute que l'expert ne l'a aucunement mise en cause dans la survenance du sinistre, de sorte qu'il n'est aucunement démontré qu'elle aurait commis une faute fût-ce d'imprudence.

En tout état de cause, elle fait valoir que l'incendie ayant, selon l'expertise, pris naissance dans le hall multiplex de la société Pathé qui lui avait été mis à disposition le 21 août 2014, soit avant la survenance du sinistre, cette dernière société est responsable des propres travaux par elle engagés.

La société Allianz relève que les prétentions indemnitaires de M. [K] et de la société Jazia Food devront, en application du principe de non-cumul des responsabilités, être rejetées en tant qu'elles sont fondées sur la responsabilité délictuelle du maître de l'ouvrage.

Elle ajoute que les conditions d'application de la responsabilité spéciale en matière de communication d'incendie ne sont pas réunies dès lors que la société Cité [Localité 11] n'avait pas la garde de l'ouvrage, non encore réceptionné, et qu'aucune faute ne peut lui être reprochée.

A cet égard, elle souligne que l'absence d'obturation des brèches et de carottages entre les niveaux ne saurait être considérée comme constitutive d'une violation des mesures de sécurité dès lors que le chantier était en cours.

Réponse de la cour

Il est établi de longue date que le créancier d'une obligation contractuelle ne peut se prévaloir contre le débiteur de cette obligation, quand bien même il y aurait intérêt, des règles de la responsabilité délictuelle (1ère Civ., 11 janvier 1922, GAJC, 11e éd. n° 177 ; 1re Civ., 11 janvier 1989, pourvoi n° 86-17.323, Bulletin civil 1989, I, n° 3 ; 1re Civ., 4 novembre 1992, pourvoi n° 89-17.420, Bulletin civil 1992, I, n° 276).

Au cas d'espèce, comme le reconnaissent M. [K] et la société Jazia Food dans la relation des faits figurant en exorde de leurs conclusions, le premier a substitué la seconde dans les droits et obligations des conventions de sous-occupation et de mise à disposition d'une réserve, à telle enseigne que la livraison de l'emplacement sous-occupé a été reçue par celle-ci.

Par suite, la société Jazia Food n'est pas fondée à invoquer à l'encontre de la société Cité [Localité 11] les règles de la responsabilité délictuelle pour obtenir, s'agissant de la sanction d'une obligation issue des conventions les liant, réparation de son préjudice découlant du retard dans la livraison de l'emplacement en cause.

S'agissant de l'action de M. [K], qui, une fois la substitution intervenue n'était plus dans un lien contractuel avec la société Cité [Localité 11], il sera rappelé que, selon l'article 1384, devenu 1242, du code civil, on est responsable non seulement du dommage que l'on cause par son propre fait, mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont on doit répondre, ou des choses que l'on a sous sa garde. Toutefois, celui qui détient, à un titre quelconque, tout ou partie de l'immeuble ou des biens mobiliers dans lesquels un incendie a pris naissance ne sera responsable, vis-à-vis des tiers, des dommages causés par cet incendie que s'il est prouvé qu'il doit être attribué à sa faute ou à la faute des personnes dont il est responsable.

Il est établi que la responsabilité ne peut être recherchée sur le fondement du régime de la responsabilité générale du fait des choses, issu du premier alinéa de cet article, dès lors que le dommage a pour cause première un incendie (3e Civ., 8 juillet 1998, pourvoi n° 96-22.224, Bulletin civil 1998, III, n° 159).

S'agissant du régime spécial de la responsabilité du fait des choses, issu du second alinéa de cet article, seul applicable en l'occurrence, il est établi que la responsabilité de celui qui détient à un titre quelconque tout ou partie de l'immeuble ou des biens immobiliers dans lesquels l'incendie a pris naissance est engagée, vis-à-vis des tiers victimes des dommages causés par cet incendie, dès lors qu'il est prouvé que la naissance, l'aggravation ou l'extension de l'incendie est imputable à sa faute ou à celle des personnes dont il est responsable (3e Civ., 31 mai 1976, pourvoi n° 75-11.095, Bulletin civil, III, n° 236).

Le détenteur d'un immeuble dans lequel l'incendie a pris naissance ne peut donc ainsi être déclaré responsable des dommages subis par l'immeuble voisin que si est caractérisée une faute (2e Civ., 12 décembre 2002, pourvoi n° 01-02.853, Bulletin civil 2002, II, n° 284), laquelle n'est pas nécessairement une faute pénale, mais peut résulter d'une maladresse, imprudence, inattention ou négligence (2e Civ., 7 mai 2003, pourvoi n° 01-13.790, Bulletin civil 2003, II, n° 140), sous réserve de la preuve d'un lien de causalité entre ladite faute et l'incendie (2e Civ., 18 juin 1997, pourvoi n° 95-20.148, Bulletin civil 1997, II, n° 198 ; 2e Civ., 11 janvier 1995, pourvoi n° 93-14.424, Bulletin civil 1995, II, n° 21).

S'agissant du critère premier tenant à la détention de l'immeuble dans lequel l'incendie a pris naissance, il est établi, qu'au cours de l'édification d'un immeuble, la garde du terrain et des constructions appartient à l'entrepreneur, cette garde n'étant restituée ou transférée au propriétaire du sol et maître de l'ouvrage qu'après la réception (3e Civ., 10 décembre 1970, pourvoi n° 69-12.183, 69-12.324, Bulletin civil, III, n° 690).

Au cas d'espèce, cette règle a trouvé application à l'article 33 du cahier des clauses administratives (CCA) du projet de réhabilitation, aux termes duquel la société Eiffage entreprise construction est responsable de la surveillance du chantier et en aura la garde jusqu'à la réception.

Il en résulte qu'au jour de l'incendie, survenu antérieurement à la réception, la société Cité [Localité 11] n'était pas détentrice, au sens de l'article 1242, alinéa 2, du code civil, de la 4ème travée du bâtiment accueillant le musée de la cité des sciences de l'industrie.

Par suite, la responsabilité délictuelle de la société Cité [Localité 11] n'est pas engagée du fait de l'incendie.

A titre surabondant, il sera également relevé que M. [K] échoue à démontrer que la société Cité [Localité 11], qui, en tant que maître de l'ouvrage, n'a pas la direction de l'opération de construction et ne répond pas du fait de l'entrepreneur, celui-ci n'étant pas son préposé, aurait commis une faute en lien de causalité avec la naissance, l'aggravation ou l'extension de l'incendie.

Sur la responsabilité contractuelle de la société Cité [Localité 11]

Moyens des parties

M. [K] et la société Jazia Food soutiennent que la date de mise à disposition réelle du local à cette société, initialement prévue au 14 octobre 2015, a été, du fait de l'incendie, reportée au 30 novembre 2016, de sorte que la société Cité [Localité 11] a, en tant que " bailleresse ", engagé sa responsabilité contractuelle en raison de ce retard dans la mise à disposition du local à la société Jazia Food.

Ils relèvent que la clause de renonciation à recours n'est pas applicable à défaut, en l'absence de livraison, celle du 7 août 2015 ayant été rendue caduque par l'incendie, de prise d'effet de la convention et, qu'en tout état de cause, l'objet d'une telle renonciation contredisant la portée de l'obligation essentielle de la société Cité [Localité 11], une telle clause serait réputée non écrite.

Ils soulignent, à titre subsidiaire, que la survenance d'un incendie ne fait pas partie des hypothèses de renonciation à recours prévues par ladite clause et, qu'en tout état de cause, la faute lourde commise par la société Cité [Localité 11] l'a rendue inapplicable.

En réponse, la société Cité [Localité 11] fait valoir que les clauses de renonciation à recours, qui ne limitent pas la portée d'une obligation essentielle souscrite par le contrat, sont, comme cela résulte de la jurisprudence rendue en matière de baux commerciaux, a fortiori, valides s'agissant, en l'occurrence, d'une convention de sous-occupation du domaine public qui n'est pas réglementée.

Elle relève que ces clauses s'expliquent notamment par le fait que le sous-occupant devait, aux termes de la convention, souscrire des assurances le garantissant de ses préjudices matériels et immatériels en cas de survenance d'un sinistre.

Elle ajoute que la société Jazia Food a reçu livraison de son local le 7 août 2015 et que celle-ci n'explique nullement en quoi cette livraison serait devenue caduque. A compter de cette date, elle aurait dû souscrire une assurance perte d'exploitation et ce manquement constitue, selon la société Cité [Localité 11], une faute de nature contractuelle à l'origine du préjudice par elle allégué.

Enfin, elle indique qu'aucune redevance n'avait été appelée auprès de la société Jazia Food avant l'ouverture du centre commercial au public et que, dans le cadre d'une autre procédure judiciaire, elle a sollicité la résiliation de la convention pour défaut de paiement de la redevance, depuis cette ouverture, et défaut d'exploitation de l'emplacement sous-occupé.

La société Allianz souligne que M. [K] et la société Jazia Food ne sont pas, par application des clauses de non-recours souscrites à la convention de sous-occupation, recevables à rechercher la responsabilité contractuelle de la société Cité [Localité 11].

A cet égard, elle relève que ces clauses trouvent à s'appliquer dès lors que le local en cause a bien été livré le 7 août 2015 et qu'elles sont valides comme cela ressort de la jurisprudence de la Cour de cassation rendue en application des textes antérieurs à la réforme du droit des obligations, applicables en la cause.

Réponse de la cour

A titre liminaire, il sera observé que M. [K] ayant, comme cela a été indiqué ci-dessus, substitué la société Jazia Food dans les droits et obligations des conventions de sous-occupation et de mise à disposition d'une réserve, le premier, qui n'est plus dans un lien contractuel avec la société Cité [Localité 11], ne peut agir à son encontre sur le fondement de la responsabilité contractuelle.

S'agissant de l'action de la société Jazia Food, il sera observé que la société Cité [Localité 11], qui se prévaut de l'existence d'une clause contractuelle de renonciation à recours, stipulée à l'article 23.1.1 de la convention de sous-occupation, ne formule pas de prétention tendant à ce que les demandes de la société Jazia Food soient déclarées irrecevables par application desdites clauses.

Par suite, en l'absence de fin de non-recevoir opposée à ce titre, les moyens des parties sur la validité et l'application de ladite clause sont sans emport.

En revanche, la clause prévue à l'article 24 de ladite convention doit s'analyser non en une clause d'exclusion de recours mais en une clause limitative de responsabilité de l'occupant principal, en l'occurrence de la société Cité [Localité 11].

Il est ainsi prévu à celle-ci que le sous-occupant, en l'occurrence la société Jazia Food, fera son affaire personnelle, de tous le cas fortuits et imprévus sauf son recours contre qui de droit en dehors de l'occupant principal.

Une telle stipulation, qui ne contredit ni ne limite la portée d'une obligation essentielle souscrite au contrat, est valide et ce d'autant plus que, contrairement à ce qui est allégué par la société Jazia Food, le contrat en cause n'est pas un contrat de bail soumis à des dispositions d'ordre public mais une convention sui generis de nature précaire, comme cela est défini en l'article 3 de son exposé préalable.

Par ailleurs, l'allégation de la commission d'une faute lourde par la société Cité [Localité 11], qui n'avait pas la garde ni la direction du chantier et qui, dans un court délai après la survenance du sinistre de grande ampleur, a permis l'ouverture du centre Vill'Up au public, n'est aucunement démontrée.

Par suite, la survenance d'un incendie entant dans les hypothèses de cas fortuit, la société Jazia Food ne peut rechercher la responsabilité contractuelle de la Cité [Localité 11] à ce titre.

A titre surabondant, il sera ajouté que, contrairement à ce qu'allègue la société Jazia Food, l'emplacement sous-occupé lui ayant été livré le 7 août 2015, soit antérieurement au 31 décembre 2015, date ultime fixée par l'article 2 de la partie promesse de la convention, la société Cité [Localité 11] a rempli ses obligations à ce titre ; la " caducité " alléguée de ladite livraison n'étant pas démontrée.

Le jugement, qui a dit que la responsabilité de la société Cité [Localité 11] n'était pas engagée, sera confirmé de ce chef.

Sur la garantie de la société Allianz

Moyens des parties

M. [K] et la société Jazia Food soutiennent que la société Allianz est tenue de garantir la société Cité [Localité 11], en sa qualité de maître de l'ouvrage, de toute condamnation prononcée à son encontre.

Ils relèvent que la police d'assurance responsabilité civile en cause couvre les dommages immatériels consécutifs à l'opération de construction.

Ils ajoutent, en tout état de cause, que, le 7 août 2015, jour de sa mise à disposition, M. [K] a souscrit à une extension des polices d'assurance RCMO et TRC de la société Allianz, de sorte que son local bénéficiait des garanties en cause. Ils soulignent que celui-ci n'avait toutefois pas à souscrire une assurance perte d'exploitation dès lors qu'une telle exploitation n'avait pas commencé.

En réponse, la société Allianz fait valoir que, à défaut de la démonstration d'une faute commise par la société Cité [Localité 11], les garanties souscrites au titre de la police d'assurance RCMO, qui couvre seule les dommages immatériels consécutifs, ne peuvent être mobilisées.

Concernant les extensions de garantie, elle souligne qu'elles ne sont pas, non plus, mobilisables, dès lors qu'elles visent à garantir les seuls travaux d'aménagement du local, non encore réalisés au jour du sinistre.

Elle ajoute, qu'en tout état de cause, la police d'assurance TCR ne couvre pas les préjudices immatériels, dont la réparation est seule réclamée en l'occurrence, et que la police d'assurance RCMO n'a vocation qu'à garantir la propre responsabilité civile de M. [K] et de la société Jazia Food.

Réponse de la cour

La responsabilité de la société Cité [Localité 11] n'étant pas retenue, la garantie RCMO de la société Allianz n'est pas mobilisable et il en de même du chef de son extension à la société Jazia Food dès lors qu'elle a pour objet de couvrir la responsabilité de celle-ci du fait de ses propres travaux.

Aussi, s'agissant de l'extension de la police d'assurance TCR au profit de la société Jazia Food, celle-ci n'est pas, non plus, mobilisable, dès lors qu'il résulte du rapport d'expertise, d'une part, que son local n'a pas été endommagé par l'incendie, d'autre part, qu'il n'avait pas été aménagé au jour de celui-ci, et que, conformément à ses dispositions particulières et notamment à son article 3.8, ladite police ne couvre pas les préjudices immatériels dont il est demandé réparation.

Par suite, les demandes formées à l'encontre de la société Allianz seront rejetées.

Le jugement qui a rejeté, comme étant non fondées, les demandes de M. [K] et la société Jazia Food sera confirmé au titre de celles dirigées contre la société Allianz.

Sur la responsabilité de la société Eiffage construction tertiaire

Moyens des parties

M. [K] et la société Jazia Food soutiennent qu'il est établi, qu'avant réception, l'entrepreneur a la garde du chantier, de sorte que, en l'occurrence, la réception n'étant pas encore intervenue au jour de l'incendie, la société Eiffage construction tertiaire, entrepreneur principal, avait la garde du chantier de la 4ème travée, de sorte que, tenue d'une obligation de résultat, elle est responsable à ce titre du retard de plus d'un an dans l'ouverture et l'exploitation du commerce en cause.

Ils ajoutent, au cas où la cour jugerait le régime de la responsabilité pour communication d'incendie applicable, que la responsabilité de la société Eiffage construction tertiaire serait également engagée à ce titre puisque, peu important sa cause exacte, dès lors que l'incendie est né au sein du chantier en cours, la faute de l'entrepreneur, caractérisée, comme l'a relevé l'expert, notamment par l'absence d'obturation correcte et étanche des brèches et carottages, chemins et câbles, a eu pour conséquence l'extension et la propagation rapide de l'incendie.

Ils soulignent qu'il ressort des conclusions de l'expert que de simples travaux d'aménagement de la coque Multiplex Pathé ne sauraient être à l'origine de l'incendie.

En réponse, la société Eiffage construction tertiaire fait valoir que sa responsabilité ne peut être recherchée que sur le fondement du régime spécial prévu à l'article 1242, alinéa 2, du code civil.

Or, selon elle, l'expert a situé le départ de feu au niveau de l'emprise de la coque de la société Pathé, correspondant au niveau 3, qui avait été mise à sa disposition par procès-verbal dressé le 21 août 2014, de sorte que, par application du CCA, cette société, qui était responsable de ses propres ouvrages jusqu'à la réception des travaux, en avait reçu la garde.

Elle ajoute, qu'en tout état de cause, l'expert n'ayant pu établir la cause et l'origine de l'incendie, M. [K] et la société Jazia Food échouent à démontrer qu'elle aurait commis une faute.

A titre surabondant, elle souligne qu'aucune imprudence tenant à l'absence de calfeutrement ne peut lui être reprochée dès lors que celui-ci ne pouvait intervenir tant que l'installation électrique était en cours d'installation, ce qui était le cas, en l'occurrence, la société Bouygues énergie service, qui intervenait à ce niveau, n'ayant, au jour du sinistre, pas émis de bon à calfeutrer.

Réponse de la cour

A titre liminaire, il sera rappelé que, selon l'article 1384, devenu 1242, du code civil, on est responsable non seulement du dommage que l'on cause par son propre fait, mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont on doit répondre, ou des choses que l'on a sous sa garde. Toutefois, celui qui détient, à un titre quelconque, tout ou partie de l'immeuble ou des biens mobiliers dans lesquels un incendie a pris naissance ne sera responsable, vis-à-vis des tiers, des dommages causés par cet incendie que s'il est prouvé qu'il doit être attribué à sa faute ou à la faute des personnes dont il est responsable.

Il est établi que la responsabilité ne peut être recherchée sur le fondement du régime de la responsabilité générale du fait des choses, issu du premier alinéa de cet article, dès lors que le dommage a pour cause première un incendie (3e Civ., 8 juillet 1998, pourvoi n° 96-22.224, Bulletin civil 1998, III, n° 159) ; ce qui, au vu des conclusions de l'expert, est le cas, en l'occurrence, de sorte que la responsabilité générale du fait des choses n'est pas applicable au cas d'espèce.

S'agissant du régime spécial de la responsabilité du fait des choses, issu du second alinéa de cet article, seul applicable en l'occurrence, il est établi que la responsabilité de celui qui détient à un titre quelconque tout ou partie de l'immeuble ou des biens immobiliers dans lesquels l'incendie a pris naissance est engagée, vis-à-vis des tiers victimes des dommages causés par cet incendie, dès lors qu'il est prouvé que la naissance, l'aggravation ou l'extension de l'incendie est imputable à sa faute ou à celle des personnes dont il est responsable (3e Civ., 31 mai 1976, pourvoi n° 75-11.095, Bulletin civil, III, n° 236).

Le détenteur d'un immeuble dans lequel l'incendie a pris naissance ne peut donc être déclaré responsable des dommages subis par l'immeuble voisin que si est caractérisée une faute (2e Civ., 12 décembre 2002, pourvoi n° 01-02.853, Bulletin civil 2002, II, n° 284), laquelle n'est pas nécessairement une faute pénale, mais peut résulter d'une maladresse, imprudence, inattention ou négligence (2e Civ., 7 mai 2003, pourvoi n° 01-13.790, Bulletin civil 2003, II, n° 140), sous réserve de la preuve d'un lien de causalité entre ladite faute et l'incendie (2e Civ., 18 juin 1997, pourvoi n° 95-20.148, Bulletin civil 1997, II, n° 198 ; 2e Civ., 11 janvier 1995, pourvoi n° 93-14.424, Bulletin civil 1995, II, n° 21).

S'agissant du critère premier tenant à la détention de l'immeuble dans lequel l'incendie a pris naissance, il résulte du rapport d'expertise que le départ de feu se situe au sein de la coque du multiplex de la société Pathé.

Or, celle-ci lui avait été remise suivant procès-verbal en date du 21 août 2014 afin qu'elle en poursuive l'aménagement et, selon l'article 57.2.3 du CCA, après une telle mise à disposition, et pendant la durée des travaux réalisés par le preneur, en l'occurrence la société Pathé, l'entreprise, en l'occurrence la société Eiffage construction tertiaire, n'est pas responsable des dégradations éventuelles occasionnées aux coques et chaque preneur, en l'occurrence la société Pathé, restera responsable de ses propres ouvrages jusqu'à réception des travaux.

Il en résulte qu'au jour de l'incendie, survenu antérieurement à la réception, la société Eiffage construction tertiaire n'était pas détentrice, au sens de l'article 1242, alinéa 2, du code civil, de la coque au sein de laquelle est, selon l'expert, survenue l'incendie.

Par suite, la responsabilité délictuelle de la société Eiffage construction tertiaire n'est pas engagée du fait de l'incendie.

A titre surabondant, il sera également relevé par la cour, après examen du rapport d'expertise, que, l'expert n'ayant pu établir la cause et l'origine de l'incendie, M. [K] et la société Jazia Food échouent à démontrer que celui-ci serait né, aggravé ou étendu du fait d'une faute commise par la société Eiffage construction tertiaire ; étant observé que le défaut de calfeutrement invoqué n'en est pas une dès lors que l'installation électrique était, en l'absence d'émission d'un bon à calfeutrer par la société Bouygues énergie service, toujours en cours d'installation.

Le jugement, qui a dit que la responsabilité de la société Eiffage construction tertiaire n'était pas engagée, sera confirmé de ce chef.

Sur les frais du procès

Le sens de l'arrêt conduit à confirmer le jugement sur la condamnation aux dépens et sur celle au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

En cause d'appel, M. [K] et la société Jazia Food, parties succombantes, seront condamnés in solidum aux dépens et à payer à la société Cité [Localité 11] la somme de 8 000 euros, à la société Eiffage construction tertiaire la somme de 4 000 euros et à la société Allianz la somme de 4 000 euros au titre des frais irrépétibles.

Le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile sera accordé aux avocats en ayant fait la demande et pouvant y prétendre.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement en ses dispositions soumises à la cour,

Y ajoutant,

Condamne in solidum M. [K] et la société Jazia Food aux dépens d'appel ;

Admet les avocats qui en ont fait la demande et peuvent y prétendre au bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. [K] et de la société Jazia Food et les condamne in solidum à payer à la société Cité [Localité 11] la somme de 8 000 euros, à la société Eiffage construction tertiaire la somme de 4 000 euros et à la société Allianz IARD la somme de 4 000 euros.

La greffière, La présidente faisant fonction de conseillère pour le président empêché,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 20/17099
Date de la décision : 26/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 03/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-26;20.17099 ?
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