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26/06/2024 | FRANCE | N°20/07171

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 4, 26 juin 2024, 20/07171


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4



ARRET DU 26 JUIN 2024



(n° /2024, 1 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/07171 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CCRY2



Décision déférée à la Cour : Jugement du 16 Septembre 2020 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY - RG n° F18/02924





APPELANTE



Madame [V] [Z]

[Adresse 2]

[Locali

té 3]

Représentée par Me Estelle BATAILLER, avocat au barreau de PARIS





INTIMEE



La société A.D.R AMBULANCE DE RICHARDETS

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Valère ...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4

ARRET DU 26 JUIN 2024

(n° /2024, 1 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/07171 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CCRY2

Décision déférée à la Cour : Jugement du 16 Septembre 2020 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY - RG n° F18/02924

APPELANTE

Madame [V] [Z]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Estelle BATAILLER, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE

La société A.D.R AMBULANCE DE RICHARDETS

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Valère GAUSSEN de l'ASSOCIATION Gaussen Imbert Associés, avocat au barreau de PARIS, toque : R132

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 06 Mai 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Sonia NORVAL-GRIVET, conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Mme MEUNIER Guillemette, présidente de chambre

Mme NORVAL-GRIVET, conseillère rédactrice

Mme MARQUES Florence, conseillère

Greffier, lors des débats : Madame Clara MICHEL

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Florence MARQUES, Conseillère, pour la présidente empêchée et par Clara MICHEL, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Mme [V] [Z] a été embauchée par la société Ambulance de Richardets (ADR), qui a pour activité principale le transport sanitaire par ambulance, suivant contrat à durée indéterminée du 13 mars 1989, en qualité de chauffeuse ambulancière.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective des transports routiers et activités auxiliaires du transport.

Mme [Z] a été placée en arrêt de travail le 8 mars 2017 pour syndrome anxiodépressif.

Elle a par la suite, au cours de la relation contractuelle, été de nouveau placée en arrêt de travail à plusieurs reprises.

Par acte du 28 septembre 2018, Mme [Z] a assigné la société ADR devant le conseil de prud'hommes de Bobigny aux fins de voir, notamment, prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail sur le fondement d'une situation de harcèlement moral et condamner son employeur à lui verser diverses sommes afférentes, outre des rappels de salaire.

Par jugement du 16 septembre 2020, le conseil de prud'hommes de Bobigny a statué en ces termes :

- déboute Mme [V] [Z] de sa demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail,

- condamne la société SASU ADR Ambulance de Richardets à verser à Mme [V] [Z] les sommes suivantes :

* 8 539,50 euros au titre des rappels de salaire des mois d'avril, mai et juin 2019,

* 1 500,00 au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Rappelle que les créances salariales porteront intérêt de droit à compter de la date de réception par la partie défenderesse de la convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation, soit le 04 Octobre 2018, et les créances à caractère indemnitaire porteront intérêts au taux légal à compter du jour du prononcé du présent jugement,

- déboute Mme [Z] du surplus de ses demandes,

- déboute la SASU ADR Ambulance de Richardets de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamne la SASU ADR Ambulance de Richardets aux éventuels dépens.

Par déclaration du 21 octobre 2020 enregistrée sous le n° de RG 20/07171, Mme [Z] a interjeté appel de cette décision.

Par courrier du 16 février 2021, Mme [Z] a pris acte de la rupture de son contrat de travail aux torts exclusifs de son employeur, lui reprochant notamment des faits de « harcèlement moral subi depuis plusieurs mois », une « privation des indemnités journalières de sécurité sociale résultant du refus d'établir des attestations de salaire », « l'absence de possibilité d'être suivie par le médecin du travail », le « non-paiement des cotisations de mutuelle et des retenues effectuées à ce titre sur sa paie », ainsi que d'autres manquements.

Par acte du 8 avril 2021, Mme [Z] a assigné la société ADR devant le conseil de prud'hommes de Bobigny aux fins de voir, notamment, dire que la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail est exclusivement imputable à son employeur et qu'elle a les effets d'un licenciement nul à titre principal et dépourvu de cause réelle et sérieuse à titre subsidiaire, et condamner la société à lui verser diverses sommes relatives à l'exécution et à la rupture de la relation contractuelle.

Par jugement du 13 avril 2023, le conseil de prud'hommes de Bobigny a statué en ces termes :

- Dit qu'il n'y a pas matière à prise d'acte ;

- Quali'e la prise d'acte de Mme [V] [Z] en démission ;

- Déboute Mme [V] [Z] de l'ensemble de ses demandes ;

- Déboute la société ADR de ses demandes reconventionnelles ;

- Condamne Mme [V] [Z] aux dépens de la présente instance.

Par déclaration du 15 mai 2023 enregistrée sous le RG n°23/03264, Mme [Z] a interjeté appel de cette décision.

EXPOSE DES PRETENTIONS DES PARTIES

Dans l'affaire enregistrée sous le n° de RG 20/07171, par conclusions notifiées par voie électronique le 5 décembre 2022, Mme [Z] demande à la cour de :

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société SASU ADR Ambulance de Richardets à verser à Mme [Z] les sommes de :

* 8 539,50 euros à titre de rappels de salaire pour les mois d'avril à juin 2019 ;

* 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- infirmer le jugement entrepris pour le surplus,

- déclarer bien fondée en ces demandes Mme [Z],

- juger fondée la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail de Mme [Z], et dire que la rupture du contrat de travail est exclusivement imputable à la société SASU ADR Ambulance de Richardets,

En conséquence,

- condamner la société SASU ADR Ambulance de Richardets à verser à Mme [Z] les sommes de :

A titre principal :

* 248 400 euros à titre d'indemnité pour licenciement nul ;

A titre subsidiaire :

* 74 520 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

En toute hypothèse :

* 11 178 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis ;

* 1 117,80 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés sur préavis ;

* 47 692,80 euros à titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement ;

* 7 105,11 euros à titre de rappel de salaire ;

* 710,51 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur rappel de salaire ;

* 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- ordonner la remise d'une attestation Pôle Emploi, d'un certificat de travail et de bulletins de salaire conformes à la décision sous astreinte de 100 euros par jour de retard,

- condamner la société SASU ADR Ambulance de Richardets aux entiers dépens.

Par ordonnance du 1er juin 2023, le conseiller de la mise en état a déclaré irrecevables les conclusions notifiées par la société ADR par voie électronique le 5 décembre 2022, faute de respect du délai prévu l'article l'article 909 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 5 mars 2024.

Dans l'affaire enregistrée sous le RG n°23/03264, au terme de ses conclusions notifiées par voie électronique le 1er août 2023, Mme [Z] demande à la cour de :

- déclarer bien fondée en ses demandes Mme [Z] ;

- infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

- le réformant :

A titre principal :

- dire que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail de Mme [Z] est exclusivement imputable à la société A.D.R Ambulance de Richardets et a les effets d'un licenciement nul ;

En conséquence,

- condamner la société A.D.R Ambulance de Richardets à verser à Mme [Z] avec intérêt légal à compter de la saisine la somme de :

* 134 136 euros à titre d'indemnité pour licenciement nul ;

A titre subsidiaire :

- dire que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail de Mme [Z] est exclusivement imputable à la société A.D.R Ambulance de Richardets et a les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

En conséquence,

- condamner la société A.D.R Ambulance de Richardets à verser à Mme [Z] avec intérêt légal à compter de la saisine la somme de :

* 74 520 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

En toute hypothèse :

- condamner la société A.D.R Ambulance de Richardets à verser à Mme [Z] les sommes suivantes, avec intérêt légal à compter de la saisine :

* 11 178 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis ;

* 1 117,80 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés sur préavis ;

* 47 692,80 euros à titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement ;

* 50 000 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral ;

* 20 000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail ;

* 2 866,14 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés ;

* 5 769,27 euros à titre de rappel de salaire du 9 novembre 2020 au 05 janvier 2021 ;

* 576,93 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur rappel de salaire ;

* 6 593,99 euros bruts à titre de rappel de salaire pour la période du 10 février au 8 octobre 2017 ;

* 659,40 euros au titre des congés payés afférents ;

* 7 687,06 euros à titre de remboursement des cotisations de mutuelle ;

* 22 356 euros à titre d'indemnité pour travail dissimulé,

* 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

- ordonner à la société A.D.R Ambulance de Richardets de remettre à Mme [Z] les attestations de salaire pour la période comprise entre mars 2018 et février 2021, une attestation Pôle Emploi, un certificat de travail et des bulletins de salaire pour la période de mars 2018 à février 2021 conformes à la décision sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

- condamner la société A.D.R Ambulance de Richardets aux entiers dépens.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 30 octobre 2023, la société Ambulance de Richardets demande à la cour de :

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement du conseil de prud'hommes de Bobigny en date du 13 avril 2023, sauf en ce qu'il a débouté la société A.D.R Ambulance de Richardets de ses demandes de condamnation de Mme [Z] au titre de l'article 700 du code de procédure civile et de condamnation au paiement de la période de préavis,

- infirmer le jugement entrepris et statuant à nouveau :

- condamner Mme [V] [Z] à payer à la société A.D.R Ambulance de Richardets la somme de 10 350 euros correspondant à l'indemnité de préavis de 3 mois,

- condamner Mme [Z] à payer à la société A.D.R Ambulance de Richardets la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens,

- débouter Mme [V] [Z] de toutes ses demandes.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 5 mars 2023.

MOTIVATION

Sur la jonction des procédures :

Il résulte des dispositions de l'article 376 du code de procédure civile que le juge peut, même d'office, ordonner la jonction de plusieurs instances pendantes devant lui s'il existe entre les litiges un lien tel qu'il soit de l'intérêt d'une bonne justice de les faire instruire ou juger ensemble.

Au regard du lien existant entre les litiges, il est de l'intérêt d'une

bonne justice de les juger ensemble et il y a donc lieu d'ordonner la jonction des procédures enregistrées sous les numéros de 20/07171 et 23/03264 sous le seul n° 20/07171.

Sur les contours du litige :

La prise d'acte de la rupture par le salarié en raison de faits qu'il reproche à l'employeur entraîne la cessation immédiate du contrat de travail en sorte qu'il n'y a plus lieu de statuer sur la demande de résiliation judiciaire introduite auparavant. S'il appartient alors au juge de se prononcer sur la seule prise d'acte, il doit fonder sa décision sur les manquements de l'employeur invoqués par le salarié tant à l'appui de la demande de résiliation judiciaire devenue sans objet qu'à l'appui de la prise d'acte.

Au regard de ce qui précède, la rupture du contrat intervenue le 16 février 2021 rend sans objet la procédure d'appel relative à la demande de résiliation judiciaire, étant précisé au demeurant qu'aux termes de ses dernières conclusions, l'appelante demande l'infirmation du jugement rendu par le conseil de prud'hommes le 16 septembre 2020 en ce qu'il a rejeté la demande de résiliation mais ne sollicite pas pour autant que la cour prononce une telle résiliation, le corps des conclusions précisant par ailleurs en page 7 que cette demande n'est pas maintenue.

Il n'y a donc pas lieu de statuer sur le bien-fondé de la résiliation, ni, par voie de conséquence, sur les demandes indemnitaires qui en procèdent.

En revanche, parmi les demandes formées au titre du dossier n°20/07171, ne procèdent pas de la demande relative à la résiliation judiciaire celles realtives aux rappels de salaire sur lesquelles il devra donc être statué.

Sur les demandes relatives à l'exécution du contrat de travail :

Sur les demandes de rappel de salaire :

En ce qui concerne la période de janvier à octobre 2017 :

Mme [Z] demande l'infirmation du jugement du 16 septembre 2020 en ce qu'il a rejeté sa demande de rappel de salaire de janvier à octobre 2017, et sollicite une somme de 7 105,11 euros bruts ainsi que la somme de 710,51 euros au titre des congés payés afférents.

S'agissant de la rémunération de janvier à septembre 2017, de Mme [Z] soutient que son salaire de base a indûment diminué de 3 450 euros à 3 194,44 euros.

En application des dispositions l'article 1315, devenu 1353, du code civil et au regard des éléments produits, l'appelante est fondée à réclamer à ce titre une somme de 511,12 euros outre 51,12 euros au titre des congés payés.

S'agissant de la rémunération de février à octobre 2017, l'appelante soutient que conformément aux stipulations conventionnelles, elle aurait dû bénéficier d'un maintien de salaire à 100% pendant 121 jours et de 75% du 121ème au 240ème jour d'arrêt.

En application de l'article 17 bis de la convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires du transport du 21 décembre 1950, elle pouvait prétendre au regard de son ancienneté au versement de 100 % de sa rémunération du 1er au 90ème jour d'arrêt puis de 75 % du 91ème au 210ème jour d'arrêt.

Au regard des pièces du dossier et compte tenu des sommes versées sur cette période par l'employeur, les sommes lui restant dues à ce titre doivent être fixées à 3 144 euros.

La société ADR sera dès lors condamnée à lui verser une somme totale de 3 706,24 euros au titre du rappel de salaire dû pour la période allant de janvier à octobre 2017, outre 370,62 euros au titre des congés payés, le jugement du 16 septembre 2020 étant infirmé sur ce point.

En ce qui concerne la période d'avril à juin 2019 :

Ce même jugement ne peut qu'être confirmé en ce qu'il a condamné l'employeur à verser à la salariée la somme de 8 539,50 euros à titre de rappels de salaire pour les mois d'avril à juin 2019.

En ce qui concerne la période du 9 novembre 2020 au 5 janvier 2021 :

Mme [Z] sollicite l'infirmation du jugement du 13 avril 2023 en ce qu'il a rejeté sa demande de rappel de salaire et demande la condamnation de la société à lui payer les sommes de 5 769,27 euros à titre de rappel de salaire pour la période du 9 novembre 2020 au 5 janvier 2021, ainsi que de 576,92 euros à titre de congés payés y afférents. Elle fait valoir que son employeur ne lui a pas réglé ses salaires depuis son retour d'arrêt maladie le 9 novembre 2020 au 19 novembre suivant, indiquant ainsi sur son bulletin de salaire du mois qu'elle était en arrêt maladie alors que tel n'était pas le cas et qu'elle s'est bien présentée à son poste de travail, que, s'agissant du mois de décembre 2020, la société a compensé de façon abusive son salaire avec les cotisations de mutuelle indûment reportées depuis avril 2018, et enfin, s'agissant du mois de janvier 2021, qu'aucune somme ne lui a été versée alors qu'elle a travaillé jusqu'au 5 janvier.

La société réplique que la salariée n'a pas pu reprendre le travail le 9 novembre 2020, le contrat de travail étant resté suspendu tant que la médecine du travail n'avait pas autorisé la reprise du poste. Elle relève que le médecin du travail a conclu, lors de la visite de reprise organisée le 19 novembre 2020, qu'elle ne pouvait pas reprendre son poste de travail, et que ce n'est que le 2 décembre 2020 que ce médecin l'a, dans le cadre d'une visite de contrôle, déclarée apte à reprendre son poste de travail de régularisation des ambulanciers et secrétariat avec une restriction à tout travail en ambulance. Elle indique que la salariée était absente tout au long du mois de novembre 2020. S'agissant du salaire des mois de décembre 2020 et janvier 2021, elle relève qu'elle était fondée, au titre du mois de décembre 2020, à opérer une compensation avec la paie négative du bulletin de paie de novembre 2020, que le salaire du 1er au 4 janvier 2021 a également fait l'objet d'une compensation avec la paie négative de novembre 2020, et qu'elle était également fondée à effectuer une compensation avec des cotisations payées au titre de la mutuelle depuis février 2017.

Sur le salaire du mois de novembre 2020 :

En application de l'article R. 4624-31 du code du travail dans sa version applicable à l'espèce, le travailleur bénéficie d'un examen de reprise du travail par le médecin du travail après une absence de trente jours pour cause d'accident du travail, de maladie ou d'accident non professionnel, examen de reprise qui doit être organisé au plus tard huit jours après la reprise.

L'employeur, tenu à une obligation de sécurité, ne peut laisser un salarié reprendre le travail sans le faire bénéficier de l'examen médical de reprise.

Toutefois, l'obligation d'organiser une telle visite s'impose, dès lors que le salarié qui en remplit les conditions en fait la demande et se tient à disposition de l'employeur.

Il en résulte que le salarié qui, à l'issue de son arrêt de travail, se tient à la disposition de l'employeur pour passer la visite médicale de reprise, a droit au paiement de sa rémunération.

Dès lors que l'arrêt de travail litigieux avait pris fin le 6 novembre 2020 et que la salariée se tenait à sa disposition, l'employeur était donc tenu de lui verser une rémunération, peu important sa présence ou non à son poste de travail et quand bien même la visite de reprise n'a eu lieu que le 19 novembre suivant.

Par suite, Mme [Z] est fondée à réclamer un reliquat de salaire de 1 562,51 euros pour la période allant du 7 au novembre 2020, le jugement du 13 avril 2023 étant infirmé sur ce point.

Sur le salaire des mois de décembre 2020 et janvier 2021 :

Les sommes retenues par l'employeur correspondent à une compensation effectuée au titre des cotisations salariales dont il est constant que la société était redevable et qu'elle n'a pas précomptées.

Dès lors, le jugement du 13 avril 2023 sera confirmé en ce qu'il a rejeté cette demande.

Sur l'indemnité pour travail dissimulé :

Sur l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé :

Aux termes du 2° de l'article L. 8221-5 du code du travail, est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur de se soustraire intentionnellement à la délivrance d'un bulletin de paie ou d'un document équivalent défini par voie réglementaire, ou de mentionner sur le bulletin de paie ou le document équivalent un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie.

Il résulte de l'article L. 8223-1 du même code qu'en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours sans s'être soumis aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

Pour allouer une indemnité pour travail dissimulé en application de l'article L. 8221-5 précité du code du travail, le juge doit rechercher le caractère intentionnel de la dissimulation.

En l'espèce, au regard des éléments du dossier, l'intention de dissimulation de l'employeur n'est pas établie. Par suite, le jugement du 16 avril 2023 doit être confirmé en ce qu'il a rejeté cette demande.

Sur le remboursement des cotisations de mutuelle :

Ainsi que l'a justement relevé le conseil de prud'hommes, il ressort des pièces du dossier que si les cotisations sont demeurées impayées à compter du 1er avril 2018 pour le compte de l'ensemble des salariés de la société, celle-ci s'est acquittée de sa dette après mise en place d'un échéancier. L'appelante n'est pas fondée à réclamer le remboursement des sommes prélevées par l'employeur à ce titre et le jugement du 23 avril 2023 sera confirmé à cet égard.

Sur la rupture du contrat de travail :

Sur la prise d'acte :

Lorsqu'un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient, soit, dans le cas contraire, d'une démission.

Il résulte de la combinaison des articles L. 1231-1, L. 1237-2 et L. 1235-1 du code du travail que la prise d'acte ne permet au salarié de rompre le contrat de travail aux torts de l'employeur qu'en cas de manquement suffisamment grave de l'employeur faisant obstacle à la poursuite du contrat de travail.

Il appartient au salarié d'établir les faits qu'il allègue à l'encontre de l'employeur. Si un doute subsiste, il profite à l'employeur.

Il appartient au juge de rechercher si les faits invoqués justifient ou non la rupture du contrat et, ainsi, d'en déduire les effets que cette rupture produit.

En l'espèce, il est constant que le contrat de travail de Mme [Z] a été rompu par la prise d'acte de la rupture du 16 février 2021.

En premier lieu, Mme [Z] reproche à son employeur des faits de harcèlement moral à compter du 16 septembre 2018, et soutient qu'elle a été victime de façon répétée et continue de l'agressivité de son employeur et d'humiliations quotidiennes, d'une privation de ses outils de travail et d'une « mise au placard » qui ont considérablement dégradé ses conditions de travail et altéré son état de santé, provoquant chez elle une dépression réactionnelle.

Aux termes de l'article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

L'article L.1154-1 de ce code prévoit qu'en cas de litige, le salarié concerné présente des éléments de faits permettant de présumer l'existence d'un harcèlement et il incombe alors à l'employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs.

Pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, le juge doit examiner les éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un tel harcèlement. Dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier souverainement si l'employeur prouve que les agissements invoqués sont étrangers à un harcèlement et si ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs.

S'agissant de l'agressivité et des humiliations quotidiennes allégués par Mme [Z], cette dernière se prévaut, au soutien de ses allégations, de diverses pièces et notamment :

- une plainte déposée le 23 mai 2019, aux termes de laquelle elle indiquait avoir été victime de brimades de la part de son employeur et d'une accusation de vol, dont l'appelante ne fait toutefois spécifiquement pas état dans ses écritures ;

- des courriers adressés à son employeur notamment à la suite de sa dernière reprise du travail dans lesquels elle se plaignait de ne s'être vu confié aucune mission, ou demandant la communication de bulletins de salaire ainsi que la transmission d'attestations de salaire à la CPAM.

Elle produit également, sans toutefois en faire spécifiquement état au soutien de ce grief, une attestation émanant d'une ancienne collègue établie en des termes généraux et qui n'a été témoin d'aucun fait.

Aucune des pièces produites ne permet d'étayer les allégations de la salariée relatives à l'agressivité de son employeur et à des humiliations quotidiennes qu'elle aurait subies depuis le mois de septembre 2018.

Ces griefs ne peuvent donc être considérés comme établis.

S'agissant de ses conditions de travail et de sa mise à l'écart à l'origine de la dégradation de son état de santé, la salariée produit notamment :

- divers messages adressés à son employeur en novembre et décembre 2020 montrant qu'à la suite de son arrêt qui prenait fin le 6 novembre 2020 puis à l'issue de la visite médicale du 2 décembre 2020, son employeur ne lui a fourni aucun travail, la salariée se plaignant de s'être trouvée assise sur une chaise toute la journée sans ordinateur ni aucune tâche à accomplir à son retour du 9 novembre 2020 ou encore, le 16 décembre 2020, face à une porte close ;

- un certificat médical établi le 5 janvier 2021 indiquant qu'elle ne pouvait pas reprendre son poste de travail dans les conditions de travail insupportables actuelles et même de poursuivre ses fonctions au sein de la même entreprise ;

- le compte-rendu de la visite de reprise du 19 novembre 2020 faisant état d'un arrêt pour syndrome anxiodépressif lié aux conditions de travail persistant à raison de l'absence de fourniture de travail à sa reprise ;

- un courrier adressé au service de l'inspection du travail le 11 janvier 2021.

Les faits invoqués par la salariée sont ainsi établis.

Il en résulte que les éléments ainsi présentés par Mme [Z], pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'une dégradation de ses conditions de travail susceptible d'altérer sa santé physique ou mentale.

L'existence d'agissements constitutifs de harcèlement étant donc présumée, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

La société se borne à se prévaloir de l'état de santé de la salariée à la suite de son arrêt achevé le 6 novembre 2020, à contester toute mise à l'écart, et à soutenir que le reproche tiré du harcèlement moral est formulé de manière vague sans indiquer de faits précis ni d'auteur.

Dans ces conditions, les éléments produits par l'employeur ne permettent pas d'établir que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Le harcèlement moral allégué est ainsi caractérisé.

En outre, il résulte des développements qui précèdent que des manquements de l'employeur à son obligation de paiement du salaire sont établis.

Dans ces conditions, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres griefs, les manquements de la société ADR sont suffisamment graves pour justifier la rupture du contrat.

Cette rupture produit, au regard du harcèlement moral et en application de l'article L. 1152-3 du code du travail, les effets d'un licenciement nul. Le jugement doit donc être infirmé.

Sur les conséquences de la rupture :

Sur la demande de dommages et intérêts pour nullité :

Il résulte des dispositions de l'article L. 1235-3-1 du code du travail qu'en cas nullité du licenciement, le salarié peut prétendre à une indemnité correspondant au préjudice subi qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.

Mme [Z] sollicite l'octroi d'une indemnité de 134 136,00 euros à titre de d'indemnité pour licenciement nul, correspondant à trois ans de salaire compte tenu du harcèlement moral subi.

Au regard de son ancienneté dans l'association, du montant de sa rémunération, et des éléments relatifs à sa situation professionnelle, il lui sera allouée une somme de 29 600 euros en réparation du préjudice résultant de sa perte d'emploi, lequel est distinct de celui résultant du harcèlement moral.

Sur l'indemnité compensatrice de préavis :

L'appelante sollicite à cet égard la condamnation de la société intimée à lui payer les sommes de 11 178 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre 1 117,80 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés sur préavis.

La société sollicite à titre reconventionnelle une somme de 10 350 euros, en faisant valoir que Mme [Z] n'a pas respecté son obligation d'effectuer un préavis de trois mois.

La prise d'acte produisant en l'espèce les effets d'un licenciement nul, il sera fait droit à la demande de la salariée, le jugement étant infirmé sur ce point, mais confirmé en ce qu'il a rejeté la demande reconventionnelle de l'employeur au titre du préavis.

Sur l'indemnité conventionnelle de licenciement :

Mme [Z] sollicite une somme de 47 692,80 euros en indiquant qu'à la date de l'arrêt de la cour, l'ancienneté à retenir est de 34 ans.

La société réplique que cette demande est infondée et subsidiairement que cette somme ne peut excéder 7 332,77 euros.

A la date de la prise d'acte, à laquelle s'apprécie l'ancienneté permettant le calcul de l'indemnité de licenciement, la salariée avait une ancienneté de 31 ans.

Dès lors, il doit lui être alloué une indemnité de licenciement de 46 202,40 euros, le jugement étant infirmé.

Sur les dommages et intérêts pour harcèlement moral :

Il sera alloué à la salariée, au regard des circonstances de l'espèce, une somme de 2 000 euros à ce titre.

Sur les dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail :

Mme [Z] se prévaut de ce que la société n'a pas respecté ses obligations au titre de la médecine du travail, l'empêchant de pouvoir bénéficier d'un suivi médical dans le cadre de l'exécution de son contrat, et qu'elle lui a opposé un refus persistant d'établir des attestations de salaire, la privant ainsi des indemnités journalières de sécurité sociale. Elle fait valoir que contrairement à ce qu'indique le jugement, ces faits ne sont en aucun cas purgés par le premier jugement rendu le 16 septembre 2020.

La société conclut au rejet de la demande pour les motifs retenus par le conseil de prud'hommes.

Il résulte des articles R. 4624-10 et suivants du code du travail que l'employeur est tenu de mettre en place un suivi de l'état de santé des salariés.

En outre, il est tenu d'une obligation d'exécuter de bonne foi le contrat de travail.

En l'espèce, la société se borne à se prévaloir des deux examens de la salariée par le médecin du travail les 19 novembre 2020 et le 2 décembre 2020.

Il ressort des pièces du dossier que l'employeur n'a pas respecté son obligation d'assurer le suivi médical de Mme [Z].

Il est en outre établi, au regard notamment des courriels adressés par la CPAM à l'intéressée, que la société a manqué à son obligation de loyauté tardant à transmettre les attestations de salaires nécessaires à son indemnisation par l'assurance maladie.

Au regard des éléments du dossier, il doit lui être alloué une somme de 5 000 euros à ce titre.

Sur les autres demandes :

L'employeur devra remettre à la salariée les documents conformes au présent arrêt, sans qu'il soit besoin d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais du procès :

Au regard de ce qui précède, le jugement du 16 septembre 2020 sera confirmé sur les dépens et sur l'article 700 du code de procédure civile, le jugement du 13 avril 2023 étant infirmé sur ces points.

La société ADR sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel, et au paiement d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

ORDONNE la jonction des procédures enregistrées sous les numéros de RG 20/07171 et 23/03264 sous le seul n° 20/07171 ;

DIT n'y avoir lieu de statuer sur l'appel interjeté à l'encontre du jugement du 16 septembre 2020 en ses dispositions soumises à la cour, sauf en ce qu'il a statué sur les demandes de Mme [V] [Z] au titre des rappels de salaire ;

INFIRME le jugement du 16 septembre 2020 en ce qu'il a rejeté la demande de rappel de salaire dû pour la période allant de janvier à octobre 2017 ;

CONFIRME le jugement du 16 septembre 2020 en ce qu'il a condamné la société A.D.R Ambulance de Richardets à verser à Mme [V] [Z] les sommes de :

- 8 539,50 euros au titre des rappels de salaire des mois d'avril, mai et juin 2019,

- 1 500 au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

-sur les dépens et les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

INFIRME le jugement du 13 avril 2023 en ses dispositions soumises à la cour, sauf en ce qu'il a rejeté les demandes de Mme [V] [Z] d'indemnité pour travail dissimulé, de remboursement des cotisations de mutuelle,  de rappel de salaire des mois de décembre 2020 et janvier 2021 ainsi que la demande reconventionnelle de l'employeur au titre du préavis ;

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant :

CONDAMNE la société A.D.R Ambulance de Richardets à payer à Mme [V] [Z] les sommes de :

3 706,24 euros au titre du rappel de salaire dû pour la période allant de janvier à octobre 2017, outre 370,62 euros au titre des congés payés ;

1 562,51 euros au titre du rappel de salaire dû pour la période allant du 7 au novembre 2020 ;

29 600 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul ;

11 178 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre 1 117,80 euros au titre des congés payés ;

46 202,40 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement ;

2 000 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral ;

5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail ;

CONDAMNE la société A.D.R Ambulance de Richardets aux dépens de première instance et d'appel ;

ENJOINT à la société A.D.R Ambulance de Richardets de remettre à Mme [V] [Z] les bulletins de salaires et documents de fin de contrat - attestation France travail et certificat de travail ' conformes au présent arrêt ;

CONDAMNE la société A.D.R Ambulance de Richardets à payer à Mme [V] [Z] la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et rejette la demande de la société A.D.R Ambulance de Richardets à ce titre.

La greffière P/ La Présidente empêchée


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 4
Numéro d'arrêt : 20/07171
Date de la décision : 26/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 03/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-26;20.07171 ?
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