Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 2
ARRET DU 26 JUIN 2024
(n° , 2 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/06494 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CBYNJ
Décision déférée à la Cour : Jugement du 07 Février 2020 -TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de PARIS - RG n° 18/07189
APPELANT
Monsieur [S] [D]
né le 22 novembre 1954 à [Localité 4]
[Adresse 2]
[Localité 5]
Représenté par Me Philippe GRUNDLER de la SCP GRUNDLER, avocat au barreau de PARIS, toque : P0191
INTIME
SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES [Adresse 1] représenté par son syndic, la société FONCIA LAPORTE, SAS immatriculée au RCS de Paris sous le numéro 542 055 132
C/O Société FONCIA LAPORTE
[Adresse 3]
[Localité 4]
Représenté par Me Anne GUALTIEROTTI de la SCP DPG Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : C0051
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 23 Avril 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Perrine VERMONT, Conseillère, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
M. Jean-Loup CARRIERE, Président de Chambre
Madame Perrine VERMONT, Conseillère
Madame Caroline BIANCONI-DULIN, Conseillère
Greffier, lors des débats : Mme Dominique CARMENT
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par M. Jean-Loup CARRIERE, Président de Chambre, et par Dominique CARMENT, Greffière présente lors de la mise à disposition.
* * * * * * * * * * *
FAITS & PROCÉDURE
M. [S] [D] est propriétaire des lots n° 59, 60 et 12 de l'immeuble du [Adresse 1], soumis au statut de la copropriété.
Par acte d'huissier du 15 juin 2018, M. [D] a assigné le syndicat des copropriétaires de l'immeuble situé [Adresse 1] représenté par son syndic, le cabinet Foncia Laporte devant le présent tribunal afin d'obtenir l'annulation de plusieurs délibérations votées lors de l'assemblée générale du 12 avril 2018.
Par jugement du 7 février 2020, le tribunal judiciaire de Paris a :
- déclaré recevable la demande d'annulation des résolutions 4.1, 4.2, 4.3, 4.4, 4.5,
- déclaré irrecevables les demandes d'annulation des résolutions n°14.7, 15.6 et 16.7,
- débouté M. [D] de sa demande d'annulation des résolutions 4.1, 4.2, 4.3, 4.4, 4.5, 5, 14 (14.1), 14.2, 14.3, 15, 15.1, 15.2, 16, 16.1 et 16.3,
- débouté M. [D] de sa demande de dommages et intérêts,
- rejeté la demande reconventionnelle en dommages et intérêts pour procédure abusive du syndicat des copropriétaires,
- condamné M. [D] à payer au syndicat des copropriétaires la somme de 2.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné M. [S] [D] aux dépens dont distraction au profit de Maître François Paris, membre de la SCP DPG Avocats, société d'avocats constituée, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,
- rejeté les plus amples demandes des parties,
- ordonné l'exécution provisoire du jugement.
M. [S] [D] a relevé appel de cette décision par déclaration remise au greffe le 22 mai 2020.
La procédure devant la cour a été clôturée le 10 janvier 2024.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Vu les conclusions notifiées le 27 mai 2021 par lesquelles M. [S] [D], appelant, invite la cour à :
- le déclarer recevable en sa demande d'annulation de l'assemblée générale du 12 avril 2018,
- infirmer le jugement,
- débouter le syndicat des copropriétaires de toutes ses demandes, fins et conclusions,
- annuler l'assemblée générale ordinaire du 12 avril 2018,
subsidiairement,
- annuler les résolutions 4.1, 4.2, 4.3, 4.4 4.5, 14, 14.2, 14.3, 15, 15.1, 15.2,16.3, 14.7, 15.6, 16.1, 16.7, du procès-verbal d'assemblée générale du 12 avril 2018 et l'intégralité des délibérations subséquentes,
- condamner le syndicat des copropriétaires à lui verser la somme de 3.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner le syndicat des copropriétaires à lui verser la somme de 1.500 € au titre de dommages et intérêts,
- condamner le syndicat des copropriétaires aux dépens avec application de l'article 699 du code de procédure civile,
- le dispenser, en application de l'article 10-1 de la loi du 10 juillet 1965, de toute participation à la dépense commune des frais de la présente procédure ;
Vu les conclusions notifiées le 22 juillet 2021 par lesquelles le syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 1], intimé ayant formé appel incident, demande à la cour de :
- déclarer irrecevable la demande en nullité de l'assemblée générale du 12 avril 2018 formée par M. [D] en cause d'appel,
- confirmer le jugement rendu en ce qu'il a débouté M. [D] de l'ensemble de ses demandes fins et conclusions,
- confirmer le jugement rendu en ce qu'il lui a alloué la somme de 2.000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile et a condamné M. [D] aux dépens,
- le réformer pour le surplus,
- condamner M. [D] au paiement de la somme de 5.000 € à titre de dommages et intérêts,
y ajoutant,
- condamner M. [D] aux dépens avec application de l'article 699 du code de procédure civile, ainsi qu'à lui payer la somme de 5.000 € par application de l'article 700 du même code ;
SUR CE,
La cour se réfère, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens échangés et des prétentions des parties, à la décision déférée et aux dernières conclusions échangées en appel ;
En application de l'article 954 alinéa 2 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions ;
Sur la demande d'annulation de l'assemblée générale dans son ensemble
Le syndicat des copropriétaires soulève l'irrecevabilité de cette demande au motif qu'il s'agit d'une prétention nouvelle en cause d'appel, qu'il appartenait à M. [D] de solliciter la communication des pouvoirs établis pour l'assemblée générale dans le cadre de la première instance et que le fait qu'il en ait eu connaissance après le jugement ne caractérise pas une évolution du litige rendant recevable cette nouvelle demande ;
Il soutient par ailleurs que cette demande est irrecevable compte tenu du délai de prescription de deux mois prévu par l'article 42 de la loi du 10 juillet 1965 ;
M. [D] allègue qu'il n'a eu connaissance des pouvoirs et du caractère irrégulier de certains que postérieurement à la première instance par l'intermédiaire d'une autre copropriétaire dont le conseil a fait sommation au syndicat des copropriétaires de lui communiquer la copie des l'ensemble des mandats de l'assemblée générale du 12 avril 2018 ; il soutient que la communication de ces mandats constitue un fait révélé au sens de l'article 564 du code de procédure civile rendant recevable sa demande ;
Selon l'article 564 du code de procédure civile «à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait» ;
Il résulte de l'article 565 du même code que «les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge même si leur fondement juridique est différent» ;
L'article 566 du même code dispose que « les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire » ;
Il ressort des dispositions de l'article 564 susvisé que l'évolution du litige rendant recevable une prétention nouvelle peut résulter soit de la survenance d'un fait nouveau, postérieur au jugement de première instance, soit de la révélation, postérieure au jugement, d'un fait nouveau, même antérieur, dès lors qu'il était inconnu de la partie qui l'invoque ;
Les pièces produites par M. [D] démontrent que les mandats donnés par M. [V] et Mme [J] en vue de l'assemblée générale du 12 avril 2018 ont été obtenus par le conseil d'une autre copropriétaire, Mme [Z], grâce à la signification d'une sommation de communiquer datée du début du mois de février 2020, et transmis à M. [D] le 24 avril 2020, ce que le syndicat des copropriétaires ne conteste pas ;
Dès lors, l'obtention de ces documents constitue la révélation d'un fait nouveau au sens de l'article 564 du code de procédure civile, de nature à rendre recevable la demande d'annulation de l'assemblée générale dans son ensemble présentée pour la première fois en cause d'appel par M. [D] ;
Cependant, l'article 42 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1965 dispose que les actions en contestation des décisions des assemblées générales doivent, à peine de déchéance, être introduites par les copropriétaires opposants ou défaillants dans un délai de deux mois à compter de la notification du procès-verbal d'assemblée
Dès lors, la demande d'annulation de l'assemblée générale du 12 avril 2018 dans son ensemble, présentée pour la première fois en cause d'appel, est forclose pour n'avoir pas été présentée dans ce délai ;
Sur la demande d'annulation des résolutions n° 4.1, 4.2, 4.3, 4.4 4.5, 14, 14.2, 14.3, 15, 15.1, 15.2,16.3, 14.7, 15.6, 16.1, 16.7, de l'assemblée générale du 12 avril 2018 fondée sur l'irrégularité des mandats
Sur la recevabilité de la demande d'annulation des résolutions n° 14.7, 15.6 et16.7
Le syndicat des copropriétaires soutient que ces demandes sont irrecevables, M. [D] ayant voté en faveur de ces résolutions ;
En applications des dispositions de l'article 42 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1965, les actions qui ont pour objet de contester les décisions des assemblées générales peuvent être introduites par les copropriétaires opposants ou défaillants ;
Les résolutions n° 14.7, 15.6 et 16.7, relatives à la souscription d'un prêt collectif, ont été votées à l'unanimité des présents, dont M. [D] ;
Par conséquent, M. [D] est irrecevable à les contester et le jugement doit être confirmé sur ce point ;
Sur le fond
M. [D] soutient que le pouvoir donné par M. [Y] [V] au «président du conseil syndical» et le pouvoir donné par Mme [P] au «conseil syndical» sont irréguliers, le mandant devant désigner dans le pouvoir la personne, copropriétaire ou non, qui est habilitée à voter en son nom ; concernant le pouvoir donné au président du conseil syndical, il prétend qu'aucun élément ne laisse penser que le conseil syndical avait procédé à sa désignation, ni à quel titre Mme [B], mentionnée comme ayant donné son accord à ce pouvoir, l'a accepté ;
L'article 22 alinéa 3 de la loi du 10 juillet 1965 dispose :
«Tout copropriétaire peut déléguer son droit de vote à un mandataire, que ce dernier soit ou non membre du syndicat. ['] Tout mandataire désigné peut subdéléguer son mandat à une autre personne, à condition que cela ne soit pas interdit par le mandat. ['] Lorsque le syndic a reçu des mandats sans indication de mandataire, il ne peut ni les conserver pour voter en son nom, ni les distribuer lui-même aux mandataires qu'il choisit» ;
M. [D] ne prétend ni ne démontre que Mme [B], qui a reçu le mandat donné par M. [V] au président du conseil syndical, n'a pas cette qualité, alors qu'il ressort du procès-verbal de l'assemblée générale qu'elle a été élue membre du conseil syndical ;
En revanche, un mandat doit être donné à une personne identifiée ou identifiable, et un mandat donné «en blanc» peut être distribué par le conseil syndical à une personne déterminée ; en l'espèce, le mandat donné au «conseil syndical», sans précision, et alors que n'y figure aucune mention «bon pour accord» signée d'une personne dénommée, est irrégulier ;
Cette irrégularité entraîne la nullité des résolutions querellées, à savoir les résolutions n° 4.1, 4.2, 4.3, 4.4 4.5, 14, 14.2, 14.3, 15, 15.1, 15.2,16.3, 16.1, sans qu'il soit besoin de procéder à l'examen des autres moyens ; le jugement doit être infirmé sur ce point ;
Sur la demande de dommage et intérêts formée par M. [D]
M. [D] invoque au soutien de sa demande la perte de temps et les tracas qu'il subit ;
L'article 1240 du code civil dispose que «tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer» ;
En vertu de l'article 9 du code de procédure civile, «il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention» ;
En l'espèce, M. [D] ne produit aucune pièce au soutien de sa demande et doit par conséquent en être débouté ; le jugement doit être confirmé sur ce point ;
Sur la demande reconventionnelle de dommages et intérêts pour procédure abusive
Le syndicat des copropriétaires prétend que M. [D] a contesté les résolutions de l'assemblée générale en vue de paralyser les travaux et de l'empêcher d'entretenir l'immeuble ;
Aux termes de l'article 32-1 du code de procédure civile, 'celui qui agit de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d'un maximum de 3.000 €, sans préjudices des dommages - intérêts qui seraient réclamés' ;
Le droit d'agir en justice constituant un droit fondamental, le seul fait pour une partie d'intenter une action en justice en vue d'obtenir le dédommagement d'un préjudice qu'elle estime fondé ne saurait constituer un abus ; l'appréciation inexacte qu'une partie fait de ses droits n'est pas, en soi, constitutive d'une faute ;
L'article 1240 du code civil dispose que tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ;
En l'espèce, la cour faisant droit aux prétentions de M. [D], aucun abus de droit d'agir en justice n'est caractérisé ; en tout état de cause, comme l'a relevé le tribunal, le syndicat des copropriétaires ne rapporte pas la preuve du fait que M. [S] [D] aurait contesté les résolutions de l'assemblée générale du 12 avril 2018 dans le seul but de paralyser la réalisation des travaux, et ce, sans motif légitime ou avec une évidente mauvaise foi ;
Le jugement doit être confirmé en ce qu'il a rejeté la demande reconventionnelle de dommages et intérêts présentée par le syndicat des copropriétaires ;
Sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile
Le sens du présent arrêt conduit à infirmer le jugement sur les dépens et l'application qui y a été faite de l'article 700 du code de procédure civile ;
Le syndicat des copropriétaires, partie perdante, doit être condamné aux dépens de première instance et d'appel, ainsi qu'à payer à M. [D] la somme de 3.000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile en cause de première instance et d'appel ;
Le sens du présent arrêt conduit à rejeter la demande par application de l'article 700 du code de procédure civile formulée par le syndicat des copropriétaires ;
Sur l'application de l'article 10-1 de la loi du 10 juillet 1965
M. [D] demande à être dispensé de toute participation aux condamnations précitées et aux frais afférents à la présente procédure, par application de l'article 10-1 de la loi du 10 juillet 1965 ;
Selon l'article 10-1 de la loi du 10 juillet 1965 'le copropriétaire qui, à l'issue d'une instance judiciaire l'opposant au syndicat, voit sa prétention déclarée fondée par le juge, est dispensé, même en l'absence de demande de sa part, de toute participation à la dépense commune des frais de procédure, dont la charge est répartie entre les autres copropriétaires' ;
M. [D], gagnant son procès contre le syndicat, est dispensé de toute participation à la dépense commune des frais de procédure de première instance et d'appel, incluant, notamment l'application de l'article 700 du code de procédure civile, les honoraires du syndic et les honoraires de l'avocat du syndicat des copropriétaires, dont la charge est répartie entre les autres copropriétaires ;
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Statuant par mise à disposition au greffe, contradictoirement,
Infirme le jugement en ses dispositions frappées d'appel, sauf en ce qu'il a :
- déclaré recevable la demande d'annulation des résolutions 4.1, 4.2, 4.3, 4.4, 4.5 de l'assemblée générale du 12 avril 2018,
- déclaré irrecevables les demandes d'annulation des résolutions n°14.7, 15.6 et 16.7 de l'assemblée générale du 12 avril 2018,
- débouté M. [S] [D] de sa demande de dommages et intérêts,
- rejeté la demande reconventionnelle en dommages et intérêts pour procédure abusive du syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 1] ;
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Annule les résolutions n° 4.1, 4.2, 4.3, 4.4 4.5, 14, 14.2, 14.3, 15, 15.1, 15.2,16.3, 16.1 de l'assemblée générale du 12 avril 2018 ;
Condamne le syndicat des copropriétaires de l'immeuble situé [Adresse 1] aux dépens de première instance et d'appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, ainsi qu'à payer à M. [S] [D] la somme de 3.000 € par application de l'article 700 du même code en cause de première instance et d'appel ;
Dispense M. [S] [D] de toute participation à la dépense commune des frais de procédure de première instance et d'appel, incluant notamment les dépens comprenant les frais d'expertise, l'application de l'article 700 du code de procédure civile et les honoraires de l'avocat du syndicat des copropriétaires, dont la charge est répartie entre les autres copropriétaires ;
Rejette toute autre demande.
LA GREFFIERE LE PRESIDENT