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25/06/2024 | FRANCE | N°23/18455

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 3, 25 juin 2024, 23/18455


Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 1 - Chambre 3



ARRÊT DU 25 JUIN 2024



(n° 264 , 8 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/18455 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CIRCN



Décision déférée à la cour : ordonnance du 31 octobre 2023 - président du TJ de Paris - RG n° 23/54204





APPELANT



M. [I] [B]

[Adresse 4]

[Adresse 4]



R

eprésenté par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LX PARIS-VERSAILLES-REIMS, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477

Ayant pour avocats plaidants Mes Thierry MAREMBERT et Mathilde VARET de la SCP ...

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 3

ARRÊT DU 25 JUIN 2024

(n° 264 , 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/18455 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CIRCN

Décision déférée à la cour : ordonnance du 31 octobre 2023 - président du TJ de Paris - RG n° 23/54204

APPELANT

M. [I] [B]

[Adresse 4]

[Adresse 4]

Représenté par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LX PARIS-VERSAILLES-REIMS, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477

Ayant pour avocats plaidants Mes Thierry MAREMBERT et Mathilde VARET de la SCP KIEJMAN & MAREMBERT, avocats au barreau de PARIS

INTIMES

Mme [O] [A]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

M. [K] [E]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

M. [X] [Z] [E]

[Adresse 5]

[Adresse 5] (SUISSE)

Représentés par Me Arnaud GUYONNET de la SCP SCP AFG, avocat au barreau de PARIS, toque : L0044

Ayant pour avocat plaidant Me Jean-Marc FEDIDA du cabinet FEDIDA AVOCAS, avocat au barreau de PARIS

S.A.S. DEQUESNE ' LE FALHER & ASSOCIÉS, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Représentée par Me Barthélemy LACAN de la SELAS LACAN AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : E0435

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 13 mai 2024, en audience publique, rapport ayant été fait par Jean-Christophe CHAZALETTE, président de chambre, conformément aux articles 804, 805 et 905 du CPC, les avocats ne s'y étant pas opposés.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Jean-Christophe CHAZALETTE, président de chambre

Anne-Gaël BLANC, conseillère

Valérie GEORGET, conseillère

Greffier lors des débats : Jeanne PAMBO

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Jean-Christophe CHAZALETTE, président de chambre et par Jeanne PAMBO, greffier, présent lors de la mise à disposition.

********

Courant 2009, M. [B], avocat au barreau de Paris, s'est vu confier par Mme [P] la réalisation d'une prestation de conseil relative à son imposition au titre de l'impôt de solidarité sur la fortune.

A la suite d'une plainte de l'administration fiscale, le tribunal correctionnel de Paris, statuant par jugement du 13 avril 2015 a reconnu Mme [P] coupable des faits de soustraction frauduleuse à l'établissement ou au paiement de l'impôt, organisation frauduleuse de son insolvabilité et blanchiment. M. [B], également poursuivi, a pour sa part été reconnu coupable du chef de complicité d'organisation frauduleuse d'insolvabilité. Au titre des intérêts civils, le tribunal a dit M. [B] solidairement tenu avec Mme [P] du paiement des impôts éludés par cette dernière au titre des années 2009 et 2010 et à celui des pénalités y afférentes. La condamnation au titre des intérêts civils a été confirmée par arrêt de la cour d'appel de Paris du 19 mai 2017. Par deux arrêts des 18 décembre 2019 et 29 janvier 2020, la Cour de cassation a cassé l'arrêt de la cour d'appel de Paris en plusieurs de ses dispositions autres toutefois que celles portant sur la condamnation précitée au titre des intérêts civils.

La direction générale des finances publiques (DGFIP) a procédé à une saisie conservatoire des droits d'associé et des valeurs mobilières détenus par M. [B] au sein de la société De Gaulle [B] et associés pour 2 730 215 euros le 25 juin 2015.

M. [B] a procédé en juillet et août 2022 au paiement à la DGFIP d'un montant total de 2 721 914,50 euros correspondant aux droits, pénalités et intérêts dus en application de l'article 1745 du code général des impôts.

Par jugement du 7 novembre 2017, le tribunal de grande instance de Paris a notamment condamné Mme [P] à garantir intégralement M. [B] à l'euro près, sur simple présentation de quittance de tout paiement que celui-ci pourra être amené à effectuer entre les mains de l'administration fiscale, au titre de l'exécution de la condamnation solidaire au paiement des impôts IR et ISF fraudés par Mme [P] en 2009 et 2010, prononcée par le tribunal correctionnel de Paris le 13 avril 2015 et confirmée par l'arrêt rendu le 19 mai 2017 par la cour d'appel de Paris.

Par arrêt du 5 décembre 2023, rendu sur renvoi après cassation, cette cour a confirmé, dans les limites de l'appel, le jugement du 7 novembre 2017, sauf quant à sa disposition concernant l'article 700 du code de procédure civile et, y ajoutant, a condamné Mme [P] à payer à M. [B] une somme de 2 721 914,50 euros au titre des dommages intérêts correspondant aux impôts éludés dus à la suite de la condamnation pénale, outre les intérêts au taux légal du 27 mars au 2 octobre 2023.

Faisant valoir qu'il résulte des éléments issus de la procédure pénale que Mme [P] a accordé des prêts à ses trois enfants qui s'élèveraient à plusieurs centaines de milliers d'euros pour chacun d'eux et que, si ceux-ci n'ont pas été remboursés, Mme [A], MM. [X] et [K] [E] seraient encore aujourd'hui débiteurs de sommes importantes vis-à-vis de leur mère, M. [B] a fait assigner ces derniers, ainsi que la société Dequesne Le Fahler et associés, notaires à Paris, par actes extrajudiciaires des 9 et 22 mai 2023, devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris en lui demandant la condamnation sous astreinte des défendeurs à lui remettre, s'agissant des consorts [A]-[E], les prêts notariés ou sous seing privé accordés par leur mère ainsi que la preuve de leur remboursement, et, s'agissant de que la société Dequesne Le Fahler et associés, les prêts accordés sous forme d'actes notariés reçus devant M. [M], notaire.

Par ordonnance du 31 octobre 2023, le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris a :

débouté M. [B] de sa demande aux fins qu'il soit enjoint à la société Dequesne Le Fahler et associés de lui remettre sous astreinte de 200 euros par jour de retard « tous les actes notariés correspondant à des prêts ou reconnaissances de dettes conclus depuis le 1er janvier 1990 entre Mme [P] et l'un ou plusieurs de ses trois enfants devant Me [M] » ;

ordonné à Mme [A] de remettre à M. [B] :

une copie de l'acte de prêt qui lui a été consenti par Mme [P] pour l'acquisition, le 7 juillet 1994, d'un bien immobilier situé dans le 12e arrondissement de Paris, évoqué en page 33/94 du jugement rendu le 13 avril 2015 par le tribunal correctionnel de Paris (N° parquet 10301092067),

une copie de tous éléments en sa possession justifiant de l'éventuel remboursement total ou partiel dudit prêt, le tout dans le délai d'un mois à compter de la signification de la présente ordonnance ;

débouté M. [B] du surplus de sa demande de production de pièces dirigée contre Mme [A], M. [X] [E] et M. [K] [E] ;

débouté les parties de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

condamné in solidum Mme [A], M. [X] [E] et M. [K] [E] aux dépens de l'instance, dont distraction au profit de Me Barthélémy Lacan conformément à l'article 699 du code de procédure civile pour ceux des dépens avancés pour le compte de la société Dequesne Le Fahler et associés.

Par déclaration du 16 novembre 2023, M. [B] a interjeté appel de cette décision en ce qu'elle :

l'a débouté de sa demande aux fins qu'il soit enjoint à la société Dequesne Le Fahler et associés de lui remettre sous astreinte de 200 euros par jour de retard « tous les actes notariés correspondant à des prêts ou reconnaissances de dettes conclus depuis le 1er janvier 1990 entre Mme [P] et l'un ou plusieurs de ses trois enfants devant Me [M] » ;

l'a débouté du surplus de sa demande de production de pièces dirigée contre Mme [A], M. [X] [E] et M. [K] [E] ;

a débouté les parties de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Aux termes de ses dernières conclusions en date du 30 avril 2024 auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé des moyens développés, il demande à la cour de :

le déclarer recevable et bien fondé en son appel ;

confirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a ordonné à Mme [A] de lui remettre une copie de l'acte de prêt qui lui a été consenti par Mme [P] pour l'acquisition, le 7 juillet 1994, d'un bien immobilier situé dans le 12e arrondissement de Paris, évoqué en page 33/94 du jugement rendu le 13 avril 2015 par le tribunal correctionnel de Paris ainsi qu'une copie de tous éléments en sa possession justifiant de l'éventuel remboursement total ou partiel dudit prêt ;

infirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle l'a débouté de sa demande à l'encontre de la société Dequesne Le Fahler et associés de lui remettre sous astreinte de 200 euros par jour de retard tous les actes notariés correspondant à des prêts ou reconnaissances de dettes conclus depuis le 1er janvier 1990 entre Mme [P] et l'un ou plusieurs de ses trois enfants devant Me [M] ;

infirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle l'a débouté du surplus de sa demande formulée à l'encontre de Mme [A], M. [X] [E] et M. [K][E] de communiquer, avant tout procès, sous astreinte de 200 euros par jour de retard tous les actes de prêts et/ou reconnaissances de dettes conclus depuis le 1er janvier 1990 devant tout autre notaire que Me [M] ou sous seing privé entre Mme [P] et l'un et/ou plusieurs d'entre eux ainsi que tout élément en leur possession correspondant à des preuves de remboursement en tout ou partie des prêts et/ ou reconnaissances de dettes qui leur ont été accordés par Mme [P] devant tout notaire ou par acte sous seing privé ;

statuant à nouveau,

débouter Mme [A], M. [X] [E] et M. [K] [E] de l'ensemble de leurs demandes en ce comprises celles formées au titre de leur appel incident ;

enjoindre l'étude Dequesne Le Fahler et associés à communiquer, avant tout procès, sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter de quinze jours après la signification de l'arrêt à intervenir, tous les actes notariés correspondant à des prêts ou reconnaissances de dettes conclus depuis le 1er janvier 1990 entre Mme [P] et l'un ou plusieurs de ses trois enfants, Mme [A], M. [X] [E] et M. [K] [E] devant Me [M] ;

enjoindre Mme [A], M. [X] [E] et M. [K] [E] à communiquer, avant tout procès, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard à compter de quinze jours après la signification de l'arrêt à intervenir, les éléments suivants :

tous les actes de prêts et/ou reconnaissances de dettes conclus depuis le 1er janvier 1990 devant tout notaire ou sous seing privé entre Mme [P] et l'un et/ou plusieurs d'entre eux ;

tout élément en leur possession, notamment des justificatifs bancaires, correspondant à des preuves de remboursement en tout ou partie des prêts et/ou reconnaissances de dettes qui leur ont été accordés par Mme [P] devant tout notaire ou par acte sous seing privé ;

condamner Mme [A], M. [X] [E] et M. [K] [E] aux dépens.

Mme [A], M. [X] [E] et M. [K] [E], aux termes de leurs dernières conclusions en date du 24 avril 2024 auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé des moyens développés, demandent à la cour de :

confirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a débouté M. [B] de ses demandes dirigées à leur encontre ;

infirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a ordonné à Mme [A] de remettre à M. [B] une copie de l'acte de prêt qui lui a été consenti par Mme [P] pour l'acquisition, le 7 juillet 1994, d'un bien immobilier situé dans le 12e arrondissement de Paris, évoqué en page 33/94 du jugement rendu le 13 avril 2015 par le tribunal correctionnel de Paris ainsi qu'une copie de tous éléments en sa possession justifiant de l'éventuel remboursement total ou partiel dudit prêt, le tout dans le délai d'un mois à compter de la signification de ladite ordonnance ;

et, statuant à nouveau,

débouter M. [B] de ses demandes dirigées à l'encontre de Mme [A] ;

condamner M. [B] à leur verser la somme de 10 000 euros chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

condamner M. [B] aux entiers dépens.

La société Dequesne-Le Fahler et associés, aux termes de ses dernières conclusions en date du 9février 2024 auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé des moyens développés, demande à la cour de :

débouter M. [B] de toutes ses demandes en ce qu'elles sont dirigées contre elle ;

confirmant l'ordonnance entreprise ;

condamner M. [B] à lui payer la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

condamner M. [B] aux entiers dépens, de première instance et d'appel, et dire que la société Lacan Avocats, avocat, pourra en application de l'article 699 du  code de procédure civile recouvrer sur la partie condamnée ceux des dépens dont elle déclarera avoir fait l'avance sans avoir reçu provision.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 2 mai 2024.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties susvisées pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

Sur ce,

En vertu de l'article 145 du code de procédure civile, s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé.

En l'espèce, s'il n'est pas contesté que Mme [P] s'est acquitté le 4 avril 2024 d'une somme de 2 685 808,90 francs suisses, correspondant, sous réserve du taux de change utilisé, au principal de la somme de 2 721 914,50 euros qu'elle a été condamnée à payer par arrêt de cette cour du 5 décembre 2023, M. [B] justifie qu'il dispose encore d'une créance à son encontre consistant, a minima et sans compter les différents frais liés aux actions judiciaires mises en 'uvre, en la somme correspondant aux intérêts au taux légal du 27 mars au 2 octobre 2023 que Mme [P] lui doit également en vertu du même arrêt du 5 décembre 2023, évalués par M. [B] à 69 286,91 euros.

M. [B] fait valoir que les consorts [A]-[E] sont débiteurs de différents prêts consentis par leur mère, Mme [P], et que sa demande de production de documents est justifiée par le procès qu'il pourrait mettre en 'uvre à leur encontre en exerçant l'action oblique de l'article 1341-1 du code civil à concurrence des sommes qui lui sont encore dues par Mme [P].

L'existence de ces prêts, par actes authentiques ou seing privé, résulte suffisamment des mentions du jugement du tribunal correctionnel du 13 avril 2015 qui évoque les nombreuses opérations patrimoniales entre Mme [P] et ses enfants, notamment l'acquisition par Mme [A] le 7 juillet 1994 d'un bien immobilier dans le 12e arrondissement de Paris, pour un prix de 289 653 euros financé au moyen d'un prêt du même montant accordé par sa mère (p. 33 du jugement, pièce 1 [B]) et l'intervention de M. [M] pour des actes de ventes et de prêts (p. 29 du jugement pièce 1 [B]), sans qu'il soit utile de recourir au contenu d'une consultation écrite donné par M. [B] à Mme [P] en 2009, ni d'examiner le moyen tenant à l'existence du secret professionnel de l'avocat concernant cette pièce.

Les dispositions de l'article 145 précité ne doivent pas conduire le juge des référés à apprécier les chances de succès du futur procès ou le caractère décisif des pièces dont la communication est réclamée. Il lui suffit de constater la possibilité d'un procès potentiel, non manifestement voué à l'échec sur la base d'un fondement juridique suffisamment déterminé.

Or en l'espèce, compte tenu de l'existence d'une créance de M. [B] à l'encontre de Mme [P], et alors que l'existence de prêts accordés à ses enfants est suffisamment vraisemblable, M. [B] justifie suffisamment qu'il dispose d'une action oblique à l'encontre des consorts [A]-[E], et que la production des pièces qu'il sollicite est de nature à améliorer sa situation probatoire, puisque ces documents lui apporteront des informations précises sur les prêts litigieux.

Dès lors, le moyen formulé par les consorts [A]-[E] tenant à l'absence de démonstration par M. [B] de la carence de Mme [P] dans l'exercice de ses droits et actions à caractère patrimonial, et de l'absence d'utilité de sa demande de pièces pour faire cette démonstration sera rejetée.

Les consorts [A]-[E] font valoir que les demandes de M. [B] constituent une violation de leur vie privée. Ils affirment que les mesures sollicitées ne sont pas sérieusement limitées dans le temps et qu'elles ne sont pas limitées à des notaires particuliers, mais visent tout autre notaire que Maître [R] [M] ou sous seing privé, sans limite géographique. Ils ajoutent qu'en mentionnant la communication de « tout élément », M. [B] ne précise ni la nature, ni le contenu des documents qu'il réclame.

Cependant, il y a lieu de constater que les demandes de M. [B] visent uniquement les actes susceptibles de constituer des créances de Mme [P] envers ses enfants, sur une période qui n'est pas indéterminée mais qui est en rapport avec la date à laquelle il est avéré, par les mentions du jugement correctionnel du 13 avril 2015, que Mme [P] a consenti un prêt à sa fille pour l'acquisition d'un bien immobilier. En outre, la demande de M. [B] vise les éléments correspondant à des preuves de remboursement, demande qui est dès lors aussi circonscrite dans son objet. La mise en 'uvre de la mesure d'instruction réclamée, nécessaire à l'exercice du droit à la preuve de M. [B], ne porte donc pas une atteinte excessive au droit au respect à la vie privée des consorts [A]-[E] et apparaît ainsi proportionnée aux intérêts antinomiques en présence.

Par ailleurs, les consorts [A]-[E] ne sont pas fondés à opposer le secret professionnel des notaires pour refuser de produire eux-mêmes les actes authentiques sollicités, alors que l'article 23 de la loi du 25 ventôse an XI précité n'est applicable qu'aux notaires et que la question d'un recel de violation du secret professionnel est dénuée de pertinence compte tenu de la présente injonction judiciaire.

Dans ces conditions, il sera fait droit à la demande de communication des pièces réclamées aux consorts [A]-[E], emportant confirmation partielle de l'ordonnance entreprise et infirmation du surplus, sur ce chef de demande.

Les intimés excipent par ailleurs du secret professionnel des notaires pour s'opposer à la demande de communication de pièces dirigées à l'encontre de la société Dequesne-Le Fahler. Selon l'article 23 de la loi du 25 ventôse an XI, modifié par l'ordonnance n° 2000-916 du 19 septembre 2000, les notaires ne peuvent, sans une ordonnance du président du tribunal judiciaire, délivrer expédition ni donner connaissance des actes à d'autres qu'aux personnes intéressées en nom direct, héritiers ou ayants droit, à peine de dommages-intérêts et d'une amende.

Il résulte donc de ce texte que le secret professionnel du notaire peut être levé par l'autorité judiciaire pour la délivrance des expéditions et la connaissance des actes qu'il a établis (Civ. 1, 20 avril 2022, 20-23.160 P).

Or en l'espèce, il n'est pas contesté que M. [M], notaire, qui a reconnu notamment dans le cours de l'instance pénale, avoir été rédacteur de différents actes de vente et de prêt entre Mme [P] et ses enfants, exerçait au sein de la société Dequesne ' Le Fahler et associés, titulaire d'un office notarial.

Les pièces réclamées à la société Dequesne ' Le Fahler et associés étant nécessaires au droit à la preuve de M. [B], il sera fait droit à la demande.

Il ne sera pas fait droit aux demandes d'astreinte assortissant les différentes injonctions de communication de pièces.

L'ordonnance entreprise sera confirmée en ce qu'elle a rejeté les demandes fondées sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et condamné les consorts [A]-[E] aux dépens.

Les demandes fondées sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel seront rejetées. Les consorts [A]-[E] seront condamnés aux dépens d'appel. Il n'y pas lieu de faire droit à la demande de distraction des dépens formulée par la société Dequesne-Le Fahler et associés, puisqu'elle est l'accessoire de leur demande de condamnation aux dépens de M. [B].

PAR CES MOTIFS

Confirme l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a :

ordonné à Mme [A] de remettre à M. [B] :

une copie de l'acte de prêt qui lui a été consenti par Mme [P] pour l'acquisition, le 7 juillet 1994, d'un bien immobilier situé dans le 12e arrondissement de Paris, évoqué en page 33/94 du jugement rendu le 13 avril 2015 par le tribunal correctionnel de Paris (N° parquet 10301092067),

une copie de tous éléments en sa possession justifiant de l'éventuel remboursement total ou partiel dudit prêt, le tout dans le délai d'un mois à compter de la signification de la présente ordonnance ;

débouté les parties de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

condamné in solidum Mme [A], M. [X] [E] et M. [K] [E] aux dépens de l'instance, dont distraction au profit de Me Barthélémy Lacan ;

L'infirme pour le surplus et, statuant à nouveau :

Enjoint à la société Dequesne-Le Fahler et associés de communiquer à M. [B] tous les actes authentiques correspondant à des prêts ou reconnaissances de dettes conclus depuis le 1er janvier 1990 entre Mme [P] et l'un ou plusieurs de ses trois enfants, Mme [A], M. [X] [E] et M. [K] [E] devant M. [M], notaire ;

Enjoint à Mme [A], M. [X] [E] et M. [K] [E] de communiquer à M. [B] les éléments suivants :

tous les actes de prêts et reconnaissances de dettes conclus depuis le 1er janvier 1990 devant tout notaire ou sous seing privé entre Mme [P] et l'un ou plusieurs d'entre eux ;

tout élément en leur possession, notamment des justificatifs bancaires, correspondant à des preuves de remboursement en tout ou partie des prêts et reconnaissances de dettes qui leur ont été accordés par Mme [P] devant tout notaire ou par acte sous seing privé ;

Y ajoutant,

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;

Condamne in solidum Mme [A], M. [X] [E] et M. [K] [E] aux dépens d'appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 1 - chambre 3
Numéro d'arrêt : 23/18455
Date de la décision : 25/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 03/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-25;23.18455 ?
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