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25/06/2024 | FRANCE | N°23/17831

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 3, 25 juin 2024, 23/17831


Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 1 - Chambre 3



ARRÊT DU 25 JUIN 2024



(n° 261 , 9 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/17831 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CIPAK



Décision déférée à la cour : ordonnance du 31 août 2023 - président du TJ de Bobigny - RG  n° 23/00726





APPELANTE



S.C.I. CEFH, RCS de Bobigny n° 442194601, prise en la personn

e de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 5]



Représentée par Me Stéphane BAZIN, avocat au barreau de PARIS, toque : C1878





I...

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 3

ARRÊT DU 25 JUIN 2024

(n° 261 , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/17831 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CIPAK

Décision déférée à la cour : ordonnance du 31 août 2023 - président du TJ de Bobigny - RG  n° 23/00726

APPELANTE

S.C.I. CEFH, RCS de Bobigny n° 442194601, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 5]

Représentée par Me Stéphane BAZIN, avocat au barreau de PARIS, toque : C1878

INTIMEE

SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES DE LA RÉSIDENCE [Adresse 3], représenté pas son syndic en exercice, le cabinet CM GESTIMMO AJOA GESTION, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Magali HENON, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, toque: BOB157

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 29 avril 2024, en audience publique, rapport ayant été fait par Valérie GEORGET, conseillère, conformément aux articles 804, 805 et 905 du CPC, les avocats ne s'y étant pas opposés.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Jean-Christophe CHAZALETTE, président de chambre

Anne-Gaël BLANC, conseillère

Valérie GEORGET, conseillère

Greffier lors des débats : Jeanne PAMBO

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Jean-Christophe CHAZALETTE, président de chambre et par Jeanne PAMBO, greffier, présent lors de la mise à disposition.

La société civile immobilière (SCI) CEFH est propriétaire des lots n° 101, 102, 103 situés dans la résidence de l'immeuble sis [Adresse 3].

Le syndicat des copropriétaires de la résidence [Adresse 3] (le syndicat des copropriétaires) reproche à la SCI CEFH d'avoir modifié la destination des lieux en les transformant en locaux à usage d'habitation.

Par acte extrajudiciaire du 21 mars 2023, le syndicat des copropriétaires de la résidence sis [Adresse 3] a fait assigner la SCI CEFH devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Bobigny aux fins notamment de :

lui enjoindre à faire cesser les nuisances provenant de l'exploitation des lots 101, 102 et 103 dans un délai de un mois à compter de la signification de la présente décision ;

condamner la SCI CEFH à libérer les lots 101, 102 et 103 de leur occupation et faire libérer les parties communes, sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;

enjoindre à la SCI CEFH de procéder au rétablissement des lieux conformément à la destination des lots, soit en atelier et sous surveillance de l'architecte de l'immeuble qui devra donner son avis sur les mesures permettant d'y mettre fin et dont le coût sera supporté par le défendeurs, sous astreinte de 500 euros par jour de retard.

Par ordonnance contradictoire du 31 août 2023, le juge des référés du tribunal judiciaire de Bobigny a :

renvoyé les parties à se pourvoir le cas échéant sur le fond du litige ;

par provision, tous moyens des parties étant réservés ;

condamné la SCI CEFH à procéder au rétablissement des lots 101, 102 et 103 situés [Adresse 3] conformément à leur destination, dans le délai de deux mois à compter de la signification de la présente ordonnance, et passé ce délai, sous astreinte de 300 euros par jour de retard, ceci durant un délai maximal de 60 jours ;

condamné la SCI CEFH à faire libérer les parties communes dans le délai de 15 jours à compter de la signification de la présente ordonnance, et passé ce délai, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ceci durant un délai maximal de 60 jours ;

rejeté toute autre demande plus ample ou contraire ;

condamné la SCI CEFH à régler la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

rejeté la demande de dispense fondée sur l'article 10-1 de la loi du 10 juillet 1965 :

rejeté toute autre demande ;

condamné la SCI CEFH aux dépens ;

rappelé que la présente décision est exécutoire par provision.

Par déclaration du 6 novembre 2023, la SCI CEFH a relevé appel de cette décision de l'ensemble des chefs du dispositif sauf en ce qu'elle a renvoyé les parties à se pourvoir le cas échéant sur le fond du litige, rejeté la demande de dispense fondée sur l'article 10-1 de la loi du 10 juillet 1965 et rejeté toute autre demande.

Dans ses dernières conclusions déposées et notifiées le 15 décembre 2023 auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé des moyens développés, la SCI CEFH demande à la cour de :

annuler l'ordonnance du 31 août 2023 par laquelle le juge des référés a notamment condamné la société CEFH à procéder au rétablissement des lots 101, 102 et 103 situés [Adresse 3] conformément à leur destination et de faire libérer les parties communes et ce sous astreinte ;

infirmer l'ordonnance du 31 août 2023 par laquelle le juge des référés a notamment condamné la société CEFH à procéder au rétablissement des lots 101, 102 et 103 situés [Adresse 3] conformément à leur destination et de faire libérer les parties communes et ce sous astreinte ;

statuant à nouveau,

débouter le syndicat des copropriétaires de la résidence sise [Adresse 3] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

condamner le syndicat des copropriétaires de la résidence sise [Adresse 3] à lui régler la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

la dispenser aux paiements des frais et dommages et intérêts en application des dispositions de l'article 10 de la loi du 10 juillet 1965 ;

condamner le syndicat des copropriétaires de la résidence sise [Adresse 3] aux entiers dépens.

Dans ses dernières conclusions déposées et notifiées le 9 janvier 2024, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé des moyens développés, le syndicat des copropriétaires demande à la cour de :

prononcer la caducité de la déclaration d'appel ;

écarter des débats l'ensemble des pièces de la SCI CEFH ;

débouter la SCI CEFH de l'ensemble de ses demandes ;

en conséquence,

confirmer l'ordonnance du 31 août 2023 rendue par le président du tribunal judiciaire de Bobigny ;

en conséquence,

enjoindre à la SCI CEFH de faire cesser les nuisances provenant de l'exploitation des lots 101, 102 et 103, et dans un délai de 1 mois à compter de la signification de la présente décision à notifier aux occupants une procédure judiciaire d'expulsion ;

condamner la SCI CEFH à libérer les lots 101, 102 et 103 de leur occupation et faire libérer les parties communes à ses seuls frais ;

dire qu'à défaut d'exécution dans le délai précité, la SCI CEFH sera tenue au paiement d'une astreinte provisoire de 1 000 euros par jour de retard ;

enjoindre à la SCI CEFH de procéder au rétablissement des lieux conformément à la destination des lots et sous surveillance de l'architecte de l'immeuble qui devra donner son avis sur les mesures permettant d'y mettre fin et dont le coût sera supporté par l'appelant ;

dire qu'à défaut d'exécution dans le délai précité, la SCI CEFH sera tenue au paiement d'une astreinte provisoire de 1 000 euros par jour de retard ;

condamner la SCI CEFH à lui verser la somme de 12 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

condamner la SCI CEFH au paiement des entiers dépens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 4 avril 2024.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties susvisées pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

Sur ce,

Sur la demande tendant à voir constater la caducité de la déclaration d'appel

Aux termes de l'article 905-1 du code de procédure civile, lorsque l'affaire est fixée à bref délai par le président de la chambre, l'appelant signifie la déclaration d'appel dans les dix jours de la réception de l'avis de fixation qui lui est adressé par le greffe à peine de caducité de la déclaration d'appel relevée d'office par le président de la chambre ou le magistrat désigné par le premier président ; cependant, si, entre-temps, l'intimé a constitué avocat avant signification de la déclaration d'appel, il est procédé par voie de notification à son avocat.

Au cas présent, le syndicat des copropriétaires soulève la caducité de la déclaration d'appel faute de signification de cet acte dans le délai de dix jours de l'avis de fixation.

Toutefois, l'avis de fixation a été notifié par le greffe à l'avocat de l'appelante le 24 novembre 2023.

Le délai de dix jours pour signifier la déclaration d'appel expirait, en conséquence, le lundi 4 décembre 2023 à minuit.

L'intimée a constitué avocat le 28 novembre 2023 soit avant l'expiration du délai de dix jours susvisé.

Or, l'absence de signification de la déclaration d'appel à l'intimée ou de sa notification à son avocat constitué entre-temps n'est pas sanctionnée par la caducité de la déclaration d'appel.

En conséquence, la demande du syndicat des copropriétaires tendant à voir déclarer caduque la déclaration d'appel sera rejetée.

Sur la demande tendant à voir écarter des débats les pièces de l'appelante

L'intimé demande d'écarter des débats les pièces visées dans les conclusions de la SCI CEFH dès lors qu'elles ne lui ont pas été communiquées.

Par courrier officiel du 4 janvier 2024, l'avocat du syndicat des copropriétaire a demandé à celui de la SCI CEFH de lui adresser les pièces visées au soutien de ses conclusions d'appelant.

L'appelante, qui ne présente aucune observation sur la demande de rejet de ses pièces, ne s'explique pas sur leur communication à la partie adverse ni ne justifie d'une telle communication.

En outre, le dépôt du bordereau de communication de pièces de l'appelante n'apparaît pas avoir été notifié par l'intermédiaire du RPVA.

En conséquence, afin de garantir le respect du contradictoire, il convient d'écarter des débats les pièces de l'appelante.

Sur la demande d'annulation de l'ordonnance entreprise

Aux termes de l'article 542 du code de procédure civile, l'appel tend, par la critique du jugement rendu par une juridiction du premier degré, à sa réformation ou à son annulation par la cour d'appel.

En l'espèce, au soutien de sa demande d'annulation de l'ordonnance, la SCI CEFH fait valoir que le premier juge a méconnu le principe du contradictoire et l'objet du litige en retenant l'existence d'un trouble manifestement illicite alors que ce fondement juridique n'était pas invoqué par le syndicat des copropriétaires et que les parties n'ont pas été invitées à présenter leurs observations sur ce point.

Il est rappelé qu'en application de l'article 457 du code de procédure civile, le jugement a la force probante d'un acte authentique, sous réserve des dispositions de l'article 459 et que, selon ce dernier texte, l'omission ou l'inexactitude d'une mention destinée à établir la régularité du jugement ne peut entraîner la nullité de celui-ci s'il est établi par les pièces de la procédure, par le registre d'audience ou par tout autre moyen que les prescriptions légales ont été, en fait, observées.

L'ordonnance entreprise indique, page 2, dans la partie consacrée à l'exposé du litige et plus particulièrement s'agissant des moyens développés par le syndicat des copropriétaires que celui-ci soutient ' que ces lots sont occupés par une vingtaine de personnes, qui salissent les parties communes, et qu'un arrêté d'insalubrité a été rendu le 1er juin 2022 mais que la SCI CEFH n'est pas intervenue pour faire cesser ce trouble manifestement illicite.'

Eu égard à la référence à la notion de trouble manifestement illicite, l'application de l'article 835, alinéa 1er, du code de procédure civile qui prévoit que le juge peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite, était donc dans le débat devant le premier juge.

La SCI CEFH échoue, par conséquent, à démontrer que le premier juge aurait méconnu le principe du contradictoire et modifié l'objet du litige.

Sa demande tendant à l'annulation de l'ordonnance sera rejetée.

Sur le trouble manifestement illicite

Selon l'article 835, alinéa 1, du code de procédure civile, le président du tribunal judiciaire peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite .

Le trouble manifestement illicite désigne toute perturbation résultant d'un fait matériel ou juridique qui, directement ou indirectement, constitue une violation évidente de la règle de droit et le dommage imminent s'entend de celui qui n'est pas encore réalisé mais qui se produira sûrement si la situation dénoncée perdure.

Au cas présent, la SCI CEFH est propriétaire des trois lots ainsi décrits dans le règlement de copropriété :

- lot 101 : rez-de-chaussée du bâtiment B, local d'activité ayant son accès depuis la cour commune en face devenant du bâtiment A comprenant un atelier ;

- lot 102 : rez-de-chaussée du bâtiment B, local d'activité ayant son accès depuis la cour commune à gauche en venant du bâtiment A comprenant : une pièce et un atelier ;

- lot 103 : 1er étage bâtiment B local ayant son accès par le bâtiment A, porte au fond du dégagement situé à gauche comprenant : une pièce et une remise.

- Sur le trouble manifestement illicite relatif aux conditions d'occupation et à l'affectation des lots 101 et 102 situés en rez-de-chaussée

- sur les conditions d'occupation des lots

Le règlement de copropriété prévoit, sous le chapitre IV- conditions d'usage des parties privatives et des parties communes que 'chaque copropriétaire sera responsable, à l'égard du syndicat comme de tout autre copropriétaire des troubles de jouissance et infractions aux dispositions du présent règlement dont lui-même, sa famille, ses préposés, ses locataires ou occupants et fournisseurs seront directement ou indirectement les auteurs.'

Il ajoute, d'une part, dans la 'section II - usage des parties privatives' que 'chacun des copropriétaires aura le droit de jouir et d'user en bon père de famille des parties de l'immeuble dont il aura l'usage exclusif, à la condition de ne pas nuire aux droits des autres copropriétaires, le tout conformément à la destination de l'immeuble, telle qu'elle est déterminée par le présent règlement.

De façon générale, il ne devra rien être fait qui puisse porter atteinte à la destination, compromettre l'harmonie et la solidité de l'immeuble, nuire à la sécurité ou à la tranquillité de l'immeuble', d'autre part, dans la section IV - dispositions diverses' que 'les copropriétaires et occupants de l'immeuble devront observer et exécuter les règlements d'hygiène, de ville, de police, de voirie et en outre, d'une façon générale, tous les usages d'une maison bien tenue.'

Le syndicat des copropriétaires affirme que la SCI CEFH a transformé les lots n° 101 et 102 en appartements et y héberge vingt personnes.

La SCI CEFH oppose que, lorsque la perturbation provient du fait d'un tiers, l'action fondée sur l'existence d'un trouble manifestement illicite doit être engagée à l'encontre de celui-ci. Elle précise qu'elle a loué les locaux à titre strictement professionnel à MM. [B] et [H], que ceux-ci, qui ne pouvaient utiliser ces locaux à usage d'habitation, ont quitté les lieux mais que les sous-locataires s'y sont maintenus. Elle considère qu'il appartenait au syndicat des copropriétaires d'engager une action à l'encontre des tiers à l'origine des troubles invoqués.

Mais la SCI CEFH, en sa qualité de copropriétaire, demeure responsable des agissements de son locataire pour les troubles qu'il viendrait à causer au sein de la copropriété. Il lui appartient également de prendre les mesures nécessaires pour que l'occupation de son bien soit conforme aux prescriptions et contraintes édictées par le règlement de copropriété et garantisse la tranquillité des occupants de la copropriété.

Au surplus, la SCI CEFH ne démontre pas que ses locataires ont effectivement et définitivement quitté les lieux.

Le moyen tiré de l'absence d'imputabilité du trouble invoqué à la SCI CEFH ne saurait, en conséquence, prospérer.

Ensuite, le syndicat des copropriétaires fait valoir que de nombreuses personnes résident dans les locaux, que leurs départs et arrivées incessants perturbent de façon continue la quiétude des autres copropriétaires et que les conditions d'occupation des lieux créent un risque d'insalubrité.

Le syndicat des copropriétaire verse un arrêté préfectoral de traitement de l'insalubrité du 1er juin 2022 qui enjoint à la SCI CEFH de faire cesser la mise à disposition du local à des fins d'habitation, de procéder au relogement des occupants et de supprimer les équipements sanitaires et la cuisine au départ des occupants actuels. Cet arrêté relate que  le local en fond de cour, porte droite, constitue un danger pour la santé ou la sécurité physique des personnes dès lors qu'il est mis à disposition aux fins d'habitation présentant un caractère impropre à un tel usage du fait de sa nature et de sa configuration. Il est mentionné l'absence d'ouvrant donnant sur l'extérieur et la dangerosité du local du fait des conditions manifestes de sur occupation, ce local étant occupé par neuf personnes pour une surface habitable de 28 m².

La SCI CEFH oppose vainement avoir formé un recours gracieux contre cet arrêté sans avoir obtenu de réponse. En effet, l'absence de réponse dans un délai de deux mois vaut décision implicite de rejet. Elle n'allègue ni ne justifie avoir satisfait aux injonctions de cet arrêté préfectoral.

De plus, les conditions d'occupation dégradées des locaux telles que décrites dans l'arrêté préfectoral sont confirmées par un procès-verbal de constat du 18 avril 2023. Il résulte des constatations du commissaire de justice et des photographies annexées au procès-verbal que les lots commerciaux situés en rez-de-chaussée ont été transformés en trois appartements dans lesquels résident plusieurs personnes, que ces appartements sont équipés d'une cuisine, d'une salle de bains et de toilettes.

Il s'ensuit, avec l'évidence requise en référé, que les occupants de l'immeuble subissent des nuisances, nées des conditions d'occupation des lots n° 101 et 102 décrites supra.

La SCI CEFH ne justifie pas avoir remédié aux nuisances constatées au jour de la décision du premier juge.

Ces nuisances caractérisent un trouble manifestement illicite.

- sur le changement de l'affectation des lots n° 101 et 102

Le syndicat des copropriétaires reproche également à la SCI CEFH une modification de la destination des lots n° 101 et 102 en violation des stipulations du règlement de copropriété sans autorisation de l'assemblée générale.

L'article 8 I de la loi du 10 juillet 1965 dispose qu'un règlement conventionnel de copropriété, incluant ou non l'état descriptif de division, détermine la destination des parties tant privatives que communes, ainsi que les conditions de leur jouissance ; il fixe également, sous réserve des dispositions de la présente loi, les règles relatives à l'administration des parties communes. Il énumère, s'il y a lieu, les parties communes spéciales et celles à jouissance privative.

La destination des parties privatives correspond à l'affectation qui leur est donnée et à  l'usage qui leur est réservé. Elle est, pour l'essentiel, définie par le règlement de copropriété. La destination des parties privatives se distingue par conséquent de la destination de l'immeuble qui est intangible sauf décision unanime des copropriétaires.

Il convient donc d'examiner le trouble invoqué au regard des stipulations du règlement de copropriété et non des dispositions du code de l'urbanisme ou du code de la construction et de l'habitation ainsi que soutenu par l'appelante.

En l'espèce, le règlement de copropriété prévoit sous le titre 'destination-occupation' que l'immeuble est destiné à un usage mixte : habitation et professionnel à l'exception des rez-de-chaussée réservés exclusivement à l'exercice d'activités commerciales, artisanales ou libérales tant sous la forme individuelle que sous forme sociétaire.

Les lots n° 101 et 102 sont situés au rez-de-chaussée.

Or, ainsi que relevé précédemment, il ressort des pièces produites par le syndicat des copropriétaires, en particulier du procès-verbal de constat du 18 avril 2023, que les lots n° 101 et 102 ont été regroupés, sont affectés à l'habitation et équipés comme tels alors que le règlement de copropriété prévoit qu'ils doivent être exclusivement réservés à l'exercice d'activités commerciales, artisanales ou libérales.

La SCI CEFH ne justifie ni d'une autorisation de l'assemblée générale concernant ce changement d'affectation ni avoir entrepris des démarches utiles pour voir effectivement rétablir la destination des lots n° 101 et 102.

Ce changement d'affectation, établi avec l'évidence requise en référé, constitue un trouble manifestement illicite lié au non respect du règlement de copropriété.

Etant observé que le syndicat des copropriétaires n'a pas interjeté appel incident, l'ordonnance entreprise sera confirmée en ce qu'elle a condamné la SCI CEFH à procéder au rétablissement des lots n° 101 et 102 conformément à leur destination, dans le délai de deux mois à compter de la signification de la décision, et passé ce délai, sous astreinte de 300 euros par jour de retard, ceci durant un délai maximal de 60 jours.

La destination des lots est ici entendue comme celle donnée aux parties privatives par le règlement de copropriété.

- Sur le trouble manifestement illicite relatif à l'encombrement des parties communes

Le syndicat des copropriétaires reproche, en outre, à la SCI CEFH un encombrement des parties communes par les occupants des lots n° 101 et 102.

Il verse, pour en justifier, un procès-verbal de constat du 18 avril 2023 établi par un commissaire de justice dont il résulte que divers objets (meubles remplis de chaussures, sacs) sont entreposés dans la cour commune par les occupants des lots n° 101 et 102.

Or le règlement de copropriété prévoit sous la section III 'usage des parties communes' '2° encombrement' que 'nul ne pourra, même temporairement, encombrer les parties communes, ni y déposer quoi que ce soit, ni les utiliser pour son usage exclusivement personnel, en dehors de leur destination, normale sauf cas de nécessité.'

La SCI CEFH n'allègue ni ne justifie avoir entrepris des démarches pour faire libérer la cour.

Aussi, l'encombrement de cette cour commune constitue un trouble manifestement illicite.

L'ordonnance entreprise sera confirmée en ce qu'elle a condamné la SCI CEFH à faire libérer les parties communes dans le délai de 15 jours à compter de la signification de la décision, et passé ce délai, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ceci durant un délai maximal de 60 jours.

- Sur le trouble manifestement illicite relatif au lot n° 103

Le syndicat des copropriétaires reproche enfin à la SCI CEFH une occupation de ce lot en violation du règlement de copropriété. Il soutient que le lot n° 103 est décrit comme un local mais non comme un appartement.

Le lot n° 103 est ainsi décrit par le règlement de copropriété : 1er étage bâtiment B local ayant son accès par le bâtiment A, porte au fond du dégagement situé à gauche comprenant : une pièce et une remise.

La SCI CEFH objecte à juste titre que le syndicat des copropriétaires ne produit aucune pièce décrivant des conditions d'occupation dégradées ou un changement d'affectation du lot n° 103, situé à l'étage, au jour de la décision du premier juge.

Aussi, l'existence d'un trouble manifestement illicite n'est pas caractérisée s'agissant du lot n° 103.

Il n'y a donc pas lieu à référé sur ce chef de demande.

L'ordonnance sera infirmée de chef.

Sur les demandes accessoires

Le sort des dépens de première instance et l'application de l'article 700 du code de procédure civile ont été exactement appréciés par le premier juge.

Succombant en la plupart de ses prétentions, l'appelante supportera les dépens d'appel.

En revanche, au regard de l'issue du litige en appel, l'équité ne commande pas de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Rejette la demande du syndicat des copropriétaires de la résidence sise [Adresse 3] tendant à voir déclarer caduque la déclaration d'appel ;

Ecarte des débats les pièces de l'appelante ;

Rejette la demande de la SCI CEFH tendant à l'annulation de l'ordonnance entreprise ;

Infirme l'ordonnance entreprise en ce qu'elle condamne la SCI CEFH à procéder au rétablissement du lot n° 103 situés [Adresse 3] conformément à sa destination, dans le délai de deux mois à compter de la signification de la présente ordonnance, et passé ce délai, sous astreinte de 300 euros par jour de retard, ceci durant un délai maximal de 60 jours ;

La confirme pour le surplus ;

Statuant à nouveau du chef infirmé,

Dit n'y avoir lieu à référé sur la demande relative au lot n°103 ;

Condamne la SCI CEFH aux dépens d'appel ;

Rejette les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 1 - chambre 3
Numéro d'arrêt : 23/17831
Date de la décision : 25/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 01/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-25;23.17831 ?
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