La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

25/06/2024 | FRANCE | N°23/10456

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 3, 25 juin 2024, 23/10456


Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 1 - Chambre 3



ARRÊT DU 25 JUIN 2024



(n° 259, 9 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/10456 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CHY5T



Décision déférée à la cour : ordonnance du 26 mai 2023 - président du TJ de PARIS - RG n° 23/50437





APPELANTS



M. [J] [Z] dont le pseudonyme est [B] [L]

[Adresse 2]

[Localité 4]



M. [F] [Z] dont le pseudonyme est [F] [L]

[Adresse 7]

[Localité 8]



S.A.S. SOCIETE 1979 MEDIA, RCS de Paris n°908805401, prise en la personne de son représentant légal do...

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 3

ARRÊT DU 25 JUIN 2024

(n° 259, 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/10456 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CHY5T

Décision déférée à la cour : ordonnance du 26 mai 2023 - président du TJ de PARIS - RG n° 23/50437

APPELANTS

M. [J] [Z] dont le pseudonyme est [B] [L]

[Adresse 2]

[Localité 4]

M. [F] [Z] dont le pseudonyme est [F] [L]

[Adresse 7]

[Localité 8]

S.A.S. SOCIETE 1979 MEDIA, RCS de Paris n°908805401, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 6]

Représentée par Me Marie-Catherine VIGNES de la SCP GRV ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0010

Ayant pour avocat plaidant Me Leslie DICKSTEIN, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE

Mme [C] [O], en sa qualité de directeur de la publication de la SA FRANCE TELEVISIONS

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représentée par Me Nathalie LESENECHAL, avocat au barreau de PARIS, toque : D2090

Ayant pour avocat Me Eric SEMMEL de l'AARPI COLOMBANI SEMMEL, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 13 mai 2024, en audience publique, rapport ayant été fait par Jean-Christophe CHAZALETTE, président de chambre, conformément aux articles 804, 805 et 905 du CPC, les avocats ne s'y étant pas opposés.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Jean-Christophe CHAZALETTE, président de chambre

Anne-Gaël BLANC, conseillère

Valérie GEORGET, conseillère

Greffier lors des débats : Jeanne PAMBO

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Jean-Christophe CHAZALETTE, président de chambre et par Jeanne PAMBO, greffier, présent lors de la mise à disposition.

********

La société 1979 média se présente comme ayant bénéficié d'un apport de branche en juin 2022 de la société 1979 qui lui aurait apporté sa branche d'édition et de distribution audiovisuelle dans le secteur de la pornographie. M. [J] [Z], connu sous le pseudonyme de [B] [L], se présente comme le fondateur de la société [B] [L] créée en 1979. M. [F] [Z], connu sous le pseudonyme de [F] [L], explique avoir succédé à son père dans le développement international et la conduite des activités multimédia de la marque [L].

La société France télévisions diffuse la chaîne France 2 et, tous les jeudis en deuxième partie de soirée, le magazine « Complément d'enquête », dont la présentation depuis la rentrée 2021 est assurée par M. [U]. Il s'agit d'un magazine d'investigation autour d'un thème d'actualité, alternant reportages et invités en plateau.

L'émission est diffusée le même jour en flux (streaming) et dès le lendemain en rediffusion (replay) sur le site www.france.tv. L'émission dispose par ailleurs d'un compte Twitter, qui  peut publier un lien hypertexte menant vers le site www.france.tv., mais ne diffuse que des extraits des reportages.

Après la révélation par la presse, à compter de la fin de l'année 2020, d'une instruction judiciaire concernant notamment deux producteurs de l'industrie pornographique, connue comme l'affaire « French Bukkake », et après six mois de travaux, le Sénat a publié un rapport le 28 septembre 2022 sur « la pornographie et son industrie ».

Dans le contexte d'actualité de la publication du rapport du Sénat, l'émission « Complément  d'enquête », intitulée « Porno : une industrie hors de contrôle ' », a été diffusée sur France 2 le lendemain, 29 septembre 2022 à 23h. Cette émission était composée d'un reportage de 55 minutes réalisé par [H] [I] et d'une séquence plateau d'une quinzaine de minutes avec la réalisatrice et productrice [K] [N], qui aurait été suggérée par le « groupe [L] », et ferait partie d'un groupe de travail pour un « porno éthique » que ce groupe financerait.

Par lettre recommandée avec avis de réception du 22 novembre 2022 adressée à Mme [O], directrice de publication de la société France télévisions, l'avocat de la société 1979 média et de MM. [B] et [F] [L] a sollicité un droit de réponse sur le fondement des dispositions de l'article 6 de la loi n° 82-652 du 29 juillet 1982, lors de la diffusion du prochain numéro de « Complément d'enquête », en affirmant que l'émission diffusée le 29 septembre 2022 comportait une mise en cause de ses clients portant gravement atteinte à leur honneur et à leur réputation.

Par courriel du 24 novembre 2022, la société France télévisions a répondu qu'il ne serait pas donné une suite favorable à cette demande.

Par acte extrajudiciaire du 19 décembre 2022, enrôlé sous le numéro RG 23/50437, lasociété 1979 média, M. [J] [Z] dont le pseudonyme est [B] [L], M. [F] [Z] dont le pseudonyme est [F] [L] ont fait assigner Mme [O], en sa qualité de directeur de la publication de la société Francetélévisions devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris, en lui demandant, sous le visa des articles 835 du code de procédure civile, 6 de la loi n° 82-652 du 29 juillet 1982 sur la communication audiovisuelle et du décret n° 87-246 du 6 avril 1987 relatif au droit de dans les services de communication audiovisuelle, de :

recevoir la société média 1979, MM. [B] et [F] [Z] (dits [L]) en leurs demandes et les y déclarer bien fondées ;

ordonner l'insertion forcée du droit de réponse reproduit ci-dessus adressé le 22 novembre 2022 au directeur de la publication de France Télévisions et reçu par lui le 24 novembre suivant ;

dire que ce droit de réponse devra être diffusé au début du prochain numéro de Complément d'enquête dans le respect des conditions techniques équivalentes à celles dans lesquelles a été diffusée l'enquête : « Porno : une industrie hors de contrôle ' » afin que soit assurée une audience équivalente à celle de l'émission au cours de laquelle l'enquête a été diffusée ;

dire que cette insertion devra avoir lieu dès le premier numéro de Complément d'enquête à diffuser qui suit le lendemain du jour de la signification de l'ordonnance à intervenir, sous astreinte de 5 000 euros par jour de retard, et ce tant que le communiqué du droit de réponse ne sera pas mis à disposition du public sur l'antenne de France 2 en début d'émission du Complément d'enquête ;

se réserver la liquidation de l'astreinte ;

condamner Mme [O], en sa qualité de directeur de la publication de France télévisions, à verser à chacun des demandeurs la somme provisionnelle de 2 000 euros chacun, en réparation du préjudice subi du fait de la résistance abusive du refus d'insertion ;

condamner Mme [O], en sa qualité de directeur de la publication de France télévisions, à verser à chacun des demandeurs la somme de 1 500 euros chacun, en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Par ordonnance du 26 mai 2023, le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris statué comme suit :

déclarons recevables les demandes formées par [B] [L] et la société 1979 média, tendant à l'insertion d'un droit de réponse à l'émission Complément d'enquête diffusée le 29 septembre 2022 à 23h00 ;

disons n'y avoir lieu à référé s'agissant des demandes formées par [B] [L], la société 1979 média, et [F] [L] tendant à l'insertion d'un droit de réponse à l'émission Complément d'enquête diffusée le 29 septembre 2022 à 23h00 ;

rejetons toutes demandes subséquentes de [B] [L], la société 1979 média, et [F] [L], liées aux conditions de diffusion du droit de réponse sollicité, à l'astreinte demandée et à la provision pour résistance abusive ;

déboutons [B] [L] et la société 1979 média et [F] [L] des demandes de condamnation aux dépens ou de condamnation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

condamnons [B] [L], la société 1979 média et [F] [L] à verser chacun à [C] [O] la somme de 1000 € (mille euros) sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

condamnons [B] [L] et la société 1979 média et [F] [L] aux dépens;

rappelons que la présente décision est exécutoire à titre provisoire.

Par déclaration du 12 juin 2023, la société 1979 média, M. [J] [Z] dont le pseudonyme est [B] [L], M. [F] [Z] dont le pseudonyme est [F] [L], ont interjeté appel de cette décision en critiquant l'ensemble de ses chefs de dispositif, sauf en ce qu'elle a déclaré recevables les demandes formées par [B] [L] et la société 1979 Média, tendant à l'insertion d'un droit de réponse à l'émission Complément d'enquête diffusée le 29 septembre 2022 à 23h.

Aux termes de leurs dernières conclusions en date du 30 avril 2024 auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé des moyens développés, la société 1979 média, M. [B] [L] et M. [F] [L] demandent à la cour, sous le visa des articles 6 de la loi n° 82-652 du 29 juillet 1982 sur la communication audiovisuelle et le décret n° 87-246 du 6 avril 1987 relatif au droit de dans les services de communication audiovisuelle, 9 du code civil et R. 123-54 du code de commerce, de :

in limine litis,

inscrire les seuls pseudonymes de MM. [B] et [F] [L] dans l'arrêt à venir au lieu et place de leurs noms patronymiques ;

débouter Mme [O] de son appel incident et de toutes ses demandes ;

confirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a déclaré recevable les demandes formées par [B] [L] et la société 1979 média, tendant à l'insertion du droit de réponse à l'émission Complément d'enquête diffusée le 29 septembre 2022 à 23h00 ;

annuler, à tout le moins infirmer, l'ordonnance de référé en ce qu'elle dispose :

disons n'y avoir lieu à référé s'agissant des demandes formées par [B] [L], la société 1979 média, et [F] [L] tendant à l'insertion d'un droit de réponse à l'émission Complément d'enquête diffusée le 29 septembre 2022 à 23h00 ;

rejetons toutes demandes subséquentes de [B] [L], la société 1979 média, et [F] [L], liées aux conditions de diffusion du droit de réponse sollicité, à l'astreinte demandée et à la provision pour résistance abusive ;

déboutons [B] [L] et la société 1979 média et [F] [L] des demandes de condamnation aux dépens ou de condamnation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

condamnons [B] [L], la société 1979 média et [F] [L] à verser chacun à [C] [O] la somme de 1000€ (mille euros) sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile;

condamnons [B] [L] et la société 1979 média et [F] [L] aux dépens ;

statuant à nouveau :

en conséquence,

ordonner l'insertion forcée du droit de réponse reproduit ci-dessus adressé le 22 novembre 2022 au directeur de la publication de France télévisions et reçu par lui le 24 novembre suivant, soit :

« Citation

« Le Groupe [L] ainsi que ses dirigeants réagissent au numéro de complément d'enquête diffusé le 29 septembre 2022 à 23h00 intitulé : « porno : une industrie hors de contrôle »

Lors de ce reportage, il a été déclaré que Le Groupe [L] n'aurait peut-être pas tout dit aux parlementaires lors de son audition au Sénat car il avait été informé, que certaines vidéos qu'il avait diffusées faisaient l'objet de plaintes pour viols, avant les actions judiciaires qui les ont révélées.

Les dates et la nature des faits qui ont été rapportées au Groupe [L] démontrent que cette affirmation est évidemment fausse.

Comme le Groupe [L] et ses dirigeants l'ont affirmé devant le Sénat, ils n'ont pas été informés que la moindre vidéo qu'ils auraient diffusée, aurait été l'objet d'une telle plainte.

Au demeurant le Groupe [L] a pour politique de supprimer immédiatement de ses plateformes, par mesure de précaution évidente, tout contenu en lien avec des protagonistes impliqués dans le cadre de procédures judiciaires dès qu'il en a connaissance.

Tirer argument de ces mesures de précaution, pour en déduire une implication du Groupe [L] dans les faits visés, constitue une grave erreur qui est inacceptable et qui porte gravement atteinte à l'honneur et à la réputation du Groupe [L] et de ses dirigeants.

Le Groupe [L] n'est pas impliqué dans les faits objets des enquêtes judiciaires en cours et ne veut pas qu'on le laisse croire. »

Fin de citation

dire que ce droit de réponse devra être diffusé au début du prochain numéro de Complément d'enquête dans le respect des conditions techniques équivalentes à celles dans lesquelles a été diffusée l'enquête « porno : une industrie hors de contrôle ' », afin également que soit assurée une audience équivalente à celle de l'émission au cours de laquelle l'enquête a été diffusée ;

dire que cette insertion devra avoir lieu dès le premier numéro de Complément d'enquête à diffuser qui suit le lendemain du jour de la signification de l'ordonnance à intervenir et ce sous astreinte de 5 000 euros par jour de retard et ce tant que le communiqué du droit de réponse ne sera pas mis à disposition du public sur l'antenne de France 2 en début d'émission de Complément d'enquête ;

se réserver la liquidation de l'astreinte ;

condamner Mme [O], en sa qualité de directeur de la publication de France télévisions, à verser à chacun des demandeurs la somme provisionnelle de 2 000 euros chacun, en réparation du préjudice subi du fait de la résistance abusive du refus d'insertion ;

condamner Mme [O] en sa qualité de directeur de la publication de France télévisions, à verser à chacun des demandeurs la somme de 5 000 euros chacun, en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Mme [O], en qualité de directeur de la publication de la chaîne France 2, aux termes de ses dernières conclusions en date du 23 avril 2024 auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé des moyens développés, demande à la cour de :

sous le visa des articles 31, 32, 122 du code de procédure civile, 6-I alinéa 1er de la loi du 29 juillet 1982 et 1er du décret du 9 avril 1987,

dire et juger que la société 1979 média et M. [B] [L] ne sont pas personnellement mis en cause dans le reportage ;

en conséquence,

déclarer la société 1979 média et M. [B] [L] irrecevables en leurs demandes, pour défaut d'intérêt et de qualité ; infirmer l'ordonnance de ce chef ;

subsidiairement, débouter la société 1979 média et M. [B] [L] de leurs demandes infondées ; confirmer l'ordonnance en ce qu'elle a jugé que M. [B] [L] n'était pas personnellement mis en cause en tant que personne physique ;

vu le principe d'indivisibilité de la réponse,

dire et juger que [F] [L] ne peut solliciter l'insertion d'une réponse libellée aux noms du « Groupe [L] et ses dirigeants » alors que la société 1979 média et M. [B] [L] ne sont pas personnellement mis en cause dans le reportage ;

en conséquence,

déclarer [F] [L] irrecevable en ses demandes, et infirmer l'ordonnance de ce chef ;

subsidiairement, débouter [F] [L] de ses demandes infondées, et confirmer l'ordonnance de ce chef ;

en tant que de besoin, confirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a jugé que M. [B] [L] n'étant pas personnellement visé, les demandes doivent être rejetées « pour l'ensemble des demandeurs » par application du principe d'indivisibilité du droit de réponse ;

subsidiairement, au fond,

sous le visa des articles 6-I alinéa 2 de la loi du 29 juillet 1982,

dire et juger que la demande d'insertion du 22 novembre 2022 ne précisait pas la ou les imputations auxquelles elle se proposait de répondre ;

en conséquence,

débouter la société 1979 média, [B] et [F] [L] de leurs demandes ;

subsidiairement,

vu l'article 3 alinéa 1er du décret n° 87-246 du 6 avril 1987,

dire et juger que la demande d'insertion ne mentionnait pas suffisamment les passages contestés et créait un doute sur l'étendue desdits passages ;

en conséquence,

débouter la société 1979 média, [B] et [F] [L] de leurs demandes ;

plus subsidiairement,

vu l'article 6-I alinéa 1er de la loi du 29 juillet 1982,

dire et juger que la séquence litigieuse ne renfermait pas d'imputations susceptibles de porter atteinte à l'honneur ou à la réputation de chacun des demandeurs ;

en conséquence,

débouter la société 1979 média, [B] et [F] [L] de leurs demandes ;

plus subsidiairement encore,

vul'article 6 de la loi du 29 juillet 1982,

dire et juger que la réponse n'était pas en parfaite corrélation et concordance avec les passages litigieux ;

en conséquence,

débouter la société 1979 média, [B] et [F] [L] de leurs demandes ;

très subsidiairement,

vu l'article 6 de la loi du 29 juillet 1982,

dire et juger que les éléments de réponse sont contraires à l'honneur de la journaliste [H] [I] et aux intérêts d'un tiers en la personne de la sénatrice [R] [S] ;

en conséquence,

débouter la société 1979 média, [B] et [F] [L] de leurs demandes ;

en tout état de cause,

confirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a débouté la société 1979 média, [B] et [F] [L] de leurs demandes en paiement des frais irrépétibles et des dépens ;

confirmer la condamnation prononcée par l'ordonnance entreprise sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et au titre des dépens ;

condamner la société 1979 média, [B] et [F] [L] à payer chacun la somme de 2 500 euros au titre des frais irrépétibles en cause d'appel ;

condamner société 1979 média, [B] et [F] [L] au paiement des entiers dépens en cause d'appel ;

infiniment subsidiairement,

dire et juger que les circonstances de l'espèce ne caractérisent pas une résistance abusive ;

en conséquence,

débouter la société 1979 média, [B] et [F] [L] de leur demande de provision pour résistance abusive.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 2 mai 2024.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties susvisées pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

Sur ce,

Sur la demande d'inscription des pseudonymes

En vertu de l'article 454 du code de procédure civile, figurant dans les dispositions communes à toutes les juridictions, le jugement contient notamment l'indication des nom, prénoms et domicile des parties.

En vertu de l'article 54 du même code, à peine de nullité, la demande initiale, formée par assignation ou par requête, mentionne, pour les personnes physiques, les nom, prénoms, profession, domicile, nationalité, date et lieu de naissance de chacun des demandeurs. En vertu de l'article 901 du même code, la déclaration d'appel est faite par acte contenant notamment, pour les personnes physiques, les nom, prénoms, profession, domicile, nationalité, date et lieu de naissance de chacun des appelants conformément au 3° de l'article 54 précité.

Les appelants demandent que le présent arrêt ne mentionne que les pseudonymes de MM. [B] et [F] [L], au regard de la nécessaire protection de leur vie privée et de leur sécurité. Ils produisent deux messages non datés exigeant la fin de leur activité et menaçant de mort « [B] [L] » et « le directeur », lesquels diffusent par satellite et internet des films pornographiques qui sont interdits par l'islam. Ils font valoir que les sociétés [B] [L] (316 388 305) et 1979 diffusion (533 111 563) ont obtenu du juge de tribunal de commerce commis à la surveillance du registre du commerce et des sociétés, statuant par ordonnances du 18 janvier 2018, le remplacement de l'indication de l'adresse personnelle de leur gérant par l'adresse de la société. Les appelants ajoutent que, dans un arrêt du 30 octobre 2018 rendu en matière gracieuse, la cour de céans a, sous le visa des articles R. 123-53 et suivants du code de commerce et retenant, notamment, l'existence des messages à nouveau produit dans la présente instance, a ordonné au greffier du registre du commerce et des sociétés de Paris de ne mentionner que le pseudonyme [F] [L] en tant que directeur général de la société [B] [L] (316 388 305).

En l'espèce, les appelants n'ont pas utilisé exclusivement leur pseudonyme pour formaliser leur demande initiale par assignation du 19 décembre 2022, laquelle mentionne qu'elle est délivrée à la requête de la société 1979 média, « [J] [Z], dont le pseudonyme est [B] [L] » et « [F] [Z], dont le pseudonyme est [F] [L] » (pièce 41 [O]). En outre, la déclaration d'appel du 12 juin 2023 mentionne de la même manière le patronyme des appelants et leur pseudonyme.

Aucune disposition légale ne permet à la cour de recourir à des noms d'emprunt, des pseudonymes ou des alias pour statuer sur des demandes formalisées conformément aux dispositions de l'article 54 rappelées plus haut. Au demeurant, l'article L. 111-13 du code de l'organisation judiciaire prévoit que les nom et prénoms des personnes physiques mentionnées dans la décision, lorsqu'elles sont parties ou tiers, sont occultés préalablement à la mise à la disposition du public. Lorsque sa divulgation est de nature à porter atteinte à la sécurité ou au respect de la vie privée de ces personnes ou de leur entourage, est également occulté tout élément permettant d'identifier les parties, les tiers, les magistrats et les membres du greffe.

La demande d'inscription des seuls pseudonymes de [B] et [F] [L] dans le présent arrêt sera rejetée.

Sur l'absence de mise en cause personnelle de M. [B] [L]

Le premier juge a exactement relevé, aux termes de motifs que la cour fait siens, le déroulement de l'émission télévisée litigieuse y compris dans la séquence plateau qui l'a clôturée, aux pages 6 à 10 de l'ordonnance attaquée.

Selon le I de l'article 6 de la loi du 29 juillet 1982, toute personne physique ou morale dispose d'un droit de réponse dans le cas où les imputations susceptibles de porter atteinte à son honneur ou à sa réputation auraient été diffusées dans le cadre d'une activité de communication audiovisuelle.

Le demandeur doit préciser les imputations sur lesquelles il souhaite répondre et la teneur de la réponse qu'il se propose d'y faire.

En l'espèce, ainsi que le relève le premier juge, il ressort de la lettre recommandée du 22 novembre 2022 demandant un droit de réponse que les appelants ont identifié, pendant toute la durée de l'émission Complément d'enquête, la mention du « Groupe [L] », du site [L]vision, du « plus grand nom du X » - le logo « [B] [L] » apparaissant alors à l'image, de [L], de [F] [L]. Ces identifications se succèdent dans le déroulement de l'émission, tel qu'il est exactement détaillé aux pages 6 à 10 de l'ordonnance attaquée, qui ne contient aucune mention, ni a fortiori aucune mise en cause, de M. [B] [Z] dit [B] [L], en tant que personne physique. Ainsi que le note à juste titre le premier juge, s'il est fait mention, dans le reportage, du « dirigeant de l'un des leaders français du X », c'est l'image de [F] [L] qui est présentée, les éléments produits aux débats établissant qu'il est en effet le représentant de la société demanderesse, qui se présente comme détentrice actuelle du nom commercial [B] [L].

L'absence de mise en cause de M. [B] [L] [Z] dit [B] [L] n'est pas une fin de non-recevoir au sens de l'article 122 du code de procédure civile, puisqu'il est nécessaire de procéder à un examen au fond pour vérifier l'existence d'imputations susceptibles de porter atteinte à son honneur ou à sa réputation.

En revanche, au fond, il y a lieu de confirmer l'ordonnance entreprise, sans qu'il soit nécessaire d'examiner les autres moyens en demande et en défense, dès lors qu'en l'absence de mise en cause de M. [B] [Z] dit [B] [L], en qualité de personne physique, et en application du principe d'indivisibilité du droit de réponse, il n'y a lieu à référé, s'agissant de la demande d'insertion pour l'ensemble desdemandeurs, dans la mesure où l'un d'entre eux au moins n'établit pas sa désignation dans les propos litigieux.

Compte tenu du sens de la décision, l'ordonnance entreprise sera également confirmée en ce qu'elle a rejeté les demandes subséquentes des appelants, liées aux conditions de diffusion du droit de réponse sollicité, à l'astreinte demandée et à la provision pour résistance abusive.

Sur les autres demandes

L'ordonnance entreprise sera confirmée dans ses dispositions concernant la charge des dépens et l'indemnisation fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Les appelants seront condamnés aux dépens d'appel et à payer chacun une somme de 2 500 euros à Mme [O] ès qualités au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

Rejette la demande d'inscription des seuls pseudonymes de [B] et [F] [L] dans le présent arrêt ;

Confirme l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

Condamne la société 1979 média, M. [B] [Z] dit [B] [L] et M. [F] [Z] dit [F] [L] à payer chacun une somme de 2 500 euros à Mme [O], ès qualités de directeur de la publication de la chaîne France 2, sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société 1979 média, M. [B] [Z] dit [B] [L] et M. [F] [Z] dit [F] [L] aux dépens d'appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 1 - chambre 3
Numéro d'arrêt : 23/10456
Date de la décision : 25/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 01/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-25;23.10456 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award