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25/06/2024 | FRANCE | N°21/08769

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 11, 25 juin 2024, 21/08769


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 11



ARRET DU 25 JUIN 2024



(n° , 2 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/08769 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CERHW



Décision déférée à la Cour : Jugement du 19 Mai 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CONSEIL DES PRUD'HOMMES PARIS - RG n° 20/01512



APPELANT



Monsieur [L] [E]

[Adresse 1]>
[Localité 4]

Représenté par Me Paul NGELEKA, avocat au barreau de PARIS, toque : A0532



INTIMEE



S.A.S. ETRABAT

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représentée par Me Olivier BOHBOT...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 11

ARRET DU 25 JUIN 2024

(n° , 2 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/08769 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CERHW

Décision déférée à la Cour : Jugement du 19 Mai 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CONSEIL DES PRUD'HOMMES PARIS - RG n° 20/01512

APPELANT

Monsieur [L] [E]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représenté par Me Paul NGELEKA, avocat au barreau de PARIS, toque : A0532

INTIMEE

S.A.S. ETRABAT

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représentée par Me Olivier BOHBOT, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC 342

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 26 Avril 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Daniel FONTANAUD, Magistrat honoraire, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Madame Anne HARTMANN, Présidente de chambre,

Madame Isabelle LECOQ-CARON, Présidente de chambre,

Monsieur Daniel FONTANAUD, Magistrat honoraire,

Greffier, lors des débats : Madame Manon FONDRIESCHI

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Anne HARTMANN, Présidente de chambre, et par Madame Manon FONDRIESCHI, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

M. [L] [E], embauché par la société SERPEIN à compter du 1er décembre 1999 en qualité de peintre, a été victime d'un accident de travail le 1er février 2017. Alors qu'il était en arrêt maladie suite à son accident, son contrat de travail a été transféré par un accord tripartite signé le 28 août 2017 à compter du 1er septembre 2017 à la SAS ETRABAT avec reprise de son ancienneté, suite à la perte d'un contrat de prestations de service par le premier employeur. Le 13 mars 2019, M. [E] a fait l'objet d'un avis d'inaptitude définitive à son poste de peintre en bâtiment par le médecin du travail dans les termes suivants : « inaptitude définitive à son poste de peintre en bâtiment. Ne peut travailler en force avec le bras gauche. Ne peut pas exercer de travaux physiques avec la main gauche. Pour réoccuper un poste ne comprenant pas de travaux physiques ou un poste sédentaire.».

M. [L] [E] a été licencié le 17 septembre 2019 pour inaptitude physique médicale et impossibilité de reclassement par la SAS ETRABAT.

'... Vous avez été déclaré inapte aux fonctions de peintre en bâtiment que vous exercez précédemment par le Docteur [W] [T] de L'APST, médecin du travail, à l'issue d'un examen médical du 13 mars 2019.

Nous vous avons reçu le 9 septembre 2019 pour l'entretien préalable au licenciement que nous envisagions de prononcer à votre encontre.

Le médecin du travail a formulé les propositions de reclassement suivantes : poste ne comportant pas de travaux physiques ou un poste sédentaire.

Sur la page de ces préconisations, nous avons recherché les éventuelles postes de reclassement susceptible de vous être proposé, au besoin par voie de mutation transformation de poste. Ces recherches n'ont pas pu aboutir et il nous est malheureusement impossible de vous reclasser dans un poste adapté à vos capacités actuelles au sein de l'entreprise pour les raisons suivantes : la nature de notre travail est uniquement le ravalement de façade et notre entreprise n'a pas de service administratif susceptible de pouvoir vous intégrer comme nous vous l'avons indiqué par lettre du 27 août 2019.

Nous sommes donc contraints de procéder à votre licenciement en raison de votre inaptitude physique médicalement constatée et de l'impossibilité de vous reclasser.

Votre contrat de travail sera rompu le 17 septembre 2019 ' date d'envoi de la présente lettre de notification du licenciement ' vous n'effectuerez donc pas de préavis ...'

M. [E] a saisi la juridiction prud'homale le 24 février 2020 aux fins notamment de faire condamner la société ETRABAT à lui payer les sommes suivantes

- indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse pour non respect de l'obligation d'aménagement raisonnable ou de fonnation : 19 320,00 €

- indemnité de licenciement spéciale : 1 196,00 €

- salaires du 14 avril 2019 au 17 septembre 2019 : 8 050,00 €

- congés payés afférents : 805,00 €

- indemnité compensatrice de préavis : 3 220,00 €

- congés payés afférents : 322,00 €

- indemnité pour nullité de licenciement : 19 320,00 €

- article 700 du code de procédure civile : 1 500,00 €

Par jugement du 19 mai 2021, le conseil de prud'hommes de Paris a condamné la société ETRABAT à payer à M. [L] [E] les sommes suivantes :

- 1 610 € au titre du salaire du mois de mai 2019,

- 161 € congés payés afférents,

- 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile

Les relations entre les parties sont régies par les dispositions de la convention collective du Bâtiment de la région parisienne.

Par déclaration d'appel du 25 octobre 2021 M. [L] [E] a relevé appel du jugement.

Par conclusions récapitulatives du 24 novembre 2021, auxquelles il convient de se reporter en ce qui concerne ses moyens, M. [E] demande à la cour de condamner la société ETRABAT à lui verser à les sommes suivantes :

- 19 320 € à titre d'indemnité pour nullité de licenciement,

- 1 196 € titre d'indemnité spéciale de licenciement,

- 19 320 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

pour non-respect de l'obligation d'aménagement raisonnable ou de formation,

- 8 050 € à titre de paiement des salaires du 14/04/2019 au 17/09/2019,

- 805 € à titre de congés payés sur salaires,

- 3 220 € à titre d'indemnité représentative de préavis,

- 5 000 € à titre de dommages et intérêts pour manquement à son obligation de sécurité,

- 19 000 € à titre de dommages-intérêts faute d'avoir reçu une formation professionnelle,

- 38 646 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice de carrière,

- 3 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

M. [E] demande en outre de condamner la société ETRABAT aux entiers dépens.

Par conclusions récapitulatives du 22 février 2022, auxquelles il convient de se reporter en ce qui concerne ses moyens, la société ETRABAT demande de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. [E] du surplus de ses demandes et de l'infirmer sur les condamnations prononcées.

La SAS ETRABAT demande de débouter M. [E] de toutes ses demandes, et, à titre subsidiaire, de le débouter de sa demande de congés payés d'un montant de 322 euros afférents à l'indemnité de préavis.

En tout état de cause, la société ETRABAT demande de condamner M. [E] à verse la somme de 3.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de la procédure

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 20 mars 2024.

La cour se réfère, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, à la décision déférée et aux dernières conclusions échangées en appel conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

****

MOTIFS

Sur la demande d'indemnité pour nullité de licenciement

M.[E] formule une demande de nullité du licenciement sur le fondement d'une discrimination liée à son état de santé et de son handicap. Il fait valoir qu'il a été fragilisé physiquement et psychologiquement depuis son accident du travail en date du 1er février 2017 et que la SAS ETRABAT, qui est devenue son nouvel employeur à compter du mois de septembre 2017, ne démontre pas que son licenciement était justifié par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination en raison de son état de santé.

La SAS ETRABAT fait valoir au contraire qu'elle s'est vue contrainte de procéder au licenciement de M. [E] en raison de son inaptitude médicalement constatée le 13 mars 2019 par la médecine du travail, et de l'impossibilité de le reclasser à un autre poste, et non en raison d'un handicap ou de son état de santé.

Aux termes de l'article L.1132-1 du code du travail dans sa rédaction applicabale, aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie par l'article 1er'de la loi n°'2008-496 du 27'mai'2008, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article'L.3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'action, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son sexe, de ses m'urs, de son orientation sexuelle, de son identité de genre, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de la particulière vulnérabilité résultant de sa situation économique, apparente ou connue de son auteur, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une prétendue race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille, de son lieu de résidence ou de sa domiciliation bancaire, ou en raison de son état de santé, de sa perte d'autonomie ou de son handicap, de sa capacité à s'exprimer dans une langue autre que le français.

L'article L.1134-1 du code du travail prévoit qu'en cas de litige relatif à l'application de ce texte, le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte telle que définie par l'article 1er de la loi n°'2008-496 du 27'mai'2008, au vu desquels, il incombe à l'employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, et le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

En l'espèce, M. [E] ne produit aucune pièce sur la reconnaissance d'un handicap le concernant. Au vu des éléments versés aux débats, le salarié n'avait pas de statut de travailleur handicapé pendant la relation de travail et ne s'est d'ailleurs jamais prévalu d'un tel statut pour solliciter la mise en place de mesures particulières. S'agissant de son état de santé, il n'est produit aucune pièce sur des agissements qui pourraient être liés à un comportement discriminatoire à l'égard du salarié

La cour retient que M. [E] ne produit pas d'éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination.

C'est donc à juste titre que les premiers juges n'ont pas retenu l'existence d'une discrimination ou d'une inégalité de traitement qui serait liée à un handicap et que les premiers juges ont rejeté la demande de nullité à ce titre.

Sur la demande d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

M. [L] [E] formule une demande d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Il fait valoir que la société ETRABAT ne justifie d'aucune étude de poste ou d'aménagement raisonnable de son poste de travail et n'a pas sérieusement exécuté son obligation de reclassement.

La société ETRABAT fait valoir qu'elle a été contrainte de licencier M. [E] en raison de son inaptitude à son poste et de l'impossibilité de le reclasser à un autre poste. La société indique que M. [E] n'apporte aucune précision sur la manière dont son poste aurait pu être aménagé et sur la formation dont il aurait pu bénéficier. Elle rappelle que M. [E] n'a pas exercé de recours contre l'avis d'inaptitude et ne peut reprocher à l'employeur la carence éventuelle du médecin du travail qui n'aurait pas indiqué de quelle manière son poste aurait pu être aménagé. La société ETRABAT explique que M. [E] exerçait la profession de peintre, qu'il avait besoin d'utiliser ses deux membres supérieurs pour exercer ses fonctions dans des conditions normales, et que, s'agissant d'un travail physique impliquant des gestes répétitifs, la poursuite de son activité n'apparaissait pas envisageable, pas plus qu'un aménagement de son poste. La société ETRABAT ajoute que le salarié ne maîtrise pas l'écriture du français, de sorte qu'il aurait fallu débuter une formation complète et intégrale pour qu'il puisse occuper un poste administratif sédentaire et qu'un tel poste n'était de toute façon pas disponible au sein de la société qui n'est composée que de 16 salariés principalement occupés sur des postes d'ouvriers. Par ailleurs, M. [E] ne disposait pas du permis de conduire, ce qui excluait la possibilité de le reclasser sur un poste de chauffeur livreur.

Aux termes de l'article L1226-10 du code du travail, ' Lorsque le salarié victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle est déclaré inapte par le médecin du travail, en application de l'article L.4624-4, à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités, au sein de l'entreprise ou des entreprises du groupe auquel elle appartient le cas échéant, situées sur le territoire national et dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel...

L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, aménagements, adaptations ou transformations de postes existants ou aménagement du temps de travail...'

L'article L1226-12 du code du travail dispose que ' Lorsque l'employeur est dans l'impossibilité de proposer un autre emploi au salarié, il lui fait connaître par écrit les motifs qui s'opposent au reclassement.

L'employeur ne peut rompre le contrat de travail que s'il justifie soit de son impossibilité de proposer un emploi dans les conditions prévues à l'article L.1226-10, soit du refus par le salarié de l'emploi proposé dans ces conditions, soit de la mention expresse dans l'avis du médecin du travail que tout maintien du salarié dans l'emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans l'emploi...'

Il ressort des éléments versés au débat que la société ETRABAT n'employait que 16 salariés au moment de la rupture du contrat de travail et avait pour unique activité celle de « travaux de peinture et vitrerie ». Il s'agit donc d'une activité portant exclusivement sur des travaux manuels sur des chantiers et non d'une activité administrative ou sédentaire. Le service administratif était seulement composé de M. [H] [P], président de la SAS ETRABAT et de Mme [V] [O], assistante de direction, comptable, agent de paie. Aucun poste ne se trouvait disponible pour accueillir le cas échéant M. [E] qui n'a d'ailleurs jamais travaillé au sein de cette entreprise et ne disposait d'aucune compétence pour occuper un poste administratif.

Enfin, compte tenu de son inaptitude physique, M. [E] ne pouvait pas non plus être reclassé à un poste dans l'entrepôt pour réceptionner les livraisons et procéder au chargement des départs des camions et, de plus, aucun poste n'y était disponible

Ainsi, il n'y avait en l'espèce aucune possibilité pour l'employeur de reclasser le salarié au sein de l'entreprise, y compris en procédant à une adaptation de poste, ou, même, au moyen d'une formation de l'intéressé. Par ailleurs, la société ETRABAT n'appartient à aucun groupe, de sorte que l'employeur n'était pas tenu de rechercher un reclassement au delà des effectifs de l'entreprise.

Suite à l'avis d'inaptitude du 13 mars 2019, la société ETRABAT a informé M.[E] par lettre recommandée avec accusé de réception du 27 août 2019 qu'après une étude avec le médecin du travail, le Docteur [T], il était impossible de reclasser le salarié dans un poste en adéquation avec ses nouvelles capacités de travail. Au vu des éléments versés au débat, M. [E] n'a pas répondu à ce courrier, ni formulé de réserve ou une suggestion de formation ou d'adaptation entre l'avis d'inaptitude en date du 13 mars 2019 et le licenciement intervenu le 17 septembre 2019.

Ainsi, dans la mesure où aucun poste ne comprenant pas de travaux physiques ou un poste sédentaire ne pouvait être proposé à M. [E], la société ETRABAT a indiqué dans son courrier de licenciement que les recherches sur d'éventuels postes de reclassement n'ont pas pu aboutir en rappelant que la nature du travail est uniquement le ravalement de façade et que l'entreprise n'a pas de service administratif susceptible de pouvoir d'intégrer comme cela avait été indiqué dans le courrier du 27 août.

En l'espèce, l'employeur a fait connaître par écrit au salarié les raisons qui s'opposent à son reclassement. Il apporte la preuve de l'impossibilité de reclasser le salarié et en a fait mention dans la lettre de licenciement. Dans la mesure où l'employeur se trouvait dans l'impossibilité de proposer un emploi dans les conditions fixées à l'article 1222'10 du code du travail après avoir procédé à une recherche loyale et sérieuse afin de reclasser le salarié, le licenciement de l'intéressé est fondé sur une cause réelle et sérieux.

C'est à juste titre que les premiers juges ont débouté le salarié de sa demande d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur les demandes d'indemnité représentative de préavis et d'indemnité spéciale de licenciement

Aux termes de l'article L1226-14 du code du travail, ' La rupture du contrat de travail dans les cas prévus au deuxième alinéa de l'article L. 1226-12 ouvre droit, pour le salarié, à une indemnité compensatrice d'un montant égal à celui de l'indemnité compensatrice de préavis prévue à l'article L. 1234-5 ainsi qu'à une indemnité spéciale de licenciement qui, sauf dispositions conventionnelles plus favorables, est égale au double de l'indemnité prévue par l'article L. 1234-9.

Toutefois, ces indemnités ne sont pas dues par l'employeur qui établit que le refus par le salarié du reclassement qui lui est proposé est abusif...'.

Aux termes de l'article L1226-6 du code du travail, ' Les dispositions de la présente section ne sont pas applicables aux rapports entre un employeur et son salarié victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle, survenu ou contractée au service d'un autre employeur'.

M. [L] [E] se fonde sur les dispositions de l'article L1226-14 du code du travail pour solliciter l'indemnité spéciale de licenciement et le règlement de l'indemnité compensatrice de préavis au motif que l'inaptitude est consécutive à un accident du travail.

En principe, ces dispositions spécifiques ne sont pas applicables aux rapports entre un employeur et son salarié victime d'un accident du travail survenu alors qu'il était au service d'un autre employeur. Cependant cet article est applicable lorsqu'un salarié passe au service d'un nouvel employeur en application de l'article L 1224 -1 du code du travail. Dans ce cas, le nouvel employeur doit respecter les garanties offertes par la loi aux victimes d'accidents du travail.

Or, en l'espèce, M. [E] était employé par la société SERPEIN depuis le 1er décembre 1999 en qualité de peintre et était encore à son service lors de son accident survenu le 1er février 2017. C'est à compter du 1er septembre 2017 que M. [E] a été embauché par la société ETRABAT sur la base d'un accord tripartite signé le 28 août 2017. Ce contrat, qui est motivé par la perte d'un contrat de prestation de services par la première société qui a été confié à la société ETRABAT précise expressément : « en vertu de la présente convention de transfert, la société SERPEIN prend acte du transfert du contrat de travail du salarié au sein de la société ETRABAT par une application volontaire des dispositions de l'article L 1224 -1du code du travail'.

Il s'ensuit qu'en l'espèce, la société ETRABAT est tenue de verser à M. [E] l'indemnité compensatrice compensatrice de préavis et l'indemnité spéciale de licenciement prévues par l'article L1226-14 du code du travail en cas d'impossibilité de reclassement d'un salalié déclaré inapte à la suite d'un accident du travail.

M. [E] ayant conservé l'intégralité de son ancienneté acquise au sein de la société SERPEIN, il justifie d'une ancienneté supérieure à deux ans.

En conséquence, M. [E] doit percevoir une somme de 3220 € à titre d'indemnité représentative de préavis.

De plus, M. [E] est fondé à demander la condamnation de son employeur au versement de l'indemnité spéciale de licenciement sur le fondement de l'article L.1226-14 du code du travail, laquelle est égale au double de l'indemnité prévue par l'article L.1234-9 du code du travail. Par conséquent, la société ETRABAT sera condamnée à lui verser la somme de 1196 € à titre d'indemnité spéciale de licenciement, compte tenu de l'indemnité légale déjà versée par l'employeur.

Sur la demande d'indemnité pour défaut de présentation de formation et violation de l'article L6321-1 du Code du travail

M. [E] ayant été licencié le 17 septembre 2019, il n'a jamais effectivement travaillé au sein de la société ETRABAT. La société ETRABAT fait valoir qu'elle ne peut donc être tenue responsable du non-respect éventuel des obligations en matrière de formation visées par le salarié.

De plus, M. [E] a occupé pendant 20 ans un poste de peintre ravaleur, statut ouvrier, dans une entreprise réalisant des travaux de peinture, de vitrerie et principalement de ravalement de façades. Au vu des pièces versées au débat, il n'a jamais sollicité une évolution de son poste et aucune formation ne s'est avérée nécessaire pour l'adapter son poste. Le salarié ne justifie d'aucune demande de formation et n'apporte aucun élément permettant d'établir que son évolution professionnelle aurait été affectée par un défaut de formation ou un manque de compétence.

En conséquence, c'est à juste titre que les premiers juges ont débouté M. [E] de cette demande. Le jugement du conseil de prud'hommes sera confirmé sur ce point.

Sur la demande de dommages et intérêts pour préjudice de carrière et la demande de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité

Ces demandes nouvelles en cause d'appel ont été déclarées irrecevables par une ordonnance du magistrat en charge de la mise en état devenue definitive en date du 12 mai 2022. Il n'y a donc pas lieu de les examiner au fond.

Sur la demande de paiement des salaires du 14 avril 2019 au 17 septembre 2019 :

M. [E] soutient que l'employeur aurait dû reprendre le paiement du salaire à compter du 14 avril 2019 et jusqu'au 17 septembre 2019, date du licenciement. Il sollicite la condamnation de la société ETRABAT à lui verser la somme de 8.050 euros brut, soit 5 mois de salaire.

Cependant, il ressort des bulletins de salaire jusqu'en juillet 2019 produits par M. [E] qu'il a perçu ses salaires d'avril à juillet 2019. Au vu des éléments produits par les parties, et compte tenu de la condamnation au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, l'employeur reste lui devoir au titre des salaires d'août et septembre 2019 la somme de 2415 euros auxquels il convient d'ajouter les congés payés afférents.

La décision des premiers juges sera donc infirmée dans la mesure où le conseil de prud'hommes a limité la somme due au titre de rappels de salaires à 1610 euros, outre 161 euros au titre des congés payés afférents.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire et rendu en dernier ressort, mis à disposition au greffe,

CONSTATE que les demandes de dommages et intérêts pour préjudice de carrière et de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité ont été déclarées irrecevables par une ordonnance du magistrat en charge de la mise en état devenue définitive en date du 12 mai 2022 ;

INFIRME le jugement, mais seulement en ce qu'il a condamné la S.A.S. ETRABAT à payer à M. [L] [E] les sommes de 1 610 euros au titre du salaire du mois de mai 2019 et de 161 euros à titre de congés payés afférents, et en ce qu'il a débouté Monsieur [E] de ses demandes à titre d'indemnité spéciale de licenciement et d'indemnité représentative de préavis ;

Et statuant à nouveau les chefs infirmés :

CONDAMNE la SAS ETRABAT à payer à M. [L] [E] les sommes de :

- 3 220 euros à titre d'indemnité d'un montant égal à celui de l'indemnité compensatrice de préavis sur le fondement de l'article L1226-14 du code du travail,

- 1196 euros au titre du solde de l'indemnité spéciale de licenciement due sur le fondement de l'article L1226-14 du code du travail

- 2415 euros à titre de rappel de salaire au titre des mois d'août et septembre 2019 et 241,50 au titre des congés payés afférents.

CONFIRME le jugement en ses autres dispositions,

Y ajoutant,

- DIT que les condamnations au paiement de créances de nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter de la réception par la société de la convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes et que les condamnations au paiement de créances indemnitaires porteront intérêts au taux légal à compter de la mise à disposition du présent arrêt ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile

CONDAMNE la SAS ETRABAT à payer à M. [L] [E] en cause d'appel la somme de 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

DEBOUTE les parties du surplus des demandes ,

CONDAMNE la SAS ETRABAT aux entiers dépens.

La greffière, La présidente.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 11
Numéro d'arrêt : 21/08769
Date de la décision : 25/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 01/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-25;21.08769 ?
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