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25/06/2024 | FRANCE | N°21/08592

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 11, 25 juin 2024, 21/08592


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 11



ARRET DU 25 JUIN 2024



(n° , 8 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/08592 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEQFL



Décision déférée à la Cour : Jugement du 13 Septembre 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CRETEIL - RG n° F20/00039



APPELANT



Monsieur [M] [V]

[Adresse 1]

[Localité

3]

Représenté par Me Ibtissem EVRARD, avocat au barreau de PARIS, toque : D0275



INTIMEE



S.A.S. SOLBAT

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Nicole TEBOUL GELBLAT, avoc...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 11

ARRET DU 25 JUIN 2024

(n° , 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/08592 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEQFL

Décision déférée à la Cour : Jugement du 13 Septembre 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CRETEIL - RG n° F20/00039

APPELANT

Monsieur [M] [V]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représenté par Me Ibtissem EVRARD, avocat au barreau de PARIS, toque : D0275

INTIMEE

S.A.S. SOLBAT

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Nicole TEBOUL GELBLAT, avocat au barreau de PARIS, toque : P0402

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 30 Avril 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Isabelle LECOQ-CARON, Présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Madame Isabelle LECOQ-CARON, Présidente de chambre,

Madame Anne HARTMANN, Présidente de chambre,

Madame Catherine VALANTIN, Conseillère,

Greffier, lors des débats : Madame Manon FONDRIESCHI

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Isabelle LECOQ-CARON, Présidente de chambre, et par Madame Manon FONDRIESCHI, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

RAPPEL DES FAITS, PROCÉDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES

M. [M] [V], né en 1982, a été engagé par la S.A.S.U. Solbat, par un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 7 mars 2019 en qualité de poseur d'isolation.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective régionale du bâtiment de la région parisienne.

Le 16 novembre 2019, le supérieur hiérarchique de M. [V] a constaté que ce dernier avait prêté les clefs du camion dont il avait la charge à une personne non habilitée à le conduire, qui a eu un accident de la route, il a alors demandé à M. [V] de lui restituer les clefs du véhicule.

A compter du 18 novembre 2019, M. [V] ne s'est plus rendu au travail.

Le 9 décembre 2019, M. [V] par l'intermédiaire de son conseil a envoyé une lettre de mise en demeure à la société Solbat, constatant n'avoir reçu de la part de l'entreprise aucun ordre de mission, et lui réclamant le versement de son salaire de novembre 2019 et la fourniture de son bulletin de salaire.

Demandant la résiliation judiciaire de son contrat de travail et diverses indemnités, M. [V] a saisi le 24 décembre 2019 le conseil de prud'hommes de Créteil.

Par lettre datée du 24 février 2020, M. [V] a été convoqué à un entretien préalable fixé au 3 mars 2020 avant d'être licencié pour faute grave par lettre datée du 6 mars 2020.

A la date du licenciement, M. [V] avait une ancienneté d'onze mois et la société Solbat occupait à titre habituel plus de dix salariés.

Contestant son licenciement et réclamant diverses indemnités, outre des rappels de salaires, M. [V] a alors complété sa demande initiale devant le conseil de prud'hommes de Créteil, lequel a, par jugement du 13 septembre 2021, auquel la cour se réfère pour l'exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, a statué comme suit :

- prononce la résiliation judiciaire du contrat de travail liant M. [V] à la société Solbat à compter du 6 mars 2020,

- dit que cette résiliation judiciaire produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- déboute M. [V] de sa demande visant à faire produire à la résiliation judiciaire les effets d'un licenciement nul,

- dit que le salaire de référence de M. [V] s'établit à 2435,99 € bruts mensuels,

- condamne la société Solbat au paiement des sommes suivantes :

- 8234 € à titre de rappel de salaires pour les mois d'octobre 2019 à mars 2020 et 823,40 € au titre des congés payés afférents,

- 2435,99 € au titre d'indemnité compensatrice de préavis et 243,59 € de congés payés afférents,

- 1164,21 € au titre d'indemnité compensatrice de congés payés de mars à octobre 2019,

- 1400 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonne à la société Solbat de remettre au demandeur les documents sociaux conformes à savoir les bulletins de salaire de novembre 2019 à mars 2020, le certificat de travail et l'attestation Pôle emploi correspondante, sous astreinte de 10 € par jour de retard et document, ladite astreinte prenant effet à partir du 16e jour suivant la notification du présent jugement,

- déboute M. [V] de sa demande de paiement d'heures supplémentaires, de l'indemnité de repos compensateur correspondante, et des congés payés afférents,

- déboute M. [V] de sa demande d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,

- ordonne l'exécution provisoire au visa de l'article 515 du code de procédure civile,

- dit que les condamnations de nature indemnitaire porteront intérêt au taux légal en application de l'article 1231-7 à compter de la notification du présent jugement,

- déboute M. [V] du surplus de ses demandes,

- met les éventuels dépens à la charge de la société Solbat.

Par déclaration du 16 octobre 2021, M. [V] a interjeté appel de cette décision.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 14 janvier 2022, M. [V] demande à la cour de :

- déclarer recevable l'appel formé par M. [V] de la décision rendue par le conseil de prud'hommes de Créteil le 13 septembre 2021,

- infirmer partiellement le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Créteil le 13 septembre 2021,

- dire que la résiliation judiciaire produit les effets d'un licenciement nul,

- dire que le salaire de référence s'élève à la somme de 3 569,90 €,

- condamner la société Solbat au paiement des sommes suivantes :

- 17 338,83 € au titre des heures supplémentaires et 1733,88 € au titre des congés payés afférents,

- 16 841,34 € au titre de l'indemnité repos compensateur et 1684,34€ au titre des congés payés

afférents,

- 21 419,39 € au titre de l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,

- 21 419,39 € au titre de l'indemnité pour licenciement nul,

- confirmer pour le surplus,

- condamner la société Solbat au paiement de la somme de 3 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Solbat aux entiers dépens.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 11 avril 2022, la société Solbat demande à la cour de :

- accueillir la société Solbat en son appel incident,

- infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Créteil en date du 13 septembre 2021 en ce qu'il a dit que le salaire de M. [V] s'établit à 2.435,99 € bruts mensuels et le fixer à 2.103,62 €,

- infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Créteil en date du 13 septembre 2021 en ce qu'il a condamné la société Solbat au paiement de la somme de 8.234 € à M. [V] au titre du rappel de salaire pour les mois d'octobre 2019 à mars 2020 et de fixer le montant du rappel de salaire sur cette période à la somme de 5.657,50 €,

- infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Créteil en date du 13 septembre 2021 en ce qu'il a condamné la société Solbat au paiement des sommes suivantes à M. [V] :

- 823,40 € au titre des congés payés afférents au rappel de salaire pour les mois d'octobre 2019 à mars 2020,

- 243,59 € au titre des congés payés afférents au préavis,

- 1.164,21 € au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés de mars à octobre 2019,

au motif que la société Solbat cotise à la caisse des congés payés du bâtiment,

- condamner M. [V] à payer la somme de 7.284,90 € au titre du trop perçu en exécution du jugement du conseil de prud'hommes de Créteil en date du 13 septembre 2021,

- infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Créteil en date du 13 septembre 2021 en ce qu'il a prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail de M. [V] et déclarer le licenciement pour faute grave de M. [V] justifié,

A titre subsidiaire : si la cour devait estimer le licenciement sans cause réelle et sérieuse de M. [V],

- fixer l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à la somme de 2.103,62 € (un mois de salaire brut),

- fixer l'indemnité de licenciement à la somme de 525,90 €,

- infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Créteil en date du 13 septembre 2021 en ce qu'il a condamné la société Solbat au paiement de la somme de 1.400 € à M. [V] au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Créteil en date du 13 septembre 2021 en ce qu'il a refusé de prononcer la nullité du licenciement et en ce qu'il l'a débouté de sa demande d'indemnité pour licenciement nul,

- confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Créteil en date du 13 septembre 2021 en ce qu'il a débouté M. [V] de sa demande au titre des heures supplémentaires et du repos compensateur,

- confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Créteil en date du 13 septembre 2021 en ce qu'il a refusé de prononcer la nullité du licenciement et en ce qu'il l'a débouté de sa demande au titre d'indemnité pour travail dissimulé,

- condamner M. [V] à payer la somme de 1.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile à la société Solbat,

- débouter M. [V] de sa demande de 3.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- le condamner aux dépens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 27 mars 2024 et l'affaire a été fixée à l'audience du 30 avril 2024.

Pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la résiliation judiciaire du contrat de travail

Pour infirmation de décision entreprise, la société Solbat soutient en substance que le salarié ne s'est plus jamais rendu sur son lieu de travail depuis le 18 novembre 2019 sans la moindre explication, sans lettre, sans mail, sans message, sans arrêt de travail plongeant l'employeur dans le plus grand embarras car c'est lui qui conduisait le camion et comme les chantiers se faisaient en binôme, l'employeur a dû annuler certaines interventions afin de se réorganiser ; qu'il ne démontre pas avoir réclamé du travail et que la société a manqué à ses obligations.

M. [V] réplique que l'employeur a manqué gravement à ses obligation en ne lui fournissant par le travail convenu, en ne lui versant pas de salaire dû, en ne lui réglant pas les heures supplémentaires réalisées ainsi qu'en ne respectant pas les temps de repos.

Sur le fondement des articles 1224 et suivants du code civil, il relève du pouvoir souverain des juges du fond d'apprécier si l'inexécution de certaines des dispositions résultant d'un contrat synallagmatique présente une gravité suffisante pour en justifier la résiliation.

Lorsqu'un salarié demande la résiliation judiciaire de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, tout en continuant à travailler à son service, et que ce dernier le licencie ultérieurement pour d'autres faits survenus au cours de la poursuite du contrat, le juge doit d'abord rechercher si la demande de résiliation du contrat était justifiée. C'est seulement dans le cas contraire qu'il doit se prononcer sur le licenciement notifié par l'employeur.

Lorsque le salarié n'est plus au service de son employeur au jour où il est statué sur la demande de résiliation judiciaire, cette dernière prend effet, si le juge la prononce, à la date d'envoi de la lettre de licenciement.

Il résulte des éléments du dossier que le supérieur hiérarchique de M. [V] a demandé à celui-ci de lui restituer les clés du camion de l'entreprise à la suite d'un incident survenu le 16 novembre 2019 et de rentrer chez lui.

Par courrier en date du 9 décembre 2019, le conseil de M. [V] écrivait à la société Solbat pour rappeler que le salarié n'avait plus de nouvelles de la société et qu'il n'avait pas reçu son bulletin de paie ni son salaire du mois de novembre 2019 et qu'il était mandaté pour solliciter la résiliation judiciaire du contrat de travail, sauf règlement amiable du litige.

La société Solbat qui avait l'obligation de fournir du travail et un salaire à M. [V], ne peut opposer que celui-ci ne s'était pas manifesté pour travailler et qu'aucune rémunération n'est due à défaut de travail alors qu'il appartenait à la société de demander à son salarié de justifier de ses absences et de tirer les conséquences du défaut de réponse.

En conséquence, la société Solbat a manqué à ses obligations contractuelles de fourniture de travail et de versement de la rémunération, ce qui constitue un manquement grave de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail.

C'est donc à juste titre que les premiers juges ont prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail.

M. [V] soutient que la résiliation judiciaire produit les effets d'un licenciement nul au motif que la lettre de licenciement indique que 'n'ayant plus de nouvelle [du salarié], [la société ] a cru qu'[il était ] démissionnaire...ce n'est que le 8 janvier 2020 qu'[elle a] compris que [le salarié n'était] pas démissionnaire car [il avait ] saisi le conseil de prud'hommes de Créteil d'une requête en résiliation judiciaire. C'est pourquoi [la société a] engagé la procédure de licenciement' ; qu'il s'agit d'une atteinte au droit fondamental d'ester en justice.

Cependant, si la résiliation judiciaire produit ses effets au jour du licenciement quand celui-ci est intervenu postérieurement à la saisine de la juridiction prud'homale, il n'en demeure pas moins que, comme rappelé ci-avant, c'est seulement lorsque le juge ne retient pas les manquements graves de l'employeur invoqués par le salarié et la résiliation judiciaire du contrat de travail qu'il examine le licenciement prononcé par l'employeur. Dès lors, la cour ayant retenu la résiliation judiciaire du contrat de travail, elle n'a pas à examiner le licenciement et les griefs invoqués par l'employeur à l'appui de celui-ci.

En conséquence, c'est à tort que le salarié soutient que la résiliation judiciaire doit produit les effets d'un licenciement nul pour le motif invoqué et la cour retient, à l'instar des premiers juges, qu'elle a les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse au 6 mars 2020. La décision sera confirmée de ce chef.

Sur le rappel de salaire d'octobre 2019 à mars 2020

Il résulte du relevé bancaire produit par l'employeur que la somme de 1639,17 euros net a été versée à M. [V] au titre du salaire du mois d'octobre 2019.

Eu égard au minimum conventionnel prévu par la convention collective, à la prime panier, à la prime déplacement et à la prime outillage, il reste du par la société la somme de 7 773,99 euros au titre des salaires du mois de novembre 2019 au 6 mars 2020 (sur la base d'un salaire conventionnel de 1 558,69 euros, outre la prime de panier de 12,50 euros par jour et la prime de déplacement) , et la somme de 777,39 euros de congés payés afférents. A cet égard, s'agissant de rappel de salaire sur lequel la société n'a pas pu cotiser à la caisse des congés payés, la société ne peut soutenir valablement que c'est cette caisse qui est redevable des congés payés afférents à ce rappel.

Par infirmation du jugement déféré, la cour condamne la société Solbat à verser ces sommes à M. [V].

Sur l'indemnité compensatrice de congés payés de mars à octobre 2019

C'est à tort que la société Solbat soutient qu'elle justifie avoir cotisé à la caisse de congés payés pour les salaires de mars à octobre 2019 en produisant les bulletins de salaire afférents sur lesquels figure une ligne 'BTP - Caisse de congés payés'. Cet élément est insuffisant à établir qu'elle a effectivement cotisé.

En conséquence, c'est à juste titre que les premiers juges l'ont condamnée à verser au salarié la somme de 1.164,21 € au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés de mars à octobre 2019. La décision sera confirmée de ce chef.

Sur les heures supplémentaires

L'article L.3121-27 du code du travail dispose que la durée légale de travail effectif des salariés à temps complet est fixée à 35 heures par semaine.

L'article L.3121-28 du même code précise que toute heure accomplie au delà de la durée légale hebdomadaire ou de la durée considérée comme équivalente est une heure supplémentaire qui ouvre droit à une majoration salariale ou, le cas échéant, à un repos compensateur équivalent.

En application de l'article L.3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

Pour infirmation de la décision sur ce point, le salarié présente les éléments suivants :

- un tableau hebdomadaire des heures travaillées précisant l'heure de départ du domicile, d'arrivée chez le client, de départ du chez le client, d'arrivée à l'entrepôt de l'entreprise, du temps de conduite, du temps de travail effectif, des heures supplémentaires à 25% et à 50%;

- un document manuscrit émanant du salarié et précisant les tâches accomplies ainsi que les trajets.

Le salarié présente ainsi des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il dit avoir réalisées, permettant à la société Solbat qui assure le contrôle des heures effectuées d'y répondre utilement.

A cet effet, la société fait valoir que le nombre d'heures supplémentaires que le salarié prétend avoir réalisé est irréaliste, soit 19,65 heures par jour en mai, 21,64 heures ar jours en juin 2019 etc..

Elle produit l'attestation de M. [D], directeur commercial, chargé d'établir les plannings et selon lequel il prenait en considération les temps de transport de chacun afin que ces derniers n'excèdent pas la durée contractuelle journalière de travail, précisant que 'c'est dans ce contexte que [il a ] établi les plannings de M. [V] en prenant soin de respecter le temps de travail contractuel' ; ' A cet effet, et lorsque le déplacement était trop lointain, [il effectuait] des réservations hôtelières pour M. [V] afin que ce dernier puisse exercer ses fonctions en toute quiétude', tenant 'également à préciser que ni M. [V], ni aucun de ses collègues ne s'est jamais plaint de réaliser des heures supplémentaires non payées' » .

Cependant la cour relève qu'aucun justificatif des réservations hôtelières invoquées n'est produit au dossier, pas plus que les plannings invoqués par M. [D], qu'en outre l'absence de plainte des salariés n'est pas un élément probant.

En conséquence, eu égard aux éléments présentés par le salarié et aux observations de l'employeur, la cour a la conviction que M. [V] a exécuté des heures supplémentaires qui n'ont pas été rémunérées et après analyse des pièces produites, par infirmation du jugement déféré, condamne la société Slobat à lui verser la somme 3 084,52 euros brut à ce titre outre la somme de 308,45 euros brut de congés payés afférents.

Eu égard aux heures supplémentaires retenues par la cour et au dépassement du contingent annuel des heures supplémentaires fixé à 220 heures, la société Solbat devra verser au salarié la somme de 261,43 euros au titre de la contrepartie obligatoire, en ce compris les congés payés.

Sur le travail dissimulé

Aux termes de l'article L.8223-1 du code du travail, le salarié auquel l'employeur a recours dans les conditions de l'article'L.8221-3 ou en commettant les faits prévus à l'article'L.8221-5 du même code relatifs au travail dissimulé a droit, en cas de rupture de la relation de travail, à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

L'article'L.8221-5, 2°, du code du travail dispose notamment qu'est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour un employeur de mentionner sur les bulletins de paie un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli.

Toutefois, la dissimulation d'emploi salarié prévue par ces textes n'est caractérisée que s'il est établi que l'employeur a agi de manière intentionnelle.

En l'espèce, il n'est pas établi que c'est de manière intentionnelle que l'employeur a dissimulé la réalisation des heures supplémentaires réalisées par de M. [V]. La cour le déboute donc de sa demande d'indemnité forfaitaire à ce titre.

Sur les conséquences financières de la résiliation judiciaire du contrat de travail

Compte tenu de la rémunération de M. [V] et de ancienneté, le salarié est en droit de percevoir:

- 2 103,62 euros d'indemnité compensatrice de préavis ;

- 210,36 euros de congés payés afférents.

La cour relève que le conseil de prud'hommes n'a pas statué sur la demande d'indemnité de licenciement mais que le salarié ne sollicite pas d'indemnité de licenciement à hauteur de cour.

En application de l'article L.1235-3 du code du travail dans sa rédaction issue de la loi n°2008-217 du 29 mars 2018, si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis. Si l'une ou l'autre des parties refuse cette réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant, eu égard à son ancienneté, est compris entre 1 mois et 2 mois de salaire.

Compte tenu notamment de l'effectif de l'entreprise, du montant de la rémunération versée au salarié, de son âge, de son ancienneté, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu'ils résultent des pièces et des explications fournies, étant relevé qu'il ne justifie pas de sa situation actuelle, la cour est en mesure de lui allouer la somme de 2 500 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur l'obligation de sécurité et le temps de repos quotidien

Il résulte des heures supplémentaires réalisées par le salarié telles que retenues, que le temps de repos quotidien a été respecté par l'employeur. Aucun élément n'établit que l'employeur aurait par ailleurs manqué à son obligation de sécurité et notamment il n'est pas produit de pièce relative à un accident de circulation dont le salarié aurait été victime en octobre 2019 et qui aurait eu pour origine un manque de sommeil du à son temps de travail. En conséquence, c'est à juste titre que le salarié a été débouté de sa demande de dommages-intérêts à ce titre. La décision sera confirmée de ce chef.

Sur les documents de fin de contrat

La société Solbat devra remettre à M. [V] un certificat de travail, une attestation France Travail, un bulletin de salaire récapitulatif et un solde de tout compte conformes à la présente décision dans un délai de deux mois à compter de sa signification sans qu'il y ait lieu à astreinte.

Sur les frais irrépétibles

La société Solbat sera condamnée aux entiers dépens et devra verser à M. [V] la somme de 1500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, la somme prononcée à ce titre par les premiers juges étant confirmée.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et mis à disposition au greffe,

CONFIRME le jugement déféré en ce qu'il a prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail de M. [V] produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse au 6 mars 2020 ; en ce qu'il a condamné la SASU Solbat à verser à M. [M] [V] la somme de 1.164,21 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés de mars à octobre 2019 et la somme de 1400 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

INFIRME pour le surplus ;

Statuant à nouveau et y ajoutant :

CONDAMNE la SASU Solbat à verser à M. [M] [V] les sommes suivantes :

- 7 773,99 euros au titre des salaires du mois de novembre 2019 au 6 mars 2020 ;

- 777,39 euros de congés payés afférents ;

- 3 084,52 euros brut d'heures supplémentaires ;

- 308,45 euros brut de congés payés afférents.

- 261,43 uros au titre de la contrepartie obligatoire, en ce compris les congés payés ;

- 2 103,62 euros d'indemnité compensatrice de préavis ;

- 210,36 euros de congés payés afférents ;

- 2 500 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse;

RAPPELLE que les sommes de nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter de la date de réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation du conseil des prud'hommes, les autres sommes à caractère indemnitaire porteront intérêts au taux légal à compter de la décision qui les alloue ;

DÉBOUTE M. [M] [V] de sa demande d'indemnité au titre du travail dissimulé;

CONDAMNE la SASU Solbat à remettre à M. [M] [V] un certificat de travail, une attestation France Travail, un bulletin de salaire récapitulatif et un solde de tout compte conformes à la présente décision dans un délai de deux mois à compter de sa signification sans qu'il y ait lieu à astreinte ;

CONDAMNE la SASU Solbat aux entiers dépens ;

CONDAMNE la SASU Solbat à verser à M. [M] [V] la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

La greffière, La présidente.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 11
Numéro d'arrêt : 21/08592
Date de la décision : 25/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 01/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-25;21.08592 ?
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