Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 11
ARRET DU 25 JUIN 2024
(n° , 9 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/08579 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEQB7
Décision déférée à la Cour : Jugement du 09 Septembre 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 20/07757
APPELANTE
Madame [O] [A]
[Adresse 2]
[Localité 5]
Représentée par Me Abdelaziz MIMOUN, avocat au barreau de VERSAILLES, toque : 89
INTIMEE
S.A.S. ALEXANDRE [J]
[Adresse 4]
[Localité 3]
Représentée par Me Renaud ROQUETTE, avocat au barreau de LAVAL, toque : 18
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 30 Avril 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Isabelle LECOQ-CARON, Présidente de chambre, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
Madame Isabelle LECOQ-CARON, Présidente de chambre,
Madame Anne HARTMANN, Présidente de chambre,
Madame Catherine VALANTIN, Conseillère,
Greffier, lors des débats : Madame Manon FONDRIESCHI
ARRET :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Isabelle LECOQ-CARON, Présidente de chambre, et par Madame Manon FONDRIESCHI, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
RAPPEL DES FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Mme [O] [A], née en 1985, a été engagée par la SAS Alexandre [J], par un contrat de travail à durée déterminée à temps partiel à compter du 23 septembre 2013 en qualité de démonstratrice.
Ce contrat a été prolongé jusqu'au 29 mars 2014.
Le 30 mars 2014, Mme [A] a été embauchée en tant que vendeuse au coefficient 180 à raison de 28 heures par semaine en contrat à durée indéterminée.
Divers avenants concernant la durée ou le lieu de travail ont été signés.
Les relations entre les parties étaient régies par la convention collective nationale des industries textiles.
Mme [A] a fait l'objet d'une mutation disciplinaire en date du 6 juillet 2018.
En dernier lieu, elle exerçait la fonction de vendeuse niveau 2 échelon 3 à raison de 121,33 heures par mois, et exerçait ses fonctions sur le stand linge de table Alexandre [J] situé aux Galeries Lafayette maison au [Adresse 1], à [Localité 6].
Par lettres datées des 14 et le 21 janvier 2020 Mme [A] a été convoquée à un entretien préalable fixé au 5 février 2020 avant d'être licenciée pour faute grave par lettre datée du 20 février 2020.
A la date du licenciement, Mme [A] avait une ancienneté de 6 ans et 4 mois, et la société Alexandre [J] occupait à titre habituel moins de onze salariés.
Contestant à titre principal la validité et à titre subsidiaire la légitimité de son licenciement et réclamant diverses indemnités, outre des dommages et intérêts pour harcèlement moral, Mme [A] a saisi le 22 octobre 2020 le conseil de prud'hommes de Paris qui, par jugement du 9 septembre 2021, auquel la cour se réfère pour l'exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, a statué comme suit :
- déboute Mme [A] de l'ensemble de ses demandes,
- déboute la société Alexandre [J] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par déclaration du 15 octobre 2021, Mme [A] a interjeté appel de cette décision, notifiée le 18 septembre 2021.
Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 14 janvier 2022, Mme [A] demande à la cour de :
- infirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Paris, section industrie, le 9 septembre 2021 en ce qu'il a débouté Mme [A] de l'ensemble de ses demandes,
statuant sur les points contestés par l'appel formé par Mme [A] :
- condamner la société Alexandre [J] à verser à Mme [A] la somme de 5 000 € en réparation du préjudice moral pour non-respect de l'obligation de prévention des risques,
- condamner la société Alexandre [J] à verser à Mme [A] la somme de 14.185,85 € au titre dommages et intérêts licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- condamner la société Alexandre [J] à verser à Mme [A] la somme de 4.053,10 € d'indemnité compensatrice de préavis et 405,31 € de congés payés afférents,
- condamner la société Alexandre [J] à verser à Mme [A] la somme de 3.293,14 € d'indemnité légale de licenciement,
- condamner la société Alexandre [J] à verser à Mme [A] la somme de 2.500,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société Alexandre [J] aux entiers dépens, y compris ceux d'exécution.
Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 5 avril 2022, la société Alexandre [J] demande à la cour de :
- confirmer le jugement, sauf en ce qu'il a débouté la société Alexandre [J] de sa demande en application de l'article 700 du CPC,
- débouter Mme [A] de toutes ses demandes,
- condamner Mme [A] à payer à la société Alexandre [J] la somme de 4 000 € au titre de l'article 700 du CPC,
- condamner Mme [A] aux dépens.
Les parties ont été enjointes à la médiation par une ordonnance rendue par le conseiller de la mise en état le 22 novembre 2023.
Les parties ont rencontré le médiateur le 10 avril 2024.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 30 avril 2024, et l'audience a été fixée à la même date.
Pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DÉCISION
A titre liminaire, la cour relève qu'il n'est pas interjeté appel des chefs du jugement ayant débouté Mme [A] de sa demande au titre du harcèlement moral et de voir juger son licenciement nul.
Sur la prévention des risques professionnels
Pour infirmation de la décision entreprise, Mme [A] soutient en substance que son employeur n'a pas mis en place les mesures pour la préserver des risques psychosociaux alors qu'il avait connaissance de l'acharnement dont elle était victime de la part de sa hiérarchie ou de ses collègues ; qu'elle sollicite donc des dommages-intérêts pour préjudice moral.
La société [J] réplique que la salariée ne précise pas les risques anormaux et injustes auxquels elle aurait été exposée, ni en quoi l'employeur aurait été défaillant ; qu'elle n'a dénoncé aucun fait avant son licenciement.
En application de l'article L.4121-1 du code du travail dans sa rédaction applicable, l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.
Ces mesures comprennent :
1° Des actions de prévention des risques professionnels et de la pénibilité au travail,
2° Des actions d'information et de formation,
3° La mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.
L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes.
L'article L. 4121-2 du même code précise que l'employeur met en oeuvre les mesures prévues à l'article L. 4121-1 sur le fondement des principes généraux de prévention suivants:
1° Eviter les risques ;
2° Evaluer les risques qui ne peuvent pas être évités ;
3° Combattre les risques à la source ;
4° Adapter le travail à l'homme, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail et des méthodes de travail et de production, en vue notamment de limiter le travail monotone et le travail cadencé et de réduire les effets de ceux-ci sur la santé ;
5° Tenir compte de l'état d'évolution de la technique ;
6° Remplacer ce qui est dangereux par ce qui n'est pas dangereux ou par ce qui est moins dangereux ;
7° Planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l'organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l'influence des facteurs ambiants, notamment les risques liés au harcèlement moral et au harcèlement sexuel, tels qu'ils sont définis aux articles L. 1152-1 et L. 1153-1, ainsi que ceux liés aux agissements sexistes définis à l'article L. 1142-2-1 ;
8° Prendre des mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle ;
9° Donner les instructions appropriées aux travailleurs.
Lorsque le salarié invoque un manquement de l'employeur aux règles de prévention et de sécurité à l'origine d'agissements dont il a été victime, il appartient à l'employeur de justifier avoir pris toutes les mesures prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail.
En l'espèce, Mme [A] produit l'attestation de Mme [P] selon laquelle on lui a demandé de 'pousser à bout Mme [A] afin de la mener à la démission' en précisant qu'elle ne l'a pas fait en démissionnant elle même. Elle verse également aux débats l'attestation de Mme [M], retraitée de la société, qui certifie, 'après avoir visiter plusieurs fois [O] sur le stand', avoir été témoin du harcèlement psychologique et physique et que Mme [A] a prévenu M. [K] 'qui celui-ci l'agresse verbalement qui a été suivi d'une mutation disciplinaire'. Cette attestation est insuffisamment précise et circonstanciée pour avoir un quelconque caractère probant.
Les échanges de SMS entre M. [Z] (manager groupe) et Mme [A], en partie illisibles et en tout état de cause non datés, permettent seulement de caractériser des difficultés quant à des questions de 'palettes'. L'attestation de Mme [N], cliente du magasin, ne fait que rapporter son mécontentement au regard du comportement de Mme [I] [R] envers l'attestante.
Si les attestations sus-visées sont peu probantes, il est cependant admis que dès réception de la convocation à l'entretien préalable au licenciement, Mme [A] a fait part au président de la société de ce qu'elle se sentait épiée voir harcelée par Mme [I] [R]. Or l'employeur ne justifie pas, ni au demeurant ne soutient, avoir mis en place des mesures de nature à prévenir les faits invoqués par la salariée et notamment avoir diligenté une enquête sur la réalité des agissements dénoncés par elle, quand bien même l'employeur en a eu connaissance après la délivrance de la convocation. Ce manquement de l'employeur à son obligation de sécurité a causé un préjudice à la salariée justifié par les éléments médicaux produits. Par ajout à la décision critiquée, la société sera donc condamnée à verser à Mme [A] la somme de 1 000 euros en réparation du préjudice moral.
Sur le licenciement
La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise même pendant la durée du préavis.
L'employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve.
Il est constant que le juge a le pouvoir de requalifier la gravité de la faute reprochée au salarié en restituant aux faits leur exacte qualification juridique conformément à l'article'12 du code de procédure civile ; qu'en conséquence, si le juge ne peut ajouter d'autres faits à ceux invoqués par l'employeur dans la lettre de licenciement, lorsque celui-ci intervient pour motif disciplinaire, il doit rechercher si ces faits, à défaut de caractériser une faute grave, comme le prétend l'employeur, ne constituent pas néanmoins une cause réelle et sérieuse de licenciement.
En application de l'article L.1332-4 du code du travail, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales.
Il est constant que ce n'est pas la date des faits qui constitue le point de départ du délai mais celle de la connaissance par l'employeur des faits reprochés. Cette connaissance par l'employeur s'entend d'une 'connaissance exacte de la réalité, de la nature et de l'ampleur des faits'. Cette connaissance peut dépendre de la réalisation de vérifications auxquelles l'employeur doit procéder pour s'assurer de la réalité, de la nature et de l'ampleur des faits reprochés
La lettre de licenciement du 20 février 2020 est rédigée en ces termes :
'... * Votre absence injustifiée le 24 décembre 2019 :
Vous ne vous êtes pas présentée à votre poste de travail à cette date. Vous ne nous avez pas contactés pour nous signaler votre absence et vous ne nous avez transmis aucun justificatif d'absence comme vous êtes tenue de le faire, dans les 48 heures.
N'étant pas informés de votre absence, nous n'avons pas pu prévoir votre remplacement.
Or comme vous le savez, la journée du 24 décembre est une journée de forte affluence, où nous réalisons un chiffre d'affaires important. En nous prévenant, même le matin même, nous aurions pu trouver une solution de remplacement en urgence. A ce jour, nous n'avons aucun justificatif de votre part pour cette absence.
* Le non-respect de vos horaires de travail :
Comme vous pouvez le constater ci-dessous, vous ne respectez pas le planning établi par la direction qui vous est communiqué mensuellement.
(tableau)
En date du 23 décembre 2019 vous avez pris votre poste à 11H22 alors que vous deviez arriver à 10H. Vous aviez donc 1H22 de retard et nous n'avons pas enregistré de pointage de sorite.
En date du 29 décembre 2019, vous avez pris votre poste à 13H11 alors que vous deviez arriver à 11H30, vous aviez donc 1H40 de retard et avez quitté votre poste à 19H48 alors que vous deviez terminer à 19H30 soit 18 minutes plus tard que prévu.
En date du 30 décembre 2019, vous avez pris votre poste à 9H42 alors que vous deviez arriver à 10H, vous aviez donc 18 minutes de retard et avez quitté votre poste à 19H08 alors que vous deviez terminer à 20H soit 52 minutes avant l'heure prévue.
Au cours du mois de janvier 2020, nous constatons la même chose, vous réalisez les horaires à votre convenance.
(Tableau)
....
* La mauvaise utilisation du système de pointage : nous n'avons aucun pointage de votre part :
- Les 21 et 22 décembre 2019,
- Les 14 et 15 janvier 2020,
- Le 19 janvier 2020
Nous sommes donc dans l'impossibilité de savoir si vous étiez réellement présente à son poste de travail.
Lors de l'entretien, vous nous avez indiqués que lorsque vous oubliez votre badge, vous remplissez une feuille de pointage à l'entrée du personnel, en arrivant.
Or, vous n'avez jamais fait état de ces manquements de pointage à votre manager. * Il a été constaté à plusieurs reprises que vous vous absentiez de votre poste de travail pour prendre des pauses sans prévenir vos collègues et/ou manager.
Nous avons réceptionné un e-mail le 23 janvier 2020 dans le quel le responsable du développement commercial des Galeries Lafayette nous informe que le lundi 20 janvier 2020 vous vous êtes absentée plusieurs fois de votre poste au cours de la journée sans en informer les managers et pour une longue durée. Cela a contraint les démonstratrices des stands voisins à accueillir et renseigner notre clientèle.
En date du 21 janvier 2020, lune de vos collègues vous a appelé pour vous signaler qu'une cliente du Printemps Haussmann allait arriver sur votre stand dans les prochaines minutes afin d'acheter des articles qui n'étaient plus disponibles au Printemps, elle vous demandé de mettre les articles de côté. Vous lui avez confirmé que vous attendiez la cliente. La cliente en question est arrivée 5 minutes après dans votre rayon et n'a trouvé personne. Elle a attendu près de 15 minutes et était mécontente du mauvais accueil alors qu'elle s'était déplacée spécialement pour avoir les articles manquants. Une collaboratrice de stand [C] [E], témoin de la scène, a fini par s'occuper de notre cliente afin d'éviter de la faire attendre plus longtemps et d'éviter tout conflit. Or en période de promotions les démonstratrices des stands voisins sont déjà débordées par leur propre clientèle. Vous avez quitté le stand plus de 20 minutes. De plus les démonstratrices des stands voisins ne connaissent pas nos produits et votre remplacement ponctuel ne fait pas partie de leurs missions. Le risque est également de perdre la réalisation de ventes.
Le 29 janvier 2020, dans la matinée, le directeur commercial est passé sur la surface de vente de manière spontanée sans vous avertir au préalable et a constaté votre absence. Confuse, vous avez tenté de joindre le directeur commercial sur son portable peu de temps après son passage.
* Le non respect de vos obligations contractuelles :
En date du 15 janvier 2020, votre collègue qui partage votre stand et qui est également chargée de la coordination des équipes de vente des grands magasins est arrivée plus tôt que prévue vers 11H sur le stand pour faire des travaux administratifs.
Vous étiez assise occupée à regarder votre téléphone portable personnel alors que des clients étaient présents sur notre point de vente et qu'ils souhaitaient des renseignements sur le modèle DEDALE. Votre collègue occupée au téléphone pour les plannings vous a demandé de renseigner les personnes, vous lui avez rétorqué 'bah, tu peux t'en occuper'.
Or il vous appartenait de respecter vos obligations contractuelles sans que vous puissiez vous permettre de vaquer à vos occupations personnelles.
L'article 3 (fonctions) de votre contrat de travail prévoit notamment : 'Mme [A] [O] sera chargée, sous l'autorité de la Direction de la vente des produits commercialisés par la société AT : d'accueillir la clientèle avec courtoisie et de lui fournir tout renseignement susceptible de mettre en valeur les produits cités ci-dessus ; de favoriser les ventes en conseillant la clientèle dans son choix et en lui faisant valoir, par une argumentation adapté, les articles spécialisés du rayon (...)'.
Ce que vous n'avez pas respecté. Pire, vous avez eu une attitude inadaptée e irrespectueuse envers votre collègue devant notre clientèle.
* Votre comportement auprès des clients et de vos collègues de travail :
En date du 5/01/2020 vous avez eu une altercation verbale avec la responsable du stand voisin, le stand Descamps/Jalla. Le stand voisin concurrent de nôtre a réalisé une vente importante avec un client habituel. Vous avez intentionnellement dénigré les produits de notre concurrent. Suite à cette vente vous vous êtes rendue sur le stand voisin et avec manqué de respect et hurlé après la responsable devant les autres démonstrateurs et également devant les clients. Vous ne vouliez ni quitter le stand ni vous arrêter de crier.
Mme [G] [H], responsable du stand Descamps/Jalla nous a fait part de cette altercation dans un e-mail reçu le 6 janvier 2020. Elle fait état d'une situation inédite en trente ans de carrière. Elle précise qu'elle avait déjà été témoin de ce type de comportement de votre part envers d'autres personnes par le passé.
Mme [U] [S], responsable des ventes des Grands Magasins pour la marque [C] [E] nous a confirmé dans un e-mail du 11 janvier 2020 que ses collaboratrices, témoins de la scène lui ont évoqué la situation. Elle précise que vous n'hésitez pas à dénigrer les concurrents pour casser les ventes des autres stands.
Nous constatons également que vous n'hésitez pas à dénigrer le professionnalisme de votre collègue en indiquant qu'elle est totalement désintéressée du chiffre d'affaires sur son stand afin de vous protéger.
En date du 16 janvier 2020, après avoir reçu votre convocation à un entretien avec la direction, vous faites parvenir un e-mail à M. [W] président de l'entreprise, dans lequel vous signalez que vous sentez épiée, limite harcelée par votre collègue [I].
Vous précisez : 'elle a déclaré travailler un dimanche 7 juillet payer double avec une récupération sans avoir y travailler (faute grave)'. (...) 'Elle est malhonnête'. (...)
'Elle se repose complètement sur moi pour les ventes du à mes compétences de ventes. Exaspérée par ce nouveau stand qui l'amène à avoir un comportement déplorable avec les clients. Une plante a été déposée à la direction des galeries Haussmann à son encontre, retour de 2 000 euros, la manager des ventes m'a donner là plainte.'
Or à aucun moment depuis que vous travaillez avec [I], vous ne nous avez fait part de cette situation. Ni par oral, ni par écrit. Nous nous étonnons donc de constater que c'est au moment de votre convocation que vous nous faites part de tels agissements de la part de notre collaboratrice.
De plus, nous n'avons pas constaté un comportement tel que vous le décrivez de la part de votre collègue. Contrairement à ce que vous soutenez, elle n'a pas déclaré avoir travaillé le dimanche 7 juillet 2019.
Votre comportement inacceptable, inadapté et regrettable, caractérise un manquement grave à vos obligations contractuelles.
Compte tenu de vos agissements fautifs récurrents qui nuisent à notre image, qui perturbent le bon fonctionnement de notre stand Alexandre [J] des Galeries Lafayette et qui rendent impossible votre maintien dans l'entreprise, nous avons pris la décision de vous licencier pour faute grave...'
Il est donc reproché à la salariée son absence injustifiée le 24 décembre 2019, le non-respect des horaires de travail, la mauvaise utilisation du système de pointage, des absences à son poste de travail pour prendre des pauses sans prévenir ses collègues et/ou manager, le non respect de ses obligations contractuelles, son comportement auprès des clients et de ses collègues de travail.
Mme [A] ne conteste pas son absence du 24 décembre 2019, mais indique avoir averti sa collègue [I] le matin même par SMS qu'elle produit aux débats avec mention de la date 24 décembre, l'heure 7H53 et le destinataire '[I] [J]'. Ce grief n'est donc pas établi.
Sur le non-respect des horaires de travail, si la salariée ne conteste pas le non-respect des horaires tels que fixés dans le planning pour la période visée dans la lettre de licenciement, elle fait valoir que les mois de décembre 2019 et janvier 2020 ont été marqués par des grèves importantes dans les transports, ce dont elle justifie, et qu'elle habite à [Localité 5] soit à 33 kilomètres des Galeries Lafayette et 43 minutes en train. Elle souligne à juste titre que son employeur lui reproche même d'arriver en avance. Eu égard aux explications de la salariée, la cour ne retient pas ce grief.
Sur la mauvaise utilisation du système de pointage, comme le relève de manière pertinente la salariée, la société ne produit pas aux débats la feuille de pointage que Mme [A] dit renseigner lorsqu'elle oublie son badge. Et il n'est pas établi qu'elle a procédé aux vérifications permettant de déterminer si, pour les jours visés dans la lettre de licenciement, la salariée a ou non pointé, ne serait-ce que sur la feuille de pointage. En conséquence, la cour ne retient pas ce grief.
Sur la prise de pauses sans prévenir, si Mme [A] ne conteste pas s'absenter de son poste, elle oppose qu'elle a droit à une pause comme indiqué sur les plannings, que cette pause peut-être fractionnée, et qu'elle s'absente pour se rendre dans les locaux où se trouvent les stocks. Sur ce dernier point, la société ne répond pas. En l'absence d'explication de l'employeur sur la nécessité de s'absenter pour se rendre dans les locaux où se trouvent les stocks, la cour ne retient pas ce grief.
Sur le non-respect des obligations contractuelles, Mme [A] conteste les faits reprochés et la société ne produit aucune pièce probante à l'appui de ce grief qui ne sera pas retenu.
Sur le comportement inadapté, les éléments versés aux débats établissent la réalité d'un incident survenu avec la responsable du stand Descamps. Pour autant, la salariée verse aux débats l'attestation d'une cliente qui met en doute l'origine de l'incident. L'e-mail envoyé par Mme [S] le 11 janvier 2020 à M. [Z] selon lequel 'l'attitude n'est pas nouvelle chez [O]. J'en ai entendu parler déjà quand elle était au Printemps. Elle n'a pas bonne réputation, elle dénigre les concurrents et est capable de casser les ventes des autres. Comme toute le monde était au courant, les filles étaient vigilantes et faisaient avec mais je pense que [O] est montée en puissance ces dernières semaines pour que ses collègues réagissent ainsi', ne fait référence qu'à la réputation de Mme [A] et ne donne pas d'éléments précis sur l'attitude de celle-ci vis-à-vis de la concurrence.
Il s'ensuit que la cour ne retient pas ce grief.
En conséquence, force est de constater que l'employeur n'établit pas l'existence d'une faute de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail ni d'une cause réelle et sérieuse de licenciement de Mme [A] de telle sorte que par infirmation de la décision critiquée, la cour retient que celui-ci est dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Sur les conséquences financières
Mme [A] est en droit de percevoir une indemnité compensatrice de préavis correspondant aux salaires qu'elle aurait perçus pendant les deux mois de préavis, soit la somme de 4 053,10 euros outre 405,31 euros de congés payés.
En outre, la société doit lui verser une indemnité de licenciement de 3 293,14 euros eu égard à son ancienneté qui doit prendre en compte le délai de préavis et dans la limite de la demande.
En application de l'article L.1235-3 du code du travail dans sa rédaction issue de la loi n°2008-217 du 29 mars 2018, si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis. Si l'une ou l'autre des parties refuse cette réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant, eu égard à son ancienneté, est compris entre 3 mois et 7 mois de salaire.
Compte tenu notamment de l'effectif de l'entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à Mme [A], de son âge, de son ancienneté, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu'ils résultent des pièces et des explications fournies, la salariée justifiant de la perception des allocations chômage, la cour est en mesure de lui allouer la somme de 14 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, en application de l'article L.1235-3 du code du travail dans sa version applicable au litige.
Sur les indemnités chômage
En application de l'article L.1235-4 du code du travail, il convient d'ordonner le remboursement par la société [J] des indemnités de chômage versées à Mme [A] dans la limite de 6 mois.
Sur les frais irrépétibles
La société [J] sera tenue aux entiers dépens et devra verser à Mme [A] la somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant publiquement, par arrêt mis à disposition au greffe,
INFIRME le jugement dans les limites des chefs critiqués,
Statuant à nouveau et y ajoutant ;
JUGE le licenciement de Mme [O] [A] dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
CONDAMNE la SAS Alexandre [J] à verser à Mme [O] [A] les sommes suivantes :
- 1 000 euros de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral ;
- 4 053,10 euros d'indemnité compensatrice de préavis ;
- 405,31 euros de congés payés afférents ;
- 3 293,14 euros d'indemnité de licenciement ;
- 14 000 euros d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
RAPPELLE que les sommes de nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter de la date de réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation du conseil des prud'hommes, les autres sommes à caractère indemnitaire porteront intérêts au taux légal à compter de la décision qui les alloue ;
CONDAMNE la SAS Alexandre [J] à rembourser à France Travail les indemnités chômage perçues par Mme [O] [A] dans la limite de 6 mois ;
CONDAMNE la SAS Alexandre [J] aux entiers dépens ;
CONDAMNE la SAS Alexandre [J] à verser à Mme [O] [A] la somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
La greffière, La présidente.